Le récit est aussi vivant grâce à son inscription dans le temps. Les marques
temporelles accentuent la notion d’aventure (« un jour », « le lendemain »). Le récit est
aussi inscrit dans l’espace, un espace où Jean-Jacques est seul (ligne 4 « solitude »).
DEUXIÈME AXE : UN APOLOGUE PHILOSOPHIQUE
Il ne faut pas oublier que Rousseau n’est pas qu’autobiographe, il est aussi un
philosophe des Lumières et à ce titre, il écrit un texte qui mêle sensibilité et analyse.
La sensibilité de Rousseau est incontestable et la fin du texte, pourtant, démontre
que le jeune garçon est arrivé à un degré d’insensibilité important. Cela est dû à une
socialisation défaillante. Le cœur de la philosophie de Rousseau tient en une phrase célèbre :
« l’homme est naturellement bon, c’est la société qui le corrompt (ou qui le pervertit)». Le
texte illustre cette démonstration.
La première partie du texte montre un enfant qui suit son instinct (ou sa faim ?). La
métaphore du jardin des Hespérides évoque le désir, l’idéal. Pour lui, voler une pomme, c’est
accéder à un idéal que sa nature réclame. Aucun vocabulaire de la culpabilité ( texte du
ruban volé).
A ce titre, deux adverbes sont identiques dans cette fin de texte (insister sur la
répétition de « tranquillement ») :
Ligne 21 : « je me remets à l’ouvrage aussi tranquillement que si je n’avais rien fait » = il
ne voit pas que son acte s’assimile à un vol. Il se pense innocent. Ou plutôt il ne pense
pas, il agit.
Ligne 37 : « sur cette idée, je me mis à voler plus tranquillement » = il a désormais une
conscience de son acte (par la punition cruelle) mais
Il se crée une barrière mentale, une carapace, pour se protéger
Il anticipe les punitions à venir et ne les craint plus
Il défie son maître en perdant son innocence
La violence exercée sur lui entraîne chez l’enfant une confusion entre le bien et le
mal. On remarque qu’il est désormais dans la réaction (le mot « vengeance », ligne 33 =
instinct de l’enfant battu)
La phrase la plus importante de cet apologue est donc : « je jugeais que me battre
comme fripon c’était m’autoriser à l’être » : la violence entraîne une mauvaise image de soi,
la violence engendre la violence, la violence lève les interdits.
C’est donc le regard de l’autre qui crée son comportement. Rousseau va se conformer
à l’image qu’autrui a de lui.
Et c’est donc le Maître qui est coupable (il représente la Société incapable de
percevoir la sensibilité des individus). Rousseau va donc utiliser un champ lexical du
jugement (« je jugeais que », « je me disais ») et il illustre les conséquences de cette
violence par un seul mot : « soit ».
« Soit, je suis là pour l’être ». Soit est un terme d’acceptation (=je suis fait pour)
On peut donc parler de déterminisme.
Conclusion
L’éducation a toujours été un sujet de réflexion pour Rousseau. Ici il évoque la notion
de faute à travers un vol de pomme. C’est le symbole biblique du péché. Mais c’est
l’innocence bafouée qu’il s’intéresse à mettre en valeur. C’est en mélangeant le comique et le
dramatique, l’ingénuité et la cruauté qu’il espère toucher le lecteur et le faire réfléchir.