VII) Alimentation azotée Les matières azotées sont des substances plastiques dont le rôle principal est l’élaboration des protéines de constitution de l’organisme, des productions ou de protéines fonctionnelles (enzymes, hormones, anticorps…). Leur second rôle est de fournir de l’énergie, lorsque les AA absorbés dépassent les possibilités de synthèse de l’organisme (trop d’azote par rapport à l’énergie ingérée). Ces AA excédentaires sont dégradés (pour fournir de l’énergie). Ceci s’accompagne de production d’azote éliminée dans les urines sous forme d’urée. 7.1) Les dépenses azotées On considère deux types de dépenses : Le renouvellement constant des tissus de l’organisme et les synthèses de substances liées à son fonctionnement : il s’agit des dépenses d’entretien ; L’exportation des protéines des produits : gain de poids, fœtus, lait, œufs, … L’alimentation azotée des animaux repose sur des données fondamentales : Les AA constituent la seule forme azotée utilisable par les cellules animales ; Les cellules ont des besoins en AAI et autres AA ; Les synthèses nécessitent de l’énergie : il y a une interdépendance entre l’alimentation énergétique et l’alimentation azotée. La carence en azote se traduit par une perte d’appétit et donc une diminution des performances. A l’inverse, un excès engendre des disfonctionnements de l’organisme : modification du faciès microbien, fatigue hépatique ou rénale, alcalose sanguine… En outre, un déséquilibre azoté augmente les pertes urinaires et fécales en azote et engendre ainsi des phénomènes de pollution azotée. 7.2) Les dépenses azotées Il y a les dépenses d'entretien et les dépenses de production. En ce qui concerne les dépenses de production, on évalue l'importance globale (quantitative) et la composition en acides aminés (aspect qualitatif). La croissance Le dépôt azoté quotidien correspond aux dépôts dans les différents compartiments corporels : muscles, os, graisse, peau, sang... Son importance dépend : de la croissance, elle-même liée à l'âge, au type génétique, au sexe ; du mode d'alimentation : à volonté ou restreint ; des conditions d'élevage et de production, poids et âge d'abattage. La gestation Les dépenses azotées correspondent aux matières azotées fixées dans l'utérus, par le ou les fœtus et les annexes. On ne tient compte d'un besoin azoté spécifique qu’au cours du dernier tiers de la gestation. La lactation La dépense azotée dépend de la composition du lait et est donc variable selon les espèces (cf. cour énergie). Cependant, pour une espèce donnée, la dépense azotée varie avec : la race. Le taux azoté varie selon les types génétiques de 30 à 35g / Kg ; le stade de lactation. Au cours de la lactation, les teneurs en matières grasses et matières azotées évoluent en sens inverse de la quantité de lait produite (phénomène de dilution). La production d’œufs Les œufs sont riches en matières azotées, environ 12 % de leur poids. La ponte d'un œuf de 60 g représente donc une dépense de 7 g de matières azotées, soit 3,5 fois les dépenses azotées d'entretien d'une poule de 2,5 kilos. Le travail musculaire Les dépenses azotées liées au travail musculaire ne sont pas connues avec précision. Il est admis qu'elles augmentent moins vite que les dépenses énergétiques. Cependant, elles peuvent augmenter plus rapidement si les apports énergétiques sont insuffisants dans le cas d'efforts très intenses. 7.3) La couverture des dépenses azotées Les acides aminés essentiels Les acides aminés essentiels ou indispensables sont au nombre de 10 dans la plupart des cas. On distingue : les acides aminés indispensables au sens strict : l'animal est incapable de les synthétiser. Ce sont la lysine et la thréonine pour toutes les espèces. Les acides aminés essentiels au sens large : ils peuvent être synthétisés à partir d'autres acides aminés mais cette synthèse est trop faible pour assurer les besoins de l'animal. Il s'agit le plus souvent de l'arginine, la méthionine, l’histidine, la phénylalanine, l’isoleucine, le tryptophane, la méthionine et la valine. Les autres acides aminés sont appelés acides aminés banals. L'animal peut en synthétiser en quantité et vitesse suffisante. Cependant, leur apport alimentaire ne doit pas être négligé, car ils économisent les acides aminés essentiels. Si un acide aminé essentiel vient à manquer au niveau de la protéosynthèse, celle-ci diminue, voire s'arrête. Les performances chutent et l'indice de consommation augmente. On constate aussi une augmentation de l'excrétion urinaire d'azote puisque les autres acides aminés présents se retrouvent en excès. Cet acide aminé, dont la quantité insuffisante limite la protéosynthèse, est appelé facteur limitant : son apport règle le niveau de la protéosynthèse et donc l'efficacité de l'utilisation des protéines de l'aliment. Utilisation des matières azotées alimentaires Les matières azotées alimentaires ne sont pas toutes utilisées par l'animal. Une partie est rejetée dans les déjections. L'urine est la voie principale d'élimination des déchets azotés chez les monogastriques, la voix fécale prédomine chez les ruminants. L'utilisation digestive de l'azote des aliments conduits à l'élimination au niveau fécale de la fraction non digérée. L'importance relative de cette fraction dépend de l'espèce animale et des aliments constituant la ration. L'utilisation métabolique des acides aminés traduit la part des acides aminés sanguins fixés pour la synthèse protéique. Elle a pour conséquence une excrétion d'azote au niveau urinaire. L'importance de cette fraction dépend de l'adéquation quantitative (apport de matières azotées totales) et qualitative (apport d'acides aminés) de l'apport azoté aux besoins de l'animal. Ainsi, quelles que soient les espèces concernées, pour améliorer l'efficacité de l'apport azoté alimentaire, il faut : réduire la fraction de l'azote indigestible rejetée dans les fèces ; réduire la fraction excrétée dans l'urine, c'est-à-dire avoir un bon ajustement quantitatif et qualitatif des apports. 7.4) Expression des apports et des besoins Le système d'expression doit exprimer dans une même unité apports et besoins. On peut exprimer les besoins à plusieurs niveaux : au niveau cellulaire où a lieu la dépense et où peut être évaluée cette dépense en protéines et/ou acides aminés ; au niveau de l'absorption intestinale ; au niveau de l'apport des matières azotées alimentaires. Le choix du niveau d'expression va varier selon les espèces. Il dépend : de la plus ou moins grande variabilité des pertes d'azote consécutive à l'utilisation digestive ou à l'utilisation métabolique ; de la possibilité de connaître ou destiné assez précisément ces pertes selon les aliments ou les caractéristiques des animaux. Chez les monogastriques stricts, l'utilisation digestive est peu variable et l'utilisation métabolique dépend principalement de l'apport en acides aminés essentiels. Le niveau retenu est le niveau de l'apport ou celui de l'absorption. La valeur des aliments et les besoins sont exprimés en matières azotées totales ou protéines brutes, en acides aminés essentiels ou essentiels digestibles. Chez les chevaux, on s'exprime en matières azotées digestibles pour le cheval (MADC). Chez les ruminants, on ne peut pas considérer le niveau de l'apport car les matières azotées contenues dans l'aliment sont en partie remaniées (dégradées) par les bactéries du rumenréseau. La valeur des aliments et les besoins sont exprimés en protéines digestibles dans l'intestin (PDI), voire en acides aminés digestibles intestinaux (AADI) pour les vaches laitières. 7.5) Alimentation en azotées des monogastriques Les monogastriques sont tributaires des acides aminés alimentaires et plus particulièrement des acides aminés indispensables. Ceux-ci doivent donc se trouver en quantité suffisante et simultanément au niveau cellulaire en présence d'énergie nécessaire à la réalisation des synthèses protéiques. Donc, les apports recommandés sont exprimés en MAT et en AAI digestibles rapportés à l'énergie (EN) : AAID / MJ d’EN ou AAID / kcal d’EN chez le porc. Le cas du porc Digestibilité iléale On mesure la digestibilité à la sortie de l'intestin grêle, c'est-à-dire au niveau de l’iléon. En effet, dans le caecum et le gros intestin, la microflore présente peut dégrader en ammoniac les matières azotées résiduelles non dégradées dans l'intestin grêle. Elle peut aussi les remanier, faisant apparaître d'autres acides aminés. Or, les protéines ou Acides aminés ne sont plus absorbés après l’intestin grêle et donc, ce qu’on va retrouver dans les fèces ne correspondra pas à l’utilisation digestive effective. Alors, on évalue la digestibilité iléale. Utilisation de l'azote et impact sur l'environnement On considère que le porc ne fixe qu’un tiers de l’azote ingéré. Les deux autres tiers sont rejetés dans l'environnement. On estime que 50 % de ces rejets sont volatilisés sous forme d'ammoniaque et les 50 % restants retourneraient au sol après épandage et serait utilisés par les plantes à condition que les quantités d'épandage soient respectées. Les émissions d'azote constituent une perte pour l'agriculteur et ont des conséquences sur la santé humaine et le milieu naturel. Il est donc important de maîtriser au mieux l'alimentation porcine pour réduire au maximum les rejets d'azote. Amélioration de l'équilibre azoté des rations La qualité ou l'équilibre azoté d'une ration passent par : le respect des apports alimentaires et l'équilibre en acides aminés de la ration ; adapter les aliments au type de production ou au stade physiologique. Pour couvrir les besoins azotés, on associe différentes matières premières qui doivent apporter à l'animal les acides aminés essentiels et une quantité suffisante de protéines garantissant l'apport d'une quantité globale minimale de l'ensemble des acides aminés non indispensables. Les céréales, élément de base des rations des monogastriques, présentent plusieurs facteurs limitant en acides aminés indispensables. Alors que les tourteaux, oléagineux et oléoprotéagineux en sont relativement bien pourvus. Le tourteau de soja est le seul à présenter un taux élevé en lysine. Ainsi, l'association céréales et tourteaux permet de couvrir les besoins en acides aminés indispensables, mais avec des taux azotés relativement élevés, voire excessif, ce qui entraîne un gaspillage inutile avec l'augmentation d'azote dans les effluents et des risques accrus de pollution. Pour pallier ce problème, on peut supplémenter avec des acides aminés de synthèse. Plusieurs acides aminés sont actuellement fabriqués à l'échelle industrielle. Cependant, le coût de certains d'entre eux est encore très élevé, ce qui limite leur utilisation en l'alimentation animale. Le concept de protéine idéale La protéine idéale est la protéine dont l'équilibre en acides aminés essentiels permet la Protéosynthèse maximale. Ces acides aminés essentiels doivent présenter entre eux des rapports constants, fonction de la composition en acides aminés des protéines déposées ou synthétisées. La lysine est le plus souvent le facteur limitant primaire. Ainsi, on caractérise la protéine idéale en exprimant les apports recommandés en acides aminés essentiels par référence à la lysine, à laquelle on attribue arbitrairement la valeur 100. Exemple : rapport recommandé entre les besoins en acides aminés indispensables chez le porc en croissance : lysine Thréonine Tryptophane Méthionine + cystine Méthionine Isoleucine Leucine Valine Histidine Phénylalanine + tyrosine Arginine 100 60 – 65 19 60 30 60 72 70 26 100 45 Il est souhaitable que l'aliment reflète les proportions en tenant compte des rendements d'utilisation des acides aminés. La protéine idéale n'a pas la même composition selon qu'elle concerne le porc en croissance, la truie gestante ou la truie allaitante. L'objectif de la formulation des aliments consiste à se rapprocher de la protéine idéale afin de permettre une utilisation maximale des matières azotées ingérées et par conséquence, une réduction des rejets dans lisiers. Le cas des volailles Il est difficile d'estimer les besoins des volailles, car il existe de nombreuses interactions entre plusieurs facteurs : le génotype, l'environnement (température, lumière, vitesse de l'air…), les conditions d'élevage et de nutrition…. Cependant, on retrouve un concept de protéine idéale, en particulier chez le poulet, basé sur les acides aminés essentiels digestibles : lysine Thréonine Tryptophane Acides aminés soufrés Valine Isoleucine Arginine 100 73 18 70 82 73 114 L’indice de consommation IC = indice de consommation. C’est un indicateur qui nous permet de mesurer l’impact de l’alimentation sur les performances zootechniques. Autrement dit : est-ce que l’animal valorise bien sa ration ? 7.6) alimentation azotées des ruminants Un fait est important à noter chez les ruminants : les acides aminés absorbés au niveau de l'intestin ont une double origine (alimentaire et microbienne). Les acides aminés alimentaires sont issus des protéines ingérées et non dégradées dans le rumen. Les acides aminés microbiens sont issus des protéines microbiennes formées dans le rumen. De ce fait, le ruminant peut : synthétiser des acides aminés indispensable. Il n'est pas obligatoire de les lui fournir dans son alimentation, surtout si les besoins sont peu élevés. Utiliser d'autres sources azotées que les protéines (urée par exemple). Utilisation digestive et métabolique des matières azotées Dans le rumen-réseau La dégradabilité des matières azotées dans le rumen est une protéolyse microbienne dont le produit est essentiellement l'ammoniac. Cette dégradabilité dépend : de la structure chimique des matières azotées (les protéines sont moins dégradables) ; de leur accessibilité par les micro-organismes ; d'éventuels traitements technologiques ; de l'activité microbienne dans le rumen. Les bactéries utilisent l'ammoniac (issu de la dégradation des matières azotées dans le rumen) pour fabriquer leurs propres protéines. Pour réaliser cette synthèse, elles ont aussi besoin d'énergie et de chaînes carbonées. Ces deux éléments sont apportés par les glucides fermentescibles. En bonnes conditions, l’ammoniac est utilisé pour la synthèse de matières azotées microbiennes. En condition défavorables (excès d'ammoniaque ou déficit en glucides fermentescibles), il y a trop d'ammoniac pour la capacité de protéosynthèse microbienne. L'ammoniac s'accumule dans le rumen et est absorbé. Capté par le foie, il est transformé en urée qui est excrétée par le rein. C'est donc une perte. De plus, lorsque le taux d'ammoniaque du sang devient excessif, des troubles hépatiques et des accidents de toxicité peuvent apparaître. La dégradation des matières azotées est estimée à l'aide de tests de dégradabilité qui permettent d'obtenir la dégradabilité théorique ou DT. Les matières azotées non dégradables sont égales à : Après le rumen-réseau Sous l'action des enzymes protéolytiques et des sucs digestifs, toutes les protéines, d'origine alimentaire ou microbienne, fournissent des acides aminés qui seront absorbés. L'azote microbien représente plus de la moitié du flux d'azote entrant dans le duodénum (50 à 90 %). Les acides aminés ont, chez le ruminant, une double origine : une origine alimentaire (AAa) et microbienne (AAm). Il n'y a pas de relation entre la composition en acides aminés des matières azotées ingérées et celle du mélange d'acides aminés absorbés dans l'intestin. Le système PDI PDI = protéines vraies réellement digestibles dans l'intestin grêle. Le système PDI exprime les apports alimentaires et les besoins des animaux au niveau de l'absorption des acides aminés dans l'intestin grêle. Matières azotées Matières azotées non dégradables Energie Matières azotées dégradables MO fermentée NH3 MA microbienne (MAMN, MAME) PIA Protéines microbiennes AAa : PDIA AAm : PDIMN, PDIME PDIN, PDIE C'est-à-dire que la somme des acides aminés absorbés au niveau de l'intestin = AAa + AAm. En tenant compte des deux principaux facteurs limitant de la protéosynthèse microbienne : les énergies fermentescibles et les matières azotées dégradables, on peut distinguer en théorie deux valeurs PDIM : la quantité de protéine microbienne digestive, qui peut être obtenu à partir de l'énergie fermentescible disponible = c'est la valeur PDIME (protéine digestible dans l'intestin d'origine microbienne permise par l'énergie) de l'aliment. la quantité de protéine microbienne digestive, qui peut être obtenu à partir de l'azote dégradable disponible = c'est la valeur PDIMN (protéine digestible dans l'intestin d'origine microbienne permise par l'azote) de l'aliment. Ainsi, chaque aliment a deux valeurs azotées : Les protéines digestibles dans l'intestin permises par l'azote : Les protéines digestibles d'un intestin permises par l'énergie : La plus petite de ces deux valeurs est la valeur azotée effective de l’aliment distribué seul. Il ne faut jamais additionner les valeurs PDIN et PDIE !!! On obtient la valeur d'une ration en faisant séparément la somme des PDIN et des PDIE. L'idéal est d'avoir des valeurs PDIN et PDIE proches. La plupart des aliments ont des valeurs PDIE et PDIN différentes. Les aliments comme les pailles, les fourrages de mauvaise qualité, les racines, les pulpes, l'ensilage de maïs et les céréales ont une valeur PDIE supérieure à la valeur PDIN. Tandis que certains fourrages récoltés jeunes, ou à base de légumineuses, protéagineux, tourteaux et quelques coproduits comme les drêches ont une valeur PDIN supérieur à la valeur PDIE. L'urée est un cas particulier. Comme elle n'apporte pas d'énergie, elle n'a qu'une valeur PDIN (1742 g / Kg de MS). Un des objectifs du rationnement est de réaliser une association judicieuse d'aliments à partir de chacune de ces deux catégories. La complémentation azotée des rations Dans une ration, l'optimum est d'obtenir un équilibre entre les apports UF, PDIN et PDIE. Une alimentation azotée correcte doit satisfaire les besoins azotés des microorganismes, tout en couvrant les besoins du ruminant. C'est ce que le système PPI traduit, au niveau d'une ration équilibrée, par l'égalité PDIN = PDIE. Il est ainsi souvent difficile d'obtenir strictement cette égalité, ne pas trop s'en écarter est un objectif plus réaliste. Dans la pratique, on vérifie l’équation suivante : Le seuil PDI se trouve dans le tableau 1.3 des tables INRA 2007. Cas particulier des laitières fortes productrices Chez les vaches laitières à haut niveau de production, les synthèses microbiennes ne permettent pas de couvrir les besoins de l'animal en acides aminés indispensables. Il est donc nécessaire de les apporter dans l'alimentation. Il faudra protéger ces matières azotées pour éviter que les microorganismes ne les dégradent. Cette protection est assurée par des traitements technologiques (tannage des tourteaux).