bientot la fin du petrole et des metaux sur la terre

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Thierry Brugvin
Sociologue,
BIENTOT LA FIN DU PETROLE ET DES METAUX SUR LA TERRE
Nous consommons, nous consommons, du pétrole dans nos véhicules et pour des milliers d’objets
en plastique de notre vie quotidienne. Nous utilisons de l’uranium dans nos centrales nucléaires, des
métaux pour toute notre technologie, dans les avions, les ordinateurs, etc.. Mais sommes-nous
vraiment conscients que ces ressources non renouvelables seront bientôt épuisées d’ici 10 à 80 ans et
que par conséquent le monde qui nous attend sera très différent demain ? Cela va nous obliger à une
véritable révolution sociale et technologique et peut très bien déboucher sur un monde ou l’utilisation
quotidienne de ces objets courants ne pourrait plus être possible.
Les ressources non renouvelables seront bientôt épuisées. L'USGS (le service géologique
des États-Unis) nous fournit des données concernant l’épuisement des réserves de métaux et
d’énergies. Il s’agit d’estimation, d’ordre de grandeur et non pas de dates précises. Néanmoins, nous
pouvons constater que les ressources de la plupart des métaux auront disparu vers 2050, soit dans
une quarantaine d’années après 2010. Viendra ensuite le fer qui est le creuset de l’industrie, à partir de
2090 environ, dans 80 ans.
En ce qui concerne les ressources d’énergie, le pétrole devrait disparaître, dans environ 40 ans, le
gaz, dans 60 ans et le charbon, dans 150 ans. Sous sa forme liquéfiée, il pourrait remplacer le pétrole
et le gaz dans les véhicules de transports, cependant, ce dernier est émetteur de très importantes
quantités de CO2, nuisibles à l’effet de serre.
Les ressources d’uranium seront épuisées aux alentours de 2040 selon l’UGCS 1. Les réserves
énergétiques mondiales d'uranium exploitables, à un coût admissible, sont estimées à 3,93 millions de
tonnes, selon l’AIEA. D’après l’Energy Watch Group, la fin des ressources d’uranium se situerait
atteinte plus tôt, dès 2025 2, tandis que d’autres analystes envisagent plutôt les années 2060, voire
2090 (si l’exploitation ne se s’accroissait pas), or c’est loin d’être le cas. Ce qui aboutit, à un écart dans
les prévisions, compris entre 15 et 50 ans en 2010, c’est à dire un épuisement de l’uranium dans une
fourchette allant de l’année 2025 à 2060 environ.
Les ressources en fer devraient être épuisées vers 2090, soit dans 80 ans, en 2010 3. Or, le Fer est
le fondement de notre société industrielle, tous nos moyens de transport, notre technologie s’appuient
principalement sur lui. S’il disparaît, l’industrie sera considérablement limitée et ne pourra continuer de
fonctionner qu’en recyclant le fer.
Néanmoins, l’incertitude relative concernant tous ces chiffres réside dans le fait que quelques
gisements supplémentaires peuvent être découverts. Mais surtout, parce que nous ne savons pas
exactement, à quelle vitesse, la demande mondiale va progresser, avec la croissance économique et
démographique des pays émergents Chine, Inde, Brésil... Or, la courbe de la demande augmente de
plus en plus vite : On estime que la consommation énergétique mondiale augmentera de 50%, d’ici à
2030. Tandis que, de l’autre côté, la courbe des réserves, elle, décroît rapidement dans le sens
opposé. C’est pourquoi, avant même la fin des réserves, de nombreuses ressources non
renouvelables (pétrole, fer, cuivre...) auront atteint des prix inaccessibles pour la population moyenne.
Schéma de l’épuisement des métaux et de l’énergie (USC)
USGS, Mineral Ressources Programme, 2010, http://minerals.usgs.gov/
ENERGY WATCH GROUP, "Uranium Resources and Nuclear Energy, déc. 2006.
3 USGS, Mineral Ressources Programme, 2010, http://minerals.usgs.gov/
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Récapitulons les estimations de l’USGS :
2020 : fin de l'argent
2025 : fin de l'or, du zinc,
2030 : fin de l'étain et du plomb (71% de la production de plomb est destiné aux batteries)
2040 : fin du cuivre (utilisés dans l’industrie électrique :câbles, bobinages...)
2040 : fin de l'uranium ( d’autres estimant la fin entre les années 2025 à 2060).
2050 : fin du nickel (utilisés dans les batteries automobiles, téléphones, ordinateurs...)
2050 : fin du pétrole
2070 : fin du gaz naturel
2090 : fin du fer
2140 : fin de l'aluminium
2160 : fin du charbon4
Par ailleurs, en 2010, la Chine produisait 95% des terres rares, c'est-à-dire des métaux rares,
difficiles à extraire et indispensables pour la technologie actuelle. Or, on estime qu’il faudra au moins
dix années, aux occidentaux pour rattraper leur retard sur la Chine, afin de parvenir à des prix
concurrentiels. Par conséquent, en plus des problèmes d’extinction des ressources non renouvelables,
certains minerais telles terres rares, vont aussi devenir un enjeu géopolitique.
Les ressources de pétrole pourraient être épuisées 40 ans après l’année 2010.
Le temps du pétrole à bon marché est déjà terminé en 2011, avec plus de 1,50 euro/litre, soit 10
francs d’autrefois... Les transnationales tirent déjà un profit colossal, de la croissance des prix du
pétrole. Alors que l’ONU estime qu’il suffirait de 80 milliards de dollars, par an, pour satisfaire les
besoins essentiels dans le monde. Voici, à titre de comparaison, les profits des plus grandes
entreprises pétrolières : « En 2007, Exxon Mobil, la compagnie américaine numéro un mondial, a
annoncé avoir battu son propre record, en réalisant le plus gros bénéfice de l’histoire. Elle a engrangé,
l’année dernière, la somme astronomique de 40,6 milliards de dollars, soit une somme supérieure au
PIB des 2/3 des pays du monde. Chevron, la deuxième compagnie américaine, fait état de 18,7
milliards de bénéfices. La Royal Dutch Shell a, pour sa part, enregistré un bénéfice annuel de 27,5
milliards de dollars » 5. « Quant à Total, l’entreprise a réalisé 12,2 milliards d’euros de bénéfice en
2007 »6.
USGS, Mineral Ressources Programme, 2010, http://minerals.usgs.gov/
CARFREE FRANCE, Profits records pour les compagnies pétrolières, 1er mai 2008.
6 LE PARISIEN, 14 milliards d'euros de bénéfices pour Total, 12 fév. 2009.
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Les projections, pour la fourniture mondiale de pétrole, sont les suivantes: en 2006: 81 Millions de
barils / j, en 2020: 58 Mb / jour, en 2030=39 Mb / j)7. British Petroleum estime que plus de 50% des
réserves ont déjà été extraites en 20078. Selon l’analyse de l’Energy World Group, la production
mondiale de pétrole a atteint un sommet, en 2006. Quant à Yves Cochet, il estime que le pic du pétrole
(de Hubbert), c’est-à-dire le maximum de production, serait plutôt atteint entre 2009 et 2012. Le pic de
l’énergie disponible (gaz, uranium, pétrole...) qui amorcera la décroissance énergétique est estimé se
situer entre 2025 et 2030,ceci lié au fait que la demande d’énergie sera supérieure à la production
(l’offre) poursuit Yves Cochet9.
Certains analystes, tel Christian Ngô, dans son ouvrage « Demain l'énergie, moteur de l'humanité
», estiment qu’il faudra attendre peut-être un siècle, donc vers 2100, avant que le pétrole et le gaz ne
disparaissent. Mais, le service géologique des Etats-Unis, lui, s’avère plus pessimiste, car il estime que
dans 40 ans, vers 2050, les réserves seront épuisées. Mais dès 2020, et encore plus en 2030, l'offre
mondiale de pétrole baissera considérablement. Cela va créer un fort écart entre l'offre et la demande
et faire grimper les prix.
Isabelle Mouilleseaux imagine la future hausse des cours du pétrole : « Alors que L'Agence
internationale de l'énergie escomptait pouvoir atteindre, en 2030, une production de 116 millions de
barils/jour, elle semble revoir, en ce moment, ses estimations en très forte baisse (...). La demande
devrait atteindre, en 2020, les 106 millions de baril/jour et, en 2025, les 115 millions. Les trois-quarts de
la hausse étant le fait des pays émergents. Le trou, entre l'offre et la demande est béant. Les marchés
frissonnent. Les cours grimpent. (...). En 2008, les cours du pétrole ont atteint 135 $ le baril,! » (...) et
les spéculateurs cotaient le baril à 442 $ sur les marchés à terme, pour l’horizon 2016 ! 10
Yves Cochet estime, pour sa part, que c’est surtout, entre 2010 et 2020, que les prix du pétrole
vont considérablement augmenter, ce qui va profondément transformer l’économie mondiale, en
pénalisant d’abord, les entreprises de transports (aviations, routiers, marchandises, tourisme à longue
distance...) qui vont voir leurs prix exploser et cela créera des faillites à la chaîne11.
ENERGY WATCH GROUP, Report to the, Crude Oil: The supply outlook, EWG-Series No 3/2007.
BRITISH PETROLEUM (BP), Statistical Review of world Energy, 2007.
9 COCHET Yves, Pétrole apocalypse, Fayard, 2005
10 MOUILLESEAUX Isabelle, Le pétrole à 135 $ : quelle position adopter ?, 23 mai 2008,
http://www.edito-matieres-premieres.fr/0407/energies/petrole/position-petrole-135-dollars.html.
11 COCHET Yves, Pétrole apocalypse, Fayard, 2005
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Compte tenu du fait que le prix du pétrole va monter progressivement, en flèche, les producteurs
n’ont, cependant, pas intérêt à en vendre trop actuellement, d’une part pour ne pas faire baisser les
cours actuels, mais surtout parce que, sur la fin des réserves, les profits seront exponentiels.
Par ailleurs, une partie des réserves du pétrole est constituée de ce que l’on dénomme des huiles
visqueuses ou des sables asphaltiques. Or, pour un baril de pétrole extrait, 10 barils d’eau sont
nécessaires, ce qui est donc extrêmement polluant et très consommateur d’eau12.
Le manque d’eau est un problème grave pour des millions d’êtres humains. Or, aux
problèmes de pollution, engendrés par l’exploitation du pétrole, va s’ajouter le fait de puiser sur des
réserves d’eau dont l’insuffisance s’accroît, chaque année, dans les PED. Le fait de consommer une
eau trop polluée engendre 3 à 5 millions de morts, chaque année, dans le monde, explique l’OMS
(2009). C’est donc plus de deux fois la population de la ville de Paris (2,2 millions en 2010), qui
décède, chaque année, pour cette raison. L’OMS ajoute que 500 millions à 1 Milliard d’être humains
manqueront d’eau, car la quantité d’eau potable par habitant va diminuer d’un tiers en 20 ans (entre
2010 et 2040). D’une part, du fait d’un accroissement de la consommation d’eau par individu et d’autre
part, à cause de la croissance de la population.
Circuler sans pétrole...
Quand le pétrole et les métaux auront disparues, nous devrons changer notre mode de vie, tel nos
moyens de transport. Par exemple la décroissance des transports est une des clés du projet
décroissant et écologiste, en particulier, parce que la pollution liée au transport est la première cause
de réchauffement climatique. Comme l’a montré Ivan Illich au début des années 70, la voiture
individuelle est le symbole de la civilisation occidentale (Illich, 1973)13. La voiture a un rapport
coût/efficacité largement plus faible que le vélo, un des anciens symboles de la république
démocratique de Chine. Dans le modèle capitaliste et plus largement le productivisme, le transport
s’inscrit lui aussi, dans un projet de croissance mondiale infinie. A l’inverse, dans les cultures
traditionnelles, les moyens de se déplacer étaient plus lents, souvent pédestres, fondés sur la traction
animale ou l’usage de la voile. Ils respectaient l'environnement et leur vitesse était plus humaine, plus
proche du rythme des pas du marcheur, qui d’une certaine façon est l’étalon premier de l’individu
décroissant. Ce dernier cherche donc une décroissance des transports afin de réduire l’empreinte
écologique individuelle, nationale et mondiale, notamment par une relocalisation de la production. La
décroissance des transports suppose aussi de savoir retrouver le goût des vacances de proximité, du
plaisir de simple promenade dans les campagnes environnantes, plutôt que l’exotisme systématique du
bout du monde.
Peut être que la fin du pétrole, finalement va nous pousser malgré nous à passer, d’une vie
centrée sur la vitesse et du productivisme matériel, à une quête de la sobriété heureuse, à travers la
simplicité volontaire, afin de développer aussi les qualités intérieures de l’être humain.
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ARIES Paul, Op. Cit, 2010, p. 15.
ILLICH I., Energie et équité, Le Seuil, 1973.
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