Certains orientalistes ont remis en cause la notion d'"analphabète" et se basent sur
l'interprétation de l'impératif iqra' qui pour eux ne signifie pas : Lis ! mais : Prêche !
(Weil, Nöldeke, Schwally). Pour < an>formé sur le verbe qara'a qui signifie " réciter ou
"lire". Pour lui le Coran peut-être défini comme étant : "une récitation ou une lecture
d'une révélation divine (…) Dès lors le Coran peut-être pris au sens de : " l'ensemble des
messages divins qui ont été révélés à Mahomet, lus et récités par lui" (ummiyin, nous ne savons
par écrire et compter". Pour lui, l'absence de la mention de l'ignorance de la lecture dans la déclaration Prophète confirmerait sa thèse.
Par contre, l'exégèse coranique traditionnelle argumente dans un autre sens en se basant leur argumentaire sur celui du Coran. Ces
exégètes glosent à partir d'un verset coranique (Al-Baqara, 99) pour nous signifier que le Prophète ne pouvait en aucun cas maîtriser la
lecture et encore moins l'écriture : " Si tu étais (ô Prophète !) du nombre de ceux qui écrivent et qui lisent, les incrédules (les non-
croyants) diraient : Peut-être a t-il appris cela et l'a t-il recueilli dans les Écritures des Anciens".
Ces différentes interprétations démontrent, si besoin, la fragilité des arguments mis en exergue et la question n'en demeure pas moins
ouverte.
Par contre, beaucoup de hadiths et de témoignages nous décrivent le fondateur de l'islam dictant les révélations qu'il a reçues à ses
nombreux scribes et Compagnons ( Buhari, Muslim, Qurtubi, Ibn Kathir, Tabari, etc.).
A ce niveau de la démonstration, à notre sens, il serait plus intéressant de tenter de savoir si le Prophète a porté lui-même à l'écrit le
texte coranique que de tenter de savoir s'il a su manier le qalam (sorte de plume en roseau) et déchiffrer un écrit. Mais la question qui
s'impose à nous est la suivante : Si le Prophète a su écrire pourquoi n'a t-il pas lui-même entrepris de fixer par écrit le texte coranique
alors qu'il a constamment encouragé les autres à le faire. ? Force est de constater, là encore, que la question demeure posée malgré les
explications issues de la Tradition et des études orientalistes.
Les Compagnons du Prophète se basaient pour apprendre le Coran sur les dictées et les récitations du Messager ou de tout autre
Compagnon érudit l'ayant appris du Prophète lui-même. A l'exemple de 'Abd-Allah Ibn Mas'ud, Ubay Ibn Ka'b ou Zayd Ibn Tabit, 'Ali Ibn
Abi Talib 5.
Le Coran a été révélé sur une période allant de 610 à 632, soit sur une longue période de vingt trois années, en plusieurs fois et selon les
circonstances et les évènements vécus par la communauté musulmane naissante. Comme nous l'avons déjà dit, à chaque révélation d'un
ou de plusieurs versets, le Prophète demandait à ses scribes (la Sunna nous en cite quarante) de porter la parole divine à l'écrit.
A ce propos les quatre spécialistes de la Sunna, Abu Dawud (817-889) dans son ouvrage Kitab Al-Sunan, Al-Tirmidi (mort en 892), dans
son livre canonique Al-Jami' Al-Sahih, Ibn Majah (824-887), dans Kitab Al-Sunan et Al-Nisa'i (830-915) 6 ont rapporté un hadith de Ibn
'Abbas (considéré par beaucoup comme étant la plus grande autorité en matière d'exégèse coranique ) dans lequel 'Utman dit : "À
chaque révélation le Prophète convoquait ses scribes et leur disait" : "Mettez cela dans la sourate où il est invoqué tel ou tel propos, selon
les directives du Gardien de la Révélation (Amin Al-Wahy), l'Archange Jibril (Gabriel)".
En raison de l'inexistence du papier, les versets coraniques étaient portés à l'écrit sur des objets disparates (planches, omoplates de
chameaux, feuilles de palmiers, pierres (…).
Selon toute vraisemblance, le Coran dans son intégralité a été porté à l'écrit du vivant de l'Envoyé d'Allah de la même façon et déjà selon
les sept caractères, al-qira'at assab', (les sept lecture ) inspirés par la Révélation.
Chérifi 7 abonde en ce sens en nous déclarant que le Coran : "fut codifié au moment même de son énonciation et qu'il n'y a pas eu de
transmission orale entre le moment de son énonciation et celui de sa rédaction…".
Pour Blachère cette fixation graphique s'est surtout manifestée à la fin de l'apostolat de Muhammad. Mais, ceci n'infirme pas l'existence
d'un double système d'apprentissage du texte coranique, l'un oral et qui s'adresse à la majorité des arabes d'alors qui ignoraient
l'écriture et l'autre écrit et qui ne concerne que les seuls scribes et secrétaires (quelques dizaines au plus dans toute la péninsule
arabique).
Selon un Hadith rapporté par Ibn 'Abbas ( Al-Buhari) le Prophète a dit : "L'Ange Gabriel m'a fait réciter le Coran 'ala harf ( le mot harf
désigne ici une variété du langage et par extension une lecture) et je ne cessai de lui en demander plus qu'il me le fit réciter 'ala sab' at
ahruf " (ceci nous indique l'origine de la théorie des sept lectures ou variantes).