La mémoire A. Les processus d’acquisition I. Les types d'apprentissage La mémoire est la capacité à reconnaître un objet ou un évènement (phénomène de reconnaissance) et la capacité à se le rappeler. L’apprentissage est la capacité à modifier les expériences futures. Pour qu’il y ait apprentissage, il faut qu’il y ait mémorisation. 1. Un apprentissage par association L’idée d’association a été crée par Aristote : il est plus facile de se souvenir d’expérience quand on vit d’autres types d’expériences qui présente des relations de similitudes, d’opposition ou de proximité temporelle et spatiale, ce qui va constituer les lois primaires de l’association. 2. Un apprentissage conditionné Créé par Pavlov (prix Nobel en 1904), ces stimuli peuvent disparaître dès qu’on arrête le stimulus. 3. Un apprentissage par essai ou par erreur L’exemple type est le labyrinthe, on choisit une solution parce que toutes les autres nous semblent inadaptées. 4. L’apprentissage par intuition Cet apprentissage est cognitivement implicite. Après quelques essais infructueux pour résoudre un problème, la solution apparaît subitement. Ce type d’apprentissage ne concerne que la résolution de problèmes dont toutes les composantes sont perceptibles. L’apprentissage par intuition n’est pas logique mais organisé de façon rationnelle. 5. L’apprentissage par la réussite Organisé de façon rationnel, logique, cognitivement explicite, c’est le contraire de l’apprentissage par intuition. II. Les lois de l’apprentissage 1. Les étapes et les courbes de l’apprentissage Elle est peu représentée en expérience. Phase lente : phase de compréhension du test Phase rapide : apprentissage au sens strict Phase plateau : limites (physiques ; mentales ou de l’expérience) La motivation joue un rôle clef dans l’apprentissage. En effet, il est proportionnel à la motivation dans la mesure où celle-ci reste dans une grandeur acceptable. Une trop forte motivation entraîne une désorganisation des comportements et donc nuire à l’apprentissage. 2. La participation De plus, une participation active est plus efficace qu’une participation passive. 3. Les conditions de l’apprentissage Les facteurs temporaux spatiaux Un apprentissage distribué, étalé dans le temps est plus efficace qu’un apprentissage concentré. Cependant, la disposition et la durée des périodes de travail et de repos dépendent des sujets et de la tache à effectuer. Le lieu a également une influence sur l’apprentissage : on apprend mieux dans un cadre familier. Récompense et renforcement Il faut une motivation et une récompense ou une satisfaction. Cette satisfaction est un processus de renforcement de la motivation et l’on parle alors d’un renforcement positif. Il peut exister un renforcement négatif relatif à une punition ou insatisfaction. Dans ce cas, le sujet va trouver une nouvelle motivation. La connaissance du résultat constitue chez l’homme un processus de renforcement : l’apprentissage et la performance sont meilleurs lorsque les résultats sont connus que lorsque le travail se déroule en aveugle. Il existe également des facteurs secondaires : stimuli neutres (applaudissements …). Inhibition et extinction Le stress constitue un processus d’inhibition. Le stress est externe alors que l’anxiété est interne. La motivation peut constituer un facteur d’inhibition : envie de trop bien faire qu’un processus psychologique. L’angoisse est une peur dont on ne connaît pas l’origine. B. Classification des mémoires humaines I. Introduction Les études menées chez des sujets normaux et chez des sujets présentant des pathologies diverses de la mémoire (amnésie) ou présentant des troubles neuropsychologiques consécutifs à des lésions cérébrales d’origines traumatiques ou vasculaire ont permis d’aborder les différents concepts de la mémoire et ses composantes telle que les mémoires implicites et explicites, sémantique et épisodique qui rentrent dans le cadre de la mémoire à long terme (MLT). La mémoire de travail constitue la mémoire à court terme (MCT). Les termes d’apprentissage et de mémorisation souvent utilisés de façon presque synonyme renvoient pourtant à 2 réalités distinctes : l’apprentissage correspond a tout mécanisme susceptible de modifier un comportement ultérieur alors que la mémoire désigne la capacité à retrouver les expériences passées. Cette distinction a pu être précisée à partir de l’étude de patients amnésique qui, tout en étant aptes à apprendre ne peuvent pas se souvenir de l’expérience qui leur a permis d’apprendre. Les patients amnésiques se montrent incapables de se souvenir d’actes récents (repas…) ou de mettre à jour leurs connaissances du monde. Les connaissances acquises avant l’amnésie sont conservées (langage…). Cependant, certains patients amnésiques ont réussi à préserver certains types d’apprentissages récents. Exemple typique (CLAPAREDE) : aiguille dans la main L’observation a conduit à une certaine dichotomie de la mémoire (explicite/implicite). La mémoire implicite peut se définir comme la possibilité d’apprendre sans se souvenir de l’expérience d’apprentissage. Au contraire, la mémoire explicite se réfère à la capacité de garder en mémoire les événements liés à l’apprentissage. En 1972, un psychologue canadien nommé TULVING a proposé une seconde dichotomie de la mémoire (sémantique/épisodique). La mémoire sémantique signifie la connaissance du monde et des faits. La mémoire épisodique représente la capacité de se rappeler et peut être de « revivre » des évènements spécifiques. II Mémoire épisodique et mémoire sémantique La mémoire épisodique repose en terme d’organisation cérébrale sur une circuiterie qui relie les lobes temporaux à l’hippocampe et aux lobes frontaux. L’amnésie pourrait résulter d’une détérioration ou d’une altération de ce circuit en particulier si elle est bilatérale. Tout ce passe comme si ce circuit enregistrait et associait en mémoire toutes les expériences vécues en associant chaque événement à son contexte. Il est ainsi possible de distinguer le souvenir d’un évènement d’un souvenir similaire associé à une situation différente. La mémoire sémantique peut être considérée peut être considérée comme ce qui reste de tel ou tel façon que les épisodes s’empilent les uns sur les autres de manière chronologique. Récupérer une information sémantique consiste à regarder une pile d’épisode de façon inversement chronologique. Si la mémoire sémantique est effectivement le résidu de la mémoire épisodique, et si les processus de récupération des infos est intact, les patients amnésiques devraient pouvoir accéder à la connaissance du monde avant leur maladie ce qui est le cas. En effet, un trait typique des patients amnésiques et que leur vocabulaire reste intact et ils n’éprouvent aucunes difficultés à répondre aux questions sur le monde, à condition qu’elles portent sur des connaissances pré-traumatiques. Si la mémoire épisodique est indispensable à la construction de la mémoire sémantique, ces patients devraient rencontrer de grandes difficultés à acquérir de nouvelles connaissances ce qui est le cas. La mémoire épisodique est également essentielle pour s’orienter dans le temps et dans l’espace. Ainsi la conscience que nous nous trouvons est considérablement renforcée lorsque nous savons comment nous y sommes arrivés, ce qui à son tour va nous guider pour arriver à notre destination. Dans ce cas, la perte du sens de l’orientation est une des caractériellement les plus remarquables de l’amnésie. III Fonctionnement de la mémoire La mémoire est un système de stockage et de récupération d’information qui passe par trois étapes. Il faut tout d’abord alimenter le système en information (encodage), conserver ces informations dans le temps (stockage) puis se déroule la récupération ou accession à la mémoire stockée. Bien que ces processus soient conceptuellement différents, ils sont étroitement liés si bien qu’une modification touchant à l’un d’entre eux aura tendance à tous les influer. Il existe une relation quasi-linéaire entre la quantité de ce qui est appris et le temps consacré à l’apprentissage. Il existe un certain nombre d’exception à cette règle simple : la pratique en masse au cours de laquelle les périodes d’apprentissage sont très rapprochées sont moins efficaces que le contraire ! Les stimuli qui ne sont traités qu’en fonction de leurs caractéristiques physiques superficielles se retiennent moins bien que stimuli traités en profondeur c'est-à-dire en fonction de leur sens et de leur association possibles avec des connaissances existantes. Pour associer un nouvel élément à ce que l’on connaît déjà, la sémantique offre un moyen beaucoup plus riche et complexe que l’encodage. Plus il y a d’association reliant les éléments nouveaux à ce qui est connu, meilleur sera l’apprentissage. IV Oublis et interférences Un encodage de la façon la plus élaborée possible ne préjuge pas de la réservation et de son stockage, il peut y avoir oubli. Deux explications ont été avancées : a. les traces de la mémoire s’altèrent avec le temps. L’oubli peut s’expliquer par l’interférence d’apprentissage nouveau et ancien. Une interférence rétroactive : il existe une compétition entre le nouvel apprentissage et un ancien. Ainsi l’oubli augmente avec la quantité d’apprentissages nouveaux surtout ceux qui ont quelques ressemblances avec le savoir ancien. b. L’ancien peut, à l’inverse, refaire surface pour produire une interférence proactive. L’oubli est non seulement nécessaire mais bénéfique, notre système de mémoire est potentiellement capable d’encoder est de stocker un grand nombre d’information. Il existe quand même un risque potentiel d’encombrement. L’oubli permet de nous débarrasser de l’énorme quantité d’information que nous traitons et dont nous n’aurons pas besoin ou l’utilité à l’avenir. Selon Freud, l’oubli est le fruit d’un refoulement c'est-à-dire de la tendance active à rejeter des traumatismes émotionnels. En témoigne notre tendance à nous souvenir de faits agréables plutôt que désagréables. La capacité de rappel de l’information subit les effets de l’état antérieur du sujet : état physiologique (fatigue physique), psychologique (stress), actions autres (alcool…). V Mémoire à court terme, mémoire de travail La définition d’un troisième type de mémoire s’est avérée utile pour tenir compte des activités de traitement de l’information comme les résolutions de problèmes, lecture, écriture, langage...Le stockage temporaire de certaines données nécessaires à la réalisation de certaines taches a engendré le concept de mémoire à court terme ou mémoire de travail. L’observation de malades atteints de troubles a permis de visualiser le concept de mémoire est de présenter au patient une série de chiffre qu’il doit restituer. C. Les bases neuro-anatomo-physiologique de la mémoire La possibilité de déterminer l’organisation cérébrale de la mémoire provient d’étude réalisée chez des patients amnésiques souffrant de lésions spécifiques du cerveau. Chez l’homme, les lésions entraînent des troubles qui s’expriment par une mauvaise utilisation ou un mauvais apprentissage d’un matériel spécifique. Par exemple, pour le langage : on peut voir des troubles suite à une lésion au niveau du cortex temporal. L’étude de ces déficits peut être interprétés comme des amnésies focalisées, très localisées, présentant un intérêt considéré car elles désignent les zones du cortex dans lesquels reposent les différents types de souvenirs. Ces études réalisées chez l’animal montrent que le cortex est une mosaïque d’aires distinctes spécialisées dans le traitement d’un type particulier. Il est généralement admis que les traces mnésiques sont localisées dans les régions du cortex là où elles ont été élaborées, traitées. Le souvenir d’un évènement complexe de la vie quotidienne (repas…) sollicite simultanément de nombreuses zones spécialisées du cortex. Si le cortex est le lieu où les informations sensorielles sont à la fois perçues et conservées à long terme, d’autres structures cérébrales jouent également un rôle dans la formation des souvenirs. En effet, les amnésies focalisées qui sont d’origine corticales sont dues à des lésions au niveau du système limbique (sauf accident vasculaire cérébral, Alzheimer, alcoolisme chronique). Tous ces patients qui souffrent de ces maux souffrent essentiellement d’une incapacité à stocker des souvenirs nouveaux, ils oublient rapidement les événements de la vie quotidienne. Amnésie antérograde : le système limbique joue un rôle critique dans la formation des souvenirs. Les analyses plus approfondies ont montré que les patients qui souffraient d’amnésie globale étaient capables d’acquérir et de retenir certains types d’information. Cette mémoire implicite est une mémoire des savoirs (ou mémoire procédurale ; non déclarative ; implicite). Elle s’oppose à la mémoire explicite, déclarative, des éléments altérés par la lésion du système limbique. 1. Mécanisme de construction de la mémoire explicite La transformation de la perception en souvenirs (visuels) est tel que l’ensemble neuronal formé dans la voie visuelle active les structures du système limbique puis le diencéphale médian et enfin le lobe frontal médian. Ces 3 subdivisions limbiques envoient à leur tour des projections vers le télencéphale médian situé à l’avant du cerveau. Enfin le télencéphale envoie des projections vers l’ensemble du cortex visuel. L’activation des couples système limbique/cortex est à l’origine de la transformation des perceptions visuelles en souvenirs. Ce modèle s’applique aux autres sensations (auditives,…) puisque les aires corticales qui servent les autres modalités sont également organisées en voies spécifiques. Schéma 2. Mécanisme de construction de la mémoire implicite La connaissance des structures impliquées dans la mémoire implicite (qui renferme un savoir faire appris de manière quasi-automatique) est moins avancée que pour la mémoire explicite. Les observations recueillies chez des personnes atteintes de la chorée de Huntington suggèrent que les ganglions de base constituent un ensemble de base clef pour la formation des habitudes (liaison rigide entre stimulus et réponse). Des résultats analogues obtenus chez le songe confirment que, contrairement au système limbique, les ganglions de la base ne participent pas à la reconnaissance d’un objet présenté une seule fois mais ils assurent une liaison entre l’objet et la réponse motrice. Les ganglions de la base constituent à travers leur connexion anatomique une interface entre les régions corticales sensorielles et les régions frontales pré motrices qui sont impliquées dans la régulation de la motricité. 3. Synthèse comparative entre mémoire implicite et mémoire explicite Le système limbique joue un rôle important, il reçoit les messages sensoriels qui sont hautement intégrés c'est-à-dire des informations en provenance des étapes finales des voies sensorielles. Les ganglions de la base reçoivent des informations qui sont peu intégrées par rapport au système limbique de pratiquement toutes les aires corticales qui constituent les voies sensorielles. Ainsi la mémoire explicite est basée sur des représentations élaborées de l’information (l’information dans son ensemble) alors que la mémoire implicite peut n’utiliser que des éléments très partiels de l’information. La différence la plus importante concerne cependant les régions du cortex où se termine le circuit. La cible des ganglions de la base reste ………….. aux régions pré motrices du cortex alors que le système limbique exerce une action en retour sur l’ensemble des aires corticales sensorielles. Ainsi, il est capable de fournir à l’organisme un ensemble d’informations riches et flexibles faites de souvenirs et de leurs associations. Le système limbique permet d’avoir une connaissance consciente de l’environnement. A l’opposé les ganglions de la base permettent une forme plus primitive de mémoire constituée de liaison stimuli/réponse qui sont rigides et inaccessibles à l’expérience consciente. L’intérêt est de pouvoir réagir de façon efficace à l’environnement (réponse au chaud par exemple). a. Les bases neurophysiologiques de la mémoire R Synapse A la fin du XIXème et au début du XXeme siècle, E. Tanzi (1893), Ramon y Caja (1911) et Hebb (1949) ont émis l’idée d’une efficacité synaptique modulable en fonction de l’activité des neurones situées de part et d’autre de la synapse : on parle de plasticité synaptique. Ce n’est que vers le début des années 70 que la découverte de cette plasticité synaptique a suivi des chemins qui ont abouti à 3 formes de plasticité neuronales étudiées chez l’animal. La première est étudiée à Oslo par Bliss et Lomo qui travaillait sur l’hippocampe. A la suite de stimulations répétées à haute fréquence des neurones pré-synaptiques, une stimulation isolée de ces neurones induisait une réponse post-synaptique qui pouvait persister pendant plusieurs heures : on parle de potentialisation à long terme (L.T.P.). Il en existe trois formes : potentialisation homosynaptique, potentialisation hétérosynaptique ainsi que la dépression à long terme (L.T.D.). D. Mémoire des visages et prosopagnosie Introduction La reconnaissance des visages nous apparaît évidente et facile, un bref coup d’œil nous permet d’estimer l’age, le sexe, de caractériser l’émotion qu’il dégage, à établir s’il plait, s’il s’agit d’un visage connu et, dans ce cas, à l’identifier. La facilité avec laquelle nous effectuons ces opérations laisse difficilement entrevoir la complexité et donc l’intérêt scientifique de cet acte quasi infaillible qui ne semble a priori faire appel à aucune aptitude particulière. La reconnaissance des visages ne nécessite aucun apprentissage formel, elle ne demande ni effort ni réflexion. Cette reconnaissance des visages fait appel à des opérations automatiques perceptuelles et cognitives de traitement de l’information objectivement et réalisée par des structures cérébrales dotées d’une remarquable efficacité. On sait depuis longtemps que certaines personnes victimes de lésions cérébrales deviennent brutalement incapables de reconnaître les gens par leur visage. Ce déficit est connu sous le terme de prosopagnosie. Il affecte de façon disproportionnée la reconnaissance des visages comparés aux objets. 1. Reconnaissance des visages Le cerveau traite les visages différemment des autres objets visuels, le modèle cognitif de la reconnaissance des visages comporte 4 étapes sérielles : - encodage structurel qui consiste en un traitement des caractéristiques physiques du visage de façon à faire ressortir une configuration d’ensemble. - - - Analyse des traits faciaux qui visent à dégager les caractéristiques physionomiques uniques et distinctives du visage. Une telle analyse fait appel à des processus divers (rotation du visage…). On détermine si le visage est connu, le traitement fait appel de façon plus classique à la confrontation des représentations perceptuelles du moment avec des représentations des visages conservés en mémoire, afin de déterminer si le visage a déjà été rencontré ou pas. Reconnaissance au sens strict : reconnaissance du visage dans le sens où la personne est connue. Cela nécessite la réactivation d’informations biographiques associées à ce visage et gardées en mémoire. Le visage peut alors être perçu comme celui d’un individu spécifique possédant une histoire connue, un nom propre… cela permet aussi d’accéder à d’autres informations biographiques sur l’individu (voix, comportement…). 2. La prosopagnosie Déficit acquis, consécutif à une lésion cérébrale, les patients prosopagnosiques ne peuvent reconnaître que leurs proches où les personnages par leurs visages ni se reconnaître euxmêmes dans un miroir. En revanche, leurs fonctions perpétuelles et intellectuelles d’une manière générale (participant à d’autres aspects de la mémoire) ne sont pas perturbées. La perturbation d’une seule des 4 étapes de la reconnaissance des visages est suffisante pour affecter la reconnaissance dans son ensemble. Cependant, des perturbations touchant différents stades se manifestent par des symptômes différents. Chez certains patients, la perturbation se situe au niveau de l’encodage structurel et produit une incapacité complète à effectuer des opérations perceptuelles sur les visages. De tels patients sont incapables de déterminer l’age ou le sexe d’un visage, ils peuvent se baser sur d’autres critères : forme, voix, habits. Chez d’autres patients, l’étape 2 est touchée : il se révèlent incapables de reconnaître différentes représentations d’un même visage ce qui indique une perturbation au niveau des invariants physionomiques des visages (même photo : pas de reconnaissance). La 3ème catégorie de patients ne manifeste aucun déficit des fonctions perceptuelles, mais leurs perturbations se situent à un stade ultérieur de traitement cognitif, celui de la confrontation, de la représentation conservée en mémoire (2 photos différentes où l’on voit la même personne, le patient est incapable de dire que les photos la représentent). Les 3 types de déficit correspondent aux trois premiers niveaux de traitement de reconnaissance des visages et donc la nature du déficit est essentiellement perceptuelle dans les 2 premiers cas alors que dans le 3ème, le déficit porte sur les processus de mémoire. Pour le 4ème stade, il y aurait erreur à confondre la prosopagnosie et l’amnésie biographique puisque dans la très grande majorité des cas, les patients amnésiques ont accès aux données biographiques à partir d’autres caractéristiques qu’elles soient sonores ou comportementales. Ces autres caractéristiques leur permettent de reconnaître une personne sans se souvenir du visage alors que les amnésiques en sont incapables. Les différences fonctionnelles entre patients prosopagnosiques ne sont pas le fruit du hasard mais reflètent des différences de localisation de leurs lésions cérébrales. La prosopagnosie est toujours la conséquence d’une lésion au niveau de l’hémisphère droit. Aucun cas consécutif une lésion de l’hémisphère gauche n’ayant été décrit. Il existe une corrélation nette entre le siège de la lésion de la nature du déficit. Cependant, l’absence de reconnaissance des visages ne signifie pas nécessairement une incapacité totale du cerveau à effectuer les opérations normalement impliquées dans cette reconnaissance. Des patients étaient capables d’associer des noms à des visages. Toutes ces études anatomo-cliniques fournissent des informations sur les déficits consécutifs à une lésion cérébrale, mais ne peuvent renseigner directement sur le fonctionnement direct du cerveau dans le traitement des visages. Les récents progrès des techniques d’imagerie cérébrale ont permis de remédier à ces difficultés en offrant la possibilité d’examiner l’activité du cerveau intact. La meilleure technique est le pet scan, tomographie par émissions de positons (rayonnement). Les résultats obtenus chez des sujets normaux effectuant des épreuves semblables à celles que les prosopagnosiques sont incapables de réaliser ont confirmé le rôle crucial des zones médianes et ventrales de l’hémisphère droit dans le contrôle du visage. Trois régions semblent indispensables à la reconnaissance des visages : le première est responsables des opérations perceptuelles impliquées dans la représentation et l’analyse de configurations faciales. On l’appelle le gyrus lingual fusiforme. La 2 ème région est située au niveau du cortex limbique, on l’appelle le gyrus parahippocampique, il joue un rôle central dans le traitement des visages puisqu’il sert à relier les informations conservées en mémoire à l’étape 3. La 3ème région est le cortex temporal antérieur qui joue un rôle dans la conservation des souvenirs de nature épisodique. Cependant, l’hémisphère gauche intervient aussi dans ce traitement, mais sa contribution n’est ni indispensable, ni suffisante dans le traitement des visages, sa lésion ne produit pas de prosopagnosie. Des études ont montré que chez des singes (macaques), certains de leurs neurones s’activent à la présentation des visages de leurs congénères. Elles ont également montré que certains répondent de préférence à un visage vu de face, d’autres à un visage de profil ou des visages exprimant une émotion, à l’orientation du regard (un singe n’aime pas qu’on le regarde dans les yeux car c’est synonyme d’agression). Tous ces neurones sont principalement situés au niveau du cortex temporal et représentent 5% des neurones. De ces différents travaux, on peut dire que toutes les opérations et informations se rapportant au visage sont en fait un ensemble de neurones activés simultanément, certains contribuant plus qu’un autre à certaines opérations. Les propriétés fonctionnelles de ces neurones sont, pour une majeure partie acquises et non innées. Des expériences sur des chiens ont montré que des chiens élevés avec des hommes, régissaient plus à des photos d’homme qu’à des photos de chiens.