Architecture de la matière – Chapitre 4/5

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Architecture de la matière – Chapitre 4/5
Niveaux énergétiques électroniques
I
Introduction :
Il ne s'agit plus ici, comme dans le précédent chapitre de liaison chimique, d'aborder la liaison
entre deux atomes avec des modèles simplistes, ou des notations. Ces modèles, ces notations,
n'avaient d'autre but que de retranscrire une certaine idée que l'on se faisait de la liaison
chimique.
Si ces modèles et ces notations sont encore utilisés, c'est que ce qu'ils sous-tendent est vérifié
par la mécanique quantique, qui, elle, est la théorie de base.
Nous allons voir, dans des cas simples, comment la mécanique quantique permet de rendre
compte de la liaison chimique entre deux atomes.
Bien sûr, puisque l'on va utiliser la mécanique quantique, il va falloir réutiliser la notion
d'orbitales. Nous allons voir comment, à partir des orbitales atomiques (OA) des atomes
constitutifs de la molécule, on construit des orbitales moléculaires (OM), qui sont les
véritables objets descriptifs de la molécule.
II Interaction de deux orbitales atomiques sur deux centres :
1. Approximations de base :
Comme pour l'atome polyélectronique, il est impossible de résoudre exactement l'équation de
Schrödinger. On est obligé de faire quelques approximations (réalistes).
• On considère les noyaux immobiles (cf. différence de masse entre les noyaux et les
électrons). On étudiera donc les fonctions d'onde électroniques pour une géométrie fixée. On
prend le plus souvent la distance d'équilibre entre les noyaux.
• La fonction d'onde électronique totale est exprimable (son expression est hors programme)
en fonction d'orbitales monoélectroniques. Ces fonctions monoélectroniques sont les orbitales
moléculaires (OM). On les note .
• Les OM sont exprimées comme Combinaison Linéaire des Orbitales Atomiques des
différents atomes de la molécule. C'est la théorie CLOA (ou LCAO en anglais).
On dit qu'on fait interagir des OA pour former des OM. k OA donnent naissance à k OM
linéairement indépendantes.
i = • cij . j
j
C'est l'allure des OM, leur énergie, leur remplissage électronique qui sera utile pour
l'interprétation de la liaison chimique et de la réactivité de la molécule.
Rem : Les OA des électrons de cœur ne sont généralement pas prises en compte. Leur
densité électronique est trop proche du noyau, et ne contribue pas à l'établissement d'une
liaison chimique. Cette tendance est bien sûr vérifiée par des calculs précis …
Rem : On ne retient pour chaque atome que les OA de valence occupées et les OA vacantes
de même valeur de n.
Exemple :
H (1s1), He(1s2)
Li (1s2 2s1)
on gardera leur OA 1s
on gardera les OA 2s et 2p (bien que 2p soit vacante)
2. Construction des OM à partir de deux OA identiques :
a. Etude de la densité électronique :
On considère une molécule homonucléaire, notée A1-A2 (les indices étant pour différencier
les deux atomes A dans les calculs).
1 et 2 sont les deux OA identiques, centrées respectivement sur A1 et A2, qui vont interagir.
Je note globalement  = c1.1 + c2.2 la forme de l'OM résultant de l'interaction des OA.
La densité électronique, donc ||2, doit être invariante par échange de1 et 2
b. Expression mathématique :
• ||2 = 2 = c12.12 + c22.22 + 2 c1.1.c2.2
• Invariance de ||2 par échange de 1 et 2
 c12 = c22  c1 = ± c2
Il apparaît deux solutions possibles :
+ = .(1 + 2)
- = .(1 - 2)
 et  doivent assurer la normalisation respectivement de + et - . Par abus de langage, on
parlera par la suite des OM (1 + 2) et (1 - 2); les coefficients de normalisation sont
importants pour les calculs, mais pas pour les interprétations qualitatives que nous allons
faire.
c. Forme des OM - interprétation chimique :
• La fonction +, résultant de la somme de 1 et 2, peut être étudiée via les courbes
d'isoniveaux (on prend ici l'exemple d'interaction d'orbitales s) :
On remarque une forte amplitude dans la région internucléaire !
Cela signifie que la densité électronique est importante entre les atomes. Si des électrons
peuplent cette OM (comme des électrons peuplaient des OA), ils auront tendance à rester
'souvent' entre les atomes dont ils sont issus. Il s'est créé ce que l'on appelle une OM liante.
Pour symboliser cette interaction, on a recours aux mêmes conventions que pour les OA :
+ est représentée par
ou
De manière générale, l'interaction d'orbitales présentant l'une à l'autre des lobes de même
signe donne naissance à une OM liante.
• La fonction -, résultant de la différence entre 1 et 2, est également étudiée via les courbes
d'isoniveaux (on prend encore ici l'exemple d'interaction d'orbitales s) :
On remarque une amplitude nulle dans la région internucléaire ! On dit qu'il existe un plan
nodal (plan dans lequel la densité électronique est toujours nulle). Ici, le plan nodal est le plan
orthogonal à la liaison A1-A2 et passant par le centre de la liaison.
Cela signifie que la densité électronique est faible entre les atomes. Si des électrons peuplent
cette OM, ils auront tendance à être 'éjectés' du segment internucléaire. Il s'est créé ce que l'on
appelle une OM antiliante.
Pour symboliser cette interaction, on a recours aux mêmes conventions que pour les OA :
- est représentée par
ou
De manière générale, l'interaction d'orbitales présentant l'une à l'autre des lobes de signe
différent donne naissance à une OM antiliante.
d. Energie des OM - diagramme d'interaction :
Les deux OM n'ont pas la même énergie que les deux OA dont elles sont issues :
• l'OM liante est stabilisée par rapport au niveau commun des deux OA (stabilisation :
E+)
• l'OM antiliante est déstabilisée (déstabilisation : E-)
De plus, E+ < EOn peut résumer ces résultats sur un diagramme énergétique. C'est un diagramme
d'interaction, ou diagramme d'OM (par abus de langage) :
Important :
Les deux quantités E+ et E- sont proportionnelles au recouvrement S des deux orbitales.
Par définition, le recouvrement S de deux orbitales 1 et 2 vaut :
 1. 2.d
S=
espace
Ce résultat est logique, car plus des orbitales se recouvrent, plus elles peuvent effectivement
interagir.
Ce résultat est également important, car pour des raisons de symétrie, des orbitales peuvent ne
pas interagir. Voici quelques exemples pour les quels l'examen de la symétrie du
recouvrement permet de prévoir une intégrale nulle pour S :
Recouvrement s 1 / (px)2 = 0
x
z
y
Recouvrement (p z)1 / (px)2 = 0
2. Construction des OM à partir de deux OA différentes :
Le principe théorique reste le même. Quelques résultats diffèrent cependant; les principaux
résultats sont résumés ci-dessous :
• L'interaction des deux orbitales donne naissance à deux orbitales : une liante, une antiliante.
• Les coefficients ne sont plus identiques :
◊ dans l'OM liante, le coefficient le plus grand est sur l'OA la plus basse en énergie.
◊ dans l'OM antiliante, le coefficient le plus grand est sur l'OA la plus haute en énergie.
+
• E < E-, et plus les OA sont proches en énergie, plus l'interaction est forte. Deux OA de
recouvrement nul n'interagissent pas.
En résumé :
3. Règles de remplissage d'un diagramme d'OM - indice de liaison :
a. Règles de remplissage :
Lorsqu'on a tracé un diagramme d'OM, il faut l'utiliser afin de pouvoir ou prédire, ou
retrouver des résultats expérimentaux. Pour cela, il faut placer dans les différentes OM les
électrons de valence de la molécule étudiée. Ce remplissage des OM obéit à certaines règles :
Règles de remplissage :
• Les OM se remplissent par ordre d'énergie croissante
• Chaque OM accueille au maximum deux électrons.
On applique à chaque OM la règle de Pauli et de Hund.
b. Indice de liaison :
Afin de pouvoir juger de la validité d'une forme de Lewis (voir applications dans le II ), on
définit l'indice de liaison (i) par :
Error!
Un excès de deux électrons liants donne i = 1. Cela suggère une liaison simple, comme dans
le formalisme de Lewis qui considère une liaison comme la mise en comun de deux électrons
de valence.
III Diagramme d’OM pour des molécules A2 :
Dans tout ce chapitre, A désigne un atome de la première ou seconde période.
1. Eléments de la première période :
Ces éléments, (H, He), ne font intervenir lors de leur interaction que leur orbitale 1s. Le
diagramme d'interaction est donc du style de celui rencontré au II. 1. d.
Les deux OM obtenues ont une symétrie de révolution autour de l'axe internucléaire. Elles
sont dites de symétrie .
◊ L'OM liante de symétrie  est notée simplement "  "
◊ L'OM antiliante de symétrie  est notée " * "
Exemple 1 : molécule H2
H : 1s1
il y a 2 electrons de valence à placer :
*

L'interaction est globalement stabilisante, et l'indice de liaison vaut i = Error!= 1 . et indice
est en accord avec le schéma de Lewis H-H.
Exemple 2 : ion He2+
He : 1s2
il y a 2*2-1 = 3 electrons
de valence à placer :
*

L'interaction est stabilisante (cependant, l'inégalité E+ < E- ne suffit pas à le prouver; il faut
un calcul précis …). L'indice de liaison vaut i = Error!= Error!; cette valeur n'a pas de lien
avec la notation de Lewis. Cet exemple a l'avantage de prouver que la notion de liaison
covalente n'est pas forcément liée à la mise en commun de doublets d'électrons.
Exemple 3 : molécule He2
He : 1s2
il y a 2*2 = 4 electrons
de valence à placer :
Puisque E+ < E-, l'interaction est déstabilisante. L'indice de liaison vaut i = Error!= 0 . Ces
deux résultats permettent de penser que cette molécule n'existe pas : cela est vérifié
expérimentalement.
2. Eléments de la seconde période :
Pour ces éléments :
◊ on omet les électrons de cœur 1s
◊ on fait interagir les orbitales de valence (2s, 2p)
Une nouveauté apparaît donc : l'interaction des orbitales p
a. Interaction des orbitales p :
Lorsque l'on regarde l'orientation relative des orbitales p sur chacun des centres, on remarque
l'existence de deux "groupes" d'orbitales p :
◊ les orbitales pz, qui pointent les unes vers les autres (recouvrement frontal).
x
A1
A2
z
y
◊ les orbitales px et py, qui ont un recouvrement latéral (seules les px sont décrites cidessous).
x
z
y
A1
1.Interaction
A2
des orbitales pz
• Les orbitales pz ne peuvent pas interagir avec une px ou une py, car leur recouvrement est
nul. On est donc amené à faire interagir l'orbitale pz1 avec la pz2.
faire interagir l'orbitale pz1 avec la pz2.
L'interaction de ces orbitales donne naissance à deux fonctions : (pz1 + pz2) et (pz1 - pz2),
dont les caractéristiques sont les suivantes :
x
x
A1
A2
A1
A2
z
z
y
y
pz 1 + p z 2
pz 1 - p z 2
• Caractère antiliant (2 lobes de signe opposé se font face)
• Caractère liant (2 lobes de même signe se font face)
• Recouvrement axial et antiliant *
• Allure d’un isoniveau :
• Recouvrement axial et liant 
• Allure d’un isoniveau :
2.
Interaction des orbitales px (ou py)
• Les orbitales px ne peuvent pas interagir avec une py, car leur recouvrement est nul. On est
donc amené à faire interagir l'orbitale px1 avec la px2.
• L'interaction des orbitales px donne naissance à deux fonctions : (px1 + px2) et (px1 - px2),
dont les caractéristiques sont les suivantes :
x
x
z
z
y
px 1 + p x 2
y
- p x1 + p x2
(équivalent de px 1 - p x 2 )
• Caractère liant (2 lobes de même signe se font face)
• Caractère antiliant (2 lobes de signe opposé se font face)
• Recouvrement latéral et liant 
• Allure d’un isoniveau :
• Recouvrement latéral et antiliant *
• Allure d’un isoniveau :
• Bien sûr, les résultats obtenus pour ces interactions sont transposables à l'interaction des
orbitales py (les figures obtenues doivent seulement être tournées de 90° autour de l'axe z).
Cela signifie que les orbitales px et py interagisent pour donnr naissance à deux OM 
dégénérées, et deux OM * dégénérées.
b. Diagramme d'OM des éléments de la seconde période :
Après avoir trouvé la façon dont les différentes orbitales interagissent entre elles, il faut les
classer en énergie.
• Les 2 orbitales 2s donnent :
une OM 2s
une OM *2s, d'énergie supérieure à la 2s
• Les 2 orbitales 2pz donnent : une OM 2pz
une OM *2pz, d'énergie supérieure à la 2pz.
• Les 4 orbitales 2px et 2py donnent : deux OM {2px ; 2py} dégénérées
deux OM {*2px ; *2py} dégénérées
◊ D'un point de vue énergétique, les OM 2s et *2s sont globalement sous le groupe des OM
dérivant de l'interaction des orbitales 2p, car les OA 2s sont nettement plus basses en énergie
que les OA 2p.
◊ Le recouvrement axial étant plus fort que le recouvrement latéral, la (dé)stabilisation par
recouvrement axial est plus forte que la (dé)stabilisation par recouvrement latéral.
De ces deux remarques, on en déduit l'allure du diagramme d'OM pour les molécules A2 (A
atome de la deuxième période) :
*2pz
*2px, *2py
2p
2p
2px, 2py
2pz
*2s
2s
2s
2s
Cependant, un problème survient … Il se trouve que l' orbitale 2pz d'un atome peut interagir
également avec l'orbitale 2s de l'autre atome (recouvrement non nul !); cela fait que, le niveau
de l'OM 2pz passe au-dessus du groupe d'OM {2px ; 2py}.
On admettra que c'est le cas pour A = Li, … N. Le diagramme d'OM ci dessus est valable
pour A = O, … Ne.
En résumé :
Diagramme d’OM pour A 2
* 2pz
* 2pz
* 2px, * 2py
* 2px, * 2py
2p
2p
2p
2p
2pz
2px, 2py
2px, 2py
2pz
* 2
* 2
2s
s
2s
2s
s
2s
2s
A = Li, … N
A = O, F, Ne
c. Utilisation du diagramme d'OM :
 Structures électroniques de molécules :
Exemple 4 : molécule B2
B : 1s22s22p1
on ne tient pas compte des 2 électrons 1s
 il y a 2*(2+1) = 6 électrons à placer
2s
*2pz
*2px, *2py
2p
2p
• B2 possède deux électrons célibataires : la molécule est
prévue paramagnétique (c’est vérifié expérimentalement)
2pz
2px, 2py
• On peut proposer une structure de Lewis pour B 2 : B
L’indice de liaison vaut i = (4-2)/2 = 1; il est en accord
avec la structure proposée.
*2s
2s
2s
2s
B2
Rem : Il faut noter que la configuration de B2 : (2s)2(2s)2(2px)1(2py)1, en accord avec
les résultats expérimentaux, aurait été différente avec l'autre type de diagramme d'OM. On
aurait obtenu : (2s)2(2s)2(2pz)2, et B2 aurait été prévue diamagnétique, ce qui est faux
expérimentalement.
Exemple 5 : molécule N2
N : 1s22s22p3; on ne tient pas compte des 2 électrons 1s
 il y a 2*(2+3) = 10 électrons à placer :
* 2pz
* 2px, * 2py
2p
2p
2pz
2px, 2py
• N2 ne possède pas d’électrons célibataires : la molécule
est prévue diamagnétique (c’est vérifié expérimentalement)
• On peut proposer une structure de Lewis pour N 2 : N N
L’indice de liaison vaut i = (8-2)/2 = 3; il est en accord
avec la structure proposée.
* 2
s
2s
2s
2s
N2
Rem : La configuration de N2 est : (2s)2(2s)2(2px)2(2py)2(2pz)2. L'examen du
diagramme permet de préciser la nature de la triple liaison N/N : elle est conposée d'une
liaison  et de deux liaisons  équivalentes. La nature de la liaison chimique entre deux
atomes est fondamentale pour sa réactivité (voir cours de chimie organique).
B
Le diagramme d’OM trouvé théoriquement est confirmé par la spectroscopie électronique. On
envoie un rayonnement électromagnétique d’énergie fixée sur la molécule. On analyse
l’énergie cinétique des électrons émis, et on en déduit par différence l’énergie que les
électrons avaient dans la molécule.
 Evolution des longueurs et énergies de liaison :
On est parfois amené à étudier la variation des longueurs de liaison lorsqu'on ajoute ou que
l'on retire un électron à A2. Le diagramme d'OM de A2 permet de prévoir ces évolutions :
Si on ajoute un électron dans une OM liante, ou si on enlève un électron d'une OM antiliante,
on renforce la liaison. La distance d'équilibre diminue donc.
Si on ajoute un électron dans une OM antiliante, ou si on enlève un électron d'une OM liante,
on affaiblit la liaison. La distance d'équilibre augmente donc.
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