Parmi toutes les prescriptions que peut formuler une théorie de l'enseignement des habiletés motrices,
celles qui portent sur la manière de spécifier et de clarifier le but à atteindre ainsi que sur les moyens d'y
parvenir, sont sans aucun doute de nature à modifier profondément les méthodes traditionnelles
d'enseignement.
2) Aménager les conditions régulatrices
Le concept de " dépendance environnementale ", tel qu'il a été analysé plus haut, signifie que pour
organiser une réponse efficace, le pratiquant doit se conformer aux caractéristiques régulatrices de
l'environnement qui gouvernent son mouvement. Un des aspects importants de l'acquisition de l'habileté,
est de parvenir à faire coïncider les paramètres du mouvement avec ses caractéristiques
environnementales. Il est donc primordial, pour l'élève, d'apprendre à reconnaître celles-ci, de savoir les
détecter et les identifier. Au tennis, par exemple, le joueur doit savoir où se dirige la balle, à quel moment
elle va arriver à cet endroit, si elle a de l'effet, etc. Une mauvaise estimation des caractéristiques de la
trajectoire de balle entraînera inévitablement une inadaptation de son geste de frappe.
Peut-on aider l'élève à détecter et identifier les caractéristiques régulatrices ?
L'action de l'enseignant dans ce domaine doit consister essentiellement dans une structuration de
l'environnement. Tout d'abord est-ce que les conditions environnementales dans lesquelles. l'élève
cherche à acquérir l'habileté doivent rester identiques à celles de la situation normale. La
recommandation qu'il est possible de faire à ce sujet est que tous les indices régulateurs doivent être
présents dès les premières tentatives du débutant. Par contre l'éducateur peut réduire le nombre des
caractéristiques non régulatrices afin de ne pas trop augmenter la charge de stimulation. Il doit
notamment supprimer les sources éventuelles de distraction et les réintroduire progressivement en
fonction de l'évolution de l'apprentissage.
Quelques recherches ont porté sur la manière d'aider le pratiquant à mieux détecter des indices
régulateurs. C'est ainsi que des techniques de présentation de film (Haskins, 1965 ; Jones, 1972)
permettent une observation systématique de ceux-ci, ou bien un codage à l'aide de couleur (Machette,
1980) permet de les rendre plus prégnants par rapport au fond général de stimulation.
3) L'estimation des conditions environnementales
Elle n'est pas toujours facile à réaliser. La plupart du temps, l'environnement est en perpétuel
changement. Le pratiquant est donc confronté à la nécessité de prédire ce que seront les conditions
régulatrices à un moment donné. Cette capacité de prédiction, d'autant plus difficile à mettre en œuvre
que l'environnement est incertain, se développe au cours de l'apprentissage.
Comment faciliter cet apprentissage ?
La première tâche de l'enseignant consiste à identifier le degré général d'incertitude de la tâche. Afin de
l'aider dans cette estimation une théorie de l'enseignement des habiletés motrices doit construire des
systèmes de classification quantitatifs des caractéristiques des tâches motrices qui sont en rapport avec
toutes les sortes d'incertitude qui peuvent entrer dans la constitution d'une tâche.
Considérons l'une de ces caractéristiques : l'incertitude spatiale : elle est inversement proportionnelle à la
probabilité qu'a un individu de prédire où un événement va se produire. Par exemple où va atterrir la
longue passe que vient de faire le milieu de terrain au football. Où va aller le ballon, après un service
flottant, au volley, etc. Les différentes tâches que doivent accomplir les pratiquants comportent plus ou
moins de cette incertitude spatiale. A la différence du joueur de volley ou du joueur de tennis
réceptionnant un service, le joueur de golf n'est pour ainsi dire confronté à aucune incertitude spatiale.
Une échelle d'évaluation, par exemple, en quatre points, permet d'estimer de manière précise le degré
d'incertitude spatiale d'une tâche motrice. Il y a, à chaque extrémité, un minimum et un maximum
d'incertitude.
Bien qu'il soit difficile de donner une mesure précise de l'incertitude spatiale, des repères objectifs
permettent de situer les tâches sur cette dimension. Le minimum se situe lorsque l'objet sur lequel on agit
(la balle par exemple) est immobile. Lorsqu'un objet se déplace sur une dimension de l'espace, il devient
plus difficile de prévoir où il va aller. Quand il se déplace simultanément sur deux dimensions, c'est
encore plus difficile. Le maximum est atteint lorsque l'objet se déplace simultanément sur trois
dimensions. La validité empirique de cette échelle a été vérifiée expérimentalement (Famose, Durand,
Bertsch, 1985). Dans cette expérience, on a demandé à des sujets de frapper, à l'aide d'une crosse
tenue à deux mains, une balle de tennis et de la diriger vers une cible. Les sujets devaient tenter
d'atteindre la cible dans quatre conditions environnementales différentes :
1. la balle était arrêtée ;
2. la balle roulait sur le sol ;
3. la balle rebondissait et devait être frappée en l'air ;
4) la balle devait être frappée après un faux rebond.
Dans cette expérience, les performances des sujets sont meilleures lorsque la tâche se situe au niveau
minimum de complexité sur l'échelle d'incertitude spatiale. Elle baisse lorsque ces tâches se positionnent
à des niveaux de complexité plus élevés. Une corrélation très forte a donc été établie entre le niveau de
performance des sujets et la position d'une tâche sur l'échelle. Il est possible de procéder de même en ce