Diagnostic des infections a gonocoque

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Diagnostic des infections à gonocoque
par Catherine Dupeyron
Biologiste, Hôpital Albert-Chenevier, Créteil.
Le gonocoque (Neisseria gonorrhoeae) est une bactérie pathogène, responsable
d'une maladie sexuellement transmissible, très fréquente et très contagieuse, la
blennorragie. Cette bactérie est spécifique de l'espèce humaine, où elle se trouve
toujours à l'état pathogène. Il n'y a jamais de porteurs sains.
Pouvoir pathogène
La blennorragie
Le gonocoque provoque des suppurations des voies génitales qui, en l'absence de
traitement, peuvent être suivies de complications graves.

Chez l'homme, c'est une urétrite aiguë se traduisant par un écoulement
purulent au niveau du méat urinaire et des douleurs aiguës à la miction. La
période d'incubation est courte (4 à 8 jours) et sans symptôme. Si le traitement
n'est pas instauré rapidement, l'urétrite antérieure devient totale Elle peut même
se propager aux voies génitales donnant des infections de l'épididyme, du
testicule et de la prostate.

Chez la femme, contrairement à ce qui se passe chez l'homme, la maladie est
le plus souvent sans symptômes au début, pour ne devenir visible que lorsque
l'infection s'est étendue. Il peut s'agir d'une inflammation de l'urètre, des glandes
de Skène et/ou de Bartholin. Souvent la patiente consulte pour leucorrhées et l'on
constate alors une cervicite, une salpingite. Parfois il s'agit d'une péritonite.
Des formes asymptomatiques sont maintenant signalées aussi chez l'homme.
Autres localisations
- L'infection gonococcique de la femme enceinte peut provoquer une infection de
l'enfant lors de l'accouchement. Celle-ci peut se traduire chez le nouveau-né par
une infection généralisée, mais la manifestation la plus habituelle est une
conjonctivite purulente. L'ophtalmie néonatale est prévenue par l'instillation oculaire
systématique aux nouveau-nés d'une solution de nitrate d'argent à 1 pour cent.
- On peut trouver chez l'adulte des formes anorectales et pharyngées.
Complications
Elles surviennent en l'absence de diagnostic et de traitement. Il s'agit de
complications articulaires (arthrite du genou par exemple), septiques (endocardites,
méningites) ou mécaniques (rétrécissement urétral chez l'homme).
Épidémiologie
Le gonocoque est très fragile, il ne survit pas dans le milieu extérieur. C'est par
contact direct à l'occasion de rapports sexuels que se fait la contamination. La
gonococcie passe très souvent inaperçue, notamment chez la femme et les
malades asymptomatiques, qui hébergent des gonocoques dans le tractus
urogénital ou le rhinopharynx et jouent un rôle majeur dans la propagation
interhumaine de la maladie. Le dépistage et le traitement rapide d'un malade sont
donc très importants afin de rompre la chaîne de transmission. Ils doivent toujours
être complétés par le dépistage et le traitement des partenaires.
Diagnostic biologique
Il se fait au laboratoire par la mise en évidence des gonocoques à l'examen direct
dans les prélèvements, complété par une culture et un antibiogramme quand cela
est possible.
Prélèvements

Chez l'homme
Lors d'urétrite aiguë, on prélève un peu de pus urétral, de préférence à distance
d'une miction.
Dans les formes subaiguës, où l'écoulement est souvent minime et intermittent, le
prélèvement devra être fait le matin avant la première miction.
Dans le cas d'une atteinte haute, il est possible de prélever les sécrétions
urétroprostatiques après massage prudent de la prostate.
Il faut chez les homosexuels pratiquer un prélèvement anorectal.

Chez la femme
Plusieurs prélèvements seront effectués systématiquement :
-
au niveau de l'urètre,
au niveau des orifices glandulaires vulvaires de Bartholin ou de Skène en cas
d'atteinte inflammatoire,
au niveau de l'endocol, avec un spéculum,
- au niveau de l'anus.
Il faut savoir qu'il existe une réactivation physiologique au moment des règles (4e
jour).

Dans les deux sexes
Le gonocoque est plus rarement isolé au niveau de la gorge, de lésions cutanées, du
liquide articulaire, du sang.
Examen microscopique
Faire un étalement mince du pus sur une lame de microscope.
Effectuer une coloration de Gram (voir Développement et Santé, n° 127, 1997, p. 8)
Examiner la lame pour rechercher la présence :
-
de pus qui se présente sous forme d'un amas de leucocytes altérés, à noyau
rose vif et cytoplasme altéré,
de gonocoques qui sont des cocci à gram négatif (rose clair), en forme de
grains de café, disposés par paires pouvant être
o intracellulaires : à l'intérieur du cytoplasme des leucocytes. (1)
o extracellulaires : amas entre les leucocytes, provenant de l'éclatement
de ces derniers. (2) (voir schéma).
Cet examen permet de faire le diagnostic des urétrites aiguës de l'homme. Un
étalement de pus montrant après coloration des diplocoques à gram négatif en
majorité intraleucocytaires est très caractéristique et constitue un très fort élément de
présomption. La confirmation par culture est cependant recommandée.
Dans toutes les autres formes de gonococcie, en particulier 1'urétrite chronique de
l'homme et l'infection génitale de la femme, les germes sont rares et l'examen
microscopique est peu révélateur. La culture du gonocoque est alors le seul moyen
de diagnostic bactériologique.
Culture
La culture du gonocoque est délicate et nécessite l'ensemencement immédiat du
prélèvement sur un milieu enrichi avec du sang cuit ou des vitamines et rendu
sélectif par addition d'antibiotiques.
La culture est incubée à 37°C en atmosphère enrichie avec 5 à 10% de gaz
carbonique. Les colonies apparaissent en 24 à 48 heures, petites, grisâtres, à bords
irréguliers. À partir de ces colonies, le diagnostic de Neisseria gonorrhoeae est
fortement orienté par la mise en évidence de cocci à gram négatif en grains de café,
possédant une oxydase. Il faut cependant savoir que parmi les différentes espèces
de Neisseria, trois peuvent se développer sur les milieux sélectifs Neisseria
gonorrhoeae, Neisseria meningitidis (agent de la méningite cérébrospinale),
Neisseria lactamica (non pathogène). Le diagnostic définitif ne peut se faire que par
l'étude biochimique de la souche isolée.
Si la culture ne peut être réalisée sur place, le prélèvement doit être ensemencé
dans un milieu de transport (milieu de Stuart par exemple) permettant son
acheminement jusqu'à un laboratoire.
Antibiogramme
Non réalisé autrefois, il doit maintenant être effectué quand cela est possible en
raison de l'existence de souches résistantes notamment aux pénicillines et aux
tétracyclines. Là aussi, des milieux de culture enrichis sont nécessaires.
Tous les milieux de culture et les réactifs pour l'identification et l'antibiogramme sont
commercialisés par différents laboratoires, accompagnés de fiches techniques.
Traitement
Il devra tenir compte des résistances apparues dans de nombreuses régions et être
établi en fonction des connaissances des résistances locales, des données
éventuelles de l'antibiogramme, et de la présence possible d'autres pathologies
sexuellement transmissibles associées, Chlamydiae ou syphilis par exemple.
Conclusion
Le dépistage de l'infection gonococcique aiguë chez l'homme peut être fait par
l'examen direct du pus urétral. Il est rapide, facilement réalisable dans un laboratoire
ne possédant que microscope et colorants et peut rendre de grands services pour
interrompre la transmission de la maladie.
En revanche, pour les autres prélèvements, en particulier pour le dépistage de
l'infection
de la femme et celui des infections chroniques, les germes sont souvent en trop
petite quantité pour être bien visibles à l'examen direct et des cultures sont
nécessaires pour affirmer un diagnostic. Dans ce cas l'examen ne peut être fait que
dans un laboratoire possédant l'équipement pour la bactériologie.
Prévention : Le gonocoque est une bactérie responsable d'une maladie
sexuellement transmissible. La seule prévention possible réside dans l'usage du
préservatif.
Développement et Santé, n° 136, août 1998
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