Le front social s’échauffe mais ne brûle pas : les acteurs y exercent leurs attributions
sans contrainte. La scène syndicale est picotée de quelques grèves, de marches toujours
tolérées, de revendications somme toute normales dans une démocratie d’un pays en
développement qualifié par des manques de divers ordres. Malgré tout, le dialogue social
continue de réguler les rapports antagoniques entre l’Etat, les Patronats et les Syndicats.
Penser que c’est l’âge d’or, serait embellir la réalité par omission de complexes
questions non encore résolues comme les éboulements qui ont secoué parfois assombri
l’espace politique (rébellion casamançaise en voie de règlement, naufrage du bateau le Diola,
l’affaire Talla Sylla, l’incendie des siéges de la CNTS et du MSD-Jant Bi). Ce sont justement
ces problèmes et d’autres certainement plus compliqués et plus difficiles qui imposent
l’instauration d’une démocratie apaisée et consensuelle qui mette le pays au travail en vue d’
accélérer les transformation en profondeur susceptibles d’améliorer le bien-être des
populations.
Toutefois, au-delà des critiques ponctuelles sur tel ou tel aspect des politiques
sectorielles anciennement appliquées ou nouvellement modifiées, la question de fond est la
l’impérative reconfiguration du champs de spécialisation du Sénégal pour développer
prioritairement les productions pour lesquelles le pays possède des avantages comparatifs ou
construits c’est-à-dire un meilleur profil de compétitivité dans la sous-région et dans la
mondialisation darwiniste. Le choix n'est donc pas entre le refus d'une telle politique ou son
acceptation passive, mais entre la possibilité d'entrevoir, au prix de sacrifices, un avenir
meilleur, et la certitude de s'enfoncer dans la voie du déclin. En outre, les structures
d’encadrement créatrices d’externalités positives comme l’Ecole et la Santé sont à réformer
en profondeur et certainement dans la douleur. Le capital humain constituant à la fois un outil
essentiel pour la croissance et la lutte contre la pauvreté, son amélioration donc celle de la
productivité globale est fonction des investissements dans l’éducation, la santé et la nutrition.
La théorie économique contemporaine accorde à ces facteurs qui porteront la croissance et les
emplois de demain une place prépondérante. Enfin, les moules institutionnels doivent être
impérativement perfectionnés pour mieux fonctionner au bénéfice des partis politiques, des
syndicats, de la société civile et des citoyens. Par exemple la corruption, aujourd’hui décriée
par certaines organisations, est un échange occulte pour accéder à des avantages indus. Par les
rentes de situation et l’enrichissement illicite générés, elle gangrène le fonctionnement de la
démocratie et le libre jeu des mécanismes des marchés. De plus, faut-il le rappeler
(notamment à mon jeune collègue Madior Fall) la démocratie représentative n'a dû sa stabilité
(sur un peu plus d’un siècle) qu'à la confiscation du jeu politique par les élites : notables
traditionnels et modernes (cadres intellectuels et administratifs), professionnels de la
représentation politique. Ces sédiments de la société continuent d’occuper le terrain dont les
citoyens simples électeurs supposés profanes se trouvent de plus en plus exclus. Il leur est
carrément demandé de voter, éventuellement de militer, mais de toujours s'en remettre à plus
capables, plus savants, plus avisés, plus politiques. Cet accaparement justifie la mobilisation
de la société civile pour briser les inégalités d’accès à la politique même si paradoxalement ou
contradictoirement elle veut toujours se définir antagoniquement à la société politique.
La résolution de ces nombreux et complexes problèmes propres à la plupart des
formations sociales en développement appelle de nouvelles visions stratégiques, de nouvelles
praxis économiques, sociales et culturelles. Dans ce sens, l’enjeu des appels répétés du Chef
de l’Etat à l’ Opposition est d’arriver à promouvoir un dialogue constructif, fécond entre les
formations politiques les plus significatives, ayant des vocations différentes ou des idéologies
divergentes. Le résultat escompté est clair : créer les conditions d’une paix qui rassure et
sécurise tous les acteurs internes (apaisement du front social) et externes (Institutions
Financières Internationales et secteur privé étranger porteur des Investissements Directs
Etrangers). Les partis représentés au gouvernement -ou ceux aspirant à y être- ainsi que les