Germaine Montero (1909-2000) Interprète, comédienne Germaine Heygel naît à Paris le 22 octobre 1909, d'un père alsacien et d'une mère normande. Son père est industriel. Sa mère meurt de la tuberculose alors qu’elle n’a pas encore treize ans. Elle passe les premières années de sa vie à Montrouge en banlieue parisienne. Après des études au lycée de Versailles et un séjour en Grande-Bretagne, elle se rend en Espagne au début des années 30 et suit des cours à l'université de Valladolid. A Madrid, où elle habite par la suite, elle rencontre le poète et dramaturge Federico Garcia Lorca. Il la fait débuter au théâtre en 1932-33 dans l'interprétation des grands classiques espagnols. De retour à Paris après le coup d'Etat franquiste de 1936, elle prend le pseudonyme de Montero. En 1938, elle se révèle au public parisien dans la pièce Font aux Cabres de Lope de Vega. Elle joue ensuite dans Noces de sang de Garcia Lorca et dans Divines Paroles de Valle Inclan. Alors qu’elle répète Noces de sang sous la direction du metteur en scène Marcel Herrand, elle lui fredonne pendant les pauses les airs de folklore qu’elle a appris en Espagne. Ils lui plaisent et il lui demande de les chanter dans les coulisses entre les tableaux de la pièce. Agnès Capri, proche de Marcel Herrand, insiste pour qu’elle passe dans son cabaret de la rue Molière. En 1939, Germaine Montero y débute en tant que chanteuse en y interprétant un florilège de chansons populaires espagnoles. Elle y reste près de deux ans. Elle a toujours dit qu’elle était devenue chanteuse par accident. Chez Agnès Capri, elle rencontre Jacques Prévert. Pendant l’Occupation, ils partent rejoindre Joseph Kosma à Juanles-Pins. Germaine Montero y crée ses premières chansons de Prévert, notamment « Et puis après - Je suis comme je suis » écrite pour elle. En 1943, à la demande de son père elle séjourne en Suisse où elle joue et chante. Le 27 juin 1945, elle est la première, avant Edith Piaf, à appeler son tour de chant un récital, sur la scène du Théâtre de l’Athénée à Paris, dirigé à l’époque par Louis Jouvet. Ce récital se décompose en trois parties. Dans la première, elle y interprète ses chansons crées pendant l’Occupation avec Philippe-Gérard au piano. Dans la seconde elle y chante des chansons de Jacques Prévert avec Joseph Kosma au piano et dans la troisième son répertoire espagnol accompagné par Luigi Campolieti. Elle y triomphe avec en tout près de trente chansons. En dehors des chansons populaires espagnoles qui firent son succès, Germaine Montero mit sa voix au service des grands auteurs français. Elle est l'interprète fétiche de Pierre Mac Orlan : « Je peux vous raconter » (Mac Orlan/Philippe Gérard, écrite pour elle), « Ca n'a pas d'importance » (Mac Orlan/Marceau), « La Chanson de Margaret » (Mac Orlan/Marceau), « La Fille de Londres » (Mac Orlan/Marceau, titre repris par Juliette Gréco et Catherine Sauvage), « La chanson de Bagatelle » (Mac Orlan/Verger), « La route de Simla » (Mac Orlan/Van Parys)… Pierre Mac Orlan dira à propos de Germaine Montero : « …Elle fut la première à donner sa confiance aux paroles de mes chansons. Ce n’était pas une confiance de tout repos. Mais l’art de la grande comédienne, réuni à une parfaite compréhension de la poésie populaire, lui permit de gagner le jeu souvent difficile des mots ». Elle a également interprété les chansons de Jacques Prévert et Joseph Kosma (« Barbara », « Les enfants qui s’aiment », « Les Feuilles mortes », « En sortant de l'école », « Et puis après - Je suis comme je suis »…) Elle a aussi chanté Léo Ferré (« Paris canaille », « Le piano du pauvre », « Les amoureux du Havre », « Pauvre Rutebeuf », « La fortune »…), Mouloudji et Georges Van Parys (« Un jour tu verras ») et Léon Xanrof (« Le fiacre », « L’hôtel du n°3 »…) Elle enregistre à deux reprises en 1953 et en 1967 les chansons de Mère Courage de Bertolt Brecht de Paul Dessau (« Chanson de Mère courage », « Chanson de la rose », « Berceuse »…) Son répertoire contient par ailleurs des chansons plus anciennes : « Tableau de Paris à cinq heures du matin » (Marc-Antoine Désaugiers, 1802), « La Semaine sanglante » (Jean-Baptiste Clément, 1871), « Nini peau de chien » (Aristide Bruant, 1904), « Rue Saint-Vincent (Rose blanche) » (Aristide Bruant, 1912), « Du gris » (Benech et Dumont, 1920), « La Butte rouge » (Montéhus, 1922)… En mars 1955, elle enregistre dix chansons de Pierre-Jean de Béranger, parmi lesquelles « Les cinq étages », « Les gueux », « A mes amis devenus ministres » et « Ma grand-mère ». Elle a reçu le Grand Prix du Disque en 1953 et Le Grand Prix de l'Académie Charles Cros en 1970. Germaine Montero mènera toujours de front et avec un égal succès ses carrières de comédienne et de chanteuse. En 1947, elle participe à la création du festival d'Avignon aux côtés de Jean Vilar. Elle entre par la suite au TNP qu'il dirige. Au théâtre, elle joue Shakespeare (La tragédie du roi Richard II, mise en scène de Jean Vilar), Clavel (La terrasse de midi, mise en scène de Jean Vilar), Pirandello (Henri IV, mise en scène d’André Barsacq), Brecht (Mère Courage, mise en scène de Jean Vilar), Anouilh (Le bal des voleurs, mise en scène d’André Barsacq), Claudel (Le pain dur, mise en scène d’André Barscq, L’échange, mise en scène de JeanLouis Barrault), Montherlant (Pasiphaé, mise en scène de Jean Vilar), Garcia Lorca (Noces de sang, mise en scène de Bernard Jenny, La maison de Bernarda Alba, mise en scène de Jacques Mauclair), Cocteau (La machine infernale, pièce radiophonique)... Au cinéma, elle tourne dans une vingtaine de films, dont Le soleil a toujours raison (1943, de Pierre Billon, adaptation et dialogues de Jacques Prévert), Lady Paname (1950, Henri Jeanson), Monsieur Ripois (1954, René Clément), Mélodie en sous-sol (1963, Henri Verneuil)… Elle décède le 29 juin 2000, près d'Orange dans le Vaucluse. © Le Hall de la Chanson