GEOPOLITIQUE DES RESSOURCES D’INTEGRATION ECONOMIQUE, DE LA PAIX ET DE LA STABILITE REGIONALE Prof. Philippe Biyoya Makutu L’exploitation des ressources minières dans la perspective d’une coopération et d’une intégration économique à vocation de paix post-conflit et de stabilité régionale doit ou devrait procéder du devoir de mise en application des enseignements de la géopolitique des ressources naturelles. Celle-ci enseigne que leur existence engendre des rivalités en vue de leur possession, non tant pour leur valeur intrinsèque que pour le pouvoir qu’elles procurent. Les ressources naturelles ont joué un rôle important dans les conflits du passé et contemporains ; elles continuent à financer et à entretenir les rivalités de pouvoir sur le contrôle des territoires. Aussi, notre modeste contribution se propose-t-elle de montrer comment la gestion des ressources naturelles qui ont occasionné une guerre économique mondiale africaine doit être une réponse au défi du contexte régional et mondial. En effet, la détermination des axes stratégiques et l’identification des défis à relever pour un commerce responsable, dans un partenariat gagnant-gagnant entre l’Etat congolais et le secteur privé exigerait une approche globale de la question de la gestion post-conflit des ressources naturelles, gestion durable et transparente, en tout point de vue géopolitique. Pour avoir donné lieu à une guerre économique régionale participant à la logique du double contexte de la mondialisation et de la régionalisation, nos ressources naturelles doivent avoir désormais un rôle géopolitique et géostratégique dans l’élaboration et la détermination de nos politiques de développement, dans nos politiques étrangères et dans nos politiques de l’action extérieure. Hier, éléments ou conditions de notre vulnérabilité, de nos dépendances extérieures, nos ressources naturelles doivent être désormais par leur exploitation rationalisée, constructrices de notre identité économique. 1 Le partenariat Public-Privé que nous voulons gagnant-gagnant ne serait envisageable que si nous disposons au préalable d’une politique d’insertion voulue et réussie de l’Etat congolais à la mondialisation de l’interdépendance économique (et non de l’interdépendance institutionnelle de coopération avec les institutions internationales universelles et régionales de coopération). A cet égard, une géopolitique des ressources de l’intégration économique, de la paix et de la stabilité régionale est celle qui place la gestion rationnalisée de ressources naturelles dans l’objectif de la conquête des enjeux de pouvoirs sur des territoires (Frédéric Lasserre, Emmanuel GONON). Les pillages de nos ressources naturelles par les guerres d’agression et par les rébellions armées étaient destinés à modifier les rapports de force traditionnels, à transformer la relation régionale naturelle qui faisait de la RDC une nation-pivot de l’équilibre régional. Les Pactes et Communautés régionaux créés dans le sillage de ce contexte difficile auront reçu pour vocation d’entériner ce nouvel âge régional de nouveaux équilibres, d’une RDC devenue la sphère d’influence des pays voisins dans son flanc oriental. Et puisque cette nouvelle option d’une reconfiguration régionale par le jeu de la coopération, de l’intégration, de la paix et de la stabilité régionale par la gestion concertée des ressources transnationales s’imposerait désormais, et serait devenue irrévocable, la RDC se trouve dans l’obligation de construire sa stratégie de coopération et d’intégration par sa capacité d’une économie congolaise compétitive et conquérante des marchés régionaux. Ça s’appelle, la stratégie ou la politique du développement régional. La RDC aurait le devoir de se doter d’une identité économique par l’intégration économique interne, par la création d’un marché intérieur, par la promotion des commerces interrégionaux. L’intégration économique externe ou régionale dans ce cas doit signifier la mise en place d’une division régionale du travail autour des avantages comparatifs ou compétitifs, la théorie de l’intégration économique étant avant tout une théorie politique. 2 L’identité économique est généralement portée par les Entreprises, la géoéconomie qui accompagne la mondialisation aujourd’hui a pour doctrine, le patriotisme économique. La RDC, pays minier à l’instar de la République Sud-Africaine manque cruellement des Entreprises fleurons porteuses de son identité minière. La RSA a sur ses cinq grandes mines, des Entreprises multinationales sud-Africaines. Alors qu’en RDC, sur le cuivre, le cobalt, l’or et le diamant sans oublier le coltan, les multinationales d’extraction ne sont pas congolaises. Il y a là un défi que notre politique économique doit relever. Nous en appelons ainsi à la géopolitisation de la politique économique et de l’exploitation de nos ressources. Cette géopolitisation de la gestion des ressources naturelles poursuivrait avant tout, la réalisation par le jeu de la coopération et de l’intégration économique de l’objectif de paix et de stabilité régionales en ceci que l’essentiel ou la source de la paix résiderait dans un consensus sur l’avenir régional commun, au service duquel se mettrait l’exploitation des ressources. Car, ce ne sont pas les immensités des ressources qui stimulent la coopération et l’intégration, bien au contraire, puisque facteurs souvent de déséquilibres et d’instabilité. La stabilité régionale passe donc par la coopération institutionnelle et l’érection d’un système régional de paix en lieu et place d’un système de guerre. La Région des Grands Lacs serait avant tout un système de guerre. La gestion concertée des ressources transfrontalières doit s’imposer comme un exercice de transformation des conflits. C’est la transformation du conflit en coopération politique qui impulserait une intégration économique bienfaisante. Le partenariat Public-privé passerait alors par la promotion d’une économie d’entreprises nationales garantes de la concurrence à l’attraction des Entreprises multinationales, qui en l’absence de contexte de concurrence, opéreraient dans un contexte de paradis fiscal et de paradis juridique. Pour ce faire, il faut travailler à développer la culture d’entreprises en recourant à la loi géopolitique de l’expansion. Les Entreprises publiques ou privées congolaises doivent être performantes et compétitives, il ne suffit 3 pas de les transformer simplement en entreprises commerciales sans ambition et sans projet de leur expansion et de leur performance … C’est ici le lieu de rappeler que l’intégration régionale dans le contexte de la mondialisation est perçue comme une voie de reconfiguration de l’Etat là où les contraintes externes entravent son affirmation et sa prétention à la puissance. En Afrique Centrale et dans la Région des Grands, la théorie et la pratique de l’intégration régionale aurait tendance à s’écarter de cet objectif. La CEEAC, la CEPGL, le CIRGL ne seraient pas des structures de nature économique, structures de concertation, de conception et d’élaboration des politiques économiques régionales ou à tout le moins, des espaces coïncidant avec des marchés régionaux. L’intégration économique régionale dans ces espaces ne connait pas d’autres acteurs de l’économie mondiale autres que les Etats en programme du reste avec le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. Toutes ces structures régionales de développement pourraient ne pas être des voies de meilleure circulation de notre vocation et de notre ambition de progrès et de développement économique régional. C’est pourquoi notre stratégie de croissance économique doit veiller à ne pas faire dépendre notre ambition régionale de notre appartenance à ces communautés, ou encore limiter notre destin de paix à leur géographie. Les organisations internationales restent un lieu d’exercice d’influence et non du développement. Par ailleurs, l’amélioration du climat des affaires se trouve entravée en Afrique Centrale et dans la Région des Grands Lacs, par le fait de l’incorporation de l’Afrique dans le projet européen de construction et de planification de l’avenir économique de l’Europe de 1957 (Traité de Rome), principal obstacle à la compétitivité des économies africaines en recyclage « du Pacte colonial ». Toute approche de l’avenir africain de paix, de stabilité régionale ou toute perspective de consolidation de la paix durable et de la sécurité régionale par la coopération et l’intégration économique à travers la gestion coopérative ou concertée des ressources minières transnationales devra 4 prendre en compte s’agissant de la RDC, la situation du pays victime des effets et des méfaits de guerres économiques de pillage des ressources naturelles et tous les cycles de violence et autres crimes économiques faits à notre vocation régionale de nation pourvoyeuse des ressources et de locomotive de l’économie régionale inexistante. La référence souvent faite à la réconciliation franco-allemande dans le contexte de la région des Grands lacs nous enseigne à nous armer d’ambition régionale et internationale, laquelle du reste devra guider et accompagner toute notre volonté de paix, de stabilité régionale post-conflit. Il nous faut gérer les ressources minières nationales et transnationales dans cette perspective d’une nouvelle économie congolaise d’exportation et du développement régional. Le charbon et l’acier français et allemand n’ont pas construit la paix européenne par leur caractère transnational mais plutôt par le fait de leur mauvaise exploitation nationaliste à la base des rivalités et surtout par la transnationalisation de leur destin de paix et de leur avenir régional désormais solidaire. La Communauté Européenne du charbon et de l’acier était une communautarisation des identités économiques nationales particulières et non un partage des ressources nationales. Les ressources ne sont pas à partager ; mais c’est plutôt le développement qu’il nous faut partager avec les voisins. La régionalisation de notre stratégie de développement national viserait à créer des synergies entre marchés régionaux, soit la construction des complémentarités industrielles et des interdépendances commerciales. L’exploitation du gaz méthane du lac Kivu et du pétrole du lac Albert ne participe pas à cette idéologie de communautarisation des identités économiques nationales et du destin en termes d’avenir régional commun. La révolution de la modernité doit servir la concrétisation de ce devoir de construction de l’identité économique congolaise, véhicule de notre ambition ou vocation économique nationale, régionale et internationale. Il y a un prix à payer et un important investissement à consentir en termes d’intelligence économique. 5