MODALITES D’ACCES AUX FICHIERS DU SALARIE SUR L’ORDINATEUR PROFESSIONNEL Cass. Soc., 19 juin 2013 n°12-12138 et 12-12139 Hélène POPU Selon la Cour de Cassation, seul l’intitulé que le salarié a donné à son document, fichier ou mail, est de nature à lui conférer un caractère personnel ou non. Il en résulte de ce fait, que l’employeur peut le consulter en l’absence du salarié, tant qu’il n’est pas expressément identifié comme étant personnel. * * * Les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de sa prestation de travail sont présumés avoir un caractère professionnel. En conséquence, l’employeur peut y avoir accès hors de sa présence (Cass. Soc., 18 octobre 2006, n°04-48025 ; 04-47400). Il en est de même pour les connexions Internet effectuées pendant le temps de travail avec l’outil informatique mis à disposition par l’employeur. A contrario, la Cour de cassation assimile à une violation du secret de la correspondance le fait pour l’employeur de prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié ou reçus par lui (Cass. Soc., 12 octobre 2004, n°02-40392). Ainsi, l’employeur ne pourra accéder à des fichiers personnels du salarié qu’avec l’accord de ce dernier ou lorsque le salarié a été dûment invité à être présent lors de cet accès (Cass. Soc., 21 octobre 2009, n°07-43877). La question est alors de savoir quels sont les critères permettant d’identifier si un fichier a un caractère personnel ou non. Par arrêt en date du 21 octobre 2009 (n°07-43877), la Cour de cassation est venue préciser que le fichier contenu dans l’ordinateur d’un salarié et identifié à partir des initiales de son prénom n’est pas un fichier dit personnel. Dans le cadre d’un autre arrêt en date du 10 mai 2012 (n°11-13884), la Cour de cassation mentionne qu’un fichier dénommé mes documents sur l’ordinateur de travail d’un salarié peut être ouvert par l’employeur en l’absence de ce salarié dans la mesure où ce fichier n’a pas de caractère personnel. Par deux arrêts en date du 19 juin 2013 (n°12-12138 et 12-12139), la Cour de cassation apporte de nouveau des éclaircissements, stipulant que des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent de la messagerie électronique personnelle du salarié. Dans ces deux affaires, une agence de publicité, soupçonnant deux salariés de concurrence déloyale, avait missionné un expert informatique afin de procéder au retrait et à la prise de copie du disque dur de leurs ordinateurs. Et cela en présence d’un huissier et non des salariés. L’expert qui avait trouvé des documents expressément dénommés « perso » ou « personnels » et ne les avait ni ouverts ni exploités. En revanche, des dossiers et fichiers avaient été récupérés dans la corbeille et utilisés à l’appui du licenciement pour faute grave des deux salariés. Ces derniers avaient alors soulevé que ces fichiers émanaient de leur messagerie personnelle et devaient donc être considérés, au visa de l’article 9 du Code civil, comme ayant un caractère personnel, ce qui avait été retenu par la cour d’appel de Versailles pour juger les deux licenciements comme étant sans cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation a admis le pourvoi formé par l’employeur aux motifs que : « des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié ». Ainsi, pour la première fois, la Cour de cassation précise donc que la provenance de l’élément enregistré est sans incidence sur l’appréciation de son caractère professionnel ou personnel. En outre, la Cour de cassation valide également le retrait et la prise de copie du disque dur d’un salarié, par un expert mandaté par l’employeur. Par Hélène POPU avocate