La nouvelle macroéconomie classique Critiques des limites de la politique économique (et critiques de ces critiques). I) Limites de la modélisation : la « révolution » des anticipations rationnelles. Avant les anticipations rationnelles, les économistes fondaient leurs modèles sur les anticipations adaptatives, selon lesquelles « les anticipations des agents se forment à partir de la moyenne pondérée des valeurs passées des variables ». 1961 : théorie des anticipations rationnelles de John Muth : Les anticipations rationnelles ne sont pas biaisées, elles (agrégées) sont correctes en moyenne. Elles sont cohérentes entre elles et il faut une nouvelle information pour changer les anticipations. Elles sont orthogonales, c'est-à-dire que leurs erreurs ne sont liées à aucune information pertinente connue au moment où elles ont été émises. L’hypothèse d’anticipations rationnelles ne signifie pas que les agents économiques connaissent toutes les lois de l’économie, mais seulement que leurs décisions sont cohérentes avec celles-ci. Si l’on croit aux anticipations rationnelles, la stabilité de la politique économique doit être un objectif majeur : elle favorise grandement la confiance et l’investissement, et donc la croissance. L’efficacité des politiques économiques conjoncturelles (qui deviennent un « art complexe de stratège en interaction avec d’autres stratèges) s’en trouve d’autant réduite. « La politique économique ne peut pas reposer sur une « représentation naïve » (c'est-à-dire sur les anticipations adaptatives) du comportement des agents. Critique des anticipations rationnelles. On peut critiquer l’hypothèse d’anticipations rationnelles en notant les multiples obstacles qui existent à la formation de telles anticipations (ex : asymétries d’informations, coûts de l’information…). Il n’en reste que les anticipations rationnelles sont globalement performantes en matière de modélisation et permettent une meilleure approche que les anticipations adaptatives. II) Les limites de la confiance. 1) Le défaut de crédibilité La théorie des jeux et le biais inflationniste des politiques budgétaires. Il existe un biais inflationniste : le gouvernement et la banque centrale souhaite une inflation faible, mais également un excès d’inflation par rapport à celle anticipée par les agents privés, excès qui permet de stimuler temporairement la croissance (les salaires sont relativement en baisse, ce qui favorise l’embauche et la réduction du chômage). Ce biais inflationniste est anticipé par les agents (notamment les salariés), qui provoquent une inflation « préventive » (demande de hausses de salaires). L’Etat est pris à son propre jeu par les anticipations des agents. La tendance spontanée au biais inflationniste sera d’autant plus élevée que l’économie sera en récession ou que le niveau de la dette publique sera élevé (le gouvernement souhaite baisser le coût de sa dette vie l’inflation). L’équivalence néo ricardienne (1974, Barro) Le mode de financement des dépenses publiques par impôt ou par accroissement de la dette publique n’a pas d’impact réel sur l’économie car l’accroissement de la dette publique ne représente pas un surplus de richesse nette pour les agents : c’est « une créance que les agents privés détiennent sur eux-mêmes. » Une baisse d’impôt n’a pas d’autre effet qu’une hausse de l’épargne en prévision des hausses d’impôt futures. - - Contestations de cette équivalence : Il n’y a pas d’altruisme générationnel, les ménages sont en partie myopes de ce point de vue et les baisses d’impôt ne se traduisent pas automatiquement en hausse de l’épargne. Les marchés financiers sont imparfaits et font bénéficiés à l’Etat d’un taux d’intérêt faible. L’Etat, en faisant de la dette, fait bénéficier à l’ensemble de la population de ce taux faible et prend en charge le risque. La principale réponse de la NMC à ces critiques est que rien ne dit que les ménages resteront myopes à tout jamais. Exemple de réalisation des conditions de l’équivalence au Japon depuis 10 ans et récemment en Europe avec le PSC (CF. situation en Allemagne). 2) L’aléa moral La politique économique est prise dans une contradiction entre la nécessité de ne pas encourager la prise de risque excessive et celle de venir au secours des victimes d’accidents involontaires. 3) L’incohérence temporelle Pour Kydland et Prescott (article de 1977), la politique optimale n’est pas temporellement cohérente. Pour remédier à cette incohérence, Kydland et Prescott proposent de bannir les politiques discrétionnaires, définies comme résultant d’une optimisation à chaque instant. Pour eux, la politique économique doit plutôt s’attacher à suivre des règles fixes. Exemple d’application : le pacte de stabilité et de croissance en matière de politique budgétaire en Europe. III) Les limites de la bienveillance. 1) L’Etat et l’information. L’Etat connaît les mêmes problèmes d’asymétrie d’information que dans toute relation « principal-agent ». Ces problèmes d’asymétrie d’information apparaissent dans ses relations avec les agents privés, mais aussi dans les relations entre le décideur central et les services qui travaillent pour lui. Cf. les avancées de la LOLF à ce dernier sujet. L’Etat a aussi une vision fragmentée et biaisée de l’économie (ex : ministère de l’agriculture de fait favorable aux mesures soutenant les agriculteurs). Plus généralement, on peut observer des phénomènes de « capture du régulateur » par les intérêts mêmes qu’il est censé réguler. La théorie des choix publics et la croissance non maîtrisée des dépenses publiques. Niskanen Il existe un jeu à trois managers publics – décideurs publics – électeurs, dans lequel les managers publics détiennent l’information et cherchent à maximiser leur satisfaction, ce qui passe par une hausse non contrôlable des dépenses publiques, une surproduction et des sureffectifs bureaucratiques. En conséquence, la NMC propose d’améliorer l’information du décideur public et de l’électeur, et de supprimer tout monopole public. 2) L’Etat et la politique La politique effectivement suivie résulte du jeu politique et ne coïncide pas obligatoirement avec la politique optimale, même si le résultat de la compétition électorale approche souvent l’intérêt général. L’idéal est de créer les conditions institutionnelles susceptibles de favoriser la coïncidence entre choix politique économique et intérêt général. IV) Les limites de la connaissance. 1) Des comportements mal connus. Problèmes liés aux incertitudes des modèles économétriques. Insuffisance prise en compte de la « politique du risque » par les décideurs politiques et leurs conseillers économiques (exemple : faible prise en compte des aléas économiques par les LF, politique de l’emploi). Les cycles d’affaires réels. Lucas 1970, Les fluctuations représentent l’adaptation optimale d’une économie aux chocs technologiques, sectoriels, et aux nouveaux comportements des agents. La persistance des chocs s’explique par les délais de constitution du capital et les délais de diffusion intersectorielle du choc initiale. Ainsi, toute politique économique discrétionnaire visant à lutter contre les cycles serait contre productive. La théorie des RBC ne nie toutefois pas l’existence de cycles financiers ayant un effet sur les cycles réels (exemple : effet d’un rationnement du crédit sur l’activité). 2) Des risques extrêmes ou inconnus 3) Des situations où il est optimal de ne rien faire Dès lors qu’une décision de politique économique entraîne des conséquences irréversibles (ce qui est souvent le cas), il peut être optimal d’attendre pour prendre en considération des informations nouvelles sur ses coûts et avantages. Voire « principe de précaution » économique. Ex : les Suédois décident d’attendre avant de rentrer dans l’euro. Une proposition de la NMC : le constitutionnalisme économique. Ceci passe par : - indépendance de la banque centrale - fixation d’un objectif d’inflation - restauration d’un système monétaire international - respect du principe d’équilibre budgétaire et d’une limite des dépenses publiques - Fixation d’un objectif de stabilité du ratio dette public sur PIB - fixation d’un seuil de taxation fiscale