Revue d’odontostomatologie malgache en ligne ISSN 2220-069X 2011 ; volume 4 pages 8-14
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Un cas atypique de métastase mandibulaire chez une patiente
traitée pour cancer thyroïdien.
Razafindrakoto RMJ (1), Rakotoarisoa AHN (1), Razakanaivo M (2),
Andrianandrasana NO (2), Tatafasa S (3), Randrianandraina MP (4), Rafaramino JF (5)
(1) Chefs de Clinique ORL, Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona, CHU
d’Antananarivo
(2) Internes des Hôpitaux en Oncologie, Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona, CHU
d’Antananarivo
(3) Médecin-Assistant au service Oncologie, Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona,
CHU d’Antananarivo
(4) Interne des Hôpitaux en ORL, Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona, CHU
d’Antananarivo
(5) Professeur Titulaire en Oncologie, Chef du Service Oncologie, Hôpital Joseph
Ravoahangy Andrianavalona, CHU d’Antananarivo
Auteur correspondant:
Razafindrakoto RMJ, service ORL, Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona, CHU
d’Antananarivo
Résumé
Les métastases mandibulaires d’un carcinome papillaire de la glande thyroïde sont
exceptionnelles. L’objectif de cette étude était d’en rapporter un cas observé à Antananarivo.
En Septembre 2010, nous avons retrouvé au service ORL du Centre Hospitalier Universitaire
d’Antananarivo, chez une patiente de 68 ans, des lésions gingivales qui envahissaient la
mandibule. La tumeur mandibulaire survenait deux ans après un carcinome papillaire
thyroïdien traité par thyroïdectomie totale. L’examen anatomopathologique d’un
prélèvement gingival révélait une métastase d’un cancer papillaire thyroïdien. Les lésions
gingivales et mandibulaires disparaissaient quatre mois après que la patiente fut mise sous
irathérapie et chimiothérapie. Au bout de 20 mois de suivi, nous n’avons retrouvé aucun signe
de récidive.
Si les carcinomes folliculaires de la thyroïde métastasent par voie hématogène, les carcinomes
papillaires demeureront plutôt intrathyroïdiens ou donneront des métastases ganglionnaires.
Très peu de cas de métastases mandibulaires d’un carcinome papillaire thyroïdien sont
rapportés dans la littérature. Le tissu papillaire métastatique pourrait provenir de restes
embryologiques thyroïdiens aberrants.
Les métastases mandibulaires d’un carcinome papillaire thyroïdien devraient s’inscrire dans la
liste des diagnostics différentiels des tumeurs de la région orale. De la précocité du diagnostic
et de la prise en charge dépend la survie du patient.
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Mots-clés: Anatomopathologie, carcinome papillaire, mandibule, métastase, suivi
An unusual case of mandibular metastasis with a patient
treated for thyroid carcinoma.
Summary
Mandibular metastases from a papillar thyroid carcinoma are exceptional. The aim of this
study was to report a case of this uncommon disease seen in Antananarivo.
A female patient, 68 years’ old, presented in ENT department of Antananarivo University
Hospital Center in September 2010 with a gingival lesion which invaded into the mandible.
Two years ago, a thyroid papillar carcinoma was diagnosed, treated by total thyroidectomy.
Histopathology of gingival tissue revealed metastatic papillar carcinoma. The patient
received radioiodine and chemotherapy. The gingival and mandibular lesions disappeared
four months later. There was no recurrence after 20 months following-up.
Whereas follicular carcinoma metastasizes hematogenously, thyroid papillar carcinoma
usually remains intrathyroidal and tends to metastasize only to regional nodes. Very few
isolated cases of mandibular metastasis from papillar carcinomas are reported in the
literature. Papillar thyroid tissue could originate from aberrant embryologic rests.
Thyroid tumors metastasizing to the mandible should be included in the differential diagnoses
of tumors in the oral region. Of early detection and treatment of these metastatic lesions may
result long-term survival.
Key-words: Following-up, histopathology, mandible, metastasis, papillar carcinoma
Introduction
La majorité des cancers thyroïdiens sont
découverts avec un nodule
asymptomatique. Ils se révèlent parfois par
des métastases ganglionnaires cervicales,
osseuses ou pulmonaires. Les métastases
mandibulaires des carcinomes papillaires
thyroïdiens sont exceptionnelles (1, 2,
3). Rapporter ici un cas de cette pathologie
rare a motivé cette étude.
Observation
Madame B… G…, 68 ans, bénéficiait en
Octobre 2008 d’une biopsie d’un nodule
isthmique thyroïdien. L’examen
anatomopathologique concluait à un
carcinome papillaire, justifiant par une
thyroïdectomie totale. Compte-tenu de
l’âge de la patiente et vu l’absence
d’adénopathie cervicale, on n’avait pas
effectué de curage ganglionnaire cervical.
La scintigraphie post-opératoire retrouvait
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de petits reliquats thyroïdiens (Figure 1),
mais à cette période l’irathérapie n’était
pas disponible à Antananarivo.
Figure 1 : scintigraphie thyroïdienne réalisée en post-opératoire.
Une chimiothérapie complémentaire à base
d’adriblastine et cisplatine était alors
décidée. La surveillance se faisait
régulièrement tous les 6 mois, le contrôle
cervical était toujours normal. En
Septembre 2010, des lésions
bourgeonnantes violacées se retrouvaient
en regard des gencives des dents numéros
35 et 36, ne cédant pas sous bains de
bouche antiseptiques durant 20 jours. La
radiographie panoramique montrait une
lésion lacunaire en regard des dents sus-
citées, avec une image de fracture
pathologique non déplacée et un fragment
intermédiaire (Figure 2). La biopsie des
lésions gingivales révélait une métastase
d’un carcinome papillaire thyroïdien
(Figure 3). Une mandibulectomie n’était
pas effectuée à cause de l’âge de la
patiente. L’irathérapie était délivrée à la
dose de 100 millicuries au total. Les
lésions gingivales disparaissaient
complètement en Décembre 2010. En Août
2012, au moment nous soumettons cet
article, (c’est-à-dire avec un recul de 1 an
et 8 mois), on ne note aucun signe de
récidive.
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Figure 1 : radiographie panoramique dentaire de notre patiente montrant une lésion lacunaire
opaque en regard des dents 35 et 36. Remarquez la fracture pathologique (flèches blanches).
Figure 3 : métastase mandibulaire d’un carcinome papillaire thyroïdien.
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Commentaires
Tous les auteurs consultés s’accordent à
noter le caractère exceptionnel des
métastases mandibulaires provenant d’un
carcinome papillaire thyroïdien, tels
Germain (1), Colella (2), Osguthorpe (3),
Okura (4) et Liu (5). Comme nous, ces
auteurs n’avaient rapporté chacun qu’une
seule observation. Depuis 2007, à notre
connaissance, aucun autre cas n’avait été
publié.
L’apparition des tastases mandibulaires
se produit dans des délais variables, 5 ans
pour la patiente de Colella (2), 13 ans pour
celui de Germain (1). Ce délai était plus
court chez notre patiente (2 ans après la
première localisation thyroïdienne). A la
localisation mandibulaire s’ajoutait une
autre localisation scapulaire (5)
(observation de Liu), pulmonaire
(observation d’Okura) (4). Le cas rapporté
par Bhansali (6) siégeait sur le maxillaire
et non sur la mandibule.
Les carcinomes thyroïdiens vésiculaires
métastasent volontiers au niveau des os (7).
La mandibule étant une structure osseuse,
comment expliquer que les métastases
mandibulaires ne soient pas plus souvent
retrouvées dans les carcinomes papillaires?
Si les carcinomes vésiculaires donnent des
métastases par voie hématogène, les
carcinomes papillaires restent
généralement intraglandulaires ou donnent
uniquement des métastases ganglionnaires
cervicales (2). La métastase mandibulaire
pourrait n’être en fait quune deuxième
localisation. Osguthorpe (3) pense qu’il
pourrait s’agir de la transformation
maligne d’un tissu thyroïdien ectopique.
Nous pensons que, puisque
l’embryogénèse thyroïdienne ne fait pas
intervenir l’arc primitif mandibulaire, cette
dernière hypothèse est plausible.
Devant cette pathologie, l’arsenal
thérapeutique comporte une
mandibulectomie interruptrice avec
lambeau de tissu osseux péronéen (1)
associée à la chimiothérapie, une
chimiothérapie adjuvante, un traitement
par iode 131 ou une immunothérapie
locale (4). Notre traitement consistait en
une thyroïdectomie et une chimiothérapie
adjuvante pour la tumeur initiale et une
irathérapie pour la localisation
mandibulaire. Dans les carcinomes
thyroïdiens, le traitement par l’iode 131
permet de diminuer le taux de rechute
clinique, rallongeant ainsi la survie des
patients (7). L’irathérapie s’administre à
une dose de 30-100 millicuries, permettant
l’ablation des résidus tumoraux dans 90%
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