Histoire économique 8 avril 2003
L’Europe dans la période 1000-1500 (Maddison, pp.51-54)
Appréciation d’ensemble : votre rapport est un excellent complément aux pages de
Maddison, basé sur une recherche assez large, clairement structuré et qui se lit bien alors que
vous avez dû travailler sous une forte pression de temps. De tout cela, soyez félicités et
remerciés. Cependant, la troisième partie est peut-être un peu trop « riche » : pourquoi, par
exemple, discuter du cas de Venise, sachant que c’est le sujet du cours suivant ? Rappelez-
vous le proverbe selon lequel « Qui trop embrasse mal étreint ».
Une remarque générale : lorsqu’on cherche à retracer, de manière descriptive et « littéraire »,
l’histoire des inventions et progrès techniques ou autres, que ce soit dans l’agriculture,
l’industrie ou le commerce, il est tentant de se laisser emporter par un certain enthousiasme et
de conclure qu’il y a eu une ou des « révolutions » ou, pour vous citer, un ou des « booms » –
et, par conséquent, de s’en exagérer l’importance. Ainsi, vous écrivez dans votre conclusion
(p. 42, vers le bas) : « Les XIe et XIIe siècles sont marqués par une économie en plein essor
grâce à de nombreux progrès techniques, certes lentes, mais qui vont bouleverser toute la
productivité tant agricole qu’industrielle. » En réalité, pour apprécier l’importance de ces
progrès techniques, il est indispensable de recourir à des indicateurs objectifs, comme le PIB
réel par tête ou le salaire réel moyen. C’est pour cela que le cours met l’accent sur les données
quantitatives – l’histoire « littéraire », bien qu’indispensable, peut être très trompeuse. Or,
nous avons déjà vu ce qu’il en a été de l’évolution des salaires réels dans l’agriculture (cf. le
graphique sur la relation, en Angleterre, entre le salaire agricole moyen et la population).
Dans un cours subséquent, nous verrons aussi que le PIB réel par tête était, en Angleterre
(pays pour lequel on dispose de données continues et relativement fiables), pratiquement le
même en 1600 et dans la seconde moitié du XIIIe siècle ! Les inventions et progrès que vous
décrivez n’ont certes pas été négligeables en eux-mêmes, mais force est de conclure que leur
impact sur la productivité économique a été faible, voire non existant. Une interprétation
possible est que ces inventions et progrès ont souvent rendu le travail humain moins pénible et
peut-être moins long, mais pas beaucoup plus productif. Ainsi, il se pourrait que la
productivité par heure de travail ait bien augmenté, mais pas celle par journée de travail, et
cela dans la mesure où la durée de cette dernière est devenue plus courte en moyenne annuelle.
Dans l’état actuel de la recherche, c’est-à-dire jusqu’à plus ample informé, nous pouvons donc
considérer que cette lente progression technique a surtout préparé le terrain pour ce qui allait
venir ensuite, c’est-à-dire dès environ 1650.
Cela dit, quelques remarques plus ponctuelles.
(1) Un détail de forme : il faut écrire « moyen âge » (deux minuscules et pas de tiret) et non
pas « Moyen Âge » ou « Moyen-âge » ou que sais-je encore.
(2) Bas de la p. 3 : « Des métiers comme commerçants, artistes, avocats... étaient exercés par
une minorité qui profitait du fait qu’une large proportion de la population travaillait dans
l’agriculture. » Les mots en italiques sont chargés de jugements de valeur : « profiter »
suggère « exploiter ». Dans la longue période historique, il vaut généralement mieux
considérer qu’on a affaire à des situations d’équilibre s’expliquant par divers mécanismes
économiques – voir le modèle Malthus-etc.