UV_801_BASES_PODO_EVOLUTION

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UV 801
BASES DE PODOLOGIE
ACQUISITION DE LA BIPEDIE
ETIO PALEO PATHOLOGIE
P. PILARDEAU
BIPEDE PAR LE CRANE
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Cela n’a pas été pas facile de devenir bipède exclusif. ! Il a fallu acquérir une lordose
lombaire, se servir de son bassin pour stabiliser la station debout et recevoir le poids du corps, être
capable de marcher la jambe tendue, être plantigrade, savoir garder son équilibre et.... marcher la tête
haute.
En fait il ne s’agit pas d’un choix mais d’une nécessité en rapport avec un blocage de notre trou
occipital en position antérieure.
Le trou occipital, ou foramen magnum, est entièrement creusé au dépend de l’occipital qu’il
divise en deux régions inégales, une région postérieure très développée ou écaille, et une région
antérieure l’apophyse basilaire de taille beaucoup plus réduite Le trou occipital s’ouvre dans la région
antérieure de cet os et fait communiquer la cavité crânienne avec le canal rachidien. De forme
ovalaire à grand axe antéro-postérieur, il livre passage au bulbe, aux nerfs spinaux et aux artères
vertébrales. Ses diamètres sont respectivement de 30 et 35 mm chez l’homme moderne.
L’ossification de cet os montre qu’il correspond à la fusion de plusieurs os ancestraux. On ne
compte pas moins de cinq à 6 points d’ossification.
Contrairement à ce qui est observé chez l’homme, le trou occipital des quadrupèdes, des
brachiateurs et des bipèdes sporadiques se trouve en position haute (à la partie postérieure de la base
du crâne). Dans cette position la tête se trouve « appendue » au rachis cervical qui présente une
courbure lordotique (concavité dirigée vers le haut) destinée à mieux supporter le poids de la tête et à
aligner le regard vers l’avant.
Chez les bipèdes permanents, le trou occipital est s’ouvre dans la partie antérieure de
l’occipital. Ce n’est pas le trou occipital qui a migré vers l’avant, mais au contraire cet orifice qui n’a
pas migré en arrière, processus bien connu chez les jeunes gorilles qui passent ainsi d’une bipédie
juvénile (trou en position antérieur) à une quadrupédie adulte (migration postérieure).Cette nouvelle
position de l’orifice occipital implique ipso facto une modification fondamentale de l’équilibre
général de l’animal qui se trouve dans l’obligation de se redresser et de se déplacer suivant un mode
bipède.
La mutation à l’origine de ce « blocage », en position antérieure du trou occipital, ou
hypomorphose, a sans doute concerné un gène régulateur (ou architecte) suivant un mode saltatoire,
obligeant le premier individu hétérozygote à se déplacer dressé (il est encore certainement trop tôt
pour parler de bipédie à cette époque).
Ce n’est qu’à partir de cette première mutation, véritable starter de la bipédie, que le rachis, le
bassin, les membres et les pieds s’adapteront tant bien que mal à ce nouveau mode de déplacement.
2
Cette position originale dressée du corps a certainement donné à ces premiers mutants un avantage
suffisamment conséquent pour que ce phénotype se transmette aux descendants, au point de
supplanter l’ancien mode de locomotion (quadrupède ou brachiateur).
Sportifs examinés en cinq ans
en Médecine du Sport (JV)
Nombre
%
11 752
Pathologies en rapport avec
le syndrome de Lucy
7 159
61, 7
Cette bipédie par le haut est à l’origine d’une multitude de pathologies appartenant au
syndrome de Lucy. Toutes sont en rapport avec l’incapacité de notre organisme à s’adapter
parfaitement à ce nouveau mode de locomotion. Une étude réalisée dans le cadre de la consultation de
Médecine du Sport de l’hôpital Jean Verdier pendant cinq ans, de 1990 à 2003, montre que 61,7 %
des sportifs consultants présentent une pathologie en rapport avec la syndrome de Lucy.
Chez l’adolescent, la compression verticale permanente appliquée sur le rachis, du fait de la
gravitation, est à l’origine de la maladie de Scheuermann qui touche les plateaux vertébraux lors de la
croissance,
Plus bas, au dernier étage lombaire, l’association des forces verticales antigravitaires et des
cisaillements dus à la rotation du bassin lors de la marche bipède, sont à l’origine de la lyse isthmique
des articulaires L5/S1, pathologie équivalant à une fracture de fatigue
La charge appliquée sur les deux derniers disques lombaires, équivalente à 2/3 du poids
corporel, tend à luxer les fibro-cartilage vers la région postérieure, provoquant ainsi des hernies
discales L4/L5 et L5/S1 responsables de sciatalgies.
Entre l’insuffisance musculaire antérieure et la rétraction des chaînes musculaires
postérieures, existent des zones de conflit à l’origine des sacro-iléites, et de contracture des psoas
source de lombalgies
Ces tensions sont responsables de tendinites du moyen fessier et du pyramidal ainsi que des
lombalgies fonctionnelles caractérisées par l’absence de signe clinique et radiologiques de
dégénérescence des vertèbres ou des cartilages discaux,
La lordose lombaire et la position très antéversée du bassin humain rétrécissement la filière
génitale, rendant la parturition plus délicate
Pathologies à l’origine des dorso-lombalgies :
473
soit 6,5 % des pathologies appartenant au syndrome de Lucy
3
Nombre
%
Lombalgies fonctionnelles
163
34, 5
Sacro-iléite
121
25, 6
Hernies discales
119
25,2
Lyse isthmique
22
4,6
Scheuermann
48
10,1
Parmi ces pathologies, les lombalgies fonctionnelles, souvent confondues avec les atteinte
articulaires postérieures, discales ou canalaires, représentent 34,5 % des phénomènes douloureux
dorso-lombaires
Au niveau des membres porteurs la lutte antigravitaire permanente engendre des
ostéochondrites fémorale et astragalienne,
La surcharge chronique du membre inférieur provoque l’apparition de fractures de fatigue du
tibia et de l’astragale, ainsi que de troubles plantaires comme la myoaponévrosite et la maladie de
Morton. Ces dernières peuvent être favorisées par la présence d’un trouble des appuis plantaires.
Maladies de surcharge du membre inférieur :
140
so t 1,9 % des pathologies appartenant au syndrome de Lucy
Nombre
%
4
Fracture de fatigue tibiale
25
17,8
Fracture de fatigue astragalienne
11
7,8
Fracture de fatigue des métatarses
6
4,3
Ostéochondrite
16
11,4
Aponévrosite
82
58,7
Les aponévrosites et les maladies de Morton, secondaires à un phénomène de surcharge de la
voûte plantaire, représentent la très grande majorité des atteintes du membre inférieur chez le sportif.
Les fameuses fractures de fatigue ne représentant que 29,9 % des pathologies de surcharge du
membre inférieur et seulement 0,3 % de l’ensemble des pathologies diagnostiquées en médecine du
sport.
Outre les pathologies ostéo-articulaire, la bipédie est à l’origine d’une cohorte de troubles
musculaires en rapport avec des insuffisances ou des rétractions.
Syndrome fémoro-patellaire
Les insuffisances concernent le syndrome fémoro-patellaire qui touche plus de 15% des
adolescentes,
Abdominaux
La pression abdominale exercée sur des muscles périnéaux non adaptation à la fonction
antigravitaire, génère des phénomènes de ptôse utérine et de fuites urinaires (présentes chez 20% des
jeunes filles nullipares) . La faiblesse des abdominaux est en partie responsable des hernies
inguinales, d’autant plus fréquentes que la paroi n’est pas entretenue et que les exercices pratiqués
augmentent la pression abdominale.
Les claquages des abdominaux, fréquents lors de la pratique des sports en rotation forcée du
tronc, relèvent de la même étiologie.
Quadriceps
Au niveau de la cuisse, les ruptures du droit antérieur répondent à une réduction drastique de
la force de ce muscle, passé de l’état de muscle antigravitaire majeur à celui de fléchisseur de la
cuisse et d’extenseur de la jambe
Maladies en rapport avec l’insuffisance du plan musculaire antérieur :
soit 18,4 % des pathologies appartenant au syndrome de Lucy
Nombre
Syndrome fémoro-patellaire
1335
%
1151
86,3
5
Rupture du droit antérieur
19
1,4
Tendinite des adducteurs
65
4,8
Claquage des abdominaux
34
2,5
Hernie inguinale
82
5
Les pubalgies, si fréquentes chez le sportif et notamment chez les footballeurs représentent au
total 1,5 % de l’ensemble des pathologies motivant une consultation en médecine du sport. A
contrario le syndrome fémoro-patellaire est retrouvé chez 9,8% de ces patients, soit significativement
moins que chez l’ensemble des adolescents (15 %).
Les pathologies en rapport avec la rétraction des chaînes musculaires postérieures sont à
l’origine des claquages des ischio-jambiers, de claquage du jumeau interne, des tendinite et
rupture du tendon d’Achille.
Maladies en rapport avec les rétraction du plan musculaire postérieur :
soit 20 % des pathologies appartenant au syndrome de Lucy
Nombre
Claquage des ischio-jambiers
1 060
Tendinite et rupture du tendon d’Achille
258
Claquage du jumeau interne
1452
%
73
17,7
134
9,3
Le claquage des ischio-jambiers est d’une très grande fréquence chez le sportif notamment
chez celui qui omet de s’étirer et présente des masses musculaires postérieures trop toniques. La
conjonction de ces deux phénomènes aboutit aux élongation, claquages et même rupture de
l’ensemble des muscles des loges postérieures de la cuisse et du mollet.
Cheville
Enfin, les difficultés à gérer notre équilibre et notre proprioception (gestion du déséquilibre)
sont responsables d’entorses externe de la cheville, d’entorse du genou et à distance de contractures
rachidiennes, de bruxisme et de céphalées
Maladies en rapport l’équilibre précaire des bipèdes : 3859
soit 53,2 % des pathologies appartenant au syndrome de Lucy
Nombre
%
Entorse externe de la cheville
2 774
71,9
Entorse du genou
1 085
28,1
6
L’entorse externe de la cheville représente la principale pathologie retrouvée dans le domaine
du sport avec 23,6 % de l’ensemble des pathologies. Il est clair que notre équilibre reste d’une très
grande précarité et ce malgré l’adaptation de notre proprioception à notre statut de bipède
Maladies en rapport avec le Syndrome de Lucy : 7259 soit
61,7 %
des pathologies examinées dans une consultation de médecine du sport
pendant une durée de cinq ans
Nombre
%
Lombalgies
473
6 ,5
Insuffisance antérieure
1335
18,4
Rétractions postérieures
1452
20
Surcharge du membre inférieur
140
1,9
Instabilité
3859
53,2
L’instabilité propre à la bipédie représente la majeur partie des pathologies rencontrées chez
le sportif, tandis que les atteintes musculaires en rapport avec l’insuffisance antérieure et la rétraction
postérieure sont pratiquement en proportion identique. Il est probable que les lombalgies sont moins
fréquentes chez le sujet entraîné du fait de l’attention qu’il porte à ses étirement et à sa musculation
abdominale que chez le sujet sédentaire dont la faiblesse du haubanage musculaire est souvent
associée à une surcharge pondérale.
Ce longue inventaire à la Prévert, montre bien que la bipédie, dont nous sommes légitimement
fière, est bien loin d’être totalement réglée.
LA BIPEDIE C’EST LE PIED
La bipédie, ou aptitude à marcher sur deux pieds, nécessite ne nombreuses contraintes dont
certaines ne sont que partiellement résolues chez les hommes actuels, rendant parfois instable son
équilibre et dangereux son déplacement. La bipédie implique dans sa définition :
= La verticalisation du rachis
= L’extension de la jambe
= La stabilisation du bassin
= Une marche plantigrade
= L’exclusivité de ce mode de déplacement
Redressement des hominidés
7
L’évolution vers la bipédie peut artificiellement être divisée en deux grandes périodes
caractérisées par l’importance des acquis. La première débute par une mutation certainement
fondamentale il y a environ cinq à six millions d’années quand le trou occipital reste bloqué en
position antérieure, donc bien avant que le volume du cerveau prenne son essor. La deuxième
période, plus floue correspondrait à de multiples micromutations concernant la physiologie du pied.
Ces remaniements concernent l’adduction du premier rayon, la moins grande mobilité du cuboïde,
l’élargissement du calcanéum, le rétrécissement du deuxième métatarse et à la plus grande rectitude
des phalanges anciennement incurvées vers le bas.
La période concernée par ces transformations se situerait avant Homo erectus, précédant ainsi
les grandes migrations colonisatrices intervenues il y a environ 2,5 millions d’années. Cette hypothèse
semble corroborée par la découverte à Oldoway en Tanzanie d’un pied, certes incomplet, d’Homo
habilis étonnement moderne.
En quelques millions d’années le pied perd sa fonction préhensile proche de celle de la main,
et acquière les caractéristiques nécessaires au maintien du corps debout et au déplacement,. Il n’est
pas certain que l’ensemble de ces modifications phénotypiques résulte de mutations directement en
rapport avec le la bipédie.
Du pied au pas il n’y à qu’un pied. On appel en effet pas, la distance comprise entre deux
appuis du même pied. Cette distance varie en fonction de la taille de l’individu, mais aussi avec la
longueur de ses membres inférieurs.
Lors d’un demi pas, l’angle des fémurs est d’environ 60°. La mesure d’un pas, réalisée pour
un homme mesurant 1,70 m, marchant à 5 km/h et présentant une longueur de jambe de 0.85 m donne
une valeur de 1,60 m, longueur pouvant varier en fonction de la vitesse de la marche (plus la marche
est lente, moins la distance sera grande).
Pendant la marche, le pied est légèrement orienté d’arrière en avant vers l’extérieur. Cette
inclinaison, appelée angle du pas, varie d’un individu à l’autre en fonction de l’orientation des cotyles
et de la torsion tibiale. En moyenne, elle est chez l’homme moderne de 6 à 8°, mais cette valeur tend à
augmenter avec l’âge pour atteindre des valeurs oscillant autour de15°.
Cet angle se réduit quand la marche est plus rapide et se rapproche alors de 0°.
Le pas se caractérise également par sa largeur qui correspond à la distance entre le talon et la
ligne dite de marche (ligne fictive placée entre les deux pieds suivant l’axe du déplacement). Chez
l’homme moderne cette distance est approximativement de 6 cm.
Lucy
Le pied des bipèdes modernes se caractérise par des modifications portant sur l’anatomie et la
physiologie, Lucy apparaissant dans cette mise en place comme un intermédiaire encore
imparfaitement adapté à la bipédie (si tant est que nous soyons parfaitement bipèdes, ce qui est loin
d’être le cas). Malheureusement, mis à part les traces découvertes à Laetoli par M. Leakey et quelques
éléments post crâniens d’Australopithèques, (les os du pied sont pratiquement inexistants sur les sites
où ont été découverts les archantropiens), on ne dispose que de très peu d’éléments objectifs.
Un des premiers caractères en rapport avec la marche bipède plantigrade permanente est
fonctionnel. Il concerne la modification ou la disparition des muscles moteurs du pied. Dans certains
cas, la perte peut être effective, c’est le cas pour l’opposant du pouce, même si la chair carrée peut
être considérée comme un réarrangement local de ce muscle. Dans d’autres cas le muscle persiste,
8
mais perd son caractère fonctionnel, c’est le cas pour l’opposant du V, incapable d’opposer
aujourd’hui quoique ce soit.
Ces transformations morphologiques agissent également sur le caractère fonctionnel de
l’autopode. La stabilité de la cheville est renforcée par le développement de la proprioception, une
voûte plantaire se dessine, les zones d’appui sont élargies notamment au niveau du talon et des
phalanges, la mobilité générale est réduite.
Une des particularités du pied moderne résulte dans l’acquisition de la voûte plantaire,
dépression s’étendant du calcanéum à la base des métatarses. Cette structure, plus ou moins effacée
ou creusée est maintenue par la chaire carrée de Sylvius, l’aponévrose plantaire (équivalent de
l’aponévrose palmaire) et le tendon du long péronier latéral.
Piste de Laetoli
La découverte par Mary. Leakey, en 1976 à Laetoli en Tanzanie, de traces de pas fossilisées
correspondant à deux individus, révolutionna le monde des chercheurs travaillant sur l’apparition de
la bipédie. Il s’agit de deux pistes parallèles laissées par des hominidés sur une longueur de 27 mètres,
dans une couche de cendres volcaniques dont l’estimation est comprise entre 3,4 et 3,8 millions
d’années. La taille de ces empreintes montre que l’âge ou le sexe des deux individus, s’il existait un
dimorphisme sexuel important, sont différents, adulte et jeune, ou mâle et femelle.
Les empreintes les plus petites, intitulées G1 mesurent 17 à 20,5 cm de longueur, et les plus
grandes (G2) de 30 à 30,5 cm. soit des tailles comparables à celles observées respectivement chez une
femme chaussant du 34 et un homme du 44/45 .
Les distances entre deux talons (enjambée) sont respectivement de 46 et 47,5 cm pour G1 et
G2, ce qui montre que si les deux individus marchaient côte à côte à la même vitesse, le sujet à
l’origine de la trace G1 devait proportionnellement réaliser de plus grands écarts de jambes pour se
tenir à la même hauteur (à moins que galamment ce soit le grand mâle qui ait attendu sa femelle en
faisant des petits pas d’environ 98 cm
L’étude de la piste G2 indique très nettement que l’axe des pieds est presque parallèle à celui
du déplacement (quelques degrés à 0), ce qui n’est pas le cas pour le sujet G1 qui lui présente au
contraire des inclinaisons nettement plus marquées, variant de 20 à 30°, identiques à celles de
l’homme moderne (ce phénomène implique une rotation du bassin jamais décrite en dehors de
l’espèce humaine). Cette particularité conforte le fait que l’individu de la piste G2, du fait de sa plus
grande taille, devait se déplacer en réalisant de moins grandes ouvertures des jambes, peut être pour
éviter de glisser sur le sol humide. Compte tenu de l’assurance avec laquelle l’individu de la piste G1
se déplace sur ce même sol, il est possible d’imaginer qu’il se tient au sujet G2. Cette dernière
hypothèse expliquerait pourquoi les deux pistes se suivent étroitement en respectant toujours le même
écart, d’ailleurs si faible qu’il est impossible de manière expérimentale de réaliser des empreintes
aussi proches sans se tenir très étroitement serrés.
Une expérience récente réalisée dans de la boue présentant des caractéristiques proches de
celle de Laetoli (granulométrie, humidité) montre que le seul moyen de reproduire ce type de piste est,
soit de marcher l’un derrière l’autre soit en s’enlaçant par la taille ou le cou (en se tenant par la main
l’espace se trouve être plus grand de 10 cm).
L’hypothèse du sol glissant, retenue par les différents auteurs travaillant sur le sujet n’est pas
totalement compatible avec l’expérimentation. Le caractère glissant du sol est en effet le résultat de
deux phénomènes simultanés, un sous-sol relativement ferme et une couche superficielle très humide.
Pour réaliser des empreintes du même type que celles laissées à Laetoli et présentant une profondeur
9
identique, le sol doit présenter deux caractéristiques physiques particulières. D’une part une
granulométrie très fine (ce qui était le cas avec les cendres volcaniques), d’autre part une
humidification profonde (caractère physique également constaté pour la piste des hominidés).
L’expérimentation réalisée dans ces conditions montre que le caractère glissant n’existe plus et qu’il
devient difficile d’extraire son pied du sol (effet tire pavé). Il ressort de cette observation que la faible
vitesse de marche n’est pas en rapport avec le caractère glissant du sol mais vraisemblablement avec
son extrême adhérence. Dans ces conditions physiques très particulières, les caractéristiques de la
voûte plantaire se trouvent estompées par le phénomène d’adhésion entre les deux surfaces. Alors que
le dessin de la voûte plantaire est très bien caractérisé sur un sol glissant où l’enfoncement est limité,
il devient beaucoup moins nette en sol boueux profond.
La largeur des pieds de Laetoli est plus importante vers l’avant que vers le talon. Cette
observation montre le caractère encore primitif du pied qui présente à cette époque un premier rayon
très adducté par rapport au deuxième. Sur plusieurs empreintes la boue s’est très nettement insinuée
entre le deuxième et le gros orteil. Le talon est de taille normale par rapport à la largeur de la partie
médiane du pied, mais il semble très enfoncé dans le sol, preuve que le sol était très mou, le poids des
individus conséquents et le calcanéum relativement étroit comme celui de notre amie Lucy.
La voûte plantaire est peu marquée, mais elle semble exister faiblement sur plusieurs
empreintes. A ce niveau l’empreinte G2 est exactement du même type que celle obtenue chez
certaines ethnies africaines actuelles. Cette particularité appelée pied ethnique est commune à une
grande partie de l’Afrique noire, mais plus marquée encore au Mali, au Sénégal et dans les pays de la
région équatoriale. Il est donc impossible à partir de ces empreintes de définir si les deux individus
présentaient réellement un pied archaïque ou déjà un pied plat moderne de type «ethnique » ou encore
«ancestral ».
Une étude podoscopique réalisée en 2002 à propos de 1304 empreintes appartenant à diverses
populations mondiales montre qu’il existe des différences significatives suivant les ethnies
considérées. Les valeurs étudiées sont :
Le MAI qui correspond au rapport entre la pression exercée sur la zone de milieu du pied et la
pression exercée sur l’ensemble du pied.
Le rapport de longueur (CD/AB), égal à la valeur de l’isthme (CD) divisée par la longueur du
pied (AB).
Le rapport (CD/EF), équivalent à la largeur de l’isthme divisée par la largeur maximale de la
bande talonnière (EF), mesurée perpendiculairement au grand axe du pied.
Le AI, ou Arche Index correspondant à la surface médiane du pied, soit la surface totale
divisée par 3).
H 26
Population
CD/AB CD/EF
ANGLES
AI
MAI
Caucase
0,362
0,508
48,5
0,17
0,151
Asie
0,436 *
0,61 *
42,9 **
0,219 *
0,174
Maghreb
0,443 *
0,641 *
44 *
0,229 *
0,193 *
Kabylie
0,45 *
0,635 *
45,9 *
0,225 *
0,189 *
Antilles
0,525 **
0,725 **
41,7 **
0,248 **
0,219 **
10
Afrique noire
0,51 **
0,697 *
44 *
0,252 **
0,22 **
Cette étude montre que la quasi totalité des mesures effectuées sont significativement
différentes de celles utilisées en référence pour le pied.
Le pied africain est à la fois le plus large et celui qui présente un MAI et un AI les plus
significatifs par rapport aux autres populations (asiatique, caucasienne, africaine septentrionale). La
grande similitude entre le pied antillais et le pied africain, met en évidence la proportion peu élevée de
métissage entre cette population et le les émigrants caucasiens. Il n’existe pas de différences
significatives entre les paramètres mesurés chez les Africains du Nord et la population kabyle. Ces
deux groupes présentent des caractéristiques «intermédiaires » entre les populations nordiques
définies comme caucasiennes et les ethnies africaines.
Elle montre sans ambiguïté possible que le pied caucasien utilisé comme la référence de
« normalité »ne correspond qu’à une frange extrêmement réduite de la population mondiale
Le postula tendant à classer pied ethnique tout ce qui n’est pas conforme aux canons des
populations caucasiennes doit donc être définitivement abandonné au profit d’une conception plus
large et plus diversifiée des normes, ou plutôt des moyennes, observées dans le monde.
Cette étude remet totalement en question la conception pathologique du pied plat et du pied
creux dont les références strictement caucasiennes apparaissent aujourd’hui bien obsolètes.
Deux hypothèses peuvent être avancées :pour expliquer son apparition
La première considère qu’une voûte plantaire est acquise dès la période d’Homo erectus, et
dans ce cas les pieds dits ethniques sont le résultat de mutations secondaires, et relativement récentes,
faisant ainsi du pied dit «ancestral » un pied plus moderne que celui servant de référence.
La seconde fait apparaître la voûte plantaire beaucoup plus tardivement chez des populations
indo-européennes, alors que les pieds africains demeurent plus proches du pied ancestral.
Qu’elle que soit l’hypothèse retenue il est clair que la dynamique du déroulement du pied se
réalise dans d’aussi bonnes conditions que le pied soit considéré comme ethnique ou non. Le très
fameux pied plat, objet de réforme pendant des siècles, doit être considéré aujourd’hui comme une
pathologie caucasienne inconnue de la majorité des populations mondiales
11
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