Epicerie solidaire du CCAS de Lorient (monographie détaillée)
Mireille Cécire - Salariée du CCAS,
Roselyne - Salariée du CCAS, future responsable de la maison de la Solidarité
un groupe de bénévoles
Denis - Président de l’association Alda
Présentation
La rencontre avec Mireille, salariée du CCAS de Lorient, responsable de l’épicerie solidaire et
membre du comité de pilotage de la Maison des Associations, s’est faite dans le bâtiment
récemment rénové. Nous avons visité la structure avec des responsables de la communication
de la mairie de Lorient qui devaient écrire un article pour le journal de la mairie. Le bâtiment
de 1600 va accueillir trois associations qui étaient auparavant séparées : les Restos du
coeur, l’Association Lorientaise de Distribution Alimentaire (Alda) et dans le don de
vêtements : Solidarité Lorient.
La maison est divisée pour accueillir les trois associations sur 1600m2 :
- 800m2 sont alloués aux Restos du Coeur
- 100m2 pour Solidarité Lorient
- 150m2 de locaux en commun.
La surface restante est pour Alda et l'épicerie solidaire.
Origine
Création de la maison des associations
Il y a 6 ans, lors de l’arrivée de la nouvelle équipe municipale, une étudiante de Master, s’est
vue confier l’étude des attentes qui pouvaient exister vis-à-vis des structures de solidarité
sociale à Lorient. Étant donné que les différentes associations à caractère social étaient
dispersées dans Lorient. Le regroupement des différents acteurs est apparu comme étant un
projet bénéfique pour les bénéficiaires. Lenquête de faisabilité a permis de trouver les locaux
utilisables (évaluation de la surface requise par un programmiste) et les acteurs à regrouper.
Au départ, la Croix Rouge et le Secours Populaire devaient faire partie des associations qui
s’installeraient dans ces nouveaux locaux, mais les deux associations se sont retirées du
projet.
La livraison du projet était initialement prévue dans le précédent mandat municipal mais suite
à un retard à la livraison, l’inauguration est maintenant prévue pour le 14 juin 2014. Le
changement d’équipe municipale ne devrait pas altéré le lancement.
De l’ALDA à l’épicerie solidaire
L'Association Lorientaise de Distribution Alimentaire (Alda) est une association qui s'occupe
de la collecte de denrées alimentaires par le biais du surplus des Grandes et Moyennes
Surfaces ou de la Banque Alimentaire. Elle redistribue ses denrées sous forme de colis
gratuits, dans des locaux qui se trouvaient en centre ville, à des personnes déterminées par les
critères des services sociaux de Lorient .
Lors de notre visite, Alda était un plein déménagement de ses stocks et de son matériel
réfrigérant depuis leur ancien entrepôt. Les anciens locaux étaient assez vétustes et peu
pratiques. En effet, les denrées alimentaires étaient stockées dans un petit local à l’étage du
bâtiment, difficile d’accès (par escalier ou trans-palette). L’accueil des bénéficiaires se faisait
dans le hall et les lieux n’étaient pas chauffés.
La création par Alda d’un système d’épicerie sociale provient d’un désir des bénéficiaires de
pouvoir choisir et participer à leur approvisionnement en denrées alimentaires plutôt que de
recevoir un colis tout prêt.
Ainsi ALDA bénéficie dans la Maison des associations de :
un espace pour stocker les denrées alimentaires
une salle pour la distribution de colis gratuit
une salle pour la mise en place de l'épicerie solidaire
Cette division de la distribution nécessite une organisation spécifique dans l'espace et dans le
temps. La distribution à des moments différents des denrées alimentaires gratuites sous forme
de colis et celles à accès payant par l’épicerie solidaire permet d’éviter les conflits entre les
bénéficiaires. Ainsi, la distribution de colis ne sera ouverte que trois demi journées par
semaine. Elle se fait par rendez-vous pour éviter de trop longues attentes. Cependant,
certaines personnes ont des difficultés à s’adapter au principe des rendez-vous. Étant donné ce
blocage, une des trois demi-journées de distribution est réservée à une distribution sans
rendez-vous. L’épicerie sera ouverte le reste du temps.
Un nouveau bâtiment
Le nouveau bâtiment est un ancien entrepôt de grossiste dont seule la charpente encore
apparente a été conservée afin de conserver le caractère “industriel” du lieu. Le bâtiment et sa
conception ont été commandés à une jeune architecte et l’installation des nouveaux locaux
sera réalisée pour environ 3 millions d’euros. Conçu pour accueillir un grand nombre de
personnes, le bâtiment se veut avant tout fonctionnel et commode pour les utilisateurs. Ainsi
un abri a été conçu à l’entrée pour abriter les gens qui font la queue. La sécurité du bâtiment a
également été réfléchie en posant une alarme et des grilles aux entrées des halls qui sont
fermées chaque soir pour éviter l’installation de personnes non désirées.
Il était important aux yeux de Mireille que les lieux paraissent neufs et modernes. De même,
elle privilégiait l’achat du neuf à la récupération de mobilier. L’objectif est que les personnes
venant à la maison des associations ne se sentent pas discriminées par l’état des bâtiments. Sa
vision des lieux pouvait cependant parfois entrer en contradiction avec celle de certains
bénévoles (surtout les bénévoles plus âgés). En effet, l’achat du nouveau mobilier et le
déménagement représentaient pour certains une dépense d’argent inutile alors qu’ils étaient
satisfaits avec leur ancien bâtiment.
Le fait que le bâtiment soit neuf et encore en construction faisait qu’il n’y avait pas encore de
décorations ce qui le rendait, pour le moment du moins, assez impersonnel.
Dans la Maison des associations, les trois associations sont gérées séparément, avec une
entrée individuelle pour chacune. Quelques membres se consultent pour gérer la cohabitation
des locaux. Mireille note quelques difficultés d’entente en particulier à cause des différences
d’état d’esprit ou de modes de fonctionnement qui peuvent exister entre les différentes
associations . Ces différences d’opinion se traduisent par des petits détails. Par exemple, des
cabines d’essayage avaient été conçues pour la partie Lorient Solidarité mais les responsables
de cette association veulent en faire un espace de stockage.
Fonctionnement de l’épicerie solidaire
La logique de distribution se veut différente des autres systèmes de distribution tel que les
Restos du Coeur. 60 palettes sont prévues par mois environ, la ramasse a lieu tous les jours
par un salarié du CCAS pour Alda, qui sera la source de l’épicerie solidaire. Il s’agit de
produits à dates courtes (ou à échéance de 3-4 jours) qui proviennent de :
la collecte des invendus dans les supermarchés tous les jours (Métro, Géant …) et les surplus
de production de certaines entreprises (Ex : Bonduelle)
le week-end annuel de collecte au nom de la Banque Alimentaire dans les supermarchés
auprès des particuliers par les bénévoles (18 t sont collectés en 3 jour)
la banque alimentaire tout au long de l’année
de temps en temps des producteurs (les panier de la Mer ou des petits maraîchers)
Le choix de faire un don par ces supermarchés et entreprises provient en grande partie du fait
qu’ils bénéficient d’une déduction fiscale sur les marchandises données.
Lors de la livraison dans les bâtiments de l’association, la logique est la marche en avant : les
camions arrivent à l’arrière du bâtiment pour décharger, puis les denrées arrivent dans la zone
de stockage, il y a un tri car tous les produits ne peuvent pas être redistribués, ensuite dans
les chambres froides et enfin dans l’espace de consommation.
Une fois mise en place, l’épicerie accueillera 60 familles/foyers qui pourront se fournir en
denrées pour environ 10% du prix de grande surface, mais aussi en produits d’hygiène et
d’entretien pour environ 20 à 30% de leur valeur.
Des ateliers clef du “manger local, frais et de saison”
En plus de l’épicerie solidaire, des ateliers seront organisés dans une salle prévue à cet effet
accessible depuis le hall d’entrée. Cette salle comporte une cuisine et une salle pouvant
accueillir une quinzaine de personnes. Le but principal de ces ateliers est d’éduquer les
personnes qui viennent à l’épicerie ou à la distribution de colis au niveau de leur alimentation.
Les principaux thèmes sont :
- la cuisine pour que les gens préparent leurs plats eux mêmes.
- les produits de saisons et les produits frais
- l’alimentation équilibrée
- a lutte contre le gaspillage
- le faire soi-même (utilisation du bicarbonate de soude, lessive “écologique”)
L’idée de ces ateliers est vraiment de sensibiliser les gens au fait qu’ils peuvent faire les plats
sains par eux-mêmes en dépensant moins d’argent. C’est aussi un moyen pour que les
personnes qui reçoivent les colis alimentaires et qui viennent à l’épicerie puissent être attirées
par des produits qu’ils n’avaient pas l’habitude de consommer. En proposant des recettes
simples et bonnes aux gens, ils acquièrent de nouveaux réflexes de consommation.
Pour Mireille, c’est par l’achat et la préparation de produits non transformés, frais et de saison
que les personnes à faible budget peuvent avoir accès aux produits locaux.
De plus, ses ateliers ont pour vocation d’être le lieu d’échanges sur les différentes
connaissances des uns et des autres.
Les bénéficiaires
Les publics destinataires de ces initiatives ne sont pas les mêmes.
Pour l’épicerie, il s’agit d’un public ayant un peu de ressources. Il s’agit principalement de
familles en difficultés basées à Lorient. Alors que la distribution de colis cible plus
particulièrement les personnes sans ressources mais qui peuvent tout de même cuisiner.
Les différents types de bénéficiaires qui se retrouvent dans ces lieux posent parfois des
problèmes de cohabitation difficile entre ces populations. La plus importante difficulté
évoquée par Mireille est la cohabitation entre les sans domiciles stables et les primo-arrivants.
Les primo-arrivants est un terme administratif qui désigne les étrangers demandeurs d’asile.
Les sans domiciles se sentent exclus par rapport aux autres bénéficiaires qui possèdent un
logement à Lorient.
Les bénéficiaires sont envoyés par le CCAS de Lorient qui les sélectionnent selon certains
critères de revenus, mais aussi de projets (retrouver un emploi, passer le permis de conduire).
L’accès à la distribution ou à l’épicerie est déterminé selon le concept du reste à vivre. Le
reste à vivre correspond à la somme qu’il reste au foyer pour acheter sa nourriture et ses
vêtements une fois que les charges ont été payées (loyer, assurance de la voiture, forfait de
téléphone…). Pour éviter la multiplication inutile de ces charges, il y a un contrôle, il faut par
exemple plafonner le forfait de téléphone (on prend en compte qu’un forfait pour un foyer,
pas un forfait pour chaque enfant par exemple). Plusieurs groupes de travail ont été mis en
place pour le définir. Ainsi, le reste à vivre est défini de manière très précise, selon des critères
propres au CCAS de Lorient.
Pour accompagner les projets des bénéficiaires, comme l’objectif est l’autonomie, les
adhérents peuvent bénéficier de l’accès à l’épicerie pendant trois mois, renouvelables une
fois, parfois plus s’il y a besoin d’une petite rallonge pour un projet qui se concrétise
(hypothèse d’emploi nécessitant une aide pendant trois ou quatre mois de plus). Les membres
de l’épicerie ne peuvent pas décider de rallonger ces périodes par eux-mêmes. C’est aux
politiques de prendre cette décision.
Bénévoles
L’association Alda fonctionne grâce à 23 bénévoles. Nous avons rencontrés 5 d’entre eux lors
du repas du midi dans les anciens bâtiments. Ceux-ci si sont très organisés, au vu du tableau
de bord encore présent dans les anciens bâtiments emploi du temps, fiches téléphoniques
des différents centres d’approvisionnement etc. sont classés. Cette organisation est gérée par
Denis, président de l’association.
Les bénévoles sont majoritairement des personnes retraités, même si un étudiant va venir
travailler à l’association pendant un certain temps. Les bénévoles peuvent recevoir certaines
formations comme la manipulation du transpalette par exemple.
Les personnes retraités sont souvent des retraités qui après une vie professionnelle assez
active veulent rester actifs tout en étant utiles. Ils s’investissent alors dans Alda et dans
certains cas comme un véritable métier.
Par ailleurs, une campagne de recrutement a été lancée par l’intermédiaire de France
Bénévolat ce qui a permis de recruter deux nouveaux bénévoles.
De plus il y a aussi des anciens collègues du CCAS qui sont partis à la retraite mais qui reste
en relation avec l’épicerie solidaire. Ainsi, l’ancienne infirmière du CCAS abordera la
question de la santé dans l’assiette dans un atelier.
L’entente entre les salariés et les bénévoles est très cordiale comme en démontre les partages
de repas réguliers et l’ambiance sympathique qui s’en dégage.
Les seuls conflits qui pourraient exister sont une opposition aux changements et à
l’innovation de la part des bénévoles. Mireille nous a exprimé ses difficultés faire accepter le
projet de la Maison des associations à certains bénévoles très âgées et dont les habitudes vont
changer. Les distances à parcourir entre les rangements et la distribution ne sont pas les
mêmes qu’avant, certains trouvent même à redire sur les choix de couleur pour les peintures
des nouveaux locaux. De plus le déménagement des locaux est une difficulté pour les
bénévoles les plus âgés qui vont devoir utiliser les transports en commun.
Pour l’instant il n’y a pas de bénéficiaires qui soient aussi bénévole d’après Mireille, mais
certains bénévoles cachent leur situation. Par ailleurs, l’association restera ouverte aux
bénéficiaires qui démontrent une certaine volonté de s’investir.
Conclusion
Le fonctionnement des associations dans une structure commune est une idée nouvelle qui
semble répondre à une attente et permettre d’optimiser certains points de fonctionnement
(rentabilisation de l’espace, baisse des coûts de fonctionnement). Mais la différence de
logique de fonctionnement de ces différents acteurs peut être une limite au bon
fonctionnement de la structure même si chacun dispose de son espace propre.
L’alternance de distribution de colis et d’ouverture de l’épicerie solidaire semble être une
innovation importante pour toucher un public plus large, et la séparation des deux
fonctionnements est une bonne anticipation des difficultés qui auraient pu découler de la
proposition de deux systèmes différents.
Le projet est encore jeune, l’épicerie n’est pas encore inaugurée, il s’agit d’une initiative qu’il
faudrait suivre, en renouant contact dans environ un à deux ans.
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