Pourquoi introduire le bio à la cantine
Conférence Débat du 10 décembre 2009, Rueil Malmaison
Mairie de Rueil / Fédération de parents d’élèves Peep
Participants :
Claude Aubert, ingénieur agronome, spécialiste de l’alimentation et de l’agriculture biologique
Lylian Le Goff, médecin environnementaliste
Nathalie Rison, chargée de mission restauration collective à l’Agence Bio, excusée
Carole Galissant, responsable nutrition à la Sogerès
Philippe Durrèche, consultant en restauration collective, ancien cuisinier, conseille des communes,
en relation avec la mairie du Vésinet ?
JP Morin, représentant mairie
Rappel des principes de l’AB
Système de production agricole « basé sur le respect du vivant et des cycles biologiques ». Le
« rapport au sol » est différent. On ne nourrit pas directement les plantes avec des engrais solubles
mais on nourrit «les êtres vivants du sol qui nourrissent eux-mêmes les plantes », favorisant ainsi la
biodiversité.
Sont donc proscrits les intrants chimiques, les engrais de synthèse, les pesticides-herbicides, les
OGM. Elevage : en milieu naturel, alimentation bio, utilisation très limitée d’antibiotiques.
Ce mode de production est très réglementé, soumis à des contrôles d’organismes indépendants et la
production finale est certifiée par des labels de groupements professionnels (AB, Demeter, Nature et
Progrès).
La surface agricole utile (SAU) en France est restreinte (2% environ), c’est pourquoi on a souvent
recours à l’import. Les exploitations sont par nature de petite taille et utilisent plus de main
d’œuvre. Il faut 3 ans pour convertir un terrain.
Le nombre d’exploitations et les surfaces dédiées au bio sont en augmentation. Mais cette
progression s’est un peu ralentie au cours des dernières années, on espère que les dernières mesures
porteront leurs fruits… L’Italie atteint 9% pour la SAU bio, l’Espagne réalise une augmentation très
importante l’an dernier (pour les chiffres voir l’agence bio/ IFOAM).
La différence bio/ non-bio
Les produits bio ne sont pas supérieurs en tout, mais il y a une famille de constituants pour lesquels
ils le sont de façon significative (preuves scientifique à l’appui). Notamment, les fruits et légumes bio
ont:
- Plus de vitamine C
- Plus de polyphénols (ceux-ci jouent un rôle protecteur de la plante et de notre organisme
également ; on en trouve beaucoup dans le thé vert ou le brocoli)
- Plus d’oméga3 dans les produits laitiers, environ 50% en plus, car les vaches mangent plus
d’herbe et il n’y a pas d’oméga3 dans les céréales données au bétail
- Plus de fibres
- Meilleure densité de matières sèches (les viandes par ex, contiennent moins d’eau et
« réduisent » moins à la cuisson ce qui sur de grandes quantités peut permettre des
économies substantielles)
- Plus d’acides gras polyinsaturés pour les viandes (les « bonnes » graisses)
- Plus de … gout du fait de ces éléments
- Moins de nitrates
- Moins de pesticides : ceux-ci sont concentrés sur la peau et dans les couches supérieures du
fruit. D’ailleurs, on précise que laver les fruits et légumes n’enlève pas les pesticides. C’est
sous la peau que l’on trouve les éléments les plus utiles à notre organisme et de façon
concentrée (antioxydants etc). Une pomme bio est plus chère mais elle apporte plus… Un
fruit et légume sur deux en France contient des pesticides mais le pourcentage augmente.
On trouve jusqu’à 10 pesticides différents dans le même fruit ou légume : Il existe des
limites maximales de résidus pour chaque pesticide utilisé, les producteurs utilisent donc
plusieurs pesticides à dose faible pour ne pas dépasser ces limites (LMR), mais le cocktail
total final est bien présent et on craint les effets. La France est premier consommateur de
pesticides en Europe en 2007 (plus de 80,000 tonnes) et 3e mondial
La plupart de ces pesticides sont cancérigènes, mutagènes et perturbateur du système
hormonal.
3o ans après l’interdiction du DDT, on trouve encore des dérivés (DDE) dans nos corps et sa
concentration est liée à certains problèmes de santé. Par exemple, on a trouvé une corrélation entre
la concentration de cette substance chez des femmes enceintes et les naissances prématurées.
L’agriculture conventionnelle et son impact sur l’environnement
L’agriculture représente 70% des émissions de méthane et de protoxyde d’azote (transports routiers
1%). L’agriculture est responsable de 26% des GES (transports routiers 21%).
Le pâturage extensif et la culture du soja notamment destiné à l’alimentation bovine seraient
responsables de 80% environ de la déforestation mondiale.
On a inversé en un siècle les proportions de notre alimentation : de ¼ de protéines animales et ¾ de
protéines végétales, on est passé à ¾ d’animal et ¼ de végétal. Il faut revenir à une alimentation
qui se base sur du végétal et qui est complétée par de l’animal.
On a prouvé la relation entre cancer du colon et consommation de viande /charcuterie
D’un point de vue économique, le prix de 100g de viande n’est pas comparable avec celui de 100g de
céréales et de légumes secs (leur association nous donne les protéines dont nous avons besoin)
« Manger doit avoir quelque chose de sacré... »
Il est vrai que le premier souci de l’agriculture après guerre était de nourrir chacun avec des aliments
variés, en quantité suffisante et à cout abordable pour tous. Mais cette logique a été largement
dépassée pour proposer le plus possible de nourriture au cout le plus bas possible. Chercher
l’erreur !
On devrait appliquer les bons principes de nos grand-mères :
- Il est normal de sortir de table en ayant encore un peu faim
- Bien mastiquer permet un meilleure digestion, assimilation et procure la satiété: Plusieurs
intervenants notent que les enfants on pris l’habitude du « facile à manger », soupes, purées,
viandes transformées (burgers et autres nuggets)
- On ne peut apprécier son repas si on ne sait pas ce que l’on mange. Sagesse orientale : un
aliment change selon la manière dont on le regarde… et nous profitera différemment. On
peut voir les aliments comme une nourriture sacrée qui nous fait du bien ; « Manger soigne »
La redécouverte alimentaire est plus difficile auprès des grands enfants et des adolescents. Lancer
l’expérience avec de jeunes enfants dès la crèche semble être l’option la plus favorable.
La restauration collective
La circulaire du 2 mai 2008 préconisant 10% de produits bio en restauration collective et 30% en
2012 s’appliquait au départ aux restaurants dépendant de l’état. Mais l’application s’étend à toute la
restauration collective.
Les codes de marchés publiques permettent aujourd’hui d’inclure des critères de développement
durable mais ils sont difficilement mesurables…
Dans le code des marchés publics de 2006, la règle de mise en concurrence perdure. On ne peut par
exemple imposer des critères de proximité. De même, une collectivité ne peut se fournir directement
sur un marché, par ex Rungis. Il est en revanche possible d’amener les fournisseurs vers plus de
développement durable. On peut en effet introduire comme critère le bilan carbone, et donc de
transport : ce qui permet indirectement de favoriser un approvisionnement plus local.
A Rueil Malmaison, la société Sogeres prépare 6500 repas par jour. Les marchés sont conclus pour
une période de 6 ans.
A Rueil, une mission bio a été créée pour avancer sur le dossier du bio à la cantine. Il a été choisi de
proposer aux enfants un repas bio par mois + une composante bio par semaine (une composante de
menu, par ex une entrée). Au total cela représente 10% des ingrédients biologiques dans les menus
depuis la rentrée 2009-2010. On prévoit une montée progressive de la proportion d’ingrédients bio
pour avoir 20% en 2010-2011 et un objectif de 50% en 2013. Le pain bio est proposé une fois par
semaine.
La Sogeres nous explique qu’ils sont soumis à une règlementation très stricte pour éviter tout risque
sanitaire. Souvent, on ne peut plus acheter des pommes de terre, la purée doit être préparée à
partir de flocons déshydratés. Sogeres essaie de cuisiner avec des produits « semi-préparés » : par
ex, les carottes n’arrivent pas rapées mais déjà lavées et bouts coupés. Ce pb est difficile à gérer et
conduit malheureusement souvent à bannir le vivant (porteur de germes) des cuisines….
Sogeres explique que la plupart de leurs concurrents ne cuisinent plus leurs produits eux-mêmes, car,
en plus des contraintes d’hygiène, cela permet de baisser encore les couts (moins de cuisiniers).
Dans de nombreux cas, la nourriture arrive déjà prête, en liaison froide et il n’y a plus de plaque de
cuisson dans les cuisines
Pour ce prestataire, les contraintes sont multiples car il faut gérer l’approvisionnement, difficile en
bio pour de grandes quantités : la société ne peut donc servir un même morceau de viande dans
plusieurs de ses cantines à la fois sur un territoire donné (IDF) car il n’y aurait pas assez pour tout le
monde. Il faut pour l’instant jongler et accompagner les producteurs pour leur conversion au bio et
permettre d’accroitre la production.
Au niveau des enfants, la viande bio doit parfois être redécouverte par les enfants qui n’ont plus
l’habitude de la mastiquer… Il est primordial de les accompagner et de leur expliquer ce qu’ils
mangent, de leur montrer d’où vient la viande etc.
Pour les légumes, on a préféré l’option d’un repas complet bio plutôt que un ou deux ingrédients par
jour afin que les enfants puissent l’apprécier et faire la différence : risque sinon que la courgette bio
se dilue avec les autres aliments et qu’elle ne soit donc pas remarquée.
On évoque le PNNS2 (plan national nutrition santé 2) qui doit préconiser des grammages de viande
précis et obligerait à avoir 4 fois de la viande rouge par mois…(la viande rouge a le cout
environnemental le plus élevé). Ce plan est une contrainte supplémentaire. Cela dit, il doit aussi
normaliser les rations de viande qui dans certains cas sont trop élevées et bien au dessus des
recommandations. (Les rations officielles de viande en France sont supérieures à la moyenne
européenne et doivent être diminuées cf. fiche 5, circulaire 3/12/2008)
Culturellement, nous sommes beaucoup à penser que, pour bien manger, les enfants doivent avoir
100-150g de viande, ce qui n’est pas le cas. Il faut donc également accompagner les parents C’est
aussi pour cela que les jeunes enfants sont une bonne cible : les parents se forment en même temps
que leurs enfants et sont davantage réceptifs.
La question du budget
Il est généralement noté que les coûts d’ingrédients bio sont 30% plus élevés. Mais le coût des
matières premières est finalement faible par rapport au budget total du repas (environ 30%).On peut
également
- Privilégier les ingrédients qui ont le plus faible surcoût, dans un premier temps (fruits et
légumes de saison, pain, céréales, lait)
- Réaliser des économies puisque les quantités achetées pourront être revues à la baisse (plus
de matière sèche en bio, moins de gaspillage, etc). Note : on prévoit de servir 500-600g aux
enfants mais on sait qu’ils ne peuvent réellement manger que 350g… c’est pour intégrer le
fait qu’ils ne mangent pas forcément toutes les composantes du repas.
- Ajuster l’équilibre protéines animales/végétales
Une étude comparative du budget alimentaire de deux familles (bio versus non bio) avait été réalisé
en Allemagne montrant que le budget de la famille bio était en fait inférieur à celui de l’autre famille.
Comme explication, le fait de cuisiner plutôt que de se fournir en produits déjà transformés, la
proportion de produits carnés dans les menus ? Il faudrait refaire cet exercice, maintenant et en
France.
En conclusion
Le Maire du Vésinet est intervenu pour expliquer que le pas vers plus de bio dans les cantines relève
d’un vrai courage politique. Là où la tendance va vers une diminution des budgets, une
externalisation des services… d’où la nécessité d’une volonté réelle au sein de l’équipe municipale.
La mairie de Rueil Malmaison a intégré progressivement une politique ouverte de développement
durable (pour preuve, un agenda 21 détaillé et sérieux) et l’intégration de produits bio dans les
cantines de la ville est un autre signe de cet engagement.
Il faut avancer pas à pas et lorsque les personnes auront une pleine conscience de l’importance et de
l’urgence du développement durable et de l’agriculture biologique, les obstacles disparaitront
simplement…
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