Trad. Oana Răican
décision basée sur l’autorité du précédent, mais qui n’implique pas l’intervention des organes exécutifs
pour sa mise en application et, de la sorte, qui fasse l’objet d’un refus.
Le syllogisme disjonctif de Marshall a été considéré, à l’unanimité, comme la première
démonstration logique de la nécessité du contrôle de la constitutionnalité des lois :
- soit la constitution est une loi supérieure et souveraine, impossible de modifier par des
moyens communs et, par conséquent, un acte législatif contraire ne représente pas une loi ;
- soit elle est une loi tout comme les autres, à la discrétion du législateur, et donc elle
n’est qu’un essai absurde de la part du peuple de limiter un pouvoir (législatif) illimité par sa
nature. On a aussi retenu que, les auteurs des constitutions écrites les avaient sûrement
considérées comme représentant la loi suprême et fondamentale de la nation, et, par conséquent,
la théorie de toute gouvernance doit être celle selon laquelle tout acte du législateur qui est
contraire à la constitution est nul.
La manière d’opérer le contrôle de constitutionnalité s’est concrétisé en deux modèles : le
modèle américain et le modèle européen.
On note que le modèle américain suppose un contrôle exercé par les juridictions
ordinaires, l’unification de la pratique se faisant au sommet, par la Cour suprême, compte tenu
du principe de l’autorité de précédent, tandis que dans le modèle européen, on constate la
séparation du contentieux constitutionnel de toute autre forme de contentieux, l’organe de
juridiction constitutionnelle étant unique, spécialisé, investi du monopôle du contentieux
constitutionnel.
Donc, contrairement au modèle américain de contrôle de la constitutionnalité des lois,
issu de l’absence de textes exprès, le modèle européen est le fruit de l’œuvre théorique du grand
juriste autrichien Hans Kelsen, qui a proclamé la garantie juridictionnelle de la Constitution.
Les normes juridiques ont été ordonnées selon le schéma imaginé par Hans Kelsen dans
un système pyramidal. Pour Kelsen
, ainsi que pour Eisenmann, la justice constitutionnelle
représente une garantie juridictionnelle de la Constitution, mais Eisenmann fait la différence,
dans son œuvre, entre le concept de « justice constitutionnelle » et la « juridiction
constitutionnelle », ce dernier sens étant, en fait, le sens juridique du premier concept. Ainsi,
selon Eisenmann, sans cette forme de juridiction qui vise les normes constitutionnelles, la
Constitution n’est qu’un « programme politique, obligatoire seulement du point de vue moral »
.
Le système américain de contrôle de la constitutionnalité des lois a été adopté dans des pays tels : le Canada, les
États-Unis de l’Amérique, le Danemark, l’Estonie, l’Irlande, la Norvège, la Suède, l’Argentine, les Bahamas, la
Barbade, la Bolivie, la République Dominicaine, la Grenade, la Guyana, Haïti, la Jamaïque, le Mexique, la Saint-
Cristophe-et-Niévès, la Trinité-et-Tobago, le Botswana, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Kenya, le Malawi, la
Namibie, le Nigeria, les Seychelles, la Sierra Leone, la Tanzanie, l’Iran, l’Israël, le Bangladesh, l’Inde, le Japon, le
Népal, la Nouvelle-Zélande, le Singapour, les Tonga, etc., tandis que le système européen se retrouve dans des pays
tels : l’Albanie, l’Andorre, l’Arménie, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, le Belarus, la Bosnie et Herzégovine, la Bulgarie,
la Croatie, la République tchèque, la Serbie, la Géorgie, l’Allemagne, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, Moldova,
la Pologne, la Roumanie, la Fédération Russe, la Slovaquie, la Slovénie, l’Espagne, la Turquie, l’Ukraine, l’Égypte,
le Madagascar, le Mali, l’Afrique du Sud, le Chypre, le Kirghizstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, la Thaïlande, la
Mongolie, la Corée du Sud, le Chili, le Suriname etc. Voir, à ce sens, G. Harutyunyan, A. Mavčič – Constitutional
Review and its Development in the Modern World (A Comparative Constitutional Analysis), Éd. Hayagitak, Erevan-
Ljubljana, 1999, p. 29 et suiv.
Hans Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice constitutionnelle) », Revue du droit
public, 1928, pp. 197-257.
Ch. Eisenmann – La justice constitutionnelle de la Haute Cour Constitutionnelle d’Autriche, Paris, 1928, rééd,
Economica, 1986.