La justice constitutionnelle et la doctrine : une généalogie

Trad. Oana Răican
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La justice constitutionnelle et la doctrine : une généalogie
Prof. univ. dr. Iulia Antoanella Motoc
Juge Cour Constitutionnelle de la Roumanie
Qu’est-ce qu’une généalogie dans le droit constitutionnel signifie ? Selon Michel
Foucault, c’est l’identification des moments les plus importants qui ont marqué la relation de la
justice constitutionnelle avec la doctrine, bien que ces moments puissent sembler arbitraires.
Il résulte de l’analyse des systèmes constitutionnels et de la doctrine que l’apparition du
contrôle de constitutionnalité des lois, donc d’une justice constitutionnelle, représente un procès
historique, de longue durée, qui repose sur le respect de l’État de droit rule of law. Une fois
l’indépendance de beaucoup d’États déclarée, compte tenu de l’évolution du droit écrit, une fois
de nouvelles constitutions adoptées, on a insisté sur l’idée selon laquelle une loi contraire à la
Constitution ne devait plus être appliquée, à laquelle s’ajoutait l’apparition, en parallèle, d’un
mécanisme efficace dont le but était de contrôler cela. Le concept de « justice constitutionnelle »
doit être examiné difremment du droit constitutionnel, branche de droit, finie comme lensemble
des normes et institutions juridiques dont l’objet est de régir les rapports sociaux générés pendant
l’exercice du pouvoir public
1
. Ainsi, la signification de la justice constitutionnelle est celle dun
ensemble de techniques et moyens juridiques dont le but est de garantir la suprématie de la
Constitution.
Ensuite, après l’apparition des constitutions écrites, le fondement de la justice
constitutionnelle est devenu le principe de la suprématie de la Constitution, selon lequel les
normes établies par la loi fondamentale ont une force juridique supérieure et s’imposent à toute
autre norme juridique. En Angleterre, on a accepté l’idée d’une loi suprême, le législateur ne
pouvant pas adopter des lois contraires à la common law, mais la volution de 1688 a exclu tout
contrôle de la part des juges sur les lois. En France, bien que les Constitutions de 1791 et de 1852
aient admis l’idée d’un contrôle de la constitutionnalité des lois, les essais de reconnaître un
mécanisme efficace par lequel toute loi contraire à la Constitution ne devait plus s’appliquer ont
été mis en échec par les influences de Rousseau et de Montesquieu, qui ont statué l’idée de la
suprématie de la loi écrite et la séparation rigide des pouvoirs au sein de l’État.
Selon les constats de M. Cappelleti
2
, lorsqu’il statuait le principe selon lequel une loi contraire à
la Constitution était nulle, en 1803, Marshall avait derrière soi plus d’un siècle d’histoire du droit.
Ainsi, la cision de la Cour suprême des États-Unis prononcée dans l’affaire Marbury c. Madison
(1803) qui a marqué l’apparition du mole aricain de justice constitutionnelle se situe parmi les
plus importants fondements théoriques de l’apparition du contrôle de constitutionnali, ainsi que du
concept de la suprématie de la Constitution. Dans ses considérants, le Psident de la Cour suprême,
John Marshall, a analy le droit des instances de contrôler la constitutionnali des lois par une
1
Selon J. Gicquel, le droit constitutionnel représente un « témoignage de la civilisation occidentale », trois de ses
thèmes fondamentaux étant : la confiance dans l’individu ; la croyance en la vertu du dialogue et l’organisation
rationnelle, concrétisée par le régime représentatif, la fonction des représentants et l’organisation des élections
disputées Droit constitutionnel et institutions politiques, 17e éd. Paris, Montchrestien, 2001, p. 27 dans Ion
Deleanu « Instituţii şi proceduri constituţionale » (Institutions et procédures constitutionnelles), Éd. C.H. Beck,
Bucarest, 2006, p. 17.
2
M. Cappelletti « Cours constitutionnelle européennes et droits fondamentaux », sous la direction de L. Favoreu,
Economica, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1982.
Trad. Oana Răican
2
décision bae sur l’autorité du prédent, mais qui n’implique pas l’intervention des organes exécutifs
pour sa mise en application et, de la sorte, qui fasse l’objet d’un refus.
Le syllogisme disjonctif de Marshall a été considéré, à l’unanimité, comme la première
démonstration logique de la nécessité du contrôle de la constitutionnalité des lois :
- soit la constitution est une loi supérieure et souveraine, impossible de modifier par des
moyens communs et, par conséquent, un acte législatif contraire ne représente pas une loi ;
- soit elle est une loi tout comme les autres, à la discrétion du législateur, et donc elle
n’est qu’un essai absurde de la part du peuple de limiter un pouvoir (législatif) illimité par sa
nature. On a aussi retenu que, les auteurs des constitutions écrites les avaient sûrement
considérées comme représentant la loi suprême et fondamentale de la nation, et, par conséquent,
la théorie de toute gouvernance doit être celle selon laquelle tout acte du législateur qui est
contraire à la constitution est nul.
La manière d’opérer le contrôle de constitutionnalité s’est concrétisé en deux modèles : le
modèle américain et le modèle européen.
On note que le modèle américain suppose un contrôle exercé par les juridictions
ordinaires, l’unification de la pratique se faisant au sommet, par la Cour suprême, compte tenu
du principe de l’autorité de précédent, tandis que dans le modèle européen, on constate la
séparation du contentieux constitutionnel de toute autre forme de contentieux, l’organe de
juridiction constitutionnelle étant unique, spécialisé, investi du monopôle du contentieux
constitutionnel.
3
Donc, contrairement au modèle américain de contrôle de la constitutionnalité des lois,
issu de l’absence de textes exprès, le modèle européen est le fruit de l’œuvre théorique du grand
juriste autrichien Hans Kelsen, qui a proclamé la garantie juridictionnelle de la Constitution.
Les normes juridiques ont été ordonnées selon le schéma imaginé par Hans Kelsen dans
un système pyramidal. Pour Kelsen
4
, ainsi que pour Eisenmann, la justice constitutionnelle
représente une garantie juridictionnelle de la Constitution, mais Eisenmann fait la différence,
dans son œuvre, entre le concept de « justice constitutionnelle » et la « juridiction
constitutionnelle », ce dernier sens étant, en fait, le sens juridique du premier concept. Ainsi,
selon Eisenmann, sans cette forme de juridiction qui vise les normes constitutionnelles, la
Constitution n’est qu’un « programme politique, obligatoire seulement du point de vue moral »
5
.
3
Le système américain de contrôle de la constitutionnalité des lois a été adopté dans des pays tels : le Canada, les
États-Unis de l’Amérique, le Danemark, l’Estonie, l’Irlande, la Norvège, la Suède, l’Argentine, les Bahamas, la
Barbade, la Bolivie, la République Dominicaine, la Grenade, la Guyana, Haïti, la Jamaïque, le Mexique, la Saint-
Cristophe-et-Niévès, la Trinité-et-Tobago, le Botswana, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Kenya, le Malawi, la
Namibie, le Nigeria, les Seychelles, la Sierra Leone, la Tanzanie, l’Iran, l’Israël, le Bangladesh, l’Inde, le Japon, le
Népal, la Nouvelle-Zélande, le Singapour, les Tonga, etc., tandis que le système européen se retrouve dans des pays
tels : l’Albanie, l’Andorre, l’Arménie, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, le Belarus, la Bosnie et Herzégovine, la Bulgarie,
la Croatie, la République tchèque, la Serbie, la Géorgie, l’Allemagne, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, Moldova,
la Pologne, la Roumanie, la Fédération Russe, la Slovaquie, la Slovénie, l’Espagne, la Turquie, l’Ukraine, l’Égypte,
le Madagascar, le Mali, l’Afrique du Sud, le Chypre, le Kirghizstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, la Thaïlande, la
Mongolie, la Corée du Sud, le Chili, le Suriname etc. Voir, à ce sens, G. Harutyunyan, A. Mavčič Constitutional
Review and its Development in the Modern World (A Comparative Constitutional Analysis), Éd. Hayagitak, Erevan-
Ljubljana, 1999, p. 29 et suiv.
4
Hans Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice constitutionnelle) », Revue du droit
public, 1928, pp. 197-257.
5
Ch. Eisenmann La justice constitutionnelle de la Haute Cour Constitutionnelle d’Autriche, Paris, 1928, rééd,
Economica, 1986.
Trad. Oana Răican
3
La mise en place d’une instance unique, spécialisée en contentieux constitutionnel a, selon
Kelsen, des avantages nets pour le bon déroulement de la vie juridique.
Selon Didier Maus
6
, au cours du XXe siècle, deux périodes sont à distinguer: la premre
couvre la premre moit du scle pas. Dans la suite des travaux de Hans Kelsen et l’adoption de la
Constitution autrichienne de 1920, le modèle austro-kelsenien de juridiction constitutionnelle autonome
se veloppe en Europe (République tcque, Autriche, Liechtenstein). Son efficacité en matre de
protection de la démocratie et des droits fondamentaux débouchera avec la Seconde Guerre mondiale
sur un constat d’échec, mais l’idée de considérer la Constitution comme une norme non seulement
politique, mais juridiquement sanctionnable, est de moins en moins remis en cause.
La seconde riode commence aps 1945 et peut être ritablement qualifiée de riode
d’expansion des cours constitutionnelles. Dans quelque partie du monde que l’on se situe,
l’établissement dune constitution démocratique fondée sur la souveraine des électeurs, l’équilibre des
pouvoirs et le respect de l’État de droit, comprend la création d’une cour constitutionnelle.
L'Allemagne(1949), lItalie (1947), la France (1958), le Portugal (1976), lEspagne (1978), la quasi-
totali des pays d’Europe centrale et orientale (à lexception de l’Estonie ou la Cour d’État exerce une
fonction de contrôle constitutionnel) dans l’anes 1990, le Canada (1982), le Botswana (1965), le
Bsil (1988), la Russie (1993), l’Afrique du Sud (1994), le Chili (1980) (avec le modifications
ultérieures), la Bosnie et Herzégovine (1995), l’Andorre (1993), la Namibie (1998), connaissent soit la
cation d’une juridiction constitutionnelle, soit l’extension des comtences d’une juridiction
antérieure (en ral une cour suprême) dans le domaine constitutionnel des droits fondamentaux.
En France, tel que présenté ci-dessus, les Constitutions de 1791 et de 1852 ont admis
l’idée d’un contrôle de la constitutionnalité des lois, mais sans créer un organe de l’État qui
effectue effectivement le contrôle, parce que la grande majorité des députés, influencés par la
théorie de Jean-Jacques Rousseau, selon laquelle la loi est l’expression de la volonté générale, ne
pouvait pas accepter le fait qu’un texte législatif puisse être remis en question par une autorité
autre que le gislateur lui-même. Ce n’est que pendant le développement de la Constitution de
l’an III qu’on mettra vraiment en discussion, pour la première fois, la question du contrôle de la
constitutionnalité des lois dans toute sa complexité
7
, et une solution similaire a été celle reprise
en 1852, lorsque le Sénat pouvait s’opposer non seulement à la promulgation des lois contraires à
la Constitution, mais aussi à la religion, à la morale, à la liberté des cultes, à la liberté
individuelle, à l’égalité des citoyens devant la loi, à l’inviolabilité de la propriété et à
l’inamovibilité de la magistrature ou aux lois qui pouvaient porter atteinte à l’intégrité du
territoire. Mais cela représente un contrôle politique, en fait, un pséudo-contrôle. Les instances
judiciaires, ainsi que celles du système administratif ont considéré les exceptions
d’inconstitutionnalité comme irrecevables, et la doctrine dominante partageait ce point de vue.
Afin de rejeter le contrôle juridictionnel des lois, beaucoup d’auteurs invoquaient la séparation
des pouvoirs, en lui donnant une interprétation complètement différente de celle promue par les
instances américaines. Peu de professeurs
8
, en faisant référence aux arguments du juge Marshall
6
Le recours aux précédents étrangers et le dialogue des cours constitutionnelles, dans la Revue française de droit
constitutionnel, no 80, octobre 2009.
7
Gérard Conac O anterioritate română: controlul constituţionalităţii legilor în România de la începutul secolului
xx până în 1938 (Une antériorité roumaine : le contrôle de la constitutionnalité des lois en Roumanie depuis le
début du XXe siècle jusqu’en 1938). Ce débat a été initié par Siéyès, qui a présenté un projet pour la création d’une
nouvelle institution, la commission chargée du contrôle constitutionnel, projet rejeté.
8
Le plus fameux d’entre eux, le doyen Maurice Hauriou, affirmait même que les juges pourraient considérer comme
inconstitutionnelles des lois contraires à la Déclaration des droits de 1789, qui, pourtant, n’avait pas été mentionnée
dans les lois constitutionnelles de 1875.
Trad. Oana Răican
4
dans l’affaire Marbury c. Madison, reconnaissaient que, conformément aux lois
constitutionnelles de 1875, les tribunaux pouvaient, comme aux États-Unis, connaître les
exceptions d’inconstitutionnalité et refuser d’appliquer une loi qu’ils considéraient contraire à la
Constitution.
La France a connu un vrai contrôle de la constitutionnalité des lois seulement une fois le
Conseil Constitutionnel créé en 1958, et le premier grand débat doctrinaire
9
le concernant a eu
lieu dans les années 1970, quand il a fallu établir s’il représentait une juridiction ou pas. Par la
Décision 18 L du 16 janvier 1962, Loi d’orientation agricole, Rec. 31, le Conseil Constitutionnel
français a interprété l’article 62 de la Constitution, concernant l’autorité de ses décisions, d’une
manière qui touchait l’idée d’« autorité de la chose jugée », mais cela a été expressément
consacré dans sa jurisprudence, par la Décision 244 DC du 20 juillet 1988, Loi d’amnistie, Rec.
119. Pourtant, le Conseil Constitutionnel est une instance constitutionnelle conforme au modèle
européen et la doctrine française a réussi, ces dernière années, à fonder en droit la légitimité du
Conseil Constitutionnel, dans l’essai de démontrer que son rôle créateur dans la production des
lois n’était pas contraire au principe de la démocratie et que les problèmes mis sous le précédent
étaient, en fait, de faux problèmes.
10
Sans doute, la révolution française de la justice
constitutionnelle est représenté par la question prioritaire de constitutionnalité, introduite dans le
droit français par la révision de la Constitution du 23 juillet 2008, qu’on a commencée à
appliquer le 1 mars 2010.
En Allemagne, sous l’Empire, il n'existait pas de cour constitutionnelle au sens
contemporain du terme (c’est-à-dire une juridiction qui s’occupe avec le contrôle de la
constitutionnalité des lois), et en vertu d’une jurisprudence constante du Tribunal -
Reichsgericht, les juges ordinaires n’étaient pas autorisés à contrôler la régularité matérielle des
lois du Reich. La doctrine officielle du régime, concrétisée dans l’œuvre de Paul Laband
11
,
survalorisait le rôle législatif du Bundesrat et de l’Empereur tout en minorant le rôle du
Reichstag. Selon le même auteur, conservateur, la promulgation impériale d’une loi lui conférait
une présomption irréfragable de constitutionnalité
12
. À rebours, la doctrine libérale et démocrate
était favorable à l’idée de contrôle de constitutionnalité. L’adoption, le 11 août 1919, de la
Constitution républicaine de Weimar a transformé de manière radicale les termes du problème.
Ainsi, d’un côté, les progressistes étaient plus confiants que toujours dans le contrôle de la loi par
des magistrats de carrière, et de l’autre côté, la Constitution incluait plus de 56 articles
concernant les droits et les libertés. Dans ces conditions constitutionnelles, on voit se dresser des
considérations concernant l’organisation de la justice et le problème de la sécurité juridique,
puisque les lois étaient appliquées tout d’abord au niveau du Land par des tribunaux de première
instance et par des cours supérieures, et la Constitution de Weimar prévoyait une juridiction
fédérale supérieure : le Tribunal du Reich (Reichsgericht) et le Tribunal administratif du Reich
(Reichsverwaltungsgericht), mais sans prévoir aucunement la procédure du contrôle de la
constitutionnalité des lois ou le droit de contrôle du juge
13
, mais, tel que affirmé par le père de la
Constitution, Hugo Preuß, « le droit de contrôle du juge existe nécessairement il n’est pas
expressément exclu ». Par un spectaculaire revirement de jurisprudence, en 1921, Reichsgericht
9
http://www.juspoliticum.com/Modeles-et-representations-de-la.html Olivier Jouanjan - « Modèles et
représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique ».
10
Dominique Rousseau Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, 2010.
11
Paul Laband, Le Droit public de l’Empire allemand, Paris, V. Giard & E. Brière, 1900, vol. 1, pp. 324-325.
12
http://www.juspoliticum.com/Une-vision-morale-de-la-justice.html Renaud Baumert « Une "vision morale" de la
justice constitutionnelle sous la République de Weimar ».
13
Hugo Preuß cité par E. Theisen, « Verfassung und Richter », AöR, 1925, vol. 47 (NF 8), p. 267.
Trad. Oana Răican
5
a reconnu, obiter dictum
14
, aux juges ordinaires le droit de contrôler la constitutionnalité des lois
à l’occasion d’un procès, mais par la Décision du 4 novembre 1925
15
cette idée devient vraiment
applicable. Cette décision avait une signification politique très marquée, puisqu’elle s’inscrivait
dans un contexte moral, politique et économique très délicat, après l’hyper-inflation de la
monnaie allemande de 1922 et bénéficie d’un soutien considérable de la part de la doctrine
ultérieure. Mais il faut souligner que cette reconnaissance de compétence ne donna pas lieu à
l’activisme juridictionnel que redoutait une partie de la doctrine, puisque le nombre total de lois
invalidées de cette manière était très réduit. Depuis 1951, la principale compétence de la Cour
constitutionnelle fédérale - Bundesverfassungsgericht, était d’assurer que toutes les institutions
de l’État respectassent la Constitution fédérale Grundgesetz.
Selon la doctrine classique en Roumanie
16
, les premières lois fondamentales de l’État
roumain étaient des inclues dans les Règlements Organiques celui de Valachie de 1831 et celui
de Moldavie de 1832, qui représentent « des codes constitutionnels et administratifs
17
» incluant
aussi, parmi d’autres, des règles sur l’organisation des pouvoirs de l’État.
Ensuite, un contrôle naissant de constitutionnalité s’est cristallisé une fois le Traité de
paix signé à Paris le 30 mars 1856 dans le contexte les pouvoirs garants ont dressé un acte
fondamental pour les pays roumains, appelé « Convenţiunea pentru reorganizarea definitivă a
Principatelor Dunărene Moldova şi Valahia» (La convention pour la organisation définitive
des Principautés Danubiens, la Moldavie et la Valachie), régissant l’organisation des pouvoirs
au sein de l’État et le respect des droits des citoyens. Par l’article 32 de la Convention, on créait
la Commission Centrale qui allait veiller au respect « des dispositions constitutives de la nouvelle
organisation des principautés », ayant la signification d’un « organe de contrôle a priori de la
constitutionnalité des lois »
18
. Par sa structure, la Commission se dressait en organe politique
ressemblant au Sénat Conservateur, régi par la Constitution française de l’An VIII ou celle du 14
janvier 1852.
En 1864, le prince régnant Alexandru Ioan Cuza a adopté Statutul dezvoltător al
Convenţiei de la Paris (le Statut relatif à la mise en œuvre de la Convention de Paris) comme
acte additionnel à la Convention, représentant ainsi la première Constitution adoptée par une
autorité nationale
19
. Le Statut introduisait le système bicaméral, par la constitution du Sénat
(« Corpul Ponderatoriu ») le Corps pondérateur »), formé de membres de droit et de
membres nommés par le prince. Une de ses attributions était de contrôler tout projet voté par
l’Assemblée élective et d’établir s’il était compatible avec les dispositions constitutives de la
14
Cet obiter dictum sera qualifié de « conte de fée » par Walter Jellinek, suivi sur ce point par une grande partie de
la doctrine : G. Radbruch, H. Heller, R. Thoma, G. Anschütz et E. von Hippel.
15
Par laquelle on a stat que, puisque la Constitution n’incluait aucune disposition sur le contrôle de la
constitutionnalité des lois, il revenait au juge le droit et l’obligation d’examiner la constitutionnalité des lois.
16
Paul Negulescu, Curs de drept constituţional român (Cours de droit constitutionnel roumain), Bucarest, 1927, p.
180.
17
T. Drăganu Începuturile şi dezvoltarea regimului parlamentar în România până la 1916 (L’origine et le
dévéloppement du régime parlementaire en Roumanie jusqu’en 1916), Éd. Dacia, Cluj, 1991, p. 39.
18
Ion Deleanu, Justiţia constituţională (La justice constitutionnelle), Éd. Lumina Lex, Bucarest, 1995, pp. 13l-132.
19
Prof. Paul Negulescu dans Cursul de Drept Constituţional (Cours de droit constitutionnel) de 1927 fait un
parallèle avec le Statut édicté par le Roi de la Sardaigne en 1841. L’historiographie roumaine parle aussi de
l’encadrement du Statut comme « projet de Constitution » - C.C. Angelescu, Proiectul de Constituţie al lui Cuza-
Vodă de la 1863 (Le projet de Constitution de Cuza-Vodă de 1863), dans Revue de droit public, année VI, nos 2-3 et
année VII, nos I-II.
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