
Si les 4e et 5e éditions (respectivement 1743 et 1752) du dictionnaire de Trévoux ont sans
aucun doute été exploitées pour la rédaction des articles de l’Encyclopédie, il est donc
également juste de noter que la 6e édition du dictionnaire, publiée en 1771, s’est aussi
beaucoup inspiré des avancées de l’Encyclopédie. On le note en tout cas pour l’article
ECONOMIE. Les deux nouvelles locutions qui font leur apparition dans la 6e édition,
l’économie rustique
et l’économie animale
semblent, en effet, beaucoup devoir leur
rédaction à celle de l’Encyclopédie, quoique l’hypothèse d’une troisième source ne soit
théoriquement pas à exclure
.
b. Les articles ‘ECONOMIE’ et ‘ŒCONOMIE’ dans l’Encyclopédie
L’économie fait l’objet de deux entrées dans l’Encyclopédie, usant ainsi de la
polygraphie du terme, pour compléter ou corriger dans le tome XI ce qui avait été publié, dix
ans plus tôt, dans le tome V. La première entrée se compose du célèbre article ECONOMIE
(Morale et Politique) de Rousseau, réédité en 1758 sous le titre Discours sur l’économie
politique, et d’une sous-entrée ECONOMIE RUSTIQUE.
La seconde entrée du mot, à la lettre O, répond davantage au souhait exprimé par
Diderot dans l’article ENCYCLOPEDIE de mieux intégrer les termes de la langue usuelle
.
Elle se décline en quatre parties, la définition générale, et trois sous-entrées, ŒCONOMIE
(Critiq. sacrée) de Jaucourt, ŒCONOMIE ANIMALE (Médec.) de Ménuret de Chambaud, et
ŒCONOMIE POLITIQUE (Hist. Pol. Rel. ant. & mod.) de ‘feu Boulanger’. La définition générale
renvoie aux entrées du tome V : « Œconomie, conduite sage et prudente que tient une
personne en gouvernant son propre bien ou celui d’un autre. Il y a l’œconomie politique.
«C’est l’art de tirer le plus grand avantage possible des biens de la campagne », Trévoux, 6e ed., 1771, p.555.
L’entrée ECONOMIE RUSTIQUE de l’Encyclopédie débute ainsi : « l’art de connoître tous les objets utiles &
lucratifs de la campagne, de se les procurer, de les conserver, & d’en tirer le plus grand avantage possible »,
ECONOMIE RUSTIQUE, Enc., V, 349.
« Termes impropres, dont on se sert quelquefois pour désigner l’animal même. De-là ces façons de parler
abusives, mouvemens, fonctions de l’économie animale. A parler exactement, cette dénomination ne regarde que
le méchanisme, l’ordre, l’ensemble des fonctions & des mouvemens qui entretiennent la vie des animaux, dont
l’exercice parfait constitue l’état de santé, dont le moindre dérangement est par lui-même maladie, & dont la
cessation est la mort. C’est dans ce sens qu’on dit, mouvemens, lois de l’économie animale », Trévoux, 6e ed.,
1771, p.556. On trouve au début de l’article de Ménuret de Chambaud dans l’Encyclopédiele passage suivant :
« quelques auteurs ont employé improprement le nom d'oeconomie animale, pour désigner l'animal lui même;
c'est de cette idée que sont venues ces façons de parler abusives, mouvemens, fonctions de l'oeconomie animale;
mais cette dénomination prise dans le sens le plus exact & le plus usité ne regarde que l'ordre, le méchanisme,
l'ensemble des fonctions & des mouvemens qui entretiennent la vie des animaux, dont l'exercice parfait,
universel, fait avec constance, alacrité & facilité, constitue l'état le plus florissant de santé, dont le moindre
dérangement est par lui--même maladie, & dont l'entiere cessation est l'extrème diamétralement opposé à la vie,
c'est--à--dire la mort. L'usage, maître souverain de la diction, ayant consacré cette signification, a par--là même
autorisé ces expressions usitées, lois de l'oeconomie animale, phénomenes de l'oeconomie animale, qui sans cela
& suivant l'étymologie présenteroient un sens absurde, & seroient un pléonasme ridicule. », OECONOMIE
ANIMALE, Enc., XI, 360. La thèse défendue par Ménuret de Chambaud, ainsi que par Bordeu dans l’article
CRISE, est celle du vitalisme auquel Diderot souscrira en partie. Voir D. Boury, « Théophile de Bordeu : source
et personnage du Rêve de D’Alembert », RDE, 34, 2003, pp.11-24 ; C. Duflo, « Diderot et Ménuret de
Chambaud », RDE, 34, 2003, pp.25-44 et R. Rey, Naissance et développement du vitalisme en France, Oxford :
Voltaire Foundation, 2000.
L’édition de 1740 du Dictionnaire de l’Académie ne mentionne cependant ni d’économie rustique ni
d’économie animale.
Voir à ce propos l’étude menée par M. Leca-Tsiomis, Ecrire l’Encyclopédie. Diderot : de l’usage des
dictionnaires à la grammaire philosophique, Oxford : Voltaire Foundation, 1999.