Alexandre MIRLESSE – conf. de F. Bittner Le Marché unique est-il vecteur de croissance ?
quatrième catégorie : l’abolition de toutes les barrières douanières (réalisé en 1968),
l’établissement d’un tarif extérieur commun et l’harmonisation progressive des
normes et standards devait permettre l’unification graduelle des marchés des États-
membres. Cependant, à la fin des années 1960, la communauté économique ainsi
créée s’apparentait plutôt à une union douanière, le maintien d’importantes
« barrières non-tarifaires » (principalement réglementaires) empêchant la formation
d’un marché unique. La crise consécutive au choc pétrolier eut pour effet de
renforcer le protectionnisme déguisé des Etats-membres, qui atteignit son
paroxysme pendant les années dites d’ « eurosclérose » (1974-1983).
Ce n’est qu’avec la « relance » impulsée dès le milieu des années 1980 par le
président de la Commission de l’époque, Jacques Delors, que vit le jour un projet
visant à abolir toutes les barrières non tarifaires entre membres de la CEE. Entériné
par l’Acte Unique, adopté en 1986, ce projet tendait à l’achèvement du marché
unique, c’est-à-dire d’un « espace sans frontières intérieures dans lequel la libre
circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est
assurée selon les dispositions du traité », avant 1er janvier 1993. Pour ce faire, les
gouvernements et les institutions européennes ont déployé une intense activité
législative permettant de supprimer les barrières physiques, techniques et fiscales
qui entravaient sa réalisation. Ces réformes permirent la généralisation du principe
de reconnaissance mutuelle des normes nationales, l’ouverture à la concurrence de
marchés nationaux dans des secteurs jusque-là très protégés (transports aériens et
télécommunications notamment) et de nombreuses mesures de dérégulation. Ce
marché unique s’étend en 1995, 2004 et 2007, au fil des élargissements de l’UE ; il
s’approfondit également par la création de l’union économique et monétaire, décidée
à Maastricht en 1992, qui fait accéder l’Eurozone à la cinquième étape de
l’intégration économique au sens de Balassa, en faisant la zone multinationale la
plus intégrée au monde.
B. Les effets possibles de cette intégration sur la croissance
européenne
Selon le modèle de Balassa
Ce modèle, élaboré bien avant la mise en place du Marché unique – et en l’absence
d’études empiriques – s’intéresse essentiellement aux effets de l’intégration
économique sur le commerce, et non sur la croissance. Selon Balassa, le Marché
unique aurait dû entraîner deux types d’effets :
- des effets statiques, à court terme, résultant de l’augmentation du commerce
intracommunautaire
- des effets dynamiques, à moyen et long terme, résultant des économies
d’échelles, d’une plus grande efficience des entreprises, de la concurrence
accrue, et de la spécialisation sectorielle plus poussée en fonction des
avantages comparatifs de chaque pays-membre.
A supposer qu’ils se vérifient, ces effets sont-ils porteurs de croissance ? Pour le
savoir, il faut analyser quels sont les déterminants de la croissance économique, et
voir lesquels sont susceptibles d’être affectés par l’un des effets de l’intégration
européenne. Nous le ferons en nous fondant sur les deux principaux modèles