ce regard subjectif : les événements, les situations, les dialogues, et même les paysages…
Exemple canonique : récit de la bataille de Waterloo focalisé sur Fabrice, au début de La
Chartreuse de Parme.
- La focalisation externe : tout est décrit de l’extérieur avec une parfaite neutralité, selon les
apparences que les objets ont pour une perception humaine qu’aucun sujet déterminé
n’assume. Classiquement, elle sert à introduire le récit par une observation extérieure, avant de
s’effacer au profit d’une autre focalisation, interne chez Flaubert (L’Education sentimentale)
ou zéro chez Balzac (La Peau de chagrin). Mais elle peut aussi fixe, comme dans les romans
américains dits « objectifs » de Hemingway ou de Hammett, où le lecteur doit reconstituer
l’intrigue à partir des données brutes qui lui sont fournies.
Les discours
Comment le récit intègre-t-il le discours des personnages ?
Le récit de paroles est intiment lié au récit de pensées, dans la mesure où les sentiments et pensées sont
d’emblée considérés comme verbaux en littérature. Les rubriques qui suivent concernent donc aussi
bien le discours prononcé que le discours silencieux ou « intérieur », en commençant par la distance la
plus grande et la forme la plus abrégée.
- Le discours raconté ou narrativisé. Le discours des personnages est considéré comme un
acte, sans qu’il soit tenu compte de la spécificité de la parole. Seul le contenu du discours de
référence apparaît, sans mention des mots qui ont servi réellement. « Il proposait des
excursions. Papa les acceptait jamais » (Céline).
- Le discours transposé (au style indirect). Le discours des personnages est introduit dans la
substance continue du récit par les verbes marquant l’acte de parole (dire, répliquer, etc.).
Cette forme intermédiaire ne garantit pas la teneur exacte des paroles transposées, et suppose
une première condensation par le narrateur.
- Le style indirect libre est une variante du discours transposé. Le verbe introducteur est
supprimé, toutes les marques du style indirect étant cependant préservées : son système
temporel est centré en français sur l’imparfait. Cet allègement permet des transpositions plus
longues. Surtout, il est ambigu et riche d’effets esthétiques du fait de la double hésitation qu’il
entraîne : d’une part entre discours intérieur et discours prononcé, et d’autre part entre
discours du personnage et discours du narrateur. « Papa trouvait toujours des prétextes pour se
défiler. Il voulait rien devoir à personne, c’était son principe » (Céline)
- Le discours rapporté (au style direct). C’est la parole même des personnages dans son
intégralité supposée, comme au théâtre. Le narrateur l’introduit généralement par un verbe
déclaratif (ou de pensée) placé en tête ou intercalé, mais il peut également céder brusquement
la parole au personnage en laissant simplement les guillemets (figure dite de l’abruption). Ce
discours, qui est censé être la transcription directe des paroles du personnage, est un des lieux
essentiels de sa caractérisation.
- Le discours immédiat. La figure d’abruption est poussée à bout dans le monologue intérieur
du personnage, le narrateur s’efface d’emblée, sans laisser de traces – pas même un guillemet
– derrière le personnage et le flot de son discours intérieur ou prononcé. Du fait que ce
monologue n’est pas rapporté, ce qui supposerait l’intermédiaire d’un narrateur, lequel a
momentanément disparu, Genette le nomme « discours immédiat ». Exemple : « A travers la
barrière, entre les vrilles des fleurs, je pouvais les voir frapper », le monologue intérieur de
Benjy dans Le Bruit et la Fureur jette le lecteur dans la conscience éclatée en sensations