Vial, Marc, Jean Gerson, théoricien de la théologie mystique, thèse, Genève 2003 Intro Le terme « mystique » est au Moyen Age exclusivement un adjectif, désignant Dieu et le moyen de connaissance pour s’en approcher, jamais un comportement ou encore des hommes ou des femmes. Gerson ne revendique aucune expérience mystique pour lui-même. Il veut transmettre une pensée spéculative, scolastique. Né près de Reims en 1363, maîtrise en théologie en 1392, 1395 chancelier de l’université de Paris. 1395-1415 = période parisienne, 1399 à Bruges, genre de conversion, abandonne le commentaire des Sequences, début XVe : début de sa théorie mystique. 1415-14 au couvent des célestins, près de Lyon. Sa théologie mystique n’est pas une œuvre bilan de l’âge comme on pensait mais suit immédiatement sa « conversion » de 1399. S’oppose à Jean de Ripa. Avant 1425 : théologie mystique = union d’amour, après = union d’essence sous l’effet de la grâce sanctifiante. Gerson = premier universitaire à écrire une théorie mystique ; Albert le Grand avait écrit un commentaire sur le Pseudo-Denys, mais c’était un commentaire. Gerson repproche à Albert dans son œuvre après 1425 d’avoir emboîté le pas aux auteurs païens dans son appréciation du Pseudo-Denys. I. La théorie et son contexte 1. Caractères généraux de la théologie mystique Le traité de la théologie mystique se compose de deux parties, la 1re écrite autour de 1402 s’adresse à des auditeurs de ses cours et est spéculative ; la seconde donne des conseils plus pratique, date de 1407 ; les 2 parties sont réunies vers 1408 et copiées ensemble. Le traité est précédé des Notulae ( ~1400) expliquant certains passage de la hiérarchie céleste de Denys. Mais pas vraiment commentaire, plutôt réflexion à l’occasion de la lecture. Plus tard de simplificatione cordis. Spiritus Domini traite de l’association parfaite entre vita activa et contemplativa, appelle ceux qui la pratiquent « ambidextre ». 1424 :Elucidatio scolastica mysticae theologiae : critique de la thèse de Hugues de Balma sur la nature de l’amour de Dieu. 1428 : 12 traités sur le Magnificat, dont plusieurs traitent de la théologie mystique + Anagogicum. 1429 traité sur le Cantique. 1.1. Référence obligée, comme pour tout auteur du Moyen Age traitant de mystique : PseudoDenys, qu’il lit à travers Hilduin et le croît donc disciple de l’apôtre Paul : c’est ce qui fonde son autorité. Le nomme « théosophe » = sagesse + saveur. Utilise la version d’Erigène. 1.2. Sagesse, inconnaissance et unification, chez Denys = noms de Dieu, chez Gerson = modes de connaissance. Théologie mystique = sagesse irrationnelle ; réf. à 1 Cor. 1.18s : folie de la croix ; a-mensi, hors de l’esprit et de son fonctionnement habituel. Théologie mystique = « connaissance de Dieu … en tant qu’il est caché » (23) ; réf. à ténèbre ; traitée par Denys dans l’œuvre du même nom ; = négation de tout attribut (Denys) + extase (Bonaventure) ; « négation abstractive » = détachement + abstraction = apophase ; terme abnegation probablement repris d’Albert le Grand ; Théologie propre = affirmations positives abstraites (Dieu = bon), noms « intelligibles », traitée par Denys dans les Noms divins ; Théologie symbolique = affirmations métaphoriques (Dieu = lion..), noms perceptibles par les sens ; traitée par Denys dans un ouvrage supposé perdu. Extase, à la suite de Denys et Bonaventure : épuisement de la pensée par négations successives + dépossession de soi. 2. Fournir une théologie mystique Dans la partie pratique de son traité, Gerson traite de la nourriture et des exercices de méditations, une partie étant rédigée en français, s’adressant aux laïcs. Mais sa préoccupation principale est la théorie intellectuelle. Il part du texte de Denys, non d’une expérience personnelle. S’attache à « traduire » le langage de Denys en langage scolastique. Il lit Denys à travers d’autres auteurs et le comprend de façon personnelle, souvent très différente de celle de Denys lui-même. Moins commentaire que développement personnel à propos de la lecture de Denys. Seule l’expérience donne accès à Dieu, seule le travail sur des textes faisant autorité donne accès à la théorie de cette expérience, mais non à l’expérience elle-même qui ne conduit pas non plus à la théorie. (p33=) Expérience unio -- unio ≠ théorie textes théorie -- théorie ≠ unio Permets a) de traiter de mystique en chaire b) de rendre accessible aux théologiens le savoir mystique des laïcs par une clarification et une expression « scolastiquement correcte ». 3. Contexte Gerson élabore sa théorie suite à une réflexion menée (dans une lettre à un chartreux) sur la contemplation : distinguant entre c. intellectuelle et c. affective, seule la dernière est c. authentique ; met en garde contre Ruusbroec. 3.1. Or, à cette époque il est contre son gré impliqué par sa fonction de chancelier dans le schisme papal.1399, suite à ce conflit, mais surtout par son désir de pratiquer la contemplation, donne sa démission et se retire à Bruges. Ses premières réflexions visent donc à justifier ce choix. 3.2. Elabore sa théorie de la double contemplation, intellectuelle et affective, contre le 3e livre des Noces spirituelles de Ruusbroec. Lui repproche non seulement une erreur d’appréciation, mais lui dénie la compétence scolastique pour en traiter en théologien. Son erreur est double : a) dépossède l’âme de toute action dans la contemplation ; b) associe l’unio à une union d’essence (tel le lit Gerson du moins). Sa démarche surtout est fausse car l’expérience est possible pour tous, la spéculation est réservée au théologien. Contemplation affective = amour de Dieu ; contemplation intellectuelle = connaissance théologique ; suite à Hugues de Saint-Victore, considère la 1ère comme supérieure. La deuxième n’est possible qu’avec l’aide de la première. Vers 1400 adresse une lettre à ses propres sœurs, en français, reprenant l’enseignement monastique traditionnelle sur la supériorité de la contemplation affective en 3 degrés : repentance= mort au monde, désir d’amour de Dieu = mort d’amour, consolation= vie d’amour. S’élève contre la thèse averroïste, en fait surtout d’Albert le Grand, que la plus haute félicité réside dans la raison. Ne cite pas les condamnations dEtienne Tempier en 1277. Sa propre condamnation vise également les théologiens qui se contenteraient d’un savoir théorique, en citant de façon recurrente Rom 1.21. 3.3. Identifie la théologie mystique de Denys avec la contemplation affective, dans la suite d’Hugues de Saint-Victor et des auteurs spirituels. C’est la conception de ces auteurs (Grégoire le grand, Richard de Saint-Victor, Bernard…) de l’amour= connaissance de Dieu, qui détermine la lecture que Gerson fait du pseudo-Denys, alors qu’aucun de ces auteurs n’a traité directement de sa théologie mystique. [auteurs spirituels = moule conceptuel pour la lecture gersonienne du PD] comme si ces auteurs et PD disait la même chose. Ainsi la théorie de la double contemplation prépare sa théologie mystique. II. 1ère théorie Philppe le Hardi ayant changé d’avis concernant le pape, il rappelle Gerson contre son gré à Paris. Du coup, il n’a pas le temps pour la contemplation mais s’empresse de la théoriser. Notulae, beaucoup plus précis que ses écrits antérieurs. Partant de la nature affective de la contemplation, la décrit comme faculté particulière de l’âme théorie de la connaissance : comment favoriser cette faculté ? Définit l’unio comme dépassement affectif de la pensée. 1. ses autorités Donne sa bibliographie : 1.1. Denys Le voit comme péripatéticien qui s’exprime selon le mode platonicien. Gerson classe les penseurs en 3 écoles, non de façon historique, mais sur une base doctrinale, à savoir leur attitude envers les universaux : ante rem, in re et post rem. Sa compréhension du PD comme péripatéticien, école dans laquelle il place Albert et Thomas, lui permet de réduire la démarche unitive du PD à l’abstraction aristotélicienne. Durant la période parisienne, Gerson lit non PD lui-même mais ses interprètes : Bonaventure, Thomas Gallus et Hugues de Balma. Thomas Gallus, victorin, = 1er à avoir assimiler la théologie mystique à une expérience personnelle. Il traduit, ou plutôt paraphrase, et explique l’œuvre du PD. Gerson reprend de lui la réduction de la connaissance unitive du PD à une affection, peut-être à travers un traité de Hugues de Balma, attribué à Bonaventure, dont Gerson se réclame explicitement. Mais pour Bonaventure l’extase est l’œuvre de la grâce, chez Gerson celle de l’amour. 1.3. Richard Reprend des auteurs spirituels et surtout Richard, la conception d’une faculté particulière de l’âme, douée pour la connaissance mystique. Richard distingue 6 genres de contemplation, dont le dernier est au-dessus, voire contre la raison. Tripartition imaginatio-ratio-intellectio que Gerson interprète comme facultés de l’âme, dont les actions sont respectivement cogitatio-méditatio-contemplatio. Intellectio appelée par Thomas Gallus syndérèse pour ne pas la confondre avec l’intellect d’Aristote. 2. Psychologie 1. L’âme dans la hiérarchie Gerson part de l’ Hiérarchie céleste pour établir la différence entre connaissance humaine et angélique. Situe la théologie mystique dans le prolongement de la faculté des anges et hiérarchise les facultés de l’âme sur le modèle des chœurs mais sans en reprendre les détails. Dieu anges homme : intelligentia ratio imaginatio. « L’intelligence » mystique se situe donc entre raison et connaissance angélique. Se refère au 7e chap. des Noms divins : ramenant le multiple à l’un, la connaissance humaine approche celle des anges. Thomas Gallus avait déjà comparé la faculté la plus haute de l’homme aux séraphins et la raison aux chérubins. Gerson utilise en les subvertissant les catégories du victorin. 2.1. intelligentia simplex Utilise l’ intelligentia simplex de façon équivoque, tantôt comme faculté la plus haute de l’âme, synonyme de syndérèse, tantôt comme faculté intellectuelle, distinguée de la syndérèse en tant que faculté mystique. Pour Bonaventure et Thomas d’Aquin, l’illumination est faculté innée + contenu acquis. Gerson : connaissance dans et par la lumière divine. Cette lumière de l’âme est immédiatement inférieure à celle des anges mais, ne transite pas par eux, l’illumination est directe (suivant en cela Augustin, chez PD il ya médiation). 2.2. Ratio La raison tire des conclusions a) des vérités acquises par illumination (=partie sup.) b) de l’expérience sensible (=partie inf.) ; elle agit par déduction et abstraction. Augustin distingue les deux parties, produisant respectivement sagesse (a) et science (b). 2.3. Sens La partie inférieure de l’âme, sensus, correspond à l’imaginatio de Richard. 3. doublement affectif Les 3 instances de l’âme, considérées jusque là dans leur rôle cognitif (recherche du vrai), sont doublées d’un côté affectif (recherche du bien): amour de l’intelligentia= syndérèse, amour de la raison (appetit rationnel), amour des sens. Toute connaissance s’accompagne d’affect (82). Affect = réaction de la volonté à l’objet cognitif. 1er traité de la syndérèse (d’origine stoïcienne) au XIIe s., au XIIIe 2 conceptions s’affrontent : Bonaventure : syndérèse = volonté, Thomas d’Aquin : s.= jugement moral de la raison pratique. Gerson suit Bonaventure et l’associe à la conception de Thomas Gallus : chez lui syndérèse = capacité mystique de l’âme. Comme telle, elle dépasse la fonction intellectuelle telle que la concevait Thomas d’Aquin. 3. Théorie de l’acquisition de la théologie mystique S’acquiert par a) extase b) négations successives. L’extase = assomption affective d’une connaissance conceptuelle préalable. Cadre conceptuel pour Gerson : la conception tripartite de Richard : sens, raison, intelligence cogitatio, meditatio, contemplatio. La méditation est difficile par l’effort de concentration qu’elle suppose, doublé de l’effort d’abstraction en vue de saisir l’essence de son objet. Exercée régulièrement et justement, la méditation devient contemplation, aidée par l’illumination. Mais le recours à la grâce n’est chez Gerson qu’une pétition de principe, ses développements visent à montrer surtout l’importance de la méditation comme formation de l’âme. La contemplation porte non sur Dieu, mais sur le monde sensible et les objets abstraits obtenus à partir de lui : ramené à un nombre restreint de concepts il apparaît dans sa claire évidence. La petitesse du nombre des concepts nécessaire est proportionnelle au degré d’illumination. Raison concepts ; intelligence valeurs ou idées éternelles (intelligibilia); théologie mystique idées divines. Cette dernière = syndérèse : mouvement affectif de l’âme vers les choses contemplées. L’âme est aspirée en son objet. [affecte supérieur à l’intellect !] Amour = mode de connaissance le plus élevé. Extases de deux types : purement intellectuelle (in spiritu) ou proprement mystique (supra spiritum). La dernière non seulement par dépassement, mais par épuisement de l’intellect. L’unio = purement affective : conformité des volontés. Pas de conformité des essences : Dieu reste transcendant. Dénonce la thèse (Lombard, Ruusbroec) selon laquelle l’amour de Dieu = Saint-Esprit. Extase unitive (et non intellectuelle) félicité, suppose la « séparation » des parties inférieures : réf. à Héb.4.12 et de spiritu et anima, attribué alors à Augustin. Gerson la décrit dans les mêmes termes que les philosophes définissant la félicité intellectuelle et leur dénie par-là même leurs prérogatives (110) : seul le croyant peut en bénéficier et la foi y suffit (111). Gerson critique 4 théories de la connaissance : 1. Reproche à Platon l’action directe des idées sur l’âme et la distinction entre idées et Dieu ; 2. argumente contre la théorie de l’émanation d’Avicenne ; 3. contre celle « d’autres » que les intelligibles seraient déjà contenus dans l’âme ; 4. contre Aristote qu’il n’y a de savoir hors de Dieu : le mode d’être éternel des choses découle de Dieu. Abstraction : dissocier la forme de la matière. Mais ne rentre pas dans les détails et se contredit parfois dans ses définitions, seul lui importe d’utiliser ce schéma conceptuel pour rendre compte de la théologie mystique. En fait ravale la négation dionysienne à l’abstraction aristotélicienne. Ce faisant l’inconnaissance du PD se mue en connaissance divine (125). Apophase désigne chez Gerson uniquement le retrait des attributions imparfaites de Dieu, non à une négation de toute désignation possible (129). Chez Denys toute affirmation est dépassée par sa négation, chez Gerson la négation est une étape préalable à l’affirmation. Du coup, le début de la théologie mystique se confond avec la théologie propre (2e étape, v. au début). Elle s’en distingue que par le passage de la sphère intellectuelle vers l’affective : théologie mystique = théologie propre version affective. Abstraction des qualités sensibles union en Dieu. Pour Gerson, l’esprit humain doit collaborer avec la grâce divine, en faisant un effort de concentration et d’abstraction, pour obtenir un concept de Dieu, nécessaire comme préalable à la connaissance la plus haute dans l’unio mystica (135). Dans l’opposition entre la voie scolastique de la connaissance de Dieu par abstraction (Hugues de Balma) et la voie purement mystique (Thomas Gallus), Gerson veut harmoniser les deux mais au prix d’une réduction de la mystique à l’abstraction (137). Conclusion La 1ère théorie psychologise la mystique du PD en réduisant l’apophase à une abstraction intellectuelle qui ensuite affecte le croyant. III. Nouvelle théorie Après 1425 Gerson remet en question sa théorie antérieure en relisant PD autrement et surtout directement. Avant il avait convoqué différents auteurs, dont Denys, pour étayer sa propre conception, maintenant il s’applique à élucider la théorie de Denys. Ce faisant il n’arrive pas à une nouvelle synthèse. Fait son autocritique. L’opposition entre activité intellectuelle et affective même est maintenant dépassée. Se refère à Thomas d’Aquin : puissances de l’âme = sujets des vertus ; essence de l’âme = sujet de la grâce théologie mystique non plus l’opération d’une puissance particulière, fût-elle la plus élevée de l’âme, mais = unio de son essence. 1424 Gerson s’attaque à la question posée par Hugues de Balma : l’amour de Dieu est-il précédé ou accompagné d’une connaissance préalable ? Son attitude a profondément changée sur ce point : il renonce à l’abstraction et ne décrit plus la théologie mystique en continuité avec sa théorie de la connaissance. C’est en approfondissant la dernière qu’il se rend compte de son incompatibilité avec la mystique. L’intellect part toujours d’une sensation (réf. à Aristote), tandis que la connaissance mystique est le résultat d’une extase. La connaissance mystique se passe d’images, non plus par abstraction, mais en relevant d’un autre mode de connaissance. 4 types de vision : 1. faciale, intuitive, 2. spéculaire et abstractive, 3. nuageuse et énigmatique, 4.anagogique, mystique. L’abstractive ne conduit plus à la mystique. Et même pour le concept pur obtenu par abstraction, il souligne la nécessité de la grâce. Ne comprend plus PD à travers la grille d’Aristote. Dit maintenant qu’il avait écrit ses deux ouvrages en sorte de présenter une mystique acceptable aux scolastiques. Confesse que la mystique est don de grâce. Critique, sans le citer nommément, la théorie d’Albert le Grand pour qui la félicité est accessible à une élévation graduelle de l’intellect. Va jusqu’à désigner comme démoniaques toutes pratiques censées mener vers la félicité, y compris l’ascèse et l’initiation (163). L’Elucidation confirme : pas de préparation intellectuelle, rôle prééminent de la grâce. Décrit la mystique en tant qu’expérience. Part d’une justification des thèses d’Hugues de Balma sur l’amour sans connaissance préalable. La connaissance concomitante est possible, il ne s’agit pas d’une connaissance conceptuelle de la théorie mystique, mais d’une connaissance intuitive de son objet. Décrit plusieurs formes de connaissance, dont déjà la perception. Passe des sens spirituels à une connaissance intuitive et immédiate de Dieu qu’il compare au plaisir du bébé de têter. Cette expérience/connaissance n’a pas de contenu conceptuel. Théologie mystique = « conjonction amoureuse de l’aimé et de l’aimée ». (171s) L’amour de la première théorie est toujours présent mais comme en passant, l’accent est maintenant mis sur l’expérience. C’est ce que les derniers œuvres de Gerson vont théoriser en revenant vers Denys, notemment dans le 7e traité du Collectorium super Magnificat (1427/8). Explicite le concept de « mystique » par celui de ténèbre. Le pivot de la connaissance mystique est la grâce sanctifiante, congé est donné à la syndérèse. Lit maintenant le début des Noms divins de Denys à travers le concept de grâce sanctifiante. 4.1. (175) Connaissance expérimentale : comparable à une sensation, immédiate, véracité, nondiscursive, indemne de tout risque d’erreur, intuition mais visant une connaissance symbolique, non-essentielle de Dieu. Cette connaissance intuitive porte sur un Dieu caché inconnaissance [connaissance apophatique] (180) réf. à Ps. 18.12 et au PD implique l’abandon de tout le reste, à savoir le monde, considéré comme 1ère ténèbre ou privation de lumière ; cet abondon est a) sensitif b) intellectif et c) concerne l’esprit luimême ; correspondant à la tripartition de la psychologie : a) anima b) ratio ou intellectus c) mens. Mais cet dernier abandon concerne l’activité du mens, non son être défection gnoséologique, non ontologique (184). La mens, ayant tout abandonné, entre en contact avec Dieu = elle le perçoit mais ne l’aperçoit pas : sa « connaissance » n’est pas une vision claire. L’abandon concerne non seulement l’intellection, mais aussi l’affection, y compris l’amour. Mais pas absence de connaissance : plutôt inconnaissance connaissante (189). La perception de la ténèbre divine est impossible sans illumination (190). 4.2. théologie mystique = unio par la grâce sanctifiante (192) sujet de l’unio = mens. Mais mens n’est plus ici l’intelligentia simplex du début. Explicite le terme par une étymologie : par éminence et mensura. Elle dépasse la syndérèse, elle est capax dei (194). Elle est mens justement que dans la mesure où Dieu est son seul objet ; il appartient à sa définition qu’elle se quitte elle-même. mens = imago dei. A l’image de la trinité elle est tripartite (réf. à Augustin) : mémoire, intelligence et amour ; les trois ensemble sont le lieu de l’unio. Unio = connexion entre ces trois puissance de la mens et les trois vertus théologales (selon la conception de Thomas d’Aquin) ; leur « immancence mutuelle » = circumincessio. Par l’infusion grâcieuse de ces vertus l’âme est « ajustée » à son objet divin. Unio = investissement de l’âme par les vertus théologales résoud l’inadéquation fondamentale entre elle et son « objet ». La grâce « unifie » l’âme, et en lui permettant de quitter tout objet lui permet de rester elle-même. 5. Conclusion Aucune nouvelle théorie cohérente ne vient remplacer l’ancienne, tout au plus des développements partiels. Expérience + grâce. Les vertus théologales rende l’âme en acte ce qu’elle est en puissance : imago dei. Conclusion Entre les deux phases de la théologie de Gerson, c’est son approche du Pseudo-Denys qui change : d’abord basé sur la lecture de ses commentateurs, Gerson revient ensuite au texte luimême. La théologie naturelle, psychologique et philosophique se mue en discours proprement théologique. Après avoir cherché à rendre son objet acceptable aux professeurs scolastiques, ce but perd sa raison d’être et Gerson veut maintenant aller au bout de son objet lui-même.