Existentialisme 2-3 (document d`accompagnement à la présentation)

1
Chers amis du GEI,
Ci-joint un document (28 pages) qui présente les grandes lignes ainsi que les
principaux auteurs du courant existentialiste et de son prolongement postmoderne.
Plus précisément, il correspond aux parties 2 et 3 de mon exposé (Je me garde
un peu d’effet-surprise pour la première!) Bien que sa lecture ne soit pas requise
(vous pouvez seulement parcourir les introductions et conclusions ou même le lire
après la présentation), il s’agit d’un document de référence pouvant constituer une
base préparatoire à un exposé qui ne le reprendra pas mot à mot. Que vous l’ayez
en main ou pas, son but est de me permettre de m’en détacher, d’aller à
l’essentiel et d’être plus présente à vos questions et réactions.
À bientôt,
Nadine G.
Le courant existentiel dans l’histoire de la pensée occidentale
Son influence en psychologie
« Exister » :
du latin ex « hors de » et sistere (racine indo-européenne sta : être debout) « être
placé, se tenir ». Littéralement « se tenir au dehors, apparaître, se montrer, surgir ».
Jusqu’au XIIe, employé dans le sens de « se trouver en un lieu »
Au XVIIIe, avec Voltaire (1760), le terme prend par extension le sens de « vivre »
(Dictionnaire historique de la langue française)
***
Au XIXe, Kierkegaard, père de l’existentialisme, lui confère le sens spécifique de
« être subjectif, avoir une conscience, pouvoir dire « je ». Ainsi défini, le terme ne
s’applique philosophiquement qu’à l’humain.
Au XXe, le terme « existence », que les existentialistes opposent à « essence »,
affermit sa connotation concrète, vécue, expérientielle.
Au XXIe, l’existence est le sens intime d’appartenir à l’humanité qui nous est
octroyé par le regard d’autrui.
***
2
(Deuxième partie)
L’existentialisme en quatre temps : précurseurs,
fondateurs, intégrateurs et successeurs
L’existentialisme représente un tournant majeur dans l’histoire de la pensée occidentale.
Largement inspiré par l’idéalisme allemand (Fichte, Scheller, Schelling), le courant prend son envol au
tournant de la Révolution française. Il passe à travers une longue gestation et plusieurs pauses avant
d’émerger dans toute sa splendeur. Un nombre impressionnant d’auteurs et de créateurs en tout genre y
sont associés.
Le mot « existence », dans le sens moderne de « réalité vécue », apparaît pour la première fois
chez Schelling qui oppose la philosophie « négative » celle de la pensée pure, à la philosophie
« positive » de l’« existence ». Quant au terme d’ «existentialisme», on en attribue la paternité à Jaspers
qui l’emploie pour la première fois en 1937, mais à l’occasion d’une mise en garde : « L’existentialisme
est la mort de la philosophie de l’existence », dit-il, pour signifier que cette manière de voir se montre
réfractaire à toute conceptualisation et qu’il faut l’en préserver. À ses yeux l’existence reste et doit rester
rebelle à sa saisie théorique. Voilà qui donne le ton. Par la suite, le terme a surtout été appliqué au
courant français, qui n’a jamais pour autant renié sa généalogie allemande. Certains prétendent que,
rebelle à la philosophie même, cette philosophie s’est presque tout entière déployée, et un peu enfermée,
dans ce paradoxe d’opposition. Comment « penser » ce qui par définition se dérobe à toute abstraction et
à toute universalisation?
Il s’agit, comme son nom le dit, d’un courant philosophique pour qui l’existence joue un rôle de
premier plan. Mais par opposition à quoi? La « philosophie de l’existence » est d’abord l’expression
d’une lassitude envers les « essences ». Son ressort est le rejet de la métaphysique traditionnelle, de son
goût prononcé pour l’absolu et de sa vaine quête du principe unique de toute chose. Donc rejet des
valeurs éternelles, suprêmes, immuables telles que la Vérité, l’Être, le souverain Bien, etc., au profit de
la réalité humaine telle qu’elle est vécue et ressentie. Comme dit Arendt, il s’agit pour les « penseurs de
l’existence » d’affranchir ce monde du fantôme de l’Être (Certains, comme Hegel ou Heidegger se
montreront rebelles aux rebelles).
Renvoyant dos à dos l’idéalisme et le matérialisme d’antan pour décrire le réel, ce courant, issu
de Kant, qui n’entend plus s’intéresser à l’Être, met en avant la seule expérience d’exister comme
humain. On disait autrefois que l’homme se distinguait de l’animal par la raison, les existentialistes
préfèrent dire qu’il se distingue des choses par la conscience. Il déclare que l’ «existentia» n’a plus rien
à voir avec l’«essentia», s’intéressant à la réalité des choses plutôt qu’à leur nature. Entrant de plain-pied
dans le monde subjectif de l’expérience, cette pensée se détournera également de la science objective.
Ce renversement de perspective n’est pas sans présenter le danger de mettre l’homme à la place
de Dieu en établissant un autre genre d’absolu. Toutefois, s’il a fallu faire mourir Dieu (Nietzsche) et
tordre le cou à l’ancienne philosophie de l’être (Kant, Husserl, Jaspers, Sartre, etc.), la transcendance,
comme on le verra, a progressivement repris sa place depuis, et sans doute une place plus juste et plus
prometteuse. Ce qui est « mort », en réalité, c’est l’homme petit et soumis, objet du destin, voué à une
autorité supérieure toute-puissante. Voilà que l’homme se regarde et découvre en lui une subjectivité qui
3
se présente comme une « rupture » dans le cours du monde (Kierkegaard) et voit sa conscience comme
créatrice de son monde (Husserl). On s’interroge sur le sens d’ « exister » en tant qu’humain
(Heidegger : l’authenticité, Sartre, l’engagement, Camus, la solidarité, Jaspers : la communication).
C’est cela la grande transformation qui a commencé au tournant du XIXe et se poursuit jusqu’à nos
jours.
Les grandes lignes de l’existentialisme :
Trois mots-clés : concret (saisir la réalité non en la comprenant mais en l’expérimentant),
conscience (d’un sujet) et phénomène tre pour soi et non pas être en soi). Tout ce qui se manifeste
dans la conscience est phénomène. Ne rien chercher d’autre que les phénomènes. Pensée athée.
- On considère que l’expérience immédiate de l’humain est plus révélatrice de la réalité que
la connaissance abstraite. Le vécu est irréductible à la pensée qu’on peut en avoir.
- L’accent est mis sur la singularité individuelle, la liberté, le choix et la confrontation
inéluctable avec les conditions de cette existence.
- On démystifie la rationalité au profit du monde sensible, dont on fait la reconquête et
effectue la réhabilitation. Dénonciation de la Raison sans chair (Merleau-Ponty).
- De là, une sorte de consécration de tout ce qui nous lie à ce monde-ci : vouloir-vivre
(Schopenhauer), désir (Nietzsche), sensations et corps (Merleau-Ponty), projet (Sartre).
- Un versant nihiliste qui se résout dans son revers de sens : authenticité, engagement,
solidarité.
[C’est ainsi que la psychologie existentielle est née de la philosophie du même nom. Si on ne
peut nier qu’il y a une sorte de pessimisme ou de lourdeur allemande dans la pensée existentialiste dite
« continentale », cet aspect prit le bord lorsque la psychologie américaine décida de la faire sienne.
Ainsi, loin de la vielle Europe minée par ses deux guerres, le courant de la psychologie existentielle
(Allport, Maslow, May, Rogers) fait florès aux États-Unis, en adoptant d’emblée l’humaniste (respect,
acceptation inconditionnelle), retenant le primat du subjectif, la valorisation du corps et des sentiments,
la non-directivité, et la responsabilité; mais se détournant du tragique, et s’orientant nettement vers les
valeurs de croissance et d’actualisation du potentiel humain. Rollo May se distanciera ouvertement « des
concepts philosophiques germaniques intraduisibles et ésotériques »!]
L’ «esprit» existentialiste : le courant existentialiste est traversé par une constante tentative de
résolution de ce qu’il perçoit de la difficile condition humaine. Il s’agit de trouver un sens au non-sens,
une issue au désespoir ou une raison de ne pas se suicider. C’est un mouvement rebelle qui semble
porter la part de deuil de ce qu’il repousse. En effet, la déréliction (absence de relation transcendante)
cherche sans relâche à être compensée, d’où le rebondissement de l’ « insignifiance du monde » vers
l’authenticité (Heidegger), du nihilisme vers l’engagement (Sartre), de la solitude vers la solidarité
(Camus) ou vers la communication (Jaspers). C’est ce qu’Arendt a appelé « la nostalgie de l’antique abri
dans l’être ». On peut voir l’existentialisme comme un long passage de doute et de questionnement entre
l’homme défini par sa relation à Dieu et l’homme fondamentalement relié à ses semblables du
paradigme contemporain. Entre les deux il est angoissé, étranger, jeté dans le monde et se sait mortel. Il
reste que dans ce passage, la quête de sens fut effervescente et nombreuses furent les propositions de
voies ouvrant vers une vie plus pleine, plus vraie et plus vivante.
4
1- Les précurseurs (nés au XVIIIe) : le virage vers l’Homme
Emmanuel Kant (1724-1804, 80 ans)
Mots-clés : Chose en soi et phénomène, raison pure, raison pratique, formes a priori, impératif
catégorique
Œuvres : 1770 : Dissertation de 1770
1781 : Critique de la Raison pure (il a déjà 57 ans)
1785 : Les Fondements de la Métaphysique des Mœurs
1788 : Critique de la Raison pratique
1791 : Critique de la faculté de juger
1792 : La religion dans les limites de la simple raison
1795 : Projet de Paix perpétuelle
1798 : Métaphysique des Mœurs
L’apport de Kant est prodigieux. On le considère comme la pierre d’assise de la philosophie
occidentale. Après Descartes, il s’agit du deuxième pas de géant vers la subjectivité. Il est le premier à
délaisser le regardé pour s’interroger sur le regardant : c’est la révolution copernicienne. Un tournant
majeur dans l’histoire de la pensée.
Sa première grande question : qu’est-ce que la connaissance? Kant décide de faire la théorie de la
raison, à savoir : qu’est-ce que la raison ? Quelles sont les formes qu’elle impose ? Et quelles sont ses
limites ? Quel est le lien entre l’objet et la représentation qu’on en a ?
Le point de départ de sa philosophie est la différence entre " la chose en soi " (das Ding an sich)
ou « noumène » et la " chose pour moi " (das Ding für mich) ou « phénomène » (du grec : ce qui
apparaît). Pour lui, il y a d'un côté le contenu de la connaissance et de l'autre la forme de la
connaissance, qui impose forcément des limites à la première.
Nous n'avons pas un accès direct au réel mais un accès qui est relatif à nos facultés et
conditionnés par elles. Pour Kant, la faculté de connaître structure et construit l’expérience. C'est comme
si nous regardions le monde avec des lunettes teintées sans le savoir parce que nous avons tous la même
paires de lunettes. Autrement dit, la conscience humaine n'est pas une feuille blanche s'inscriraient
de façon passive les impressions de nos sens mais au contraire une instance éminemment active qui
détermine notre conception du monde. Nos perceptions se plient aux " formes à priori "(inhérentes au
sujet) de la sensibilité. Ces formes sont les conditions sous lesquelles nous sont livrés les phénomènes.
Exemples : Nous portons en nous l’espace, le temps, la causalité, qui règnent sur le monde
phénoménal tout entier. (Nous n’avons pas l’expérience du temps ou de l’espace, mais le temps et
l’espace sont la condition de toute expérience.) Mais jamais notre raison théorique pure connaissance
n’atteint les choses en soi. Nous rencontrons les choses telles qu’elles nous apparaissent et non pas telles
qu’elles sont. (Mais que sont-elles ?)
5
Le grand retournement kantien :
Avant lui la faculté de connaître exigeait que le sujet (neutre) tourne autour de l’objet pour en
acquérir la connaissance ; Kant renverse les termes : Il fait tourner l’objet autour du sujet qui l’éclaire à
sa façon. Si la conscience se construit à partir des choses, les choses aussi construites à partir de la
conscience. Voilà ce qui a été nommé par KANT lui-même sa " révolution copernicienne ". C'était en
effet une façon radicalement neuve de penser.
Certaines questions pourraient excéder le champ de la connaissance. Exemples : existe-t-il un
Dieu ? L'univers est-il fini ou infini ? Sommes-nous immortels ? À ces questions, la raison pourrait
toujours produire deux thèses contradictoires aussi probables ou improbables l'une que l'autre (Ce sont
les «antinomies»).
Donc, ne nous mêlons plus de métaphysique avec notre raison théorique !
Sa deuxième grande question porte sur ce qu’il appelle la Raison pratique: quelles sont les conditions a
priori de toute cision morale ? Condition de possibilité, non plus d’un connaître mais d’un agir. La
valeur morale, nous dit Kant, est vécue immédiatement comme un a priori, c’est-à-dire comme ne
dérivant pas de l’expérience. Elle ne dépend pas non plus de son résultat, elle vaut en soi. C’est ce
« quelque chose » de l’intérieur qui commande (=> Lévinas). On doit lui obéir indépendamment des
résultats. C’et « un appel, une exigence nue » (J. Hersch), que Kant appelle la « bonne volonté » par
opposition aux « inclinations » qui sont influencées par des facteurs extérieurs à soi. La volonté devient
bonne volonté lorsqu’elle veut coïncider avec les valeurs morales. Elle est « autonome », elle se donne à
elle-même sa loi, le devoir. Pour Kant, obéir au devoir, c’est cela la liberté. Sinon, nous sommes le jouet
de nos sentiments, humeurs et affections, qui sont soumis au monde phénoménal.
Exemple donné de devoir moral : Socrate qui a refusé de fuir sa prison et a bu la ciguë.
Cette loi morale est un impératif catégorique, c'est-à-dire qu'elle vaut pour toutes les situations,
l'essentiel étant moins le choix que l'on fait que ce qui l'a déterminé, l'intention, la bonne volonté. Il la
résume en ces deux formules célèbres :
- " Agis uniquement d'après la maxime que tu peux vouloir comme loi universelle. "
Autrement dit, fais ce que tu voudrais que chacun fasse. Principe de cohérence universelle.
- " Agis de façon à traiter l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout
autre, toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen. "
Principe du respect absolu de la dignité humaine. L’être humain est par conséquent la seule et
unique fin qui justifie les moyens !
Cette morale, qui est une morale du devoir, est d’abord une morale de l’autonomie.
Conclusion :
Kant est un géant de la philosophie par la radicalité de son interrogation. Il a osé mettre à nu les
bases de la condition (constitution) humaine, en explorant la subjectivité et en relativisant l’objectivité.
Il nous presse de nous tenir strictement à l’intérieur des limites humaines, tout en laissant pressentir la
transcendance. Aucun penseur ne peut échapper à Kant. On le considère comme l’accomplissement
1 / 28 100%

Existentialisme 2-3 (document d`accompagnement à la présentation)

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !