1 TABLE DES MATIERES Physiopathologie et biomarqueurs dans l’insuffisance cardiaque ........................................................................................................... 1 Le traitement médical de l’insuffisant cardiaque en 2005 ............. 4 Indications et modalités de l'assistance circulatoire en 2005, acharnement thérapeutique ou bien perspective qui nous concerne tous! .................................................................................. 8 Intoxications graves par les cardiotropes .................................... 10 Monitoring per-opératoire de l’insuffisant cardiaque .................. 28 ANESTHESIE DU CORONARIEN EN CHIRURGIE NON CARDIAQUE : STRATEGIE DE PREVENTION DES INFARCTUS DU MYOCARDE PERIOPERATOIRES. .......................................... 30 Optimisation hémodynamique peropératoire. Quels objectifs thérapeutiques?.............................................................................. 38 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- PHYSIOPATHOLOGIE ET BIOMARQUEURS DANS L’INSUFFISANCE CARDIAQUE Docteur Fabrice BAUER, CHU ROUEN L’insuffisance cardiaque se caractérise par des anomalies structurelles du myocarde et/ou de la fonction conduisant aux symptômes habituels : dyspnée, fatigue. La physiopathologie de l’insuffisance cardiaque est complexe ; les différents mécanismes délétères sont intriqués. Toutefois, il existe un dénominateur commun qui est le remodelage ventriculaire gauche dans lequel la taille, la configuration et la fonction du myocarde sont profondément perturbées. L’insuffisance cardiaque débute toujours par un mécanisme initiateur. Physiopathologie de l’insuffisance cardiaque Le mécanisme initiateur : Le mécanisme initiateur est soit génétique ou acquis, chronique ou aigu, par surcharge en pression ou destruction myocytaire. Selon la vitesse de constitution de l’insuffisance cardiaque, le patient peut rester asymptomatique pendant longtemps. C’est malheureusement à ce stade infraclinique qu’il serait souhaitable d’agir sur le remodelage ventriculaire gauche même si les 2 preuves d’une quelconque efficacité thérapeutique sont peu rapportées dans la littérature. Réponse à l’agression myocardique : le remodelage ventriculaire : La réparation d’un tissu organique est un phénomène universel afin d’assurer la survie de l’individu. Au niveau cardiaque, les mécanismes adaptifs sont 1) fonctionnels ou hémodynamiques avec la conservation d’un débit et d’une pression artérielle compatible avec la vie et 2) tissulaires, peu différents des autres organes, marqués par l’inflammation, le dépôt de collagène et l’hypertrophie des cellules viables adjacentes. Malheureusement, les cardiomyocytes, cellules hautement différenciées, sont incapables de se diviser. Il est à noter que l’apoptose est un phénomène fréquent au sein du myocarde qui majore la perte des unités contractiles « saines » et aggrave la dysfonction cardiaque. Sur le plan phénotypique, on distingue 2 types de réponse. La première, de type dilatation ventriculaire, caractérise les surcharges en volume (insuffisance aortique et insuffisance mitrale) et la cardiopathie ischémique. La seconde, de type hypertrophie myocardique, est la particularité des surcharges en pression (rétrécissement aortique et hypertension artérielle). C’est une étape de transition avant la dilatation ventriculaire. Les mécanismes de ces expressions phénotypiques sont actuellement mal connus même si l’activation du programme génétique est probable. Pérennisation de l’agression myocardique : Le remodelage, qui se veut un phénomène de réparation et d’adaptation à l’agression myocardique, va rapidement dépasser son but et aggraver l’insuffisance cardiaque. Ces facteurs qui pérennisent l’agression myocardique sont principalement hormonaux : le système rénine-angiotensine-aldostérone et le système nerveux sympathique. D’autres facteurs sont impliqués tels que la down régulation du sarcolème (protéine de stockage du calcium) et des récepteurs adrénergiques, l’activation d’un programme fœtal, des modifications structurelles des protéines contractiles ou encore la surexpression d’hormones régulatrices telles que la BNP, l’angiotensine II tissulaire. Cependant, il est impossible à dire si cette constellation de réponse est la cause ou la conséquence de la pérennisation de l’agression myocardique. Effets délétères de la noradrénaline, de l’angiotensine II et l’aldostérone: Les effets délétères de ces molécules sont très variés et relativement communs. Les taux de noradrénaline sont habituellement élevés chez les patients insuffisants cardiaques et sont proportionnels à la sévérité de la maladie. Les effets bénéfiques mais aussi délétères de la noradrénaline sont connus depuis longtemps : inotrope positif et augmentation de la consommation du myocarde en oxygène, vasoconstriction, redistribution sanguine du territoire splanchnique vers le cœur et le muscle squelettique, rétention hydrosodée indirectement par la vasoconstriction rénale, activation du système rénine-angiotensine-aldostérone et effet pro arythmique. A l’échelle tissulaire la noradrénaline est responsable de l’expression des gènes foetaux, de l’hypertrophie, de l’apoptose et de la nécrose myocytaire. Toutes ces fonctions contribuent à l’aggravation de l’insuffisance cardiaque. La fibrose myocardique : La fibrose myocardique est l’un des acteurs principaux de la morbimortalité liée à l’insuffisance cardiaque. Qu’elle soit systématisée ou diffuse comme dans la myocardiopathie primitive, la fibrose est à l’origine des troubles du rythme ventriculaire grandement favorisés par une anomalie des flux calciques et l’hypokaliémie secondaire à l’utilisation de diurétiques. Par ailleurs, la fibrose est à 3 l’origine d’une rigidité ventriculaire responsable d’une restriction myocardique source d’œdème pulmonaire et de surmortalité. Enfin la fibrose participe à la genèse des troubles conductifs intra ventriculaires par disjonction cellulaire qui se traduit par la survenue d’un bloc de branche gauche et d’un asynchronisme de contraction le plus souvent de la paroi postéro-latérale. C’est le mécanisme physiopathologique à l’origine du concept de la resynchronisation bi ventriculaire. Biomarqueurs de l’insuffisance cardiaque Les marqueurs de l’insuffisance cardiaque peuvent être divisés en médiateurs neurohormonaux, en marqueurs de l’agression myocytaire et du remodelage et les indicateurs de la réponse inflammatoire. Médiateurs neuro-hormonaux: Il existe 3 peptides natriurétiques majeurs partageant une structure commune de 17 aminoacides: le peptide atrial natriurétique (ANP), le peptide natriurétique de type C d'origine endothéliale et le Brain Natriuretic Peptide (BNP) d'origine cardiaque le plus largement utilisé. La libération de ces peptides à partir des granules de stockage résulte de l'étirement des cardiomyocytes secondaires à une élévation du stress pariétal par surcharge en pression ou volume. Le BNP est libéré par les cardiomyocytes ventriculaires après clivage du pro-BNP en NT-proBNP et BNP. Tous deux sont plus spécifiques de la dysfonction ventriculaire. Ils ont un intérêt diagnostic dans la dyspnée d’origine cardiaque et de l'insuffisance cardiaque diastolique, permettent de stratifier la sévérité de l'insuffisance cardiaque. Par ailleurs, la décroissance du BNP témoigne de l’efficacité thérapeutique et est corrélée au pronostic de l’insuffisance cardiaque. 1, 2 L’insuffisance cardiaque se caractérise également par une activation de 2 systèmes vasoconstricteurs : le système rénine-angiotensine-aldostérone et le système adrénergique. L’élévation de l’activité rénine plasmatique, l’augmentation de la concentration en angiotensine II ou encore des catécholamines circulantes ont été démontrées dans les grandes études thérapeutiques de morbimortalité sur les IEC ou les béta-bloquants. Cette surexpression est directement corrélée à la sévérité et le pronostic de l’insuffisance cardiaque. Toutefois l’intérêt de leur dosage en clinique est relativement limité. 3 Marqueurs de l’agression myocytaire : La troponine est le chef de fil des marqueurs de l’agression myocytaire quelque soit le mécanisme coronarien ou non. 4 La troponine n’est pas spécifique de l’infarctus du myocarde. A un stade avancé de l’insuffisance cardiaque, et lors des épisodes de décompensation, l’élévation de la troponine est fréquente indépendamment de tout mécanisme ischémique. Cette élévation est directement corrélée au statut hémodynamique et au pronostic de la maladie mais également à sa rapidité d’évolution. Les autres marqueurs de l’agression myocytaires sont la protéine de liaison aux acides gras cardiaques (heart-type fatty acid binding protein) et la chaîne légère de type 1 de la myosine (myosin light chain-1). 5 Leur rôle dans l’insuffisance cardiaque reste à ce jour marginal. Certaines études ont démontré l'intérêt potentiel du dosage de ces molécules dans la stratification de l’insuffisance cardiaque en combinaison au BNP. Enfin, la tendance actuelle est aux biomarqueurs du remodelage de la matrice extracellulaire. Le polymorphisme du gène de la métalloprotéinase dépend du 4 phénotype et de l’étiologie de l’insuffisance cardiaque. Les bénéfices de la spironolactone dans l’étude RALES pourraient s’expliquer par limitation du turnover de la matrice. Les indicateurs de la réponse inflammatoire Les marqueurs inflammatoires de l’insuffisance cardiaque sont très nombreux. Ils sont particulièrement pertinents chez les sujets âgés où ils sont prédictifs d’un premier évènement de type insuffisance cardiaque. Ces marqueurs n’ont aucune spécificité et sont retrouvés dans de nombreuses autres pathologies. Les plus fréquemment rapportés dans la littérature sont les récepteurs de l’IL-1, de l’IL-2, l’IL 18 et autres cytokines. 6 Sur un plan clinique, la CRP est élevée dans l’insuffisance cardiaque ; l’élévation est plus éloquente lors des exacerbations. REFERENCES: 1. McDonagh TA. Biochemical detection of left ventricular systolic dysfunction. Lancet 1998; 351: 9-13. 2. Gardner RS. N-terminal pro-brain Natriuretic peptide: a new gold standard in predicting mortality in patients with advanced heart failure 3. Givertz MM, Braunwald E. Neurohormones in heart failure : predicting outcomes, optimizing care. Eur Heart J 2004; 25: 281-282. 4. Horwich TB. Cardiac troponin I is associated with impaired hemodynamics, progressive left ventricular dysfunction, and increased mortality rates in patients with chronic heart failure. Circulation 2003; 108: 833-838. 5. Arimoto T. Pronostic value of elevated circulating heart-type fatty acid binding protein in patients with congestive heart failure. J Card Fail 2005; 11: 56-60. 6. Limas CJ. Prognostic significance of soluble interleukin-2 receptor levels in patients with dilated cardiomyopathy. Eur J Clin Invest 2003; 33: 443-448. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- LE TRAITEMENT MEDICAL DE L’INSUFFISANT CARDIAQUE EN 2005 Yves Juillière. Cardiologie, CHU Nancy-Brabois, 54500 Vandoeuvre-les-Nancy L’insuffisance cardiaque est une des pathologies cardiovasculaires la plus « cadenassée » par des recommandations thérapeutiques précises étayées par de nombreux essais cliniques. I- Ce qu’on doit faire impérativement Le traitement repose sur l’association reine IEC-bêtabloquant en plus d’un diurétique. A - Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) 5 Les IEC sont devenus incontournables et leur efficacité sur la réduction de morbimortalité a été confirmée dans toutes les classes de l’insuffisance cardiaque, que les patients soient symptômatiques ou non et quelle que soit l’étiologie. Les posologies utilisées doivent toujours être maximales (ou plutôt optimales, c’est-à-dire les plus élevées possibles selon la tolérance des patients). L’attitude pratique consiste à augmenter progressivement la posologie en contrôlant la fonction rénale 4 à 7 jours après l’initiation ou chaque augmentation posologique. Leur prescription doit être privilégiée et pour cela, la posologie diurétique ou d’autres vasodilatateurs sera éventuellement réduite. En cas de dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique, les IEC sont la seule thérapeutique recommandée et doivent également être prescrits à posologie optimale. B - Bêtabloquants Les bêtabloquants sont la seconde thérapeutique incontournable et doivent être associés systématiquement avec les IEC. Leur efficacité en matière de réduction de morbi-mortalité a été démontrée dans les classes II et III mais aussi dans l’insuffisance cardiaque sévère de classe IV stable (ils ne peuvent pas être introduits tant que des signes de surcharge hydrique persistent). Ils doivent être prescrits chez des patients encore symptomatiques malgré l’IEC à dose optimale. La posologie sera également optimale. Elle est débutée à faible dose puis doublée par palier toutes les 2 semaines. L’étude SENIORS a confirmé l’intérêt de cette classe chez les sujets âgés. Chez les patients asymptomatiques, les bêtabloquants n’ont démontré d’intérêt que dans la dysfonction ventriculaire post-infarctus et doivent donc être réservés aux patients coronariens. Pour l’instant, il n’a jamais été démontré qu’il puisse y avoir une efficacité identique lorsque le bêtabloquant est prescrit chez un patient ne recevant pas d’IEC. C - Diurétiques Les diurétiques sont incontournables chez les patients symptomatiques afin de réduire la surcharge hydrique. Ils améliorent les symptômes cliniques, la tolérance à l’effort et la qualité de vie. Toutefois, du fait de la stimulation neuro-hormonale délétère induite à long terme, leur posologie doit être progressivement réduite à la posologie minimale permettant de maintenir la stabilité hémodynamique chez des patients recevant un IEC et un bêtabloquant. Il faudra éventuellement moduler cette posologie afin de privilégier l’association IEC-bêtabloquant si des problèmes de tolérance tensionnelle ou rénale existent. Toutes les classes de diurétiques peuvent être utilisées. Un problème d’accoutumance aux diurétiques de l’anse peut s’instaurer et l’association avec un diurétique thiazidique peut alors être bénéfique car synergique. Il sera alors impératif d’envisager une surveillance biologique rénale étroite. II - Ce qu’on peut discuter selon les cas A - Anti-aldostérones 6 La spironolactone a démontré une réduction de morbi-mortalité chez les patients en insuffisance cardiaque sévère de classe III et IV. La posologie doit alors être faible (25 à 50 mg/jour) afin notamment d’éviter des effets secondaires rénaux, surtout chez les patients recevant déjà un IEC et des diurétiques. Récemment, l’efficacité de cette classe médicamenteuse s’est confirmée avec un nouvel agent, l’éplérénone, après infarctus aigu avec insuffisance cardiaque ou dysfonction ventriculaire gauche systolique chez des patients recevant déjà le traitement classique par IEC, bêtabloquant et diurétique. Ainsi, un anti-aldostérone peut être envisagé en cas d’insuffisance cardiaque sévère ou d’insuffisance cardiaque post-infarctus. B - Digoxine La digoxine est le seul inotrope positif à ne pas avoir démontré d’effet délétère sur la mortalité des patients insuffisants cardiaques. Il existe de plus une réduction de la morbidité, notamment chez les patients non ischémiques. La posologie sera modérée pour éviter les risques de surdosage et car l’efficacité de ce produit dans l’essai DIG a été obtenue pour des concentrations sériques faibles. La digoxine peut toutefois être délétère chez des patients avec cardiopathie ischémique par augmentation du travail cardiaque, et chez les femmes, même si aucune explication précise n’a été avancée hormis une pharmacocinétique potentiellement perturbée par les oestrogènes. Dans tous les cas, une fois prescrite, il faudra se garder de l’interrompre du fait de l’effet très défavorable que cela entraîne sur la morbimortalité. La digoxine trouve ainsi une petite place dans l’arsenal thérapeutique. Elle peut également être prescrite avant l’introduction de bêtabloquants pour en augmenter la tolérance, y associant de plus un effet synergique non dénué d’intérêt, tout au moins avec le carvédilol. C - Antagonistes des récepteurs à l’aldostérone (ARA II) La place des ARA II demeure discutée selon le produit envisagé. Les études ELITE avec le losartan ont servi à démontrer le risque rénal identique entre IEC et ARA II. L’étude Val-HeFT, comparant l’association IEC-valsartan et IEC seul s’est avérée certes positive sur un critère combiné de morbi-mortalité mais a démontré un effet très défavorable de la triple association IEC-bêtabloquant-valsartan sur la mortalité. Les études avec le candésartan montrent l’efficacité de l’ARA II en cas d’intolérance à un IEC, même si l’impact sur la mortalité globale demeure peut-être un peu moins marqué que ce que l’on peut attendre d’un IEC, et retrouvent également un bénéfice de l’association avec l’IEC, sans mettre en évidence d’effets délétères lorsqu’on y ajoute un bêtabloquant. L’étude VALIANT montre que le valsartan a un effet similaire à celui du captopril chez les patients avec insuffisance cardiaque après infarctus du myocarde (pas de supériorité mais également pas de non-infériorité sur le plan statistique). L’association valsartan-IEC n’apporte aucun effet supplémentaire sur le plan de la morbi-mortalité avec de plus une potentialisation importante des effets secondaires. Dans tous les cas, la posologie de l’ARA II doit être élevée (320 mg de valsartan ou 32 mg de candésartan). Une surveillance rénale est indispensable, surtout en cas d’association à un IEC. 7 On peut donc concevoir qu’en cas d’intolérance à un IEC, on puisse envisager la prescription de candésartan, voire également de valsartan. Par ailleurs, si la triple association IEC-bêtabloquant-diurétique ne suffit pas à rendre le patient asymptomatique, l’adjonction de candésartan peut se concevoir, nécessitant encore une fois une surveillance rénale extrêmement étroite. D - Dérivés nitrés Les dérivés nitrés peuvent être utiles, uniquement en cas d’œdème aigu du poumon pour diminuer la surcharge pulmonaire. III - Ce qu’on ne doit pas faire A - Inotropes positifs Les inotropes positifs se sont avérés délétères et n’existent pas sous forme orale. En administration intraveineuse, leur prescription est utile dans les formes graves décompensées au prix toutefois d’un risque de surmortatlité, notamment par trouble du rythme ventriculaire. B - Inhibiteurs calciques Les antagonistes calciques n’ont aucun intérêt dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. Cependant, les dihydropyridines de 2ème génération peuvent servir de thérapeutique d’appoint des pathologies associées (hypertension artérielle ou angor) puisqu’elles n’aggravent pas la mortalité des patients insuffisants cardiaques. Cependant, en cas de mauvaise tolérance tensionnelle, il va de soi que cette classe médicamenteuse doit être la première à être supprimée. C - Association digitalo-diurétique seule Enfin, faut-il le répéter, la classique association digitalo-diurétiques ne doit plus bien sûr avoir cours aujourd’hui. Le patient insuffisant cardiaque doit impérativement recevoir IEC-bêtabloquant ou tout au moins, une tentative doit-elle avoir été entreprise avec des motifs sérieux d’intolérance pour ne pas être poursuivie. IV - Ce qu’on ne sait pas faire Seule l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée conserve un traitement empirique sans recommandation consensuelle. L’étude CHARM-Preserved s’est avérée négative et l’étude SENIORS a finalement inclus peu de patients avec insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée. Pour l’instant, un traitement adapté aux différents mécanismes physiopathologiques incriminés doit être le seul recours du cardiologue dont la liberté de choix est totale en attendant les résultats des essais thérapeutiques en cours. V - Conclusion La prescription du traitement médicamenteux demeure compliquée du fait des nombreuses possibilités offertes et de recommandations assez contraignantes à respecter. L’association reine est l’assocation IEC-bêtabloquant et tout doit être fait pour essayer de la mettre en place à posologie optimale. 8 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- INDICATIONS ET MODALITES DE L'ASSISTANCE CIRCULATOIRE EN 2005, ACHARNEMENT THERAPEUTIQUE OU BIEN PERSPECTIVE QUI NOUS CONCERNE TOUS! PY Litzler**, A Tabley**, F Bouchart**, N Roux**,F Brossard*, J Arrignon*, E Bedoit*, V Bonvallet*, G Rioult*, L Uzac*, H Papion*, C Haas-Hübscher*, C Nafeh-Bizet**, M Redonnet**, A Tavildari**, JP Bessou. *Département d'anesthésie CHU Rouen Pr Dureuil. **Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire CHU Rouen Pr Bessou La prévalence de l'insuffisance cardiaque est d’environ 12/1000 habitants. Elle est responsable de 20000 à 30000 décès par an, malgré l’amélioration des traitements médicaux et le développement des techniques de re-synchronisation. Le traitement ultime que représente la transplantation cardiaque reste indispensable dans de nombreux cas. Malheureusement, le nombre de patients en attente de transplantation ne cesse d’augmenter alors que malgré les efforts des équipes de prélèvement, le nombre de greffons disponibles reste largement insuffisant (environ 300 transplantations par an en France), avec pour conséquence une augmentation de la mortalité sur liste d’attente. Le recours à l’assistance circulatoire devient indispensable pour maintenir en vie certains patients en attente d’une transplantation, voire grâce à une implantation définitive. L’étude REMATCH (Rose EA. N Engl J Med 2001;345:1435–43), a largement démontré le bénéfice sur la mortalité dans un groupe de patients "non transplantables" de la mise en place d’une assistance ventriculaire gauche par rapport à un traitement médical optimum : 53,5% vs 26,5% de survie à un an et 32% vs 8,2% à deux ans. Les modalités de l’atteinte cardiaque peuvent être variable avec une défaillance qui peut être aiguë (infarctus, myocardites, intoxications, hypothermie…) ou chroniques (valvulopathies, coronaropathies,…) avec dans certaines situations un espoir de récupération. D’autre part, la défaillance cardiaque peut prédominer sur le ventricule gauche, le ventricule droit ou concerner les deux ventricules. À ces différents types d’atteintes, vont correspondre l’utilisation de différents types d’assistance. En extrême urgence, devant un choc cardiogènique, il est possible d'implanter une assistance par oxygénation extracorporelle (ECMO) en utilisant un circuit de circulation extracorporelle hépariné en dérivation veinoartérielle. Cette technique permet avec des moyens "allégés" d'assurer la survie du patient et de réévaluer la situation au bout de quelque heures ou jours avant d'envisager un sevrage ou le recours à une technique plus lourde et plus onéreuse, voire une interruption de la réanimation en cas de dommages neurologiques irréversibles. 9 Il sera alors fait appel selon l'indication, les circonstances et la disponibilité des moyens à l'un ou l'autre des dispositifs d'assistance circulatoire que nous allons évoquer. Un premier groupe de systèmes d’assistance est constitué par des ventricules pneumatiques qui peuvent être employés en uni ou bi-ventriculaires et qui seront placés soit en assistance, c’est à dire parallèlement au cœur natif laissé en place (Thoratec® PVAD et IVAD, Medos®, Berlin Heart®) soit en remplacement total du cœur, assumant ainsi la fonction de cœur artificiel total (Cardiowest). Ces systèmes ont pour avantage de pouvoir être utilisés en urgence, dans des défaillances très sévères. Ils peuvent permettre une récupération du myocarde, mais sont le plus souvent employés en attente de transplantation. Leur inconvénient principal est la taille du compresseur qui même sous une forme portable (TLC-II de Thoratec®) reste encombrant et limite la reprise d'autonomie du patient. Un tel système, employé au CHU de Rouen, nous a quand même permis d’effectuer le retour à domicile de 5 patients qui ont tous été transplantés par la suite avec succès. Un deuxième groupe est constitué par les ventricules d’assistances électriques. Ces dispositifs qui permettent également un flux pulsé ont pour avantage une bien meilleure compacité qui permet au patient de ne transporter qu’une simple batterie. L’inconvénient principal de ces systèmes est qu’ils ne peuvent être utilisés que pour une assistance ventriculaire gauche. Ils sont implantés en dérivation par rapport au ventricule gauche du cœur natif qui est laissé en place. Il est donc absolument nécessaire que le patient ne présente pas de défaillance ventriculaire droite associée. Ces dispositifs ont principalement pour nom : Heartmate XVE de Thoratec® et Novacor de World Heart®. Plus de 6000 assistances de ce type ont déjà été implantés dans le monde. Ces systèmes sont utilisés en attente de transplantation ou pour les implantations "définitives"( étude REMATCH). Un troisième groupe est constitué des pompes axiales et des pompes centrifuges. Ces systèmes sont encore en cours de développement, ils ont pour avantage une taille très réduite mais ne peuvent fournir qu’un débit continu (qui peut atteindre 8 l/mn) l'effet à long terme d'une circulation sanguine à débit continu est mal connu sur les organes vitaux (foie, rein) ainsi que sur le système hormonal. Il semble donc actuellement logique de ne les implanter que chez des patients qui ne présentent pas une défaillance trop grave, le cœur natif laissé en place ayant pour utilité de maintenir une composante aussi pulsatile que possible au débit du ventricule gauche. Ces systèmes sont très récents et encore en évaluation. On peut citer les systèmes : Jarwick 2000, HeartMate II, Incor. Leur taille réduite permet d'espérer une application pédiatrique. Chaque patient, avant l’implantation devra donc être soigneusement évalué afin de choisir le système le mieux adapté à la situation, à la nature de la défaillance cardiaque, au programme envisagé (transplantation ou implantation définitive). L'emploi des assistances par ECMO dans les situations d'urgence doit à terme permettre une optimisation de l'utilisation de ces dispositifs onéreux dont l'avenir dépend largement de la pertinence des indications. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 10 INTOXICATIONS GRAVES PAR LES CARDIOTROPES J.-L. Gérard1, P. Lehoux1, O. Lepage2 Conférences d'actualisation 2002, p. 555-571. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS, et Sfar. Tous droits réservés. 1 Département d'anesthésie réanimation et de médecine d'urgence ; 2 service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Côte de Nacre, 14033 Caen cedex, France POINTS ESSENTIELS · La mortalité globale des intoxications n'excède pas habituellement 1 %, mais elle peut atteindre 15 à 20 % au cours des intoxications par cardiotropes. · Il existe une surmortalité nette induite par les molécules présentant un effet stabilisant de membrane et les antiarythmiques. · Parmi les intoxications aux bêtabloquants, le propranolol est le médicament le plus fréquemment rencontré (44 %), mais il est aussi à l'origine du plus grand nombre de décès (71 %). · Les facteurs de gravité des intoxications aux polycycliques sont : le type de l'antidépresseur ingéré, un coma profond avec nécessité d'une assistance respiratoire, l'apparition de crises convulsives et/ou d'un état de mal épileptique, la survenue de troubles du rythme ventriculaire menaçants et d'une hypotension artérielle. · Le vérapamil et le diltiazem se montrent les molécules les plus cardiodépressives. · Ce sont les intoxications par le vérapamil qui ont le plus mauvais pronostic avec une mortalité de 25 % contre 7,4 et 7,1 % respectivement pour le diltiazem et la nifédipine. · Le maintien d'une pression de perfusion systémique pendant la période critique initiale permet de diminuer les concentrations du toxique au niveau des organes cibles en maintenant ou en augmentant son élimination hépatique et/ou rénale. · La durée de massage cardiaque au cours des arrêts cardiocirculatoires dus aux intoxications aux cardiotropes n'est pas un facteur pronostique. · Une organisation conduisant à une coordination préalable entre les différentes équipes médicochirurgicales est la seule garante de succès éventuels. Les troubles cardiocirculatoires au cours des intoxications représentent la première cause de gravité et de mortalité. La mortalité globale des intoxications n'excède pas habituellement 1 % mais elle peut atteindre 15 à 20 % au cours des intoxications par cardiotropes [1]. Les mécanismes de ces défaillances cardiocirculatoires sont très polymorphes et, pour un même toxique, plusieurs mécanismes sont souvent impliqués. L'existence d'une pathologie sous-jacente, d'une intoxication polymédicamenteuse rend leur interprétation plus difficile. MÉCANISMES PRINCIPAUX Au cours d'une intoxication, la défaillance circulatoire peut être due à deux mécanismes principaux. Le toxique peut agir : 11 - soit de manière indirecte, par l'intermédiaire d'une insuffisance respiratoire, d'un trouble métabolique, d'une hypovolémie, d'une hypothermie, d'une complication septique ; - soit de manière directe, sur les variables du système cardiocirculatoire, en modifiant la contractilité, la fréquence cardiaque, les résistances vasculaires systémiques ou le retour veineux. Les mécanismes d'action indirecte sont l'apanage des médicaments associés aux cardiotropes lors de l'intoxication, le caractère polymédicamenteux aggravant d'autant le pronostic. Selon le mécanisme d'action principal, on peut distinguer différentes catégories de toxiques ayant une toxicité cardiovasculaire. Le principal mécanisme étant représenté par l'effet stabilisant de membrane. EFFET STABILISANT DE MEMBRANE L'effet stabilisant de membrane est la conséquence de l'interaction non spécifique de certaines substances lipophiles avec les lipoprotéines de la bicouche phospholipidique des membranes cellulaires, entraînant une altération de ses propriétés électrophysiologiques [2] [3]. Cette action est principalement médiée par l'inhibition du canal sodique responsable du courant sodique entrant rapide (phase 0 du potentiel d'action) [2] [4]. La dépolarisation de la membrane plasmique est secondaire à la diffusion passive des ions Na+ au travers des canaux sodiques, en suivant le gradient de concentration transmembranaire. La repolarisation rapide qui suit résulte alors successivement de l'inactivation des canaux sodiques (phase 1), d'un courant calcique entrant (phase 2) puis du courant potassique sortant (phase 3). Cette propriété, partagée par un certain nombre de xénobiotiques, est également appelée effet anesthésique local ou effet « quinidine-like ». Elle contribue à l'action pharmacologique de certaines molécules, tels les agents anesthésiques, sédatifs ou antiarythmiques [2] [3]. Pour d'autres molécules, l'effet stabilisant de membrane n'apparaît qu'aux doses élevées, en situation d'intoxication ou de surdosage. Il est alors responsable de troubles cardiovasculaires sévères et d'une surmortalité nette [5] [6]. L'effet stabilisant de membrane concerne toutes les cellules excitables et où le potentiel d'action joue un rôle fonctionnel important. Le blocage de l'influx sodique entraîne une diminution de la vitesse d'ascension du potentiel d'action, un allongement de sa durée, un ralentissement de sa vitesse de propagation et une prolongation des périodes réfractaires [7]. Il en résulte alors une augmentation des seuils d'excitabilité, une réduction de la capacité de conduction et de l'automaticité. Cet effet stabilisant de membrane apparaît non seulement au niveau des cellules du tissu musculaire contractile et du tissu nodal conductif du myocarde, mais également au niveau des cellules du système nerveux central, voire d'autres tissus. La toxicité liée à cet effet intervient dès lors qu'il touche aux fonctions vitales de l'organisme, à savoir aux fonctions cardiocirculatoires, respiratoires et/ou neurologiques. De nombreux médicaments possèdent un effet stabilisant de membrane, à dose thérapeutique ou toxique, notamment [8] : - tous les anti-arythmiques de la classe I de Vaughan Williams : quinidine, lidocaïne, phénytoïne, mexilétine, cibenzoline, tocaïnide, procaïnamide, disopyramide, flécaïnide et propafénone ; - des -bloquants comme le propranolol, l'acébutolol, le nadoxolol, le pindolol, le penbutolol, le labétalol et l'oxprénolol ; 12 - les antidépresseurs polycycliques : l'amitriptyline, l'imipramine, la clomipramine, la dothiépine et la maprotiline ; - la carbamazépine ; - les phénothiazines et particulièrement la thioridazine ; - des antalgiques comme le dextropropoxyphène ; - des antipaludéens comme la chloroquine ou la quinine [9] ; - un stupéfiant, la cocaïne. TABLEAU CLINIQUE L'intoxication grave par médicament à effet stabilisant de membrane est à l'origine d'un tableau clinique associant des troubles neurologiques, respiratoires, cardiovasculaires et métaboliques [10]. · Troubles neurologiques : coma volontiers convulsif, il manque souvent dans les intoxications par les produits cardiotropes purs tels que les antiarythmiques et les bêtabloquants. · Troubles respiratoires : la dépression respiratoire liée au coma est habituellement modérée, en l'absence de médicament associé. Les intoxications graves par les bêtabloquants lipophiles (ex : propranolol) se caractérisent cependant par la possibilité de survenue d'une apnée centrale [11]. Par ailleurs, l'hypoxie et l'acidose aggravent l'effet stabilisant de membrane sur le cœur [12]. Dans les formes graves un syndrome de détresse respiratoire de l'adulte peut être observé, en l'absence d'inhalation. · Troubles cardiovasculaires : ils sont complexes et associent à des degrés divers des effets directs et indirects. L'effet cardiaque indirect résulte des propriétés anticholinergiques de certains médicaments à effet stabilisant de membrane (quinidine, cibenzoline, antidépresseurs polycycliques) et provoque une tachycardie sinusale. Les effets directs résultent de l'effet stabilisant de membrane sur les cellules myocardiques et les cellules musculaires lisses. Sur le plan électrophysiologique, l'effet stabilisant de membrane s'exprime habituellement et précocement par un allongement de l'espace QT (qui manque dans les intoxications par les antiarythmiques de classe IC). Mais le signe le plus caractéristique est une augmentation de la durée des complexes QRS. Il peut s'y associer des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire qui sont toujours le signe d'une intoxication grave. À ces modifications électrophysiologiques s'associe un collapsus essentiellement cardiogénique, mais avec une composante de vasoplégie artérielle. · Troubles métaboliques : en plus de l'hypoxie et de l'acidose respiratoire, il s'y associe dans les formes graves une part d'acidose métabolique de type lactique, secondaire au collapsus ou à des convulsions répétées, une hypokaliémie de transfert, précoce et transitoire. Cette hypokaliémie est particulièrement marquée dans les intoxications graves par la chloroquine [13]. Une hypoglycémie a été quelques fois rapportée lors des intoxications par le disopyramide, le dextropropoxyphène et les bêtabloquants. 13 GRAVITÉ PARTICULIÈRE DES INTOXICATIONS PAR MÉDICAMENTS À EFFET STABILISANT DE MEMBRANE Ces médicaments sont largement prescrits, certains sont des antidépresseurs. Ceci explique qu'ils sont fréquemment rencontrés dans les intoxications médicamenteuses volontaires de l'adulte. Une étude épidémiologique, réalisée dans les années 1980 au Royaume-Uni concernant les intoxications médicamenteuses, a montré qu'il existe dans chaque classe pharmacologique une surmortalité induite par les molécules présentant un effet stabilisant de membrane [6]. L'analyse de la littérature et de séries non publiées montre que la mortalité est fonction de la classe de médicaments à effet stabilisant de membrane et qu'au sein de chaque classe, elle est le fait de certaines molécules particulières [6] [7]. Antiarythmiques Une étude allemande rétrospective a essayé de déterminer les facteurs de gravité des intoxications par les antiarythmiques de classe IC [14]. Cette étude a porté sur 120 cas d'intoxications monomédicamenteuses par propafénone (34 cas), flécaïnide (25 cas), ajmaline (12 cas) et prajmaline (47 cas). Le délai d'apparition des troubles cardiaques allait de 30 à 120 minutes après l'ingestion. La mortalité moyenne était de 22,5 % (extrêmes : 8 à 36 %). Pour chaque médicament, il n'y avait pas de corrélation entre la dose ingérée et la mortalité ; 29 patients ont bénéficié d'une réanimation cardiopulmonaire et spécifique (100 mL de bicarbonate de sodium molaire), mais elle n'a été efficace que dans deux cas. Huit patients présentant une bradycardie ou des brady-arythmies ont reçu du bicarbonate de sodium molaire qui a été efficace. Le centre anti-poisons de Paris a rapporté une série de 38 cas d'intoxication par l'ajmaline dont neuf décès (24 %) [15]. Les auteurs ont pu dégager une relation doseeffet entre les conditionnements disponibles à l'époque et le taux de survenue d'arrêt cardiaque [16]. Bêtabloquants Dans une étude prospective de cohorte, portant sur 280 expositions aux bêtabloquants, 15 % ont présenté des signes de cardiotoxicité et 1,4 % sont décédés [17]. Le facteur prédictif de survenue des signes cardiovasculaires était une intoxication associée par un médicament cardiotoxique. Lorsque les polyintoxications étaient exclues, seuls les bêtabloquants possédant un effet stabilisant de membrane étaient à l'origine d'une morbidité cardiovasculaire [17]. Une étude rétrospective a essayé de préciser les caractéristiques des intoxications mortelles par les bêtabloquants [18]. Cette étude, portant sur 52 156 expositions aux bêtabloquants, a été réalisée grâce à la banque de données des centres anti-poisons américains sur une période de 11 ans. Au total, 164 intoxications ont été fatales et, dans 38 cas, les bêtabloquants étaient impliqués comme la cause essentielle de la mort. Le propranolol était le médicament le plus fréquemment utilisé (44 %), mais il était aussi à l'origine du plus grand nombre de décès (71 %). Les patients décédés étaient des sujets jeunes, 92 % avaient moins de 50 ans. Les arythmies les plus fréquemment observées étaient une bradycardie et une asystolie. Il faut souligner qu'un arrêt cardiaque est survenu au cours de l'hospitalisation dans 59 % des cas. Dans une étude prospective, portant sur 58 intoxications par les bêtabloquants et comportant deux décès, des convulsions ont été observées mais uniquement avec le 14 propranolol et 2/3 des patients, ayant ingéré plus de 2 g de propranolol, ont présenté des convulsions. Il existe une relation significative entre une durée du QRS > 100 ms et le risque de convulsions. Dans cette série, tous les décès étaient le fait du propranolol [19]. Des décès ont aussi été rapportés avec l'acébutolol, ils se caractérisent par un allongement de l'espace QT et des tachycardies ventriculaires non rapportées au cours des intoxications par le propranolol. Les études rétrospectives et prospectives montrent que les symptômes d'intoxication par bêta-bloquants apparaissent dans les 6 h qui suivent l'ingestion [17] [18] [19] [20]. Au total, concernant les bêtabloquants, les intoxications aiguës mortelles peuvent être observées aussi bien chez des sujets jeunes que des sujets ayant des antécédents cardiovasculaires. Les signes d'intoxication apparaissent dans les six heures qui suivent l'ingestion. La mortalité est le fait des bêtabloquants à effet stabilisant de membrane : propranolol ou acébutolol. Une dose ingérée supérieure à 2 g de propranolol est associée à des manifestations sévères. Il n'existe cependant pas de facteurs prédictifs du caractère réfractaire de l'intoxication au traitement médical. Antidépresseurs polycyliques Les intoxications par les antidépresseurs (tricycliques, tétracycliques, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et inhibiteurs de la monoamine oxydase) sont fréquentes, représentant environ 5 à 20 % des hospitalisations pour tentative d'autolyse médicamenteuse en Europe [21] [22] [23] [24]. Parmi elles, près de 80 % sont secondaires à l'ingestion de tricycliques avec une nette prédominance pour l'amitriptyline et la dothiépine. La mortalité hospitalière reste importante : Shah et al. [24] rapportent, en Grande Bretagne de 1993 à 1997, 20 % de décès secondaires à l'ingestion d'antidépresseurs dont environ 95 % dus aux tricycliques (l'amitriptyline et la dothiépine étant responsables respectivement de 50 et 30 % des intoxications fatales). Henry et al., de 1987 à 1992 et toujours au Royaume-Uni, rapportent que 82 % des décès sont liés à l'ingestion d'amitriptyline et de dothiépine [25]. Plusieurs éléments cliniques et paracliniques peuvent aider le praticien à évaluer la gravité de l'intoxication. Le type de l'antidépresseur ingéré, un coma profond avec nécessité d'une intubation pour assistance respiratoire, l'apparition de crises convulsives et/ou d'un état de mal épileptique, la survenue de troubles du rythme ventriculaire menaçants et une hypotension artérielle semblent constituer des éléments de gravité. Antidépresseur ingéré Les antidépresseurs de première génération (imipramine et ses dérivés, amitriptyline, doxépine...) possèdent une cardiotoxicité prédominante. La maprotiline, antidépresseur tétracyclique, est aussi cardiotoxique que les tricycliques de première génération, mais présente la particularité d'engendrer des comas prolongés [24] [25] [26] [28]. L'apparition de complications (neurologiques et/ou hémodynamiques) dans les six heures qui suivent l'ingestion est un élément prédictif d'une intoxication sévère, avec possible récurrence des troubles (crises convulsives et hypotension) durant les 24 premières heures de la prise en charge [29] [30]. 15 Le coma profond (grade III sur l'échelle de Matthew-Lawson Coma Scale ou un Glasgow Coma Scale < 8) d'installation rapide (moins de six heures) est pour Hultén et al. [29] un élément prédictif de sévérité (sensibilité = 65 % ; spécificité = 94 %). Pour Shah et al. [24] 72 % des intoxications aux antidépresseurs tricycliques sont isolées, la profondeur de ces comas n'est donc pas forcément liée à la prise concomitante de psychotropes sédatifs. Les crises convulsives sont souvent répétées, elles compliquent le tableau clinique et la prise en charge. Elles sont à l'origine d'une défaillance hémodynamique possiblement fatale, et majorent l'hypoxie, l'acidose métabolique, l'hyperthermie et la tachycardie, aggravant directement ou indirectement l'effet stabilisant de membrane. Sur 388 intoxications, selon Taboulet et al., 6,2 % des patients présenteront au moins un épisode de crise convulsive dans les 18 premières heures de la prise en charge et 12,5 % d'entre eux une défaillance hémodynamique majeure [27]. Troubles électrocardiographiques Il existe une corrélation entre l'analyse électrocardiographique et la survenue d'éventuels troubles convulsifs ou rythmiques. Boehnert et al. [30] montrent que l'élargissement du QRS, dans les heures qui suivent l'intoxication (< 6 heures), est prédictif de l'apparition de crises convulsives et/ou d'arythmies ventriculaires. Parmi les 49 patients, aucun ne développe de convulsion ou de trouble du rythme lorsque le QRS est inférieur à 100 ms ; les auteurs parlent de risque négligeable. Pour un élargissement compris entre 100 et 160 ms, 34 % des patients vont présenter des convulsions, mais le risque de faire un trouble du rythme ventriculaire reste peu important (14 %). En revanche, un QRS supérieur à 160 ms est hautement prédictif de troubles du rythme ventriculaire (50 %). Ces résultats ont été confirmés par Hultén et al. [29], qui montrent chez 67 patients, qu'un QRS supérieur ou égal à 100 ms est prédictif dans 33 % des cas de convulsions, dans 6,7 % des cas d'arythmies ventriculaires et dans 46,7 % des cas d'hypotension (sensibilité = 67 % ; spécificité = 60 %). Une autre équipe confirme que l'élargissement du QRS (QRS > 100 ms) accroît le risque de crises convulsives et de défaillance hémodynamique [27]. D'autres critères électrocardiographiques prédictifs de gravité ont également été rapportés. Une déviation axiale des 40 dernières millisecondes (T40-ms) du QRS supérieure à 120o (de 120o à 270o) est un élément prédictif d'une intoxication sévère (sensibilité = 83 % ; spécificité = 63 %) [31]. La corrélation entre sévérité clinique et concentration plasmatique n'est pas claire. Pour certains, une concentration plasmatique de 1 000 g·L-1 de composés tricycliques et de ses métabolites actifs est à l'origine d'une majoration des complications cliniques (21 % de convulsions ; 5,4 % de troubles du rythme ventriculaire ; 37,8 % d'hypotension) [29]. Pour d'autres auteurs, on ne trouve pas de parallélisme entre la gravité du tableau clinique et la concentration plasmatique des composés tricycliques [10]. Dextropropoxyphène La large prescription d'antalgique contenant du dextropropoxyphène et la toxicomanie à ce produit existent depuis longtemps dans les pays anglo-saxons et nordiques. Ces deux phénomènes ont été à l'origine de rapports de cas d'intoxications mortelles dans ces pays [32] [33] [34] [35]. Chloroquine 16 Une revue des cas publiés d'intoxication mortelle par la chloroquine a montré que le meilleur critère prédictif de décès en terme de spécificité était une dose supposée ingérée de plus de 5 g (spécificité : 0,98). Ce critère a ensuite été validé dans une étude prospective [36]. Cette étude préliminaire a permis de valider sur 11 intoxications potentiellement mortelles l'efficacité d'un traitement associant intubation et ventilation contrôlée, adrénaline et diazépam, qui a diminué de façon significative la mortalité. L'efficacité de ce traitement a été confirmée par une étude rétrospective sur 167 intoxications aiguës dont 43 avaient ingéré une dose supérieure à 5 g [37]. Le taux de mortalité globale était de 8,4 %, et de 9,3 % dans le groupe des intoxications massives (NS). Cependant, dans cette série, 8 sur un total de 14 patients sont décédés dans un tableau de collapsus cardiovasculaire réfractaire au traitement optimal [37]. Le décès chez ces patients est survenu dans un délai de 5 à 51 h par rapport à l'admission. Quinine Il existe une bonne corrélation entre la dose ingérée, la concentration sanguine et les manifestations cliniques [9]. Anticalciques L'intoxication expérimentale par inhibiteurs calciques chez l'animal provoque un collapsus cardiovasculaire ou un état de choc par vasodilatation et/ou altération de la contractilité myocardique, une bradycardie avec bloc auriculo-ventriculaire [38]. Le vérapamil et le diltiazem sont les molécules les plus cardiodépressives. La toxicité de ces produits est dose dépendante : dans une étude multicentrique de 134 cas d'intoxications par diltiazem, la dose toxique moyenne chez l'adulte était de 360 mg et les symptômes cardiovasculaires étaient présents pour des doses supérieures à 600 mg [39]. Une méta-analyse portant sur 49 observations d'intoxication par vérapamil, dont la dose ingérée est connue, montre une relation dose ingéréetoxicité, l'incidence de collapsus et d'arrêts circulatoires étant significativement plus élevée lorsque la dose ingérée est supérieure à 2 g [40]. Le tableau clinique réalisé par vérapamil ou diltiazem est celui d'un collapsus (80 % des cas) avec bradycardie et bloc auriculo-ventriculaire ou d'un choc cardiogénique. Celui réalisé par une intoxication par dihydropyridine est celui d'un collapsus avec tachycardie sinusale réactionnelle. La sélectivité des effets cardiovasculaires des différentes classes est plus marquée à dose pharmacologique qu'en cas d'intoxications massives ou associant d'autres cardiotropes. Ainsi, une intoxication par nifédipine peut se compliquer d'une bradycardie et d'un bloc auriculo-ventriculaire. La fréquence de survenue des arrêts cardiocirculatoires est indépendante du type d'inhibiteurs calciques (20 %). Cependant, ce sont les intoxications par le vérapamil qui ont le plus mauvais pronostic avec une mortalité de 25 % contre 7,4 et 7,1 % respectivement pour le diltiazem et la nifédipine [40] [41]. Les complications cardiovasculaires peuvent survenir très précocement dans un délai de 1 à 3 heures. Cocaïne L'abus de cocaïne est en augmentation croissante depuis ces 20 dernières années. Parallèlement, le nombre de morts par intoxication à la cocaïne augmente. Le pronostic à la phase précoce de l'intoxication par la cocaïne semble lié aux troubles cardiovasculaires [42] [43] [44], mais peu d'études cliniques ont montré la corrélation entre les troubles cardiaques et le décès. La survenue de convulsions souvent 17 rebelles a été également associée à l'évolution fatale [45] [46]. En effet, dans une série autopsique d'intoxication à la cocaïne, Mittleman et Wetli ont trouvé que des convulsions avaient précédé la mort dans plus d'un tiers des cas [45]. Parmi 46 patients « bodystuffers » admis aux urgences d'un hôpital de Chicago, il a été trouvé que seuls les deux patients décédés présentaient des convulsions et des troubles du rythme ventriculaire [46]. Le décès rapide, avant même la prise en charge, reste une éventualité fréquente au cours d'intoxication massive par cocaïne. En dehors de ces décès précoces, ce sont les effets systémiques souvent associés telles que l'atteinte cérébro-vasculaire, l'anoxie cérébrale, l'ischémie myocardique [47], la rhabdomyolyse et l'insuffisance rénale aiguë, l'ischémie mésentérique et l'hyperthermie qui peuvent aboutir au décès [48]. Récemment, Blaho et al. [49] ont cherché à savoir si les concentrations de cocaïne et de ses métabolites sont prédictives de la gravité. Ils n'ont trouvé aucune corrélation entre la concentration de cocaïne et de ses métabolites et la sévérité du tableau clinique, la nécessité de traitement actif ou le devenir des patients. TRAITEMENT DES INTOXICATIONS PAR MÉDICAMENTS À EFFET STABILISANT DE MEMBRANE Le traitement des intoxications graves est bien codifié, il fait appel à un traitement symptomatique, un traitement spécifique et une décontamination gastro-intestinale. Les indications de l'épuration extrarénale restent discutées sans qu'aucune étude prospective n'ait jamais établi son efficacité. Traitement symptomatique et spécifique Il repose sur : · La ventilation artificielle en cas de coma, convulsions ou défaillance hémodynamique même du sujet conscient. · Un remplissage vasculaire par cristalloïdes ou colloïdes en cas d'hypotension ou comme traitement initial d'un état de choc. · L'administration de bicarbonate ou lactate de sodium molaire en cas de complexes QRS larges (> 0,12 s) et de collapsus. La quantité totale de bicarbonate ne peut cependant dépasser 1 L·j-1 en raison de la forte surcharge hydrosodée qu'elle induit. · Les catécholamines en cas de collapsus persistant, malgré le bicarbonate molaire, ou bien en présence d'un collapsus sans élargissement des complexes QRS supérieurs ou égaux à 0,12 s. La catécholamine de référence est l'adrénaline, éventuellement associée à la noradrénaline lorsqu'une étude hémodynamique révèle une composante de vasoplégie artérielle insuffisamment corrigée. · Un apport hydro-électrolytique adapté à l'état pulmonaire. L'hypokaliémie résultant d'un transfert ne nécessite pas de correction. · En cas de troubles de la conduction : l'entraînement électrosystolique. Le bloc auriculo-ventriculaire est du premier degré pour les intoxications par antidépresseurs tricycliques et résulte d'un bloc infra-hissien qui n'est pas corrigé par l'entraînement électrosystolique, il peut être de degré plus élevé pour les médicaments antiarythmiques et les bêtabloquants, pouvant nécessiter un entraînement électrosystolique. 18 · En cas de troubles du rythme ventriculaire, les antiarythmiques à effet stabilisant de membrane sont à proscrire car ils majorent les signes d'intoxication. La mauvaise tolérance hémodynamique d'un trouble du rythme ventriculaire peut conduire à des chocs électriques externes. Le sulfate de magnésium peut être efficace pour prévenir les récidives. · D'autres traitements ont été proposés : le glucagon est l'antidote des intoxications par les bêtabloquants, son efficacité a été prouvée, les doses peuvent atteindre 5 mg·h-1. Il est utilisé en association avec les catécholamines. Lors des autres intoxications, il est aussi utilisé en traitement d'appoint sans que son efficacité ait été réellement prouvée. Cependant la modicité de ses effets secondaires plaide en faveur de son utilisation lors des collapsus réfractaires. Dans les collapsus réfractaires, le chlorure de calcium est également utilisé, sans que son efficacité ait été prouvée. Il existe un risque d'hypoglycémie au cours de certaines intoxications (disopyramide, dextropropoxyphène, bêtabloquants) qui nécessite la perfusion de glucosé hypertonique. Les règles de la décontamination gastro-intestinale ont été récemment revues dans deux conférences de consensus américano-européennes. C'est la première fois qu'il est pris acte du fait qu'il n'est toujours pas démontré que ces traitements améliorent le pronostic des intoxications médicamenteuses. L'administration d'une dose unique de charbon activé doit être discutée pour un patient ayant ingéré une dose potentiellement toxique d'un médicament qui est connu pour être adsorbé par le charbon et ceci dans l'heure qui suit l'ingestion [50]. Les indications de l'administration répétée de charbon activé ont aussi été récemment précisées [51]. Des doses répétées de charbon activé peuvent être recommandées chez un patient ayant ingéré une dose potentiellement dangereuse des médicaments à effet stabilisant de membrane suivants : carbamazépine, quinine. Pour ces médicaments, il existe des données qui montrent une augmentation de l'élimination, bien qu'aucune étude contrôlée n'ait jamais démontré un bénéfice clinique. Bien que des études chez le volontaire sain aient démontré que les doses répétées de charbon activé augmentent l'élimination de l'amitriptyline, du dextropropoxyphène, du disopyramide, de la phénytoïne et du sotalol, les données cliniques sont insuffisantes aussi bien pour étayer que pour exclure l'utilisation thérapeutique de ces doses répétées de charbon activé. Des études cliniques et expérimentales ont montré que les doses répétées de charbon activé n'augmentent pas l'élimination des médicaments suivants : doxépine et imipramine. Cette combinaison thérapeutique est efficace dans la majorité des intoxications par effet stabilisant de membrane. Cependant, pour quelques intoxications particulièrement sévères, elle est insuffisante aboutissant au décès du patient. Les causes du décès sont bien individualisées, les patients décèdent : - soit de complications précoces, essentiellement d'origine cardiovasculaires, survenant dans les 24 premières heures : asystole ne répondant pas à l'entraînement électrosystolique, éventuellement précédée d'épisodes de troubles du rythme ventriculaire devenant de moins en moins sensibles au traitement ; troubles du rythme ventriculaire malins à type de tachycardie ou fibrillation ventriculaire réfractaire ; état de choc réfractaire principalement cardiogénique mais toujours avec une composante vasoplégique. L'état de choc précède le plus souvent ou est contemporain des troubles du rythme et de la conduction. Un petit nombre de patients évoluent vers un état de mort cérébrale. Ces patients ont tous fait un arrêt 19 cardiaque et bien souvent, ils sont découverts en arrêt cardiaque par les premiers secours ; - soit de complications tardives, survenant au-delà des premières 24 heures, secondaires à une réanimation prolongée : encéphalopathie post-anoxique évoluant vers un état végétatif ; infections nosocomiales. THÉRAPEUTIQUES D'EXCEPTION AU COURS DES DÉFAILLANCES CIRCULATOIRES D'ORIGINE TOXIQUE La défaillance cardiocirculatoire est une des causes principales de décès au cours des intoxications aiguës. La mortalité globale des intoxications est inférieure à 1 % mais peut dépasser 10 % dans les intoxications par des substances cardiotoxiques telles que les antiarythmiques de classes I et IV [1]. En effet, malgré des mesures thérapeutiques optimales et l'utilisation des traitements antidotiques spécifiques, la défaillance circulatoire est parfois irréversible. Certains toxiques, tels les solvants, sont responsables de pneumopathies sévères, évoluant parfois vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) réfractaire aux traitements conventionnels [52]. Les techniques d'assistance circulatoire sont utilisées depuis de nombreuses années avec efficacité à la phase aiguë de l'infarctus du myocarde, compliqué d'état de choc ne répondant pas aux agents pharmacologiques [53]. L'agression cardiaque ou pulmonaire d'origine toxique étant le plus souvent transitoire et réversible, le recours à des techniques d'assistance circulatoire ou respiratoire extracorporelles devrait permettre de suppléer transitoirement la défaillance cardiocirculatoire ou respiratoire. L'objectif de l'assistance circulatoire est de mettre le cœur dans une situation de travail minimum, tout en assurant une perfusion tissulaire adéquate en attendant la récupération ou l'amélioration fonctionnelle myocardique. La défaillance cardiocirculatoire au cours des intoxications aiguës étant un phénomène dynamique transitoire et réversible, dépendant de la pharmacocinétique du toxique, il est ainsi tentant d'utiliser ces techniques d'assistance circulatoire pendant une période transitoire, jusqu'à ce que les effets cardiotoxiques aient régressé ou disparu. Dans de nombreux cas, les troubles cardiovasculaires ne sont présents que durant les 24 à 48 premières heures de l'intoxication et le patient peut survivre sans séquelle si une perfusion tissulaire adéquate peut être maintenue pendant cette période [54]. Ainsi, plusieurs cas d'intoxication par des substances cardiotoxiques ayant survécu sans séquelle après des arrêts circulatoires prolongés, de plusieurs heures parfois, traités par la réanimation cardiorespiratoire conventionnelle ont été rapportés [55] [56]. De même, des survies ont été rapportées avec l'utilisation de très fortes doses de vasopresseurs et d'agents inotropes permettant de corriger la dépression myocardique ou la vasodilatation [54]. Par ailleurs, le maintien d'une perfusion systémique pendant cette période critique devrait permettre de diminuer les concentrations du toxique au niveau des organes cibles, en maintenant ou en augmentant son élimination hépatique et/ou rénale [57]. Le premier « succès » de l'assistance circulatoire au cours d'une intoxication a été rapporté en 1968 chez une patiente en arrêt circulatoire par fibrillation ventriculaire et en hypothermie profonde suite à une ingestion massive de barbituriques [58]. Une trentaine de cas ont été rapportés depuis, mais les indications ne sont pas clairement définies. Techniques utilisées Quatre types d'assistance circulatoire ont été utilisés au cours des défaillances circulatoires d'origine toxique. 20 Contre-pulsion diastolique par ballon intra-aortique Un cathéter comportant un ballon est introduit par voie percutanée dans l'artère fémorale, puis monté dans l'aorte ascendante, immédiatement en aval de l'artère sous-clavière gauche. Le gonflement diastolique du ballon va augmenter le flux sanguin destiné aux organes périphériques situés en aval, mais aussi en amont vers la racine aortique, favorisant la perfusion coronaire, et vers l'encéphale. Le dégonflement systolique réduit la pression intra-aortique protosystolique et la postcharge ventriculaire gauche. La contre-pulsion diastolique par ballon intra-aortique (CPBIA) est communément utilisée dans le choc cardiogénique sur infarctus du myocarde, le plus souvent associée à un geste de revascularisation. Les limites sont une inefficacité relative en cas de troubles du rythme incontrôlables et une inefficacité totale lorsque la pression artérielle est inférieure à 40 mmHg ou en cas d'arrêt circulatoire [53]. Assistance ventriculaire centrifuge II s'agit d'un dispositif comportant une pompe centrifuge de type Bio-Medicus™ (Medtronics, Minéapolis, MN, États-Unis), une ligne artérielle et une ligne veineuse, et permettant une assistance temporaire soit mono- ou biventriculaire. Elle favorise la récupération d'une fonction contractile en diminuant le travail myocardique et la consommation d'oxygène [59]. Circulation extracorporelle conventionnelle par sternotomie C'est la technique de circulation extracorporelle (CEC) normothermique en chirurgie cardiaque utilisant, après sternotomie et mise en place de canules dans l'oreillette droite et l'aorte ascendante, un système de pompe centrifuge et un oxygénateur à membrane. Sa limite principale est son caractère très invasif et la nécessité d'être réalisée au bloc opératoire. Elle n'est pas réalisable conjointement au massage cardiaque externe en cas d'arrêt cardiocirculatoire. Circulation extracorporelle périphérique ou extracorporeal membrane oxygenation (ECMO) La technique associe une pompe centrifuge de type Bio-Medicus™ (Medtronics, Minéapolis, MN, États-Unis), un oxygénateur à membrane, un échangeur thermique, une ligne artérielle et une ligne veineuse dont l'abord se fait par voie fémorale le plus souvent, parfois par voie cervicale chez l'enfant. L'abord vasculaire peut être réalisé par voie percutanée selon la technique de Seldinger ou par voie chirurgicale, indispensable en cas d'arrêt cardiocirculatoire. Dans des mains expérimentées, ce système peut être mis en place, au lit du malade en salle d'urgence, en réanimation ou en salle d'hémodynamique, en moins d'une heure. Données expérimentales Cinq études expérimentales ont montré l'efficacité de l'assistance circulatoire par ECMO dans les intoxications par antidépresseurs ou cardiotropes. Une étude a comparé chez le chien intoxiqué par la lidocaïne (30 mg·kg-1 en bolus) le traitement conventionnel par vasopresseurs, antiarythmiques et cardioversion (groupe contrôle) au traitement par ECMO pendant 90 minutes. Six des huit chiens du groupe contrôle sont décédés dans les 90 minutes suivant l'injection de lidocaïne. Les huit animaux traités par ECMO ont survécu. Dans ce dernier groupe, la clairance totale de la lidocaïne était similaire à celle observée chez huit chiens après administration d'une dose non toxique de lidocaïne (3 mg·kg-1). Ceci montre que le maintien d'un état 21 hémodynamique satisfaisant par l'assistance circulatoire permet une métabolisation et une élimination normale de la lidocaïne [60]. Chez le porc anesthésié sous ventilation mécanique, l'intoxication par amitriptyline (perfusion de 0,5 mg·kg-1·min1), administrée jusqu'à la survenue d'une hypotension inférieure à 30 mmHg, le traitement par ECMO seule pendant 90 à 120 minutes a été comparé au traitement symptomatique standard (bicarbonate de sodium et vasopresseurs) complété par massage cardiaque à thorax ouvert (groupe contrôle). Neuf animaux du groupe contrôle sont décédés alors que tous ceux du groupe traité par ECMO ont survécu, un seul ayant nécessité l'administration de néosynéphrine lors du sevrage de l'assistance circulatoire [61]. Données cliniques Une grande majorité des cas cliniques publiés dans la littérature sont des cas isolés. Une seule équipe a publié une série de six cas [62] [63]. La plupart des observations concerne des intoxications par des substances à forte toxicité cardiovasculaire, parfois réfractaire au traitement conventionnel. Observations isolées Celles-ci concernent des intoxications par des substances ayant une cardiotoxicité par action stabilisante de membrane : antiarythmiques de la classe I, antidépresseurs tricycliques, bêtabloquants, chloroquine. Trois cas concernent le vérapamil, les autres étant des intoxications plus rares. Antiarythmiques de la classe I : quinidine [64] [65], prajmaline [66], disopyramide [67], flécaïnide [68] [69], bêtabloquants [70] [71] [72] ; chloroquine [73] ; antidépresseurs tricycliques [74] [75] ; vérapamil [76] [77] [78]. Autres toxiques : aconit [79], antihistaminiques [80] [81], organophosphorés [82]. Série d'observations Une seule série d'assistances circulatoires extracorporelles réalisées par notre équipe a été rapportée [62] [63]. Parmi les six cas, quatre étaient des intoxications par des cardiotropes associés parfois à d'autres médicaments. Dans tous les cas, l'assistance circulatoire périphérique a été mise en œuvre alors que le patient était en arrêt cardiocirculatoire réfractaire, survenu en dépit d'un traitement pharmacologique adapté. Depuis cette publication initiale, nous avons pu prendre en charge neuf patients présentant un tableau d'intoxication grave aux cardiotropes (tableau I). La médiane de la durée d'ECMO a été de 72 heures (extrêmes : 48-240 h). Huit patients ont pu être sevrés de l'ECMO. Le patient 3 a présenté une ischémie aiguë du membre inférieur impliquée dans la canulation artérielle, ainsi lors des utilisations ultérieures un shunt artériel a systématiquement été posé préservant alors la vascularisation par la fémorale superficielle. Les patients ayant bénéficié d'un massage cardiaque long (patients 3 à 5) ont développé des troubles de la coagulation corrigés par l'apport adapté de produits sanguins stables et labiles. L'utilisation de circuit préhéparinés a permis de réduire le risque hémorragique. Les patients 3 et 6 ont bénéficié d'une hémodiafiltration en raison de l'apparition d'une insuffisance rénale. Le taux de survie global est de 55,5 %. Les patients 4, 5, 6 et 9 sont décédés respectivement de mort encéphalique, de saignement majeur, d'un syndrome de défaillance multiviscérale et d'un SDRA consécutif à une pneumopathie d'inhalation initiale ; aucun des patients survivants ne présentant de complications neurologiques. La durée médiane de ventilation a été de 5 jours (extrêmes : 3 à 16 22 jours). Les patients survivants furent transférés dans le service de psychiatrie. La durée médiane de séjour en réanimation a été de 8 jours (extrêmes : 2 à 70 jours). Tableau I. Données concernant la prise en charge de neufs patients présentant une défaillance cardiocirculatoire majeure après intoxications médicamenteuses aux cardiotropes. Patient Âge (ans) Cardiotropes MCE (min) ECMO durée (h) Devenir 1 37 Fluoxitine, bromazépam, zolpidem, 60 tianeptine 60 VV 2 17 Propranolol (4 g), bétaxolol 0,8g, 70 vérapamil (1,2 g) 70 VV 3 18 Acébutolol (10 g), acide 170 acétylsalicylique (15 g), méprobamate (4 g), alprazolam (10 mg), paracétamol (16 g) 55 VV 4 40 Sotalol (4,8 g), vérapamil (7,2 g) 160 48 DCD 5 52 Propranolol 150 72 DCD 6 15 Vérapamil (14 g) 40 240 DCD 7 57 Propranolol 40 100 VV 8 28 Acébutolol méprobamate 80 72 VV 9 77 Disopyramide (3 g) sels litium, citalopram 92 VV MCE : massage cardiaque externe ; ECMO : extracorporeal membrane oxygenation ; VV : vivant ; DCD : décédé. QUELLE EST LA PLACE DE L'ASSISTANCE CIRCULATOIRE ? Évaluation et discussion Bien que peu nombreuses, les données de la littérature montrent indéniablement l'intérêt de l'assistance circulatoire au cours des défaillances circulatoires graves d'origine toxique. Les cinq études chez l'animal sont de très bonne qualité et démontrent que l'assistance circulatoire instaurée en cas de choc sévère ou même après survenue d'un arrêt circulatoire restaure un état hémodynamique satisfaisant et permet la survie des animaux, alors que les mesures maximales de réanimation conventionnelle sont inefficaces. Malgré les biais inhérents à la publication préférentielle de succès et le faible nombre d'observations, les données rapportées chez l'homme confirment aussi l'efficacité et l'intérêt de l'assistance circulatoire instaurée dans des circonstances héroïques et désespérées. Quelle technique d'assistance utiliser ? 23 Dans les cas cliniques rapportés, la durée de l'assistance circulatoire a été en moyenne de 48 heures. En cas d'arrêt cardiaque, seules la CEC conventionnelle ou l'ECMO sont utilisables. Cette dernière, présente d'indéniables avantages, comme sa rapidité de mise en œuvre (même au lit du patient). Dans la série de cas pris en charge par la même équipe, le délai moyen entre la survenue de l'arrêt cardiaque et le début de la CEC était de 78 minutes [62]. Dans les autres cas, il variait de 30 à 90 minutes. Lorsque l'indication d'une assistance circulatoire a été posée, l'ECMO semble donc être la technique de choix, elle est moins invasive et permet une assistance plus prolongée. La précocité de sa mise en route avant la survenue de lésions anoxiques ou d'un choc irréversible est déterminante pour son efficacité. La CPBIA n'est pas utilisable en cas d'arrêt cardiaque ou de troubles du rythme sévères. Bien que peu utilisée (quatre cas), elle a permis de passer le cap d'un choc réfractaire. Il n'est pas exclu que, utilisée plus précocement dans les chocs ne répondant pas rapidement aux mesures thérapeutiques maximales, elle permette d'améliorer l'état hémodynamique et d'éviter l'évolution vers l'arrêt circulatoire, d'autant plus que cette technique est plus facilement disponible et moins invasive. En pratique, le recours à une technique d'assistance circulatoire dépend de l'environnement médico-technique et de la possibilité d'une mise en place rapide avant l'évolution vers un choc réfractaire ou la survenue d'une anoxie cérébrale irréversible. Quelles sont les indications ? Les indications sont essentiellement les intoxications par des cardiotropes dont les troubles cardiovasculaires ne sont pas toujours corrigés par des mesures thérapeutiques maximales. Il s'agit principalement des toxiques ayant un effet stabilisateur de membrane et les antiarythmiques. En raison de la survenue très précoce de troubles cardiovasculaires graves liés à l'absorption très rapide de ces toxiques, la prise en charge initiale est déterminante pour l'évolution. Celle-ci inclut le monitorage cardiovasculaire, la ventilation mécanique, les catécholamines (à fortes doses si nécessaire), les sels de sodium hypertoniques pour les stabilisants de membrane, le glucagon pour les bêtabloquants. CONCLUSION Les éléments décisionnels permettant de poser l'indication d'une assistance circulatoire au cours d'une intoxication aiguë sont [57] [83] : a) la sévérité des troubles cardiovasculaires ; b) l'absence d'amélioration avec des mesures thérapeutiques conventionnelles maximales ; c) la présence d'une cardiopathie sousjacente (ischémie myocardique) qui est un facteur aggravant et qui pourrait être améliorée par l'assistance circulatoire ; d) la réversibilité de la défaillance cardiovasculaire ; e) l'absence de contre-indication liée à la technique (abord vasculaire, héparinisation efficace). Lorsque l'indication est posée, la mise en œuvre d'une assistance circulatoire avant la survenue de lésions anoxiques cérébrales ou viscérales irréversibles est fondamentale. Ceci implique une coordination préalable entre les différentes équipes médicochirurgicales, seule garante de succès éventuels. RÉFÉRENCES 1 Berton CC, Jaeger A. 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Moins connue, mais pourtant très fréquente : l’insuffisance cardiaque gauche à fonction systolique conservée, qui complique aussi les cardiopathies ischémiques, hypertophiques (idiopathiques ou secondaires), ou infiltratives. Le signe cardinal de l’insuffisance cardiaque gauche est bien sûr l’œdème aigu du poumon. Souvent méconnue des anesthésistes dans ses formes mineures, l’insuffisance cardiaque droite est pourtant un problème fréquent et qui mérite d’être bien connu car justifiant une prise en charge spécifique. 29 La prise en charge péri-opératoire de ces patients doit tenir compte de leur risque accru de morbi-mortalité, directement en rapport avec la réduction de la « réserve cardiaque ». Cette réduction aboutira à des hypoperfusions et des phénomènes congestifs beaucoup plus fréquents que chez les patients sains lors de variations aiguës de retour veineux. Physiopathologie Les points qui méritent d’être retenus : Les facteurs déclenchant la décompensation d’une « diastolique » (= à fonction systolique conservée) : insuffisance cardiaque Augmentation aiguë de post charge (poussée hypertensive) : la turgescence coronaire qui en résulte réduit brutalement la compliance cardiaque alors même que l’éjection systolique se fait bien. Tachycardie excessive : raccourcissement de la diastole Passage en ACFA : perte de la systole auriculaire Remplissage à « l’aveugle » Les facteurs déclenchant la décompensation d’une insuffisance cardiaque droite Baisse de la pression de perfusion coronaire, ischémie du VD Augmentation pulmonaire de la post-charge : embolie, vasoconstriction artérielle Monitoring peropératoire : objectifs Il faut se donner les moyens de prévenir tout événement susceptible de décompenser l’insuffisance cardiaque et de réagir dans les plus brefs délais. Il faut quantifier l’effet de toute intervention (agent d’anesthésie, remplissage, vasoconstricteurs,…). L’anesthésie générale a le double mérite de : permettre un monitorage plus « pointu » que l’ALR un « accident » hémodynamique per-op (ex : arrêt cardio-circulatoire) a beaucoup plus de chance de ne pas laisser de séquelle si il survient sous AG Les paramètres : Pression artérielle instantanée : très utile quelle que soit l’étiologie de l’insuffisance cardiaque. Il faut pouvoir réagir instantanément en cas de poussée hypertensive ou de chute tensionnelle. Pression veineuse centrale : toujours INUTILE pour guider le remplissage, mais TRES UTILE pour monitorer une éventuelle défaillance VD. Si le VD ne pompe plus, la POD s’élève instantanément. Débit cardiaque : fondamental pour guider le remplissage. Une stagnation du débit en réponse à un apport de liquide témoigne que l’on a atteint le plateau de la courbe de fonction cardiaque du patient. Il faut donc arrêter de remplir 30 car cela n’améliorerait pas le perfusion (pas d’augmentation du débit) mais entraînerait de la congestion veineuse en amont du ventricule défaillant. SvO2 : peut révéler une inadéquation du transport aux besoins en O2, lesquels sont largement réduits sous AG. N’est perturbée sous AG que dans les cas extrêmes mais peut être très parlante au réveil. PAPo : idem PVC, mais utile pour dépister une défaillance VG. Par contre, là aussi, pas d’utilité pour le management peropératoire. Seule la mesure du débit est un critère fiable pour guider le remplissage Température : indispensable, l’absence de réserve à l’effort des insuffisants cardiaques impose une attitude pro-active pour éviter tout refroidissement. Le monitorage de la température en continu guidera les choix thérapeutiques (réchauffeur de solutés, retarder le réveil jusqu’à obtention d’une température satisfaisante, …) Diurèse (sonde urinaire) : la baisse de la diurèse peropératoire est multifactorielle, pas forcément liée à une décompensation de l’insuffisance cardiaque. Son monitorage post-opératoire est très utile (mais la sonde n’est pas obligatoire si le recueil des urines de chaque miction est possible) Faut-il faire des investigations pré-opératoire ? Chirurgie réglée : Oui si insuffisance cardiaque non connue ou si aggravation clinique récente Non si patient stable et bien suivi. Chirurgie urgente : Non, la pathologie chirurgicale étant elle-même un facteur de décompensation il ne faut pas prendre de retard en demandant des explorations dont les résultats ne changeront pas la prise en charge. Le patient insuffisant cardiaque et sa famille doivent toujours être informés du risque accru de complication péri-opératoire lors de la consultation d’anesthésie. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ANESTHESIE DU CORONARIEN EN CHIRURGIE NON CARDIAQUE : STRATEGIE DE PREVENTION DES INFARCTUS DU MYOCARDE PERIOPERATOIRES. V. Piriou, Service d'Anesthésie Réanimation, Centre Hospitalier Lyon Sud, 69495 Pierre-Bénite Cedex Les stratégies de prévention des infarctus du myocarde périopératoires reposent sur la stratification préopératoire, sur les techniques de monitorage biologique et monitorage du segment ST (monitorage de l'ischémie) et sur la prophylaxie médicamenteuse telle que l'utilisation des bêtabloquants, et probablement des 31 antiagrégants plaquettaires et des statines. Les infarctus du myocarde périopératoires représentent une complication fréquente (environ 1 % en chirurgie orthopédique [1] et environ 5 à 10 % en chirurgie vasculaire [2]). C'est aussi une complication grave puisque la mortalité à 2 ans des patients ayant présenté un infarctus du myocarde périopératoire avoisine environ 50 %. Cette mortalité est proportionnelle à l'élévation de la troponine. La définition des infarctus du myocarde périopératoire a évolué, actuellement toute élévation de la troponine supérieure au seuil de détection correspond à un infarctus périopératoire. 1- La stratification préopératoire Elle consiste à évaluer le risque préopératoire au moment de la consultation d'anesthésie. Le risque des patients dépend de la conjonction du risque individuel faisant appel aux désordres physiologiques préexistants et au risque chirurgical lié à la gravité de l'intervention. Dans tous les cas, l'interrogatoire du patient doit faire préciser le statut fonctionnel des patients, c'est-à-dire leur capacité à réaliser un effort (4 équivalents métaboliques correspondent à la montée d'un escalier sans s'arrêter), et faire préciser les facteur de risque cardiovasculaire (diabète, cholestérol, augmentation du périmètre abdominal, hypertension artérielle) [3]. La stabilité de la maladie coronarienne ou de la cardiopathie doit toujours être connue. Il est à signaler que le rétrécissement aortique est un facteur de risque très sévère, généralement sous-estimé [4]. Le risque préopératoire des patients peut aussi être abordé par la réalisation systématique de score de risque, tels que le score de risque de Detsky, ou de Goldman. Le score de risque le plus utilisé actuellement et le mieux validé est le score de risque de Lee qui retrouve un point pour chaque facteur de risque indépendant : chirurgie à risque, antécédent de cardiopathie ischémique non revascularisé, antécédent d'insuffisance cardiaque congestive, antécédent d'accident vasculaire ou d'accident ischémique transitoire, antécédent de diabète à l'insuline, antécédent d'insuffisance rénale (créatinine > 152 µmol) (tableau I, figure 1) [5]. Les événements cardiovasculaires périopératoires sont proportionnels au nombre de facteurs de risque cumulés et ce, quel que soit le type de chirurgie. Des recommandations éditées par l'ACC/AHA en 1997 et revues en 2002 ont été élaborées. Ces recommandations font appel à des facteurs de risque cliniques prédictifs et à des facteurs opératoires prédictifs. Des algorithmes très précis ont été édités. Cependant, du fait de la faible valeur prédictive positive des tests non invasifs, ces recommandations sont difficiles à suivre [6]. Une attitude plus pragmatique peut être conseillée : la question indispensable à se poser en consultation d'anesthésie est : le patient devrait-il bénéficier d'une coronaroventriculographie ou d'une revascularisation coronarienne en dehors du contexte chirurgical [7] ? Une étude récente a montré qu'une revascularisation préopératoire systématique en cas de facteur de risque aux examens invasifs préopératoire était inutile [8]. Cette revascularisation préopératoire doit uniquement être réservée aux patients symptomatiques qui présentent un risque coronarien sévère en dehors de l'intervention chirurgicale. 2- Prévention périopératoire Dans tous les cas, le respect de la balance en oxygène du myocarde doit être assuré en périopératoire : il conviendra d'éviter les épisodes d'hypotension, d'anémie (respecter un seuil transfusionnel correspondant à une hématocrite de 30 % chez le 32 coronarien), d'éviter les épisodes d'hypoxie, de tachycardie, d'hypertension ou d'hypothermie périopératoires qui engendrent une diminution des apports et une augmentation de la demande en oxygène. Les bêtabloquants semblent intéressants dans le contexte périopératoire, car ils diminuent la demande en oxygène, en diminuant la fréquence cardiaque et la contractilité myocardique, et augmentent les apports en oxygène en provoquant une redistribution des flux coronariens des régions normalement vascularisées vers les régions sous-endocardiques. Actuellement, seules cinq études randomisées ont été réalisées avec l'objectif d'évaluer l'intérêt des bêtabloquants en phase périopératoire en chirurgie non cardiaque (tableau II) [9]. La dernière étude date de 5 ans [10] et depuis, aucune étude randomisée n'a été publié, ni n'a montré un effet des bêtabloquants. Les deux études les plus importantes sont des études faisant appel à des critères "durs" de mortalité. En 1996, Mangano et coll. [11] a utilisé, sur un effectif total de 200 patients de l’Atenolol (Ténormine®) en phase préopératoire immédiate. Une injection d'Atenolol intraveineuse a été réalisée (5 à 10 mg) de façon à obtenir une fréquence cardiaque comprise en 55 et 65 battements / minute. Malgré l'absence de différence de mortalité hospitalière, une différence de mortalité est apparue progressivement au sein des deux groupes, pour persister pendant plus de 2 ans. En 1999, Poldermans a réalisé une étude testant l'intérêt du Bisoprolol (Soprol®, Cardentiel®, Détensiel ®) prescrit lors de la consultation d'anesthésie. Les patients ont été revus avant l'intervention chirurgicale de façon à renforcer éventuellement le traitement si la fréquence cardiaque était supérieure à 60 battements / minute. Les auteurs avaient inclus plus de 1000 patients, mais seuls 112 patients ont été sélectionnés, il s'agissait de coronariens avec un test d'effort (échocardiographie de stress) positif dans le cadre d'une chirurgie vasculaire à risque. Les auteurs ont montré une diminution de la morbi-mortalité très importante, moins 91 %, avec un effet se prolongeant pendant 2 ans. Il est intéressant de noter qu'un sousgroupe de patients traités par bêtabloquants de façon chronique (le traitement n'était pas ajusté en fonction de la fréquence cardiaque) présentait une morbimortalité cardiaque intermédiaire entre les patients non traités et les patients ayant reçu le bêtabloquant par les anesthésistes. Malgré les interrogations actuelles [12], les bêtabloquants sont probablement efficaces chez les patients à risque intermédiaire, et ce d'autant plus que ces patients ont un risque important. Cependant, chez les patients à très haut risque (plus de 3 facteurs de risque associés à une échocardiographie de stress fortement positive), il est probable que les bêtabloquants n'aient plus d'effet et qu'il faille envisager d'autres stratégies, telle que la revascularisation préopératoire [13]. Actuellement, en France, les bêtabloquants semblent insuffisamment prescrits et, lorsqu'ils sont prescrits, ils le sont à des posologies insuffisantes [14]. Un des facteurs principaux de non prescription qui semble mis en avant par les anesthésistes français est le fait que les bêtabloquants sont une thérapeutique d'ordre cardiologique [15]. Les statines sont des médicaments hypocholestérolémiants agissant en inhibant la HMGCoA réductase. Mais ils agissent aussi indépendamment du cholestérol par un effet pléiotrope, directement sur le vaisseau et entraînent une diminution de la CRP qui est un facteur de risque cardiovasculaire [16]. En phase périopératoire, les statines semblent pouvoir montrer un effet 33 cardioprotecteur indépendant et additif des bêtabloquants [17]. Cet effet semble persister à long terme [18]. Cependant, il faut garder à l'esprit que des cas de rhabdomyolyse périopératoire ont été décrits chez des patients opérés sous statines [19]. Une étude randomisée en chirurgie non cardiaque a pu montrer un effet protecteur face aux infarctus du myocarde périopératoire de l'Atorvastatine 20 mg prescrite 30 jours avant une intervention de chirurgie vasculaire et 15 jours en postopératoire [20]. Les antiagrégants plaquettaires posent un véritable problème actuellement pour les anesthésistes. Leur maintien ou leur arrêt pose des questions quotidiennes aux praticiens. Il semblerait qu'il existe un effet rebond d'hypercoagulabilité à l'arrêt de l'aspirine [21]. En cas de mise en place d'un stent coronarien, il convient d'attendre un délai de 4 à 6 semaines afin d'éviter les risques de thrombose sur les stents, délai qui permet d'obtenir une certaine réendothélialisation du stent sans resténose. Cependant, il convient de garder à l'esprit que de plus en plus de patients sont actuellement porteurs de stent dit actif (stent au sirolimus rapamycine ou au paclitaxel) nécessitant un double traitement antiagrégant plaquettaire par aspirine et clopidogrel (Plavix®) pendant de nombreux mois. Des cas alarmants de thrombose de stent un an après leur mise en place, liés à l'arrêt des antiagrégants plaquettaires en préopératoire sont actuellement décrits [22]. Ces cas doivent rendre extrêmement vigilant l'arrêt des antiagrégants plaquettaires chez de tels patients et des avis spécialisés sont nécessaires. 34 3 – Monitorage Les patients doivent systématiquement bénéficier d'un monitorage adéquat. Monitorage de l'ischémie périopératoire par la mesure automatisée de l'élévation ou du sous-décalage du segment ST en per et postopératoire [23]. Le monitorage biologique par le dosage systématique de la troponine I postopératoire chez les patients à risque doit être réalisé à H6, H12, H24 et H48. En cas de diagnostic d'un infarctus du myocarde périopératoire du fait d'une élévation de troponine au dessus du seuil de détection, une attitude agressive avec un avis cardiologique interventionnel doit être envisagée dans un contexte pluridisciplinaire. Références 1. Mantilla CB, Horlocker TT, Schroeder DR, Berry DJ, Brown DL. Frequency of myocardial infarction, pulmonary embolism, deep venous thrombosis, and death following primary hip or knee arthroplasty. Anesthesiology. 2002;96:1140-6. 2. Kim LJ, Martinez EA, Faraday N, Dorman T, Fleisher LA, Perler BA, Williams GM, Chan D, Pronovost PJ. Cardiac troponin I predicts short-term mortality in vascular surgery patients. Circulation. 2002;106:2366-71. 3. Yusuf S, Hawken S, Ounpuu S, Dans T, Avezum A, Lanas F, McQueen M, Budaj A, Pais P, Varigos J, Lisheng L; INTERHEART Study Investigators. Effect of potentially modifiable risk factors associated with myocardial infarction in 52 countries (the INTERHEART study): case-control study. Lancet. 2004;364:93752. 4. Kertai MD, Bountioukos M, Boersma E, Bax JJ, Thomson IR, Sozzi F, Klein J, Roelandt JR, Poldermans D. Aortic stenosis: an underestimated risk factor for perioperative complications in patients undergoing noncardiac surgery. Am J Med. 2004 ;116:8-13. 5. Lee TH, Marcantonio ER, Mangione CM, Thomas EJ, Polanczyk CA, Cook EF, Sugarbaker DJ, Donaldson MC, Poss R, Ho KK, Ludwig LE, Pedan A, Goldman L. Derivation and prospective validation of a simple index for prediction of cardiac risk of major noncardiac surgery. Circulation. 1999;100:1043-9. 6. Falcone RA, Nass C, Jermyn R, Hale CM, Stierer T, Jones CE, Walters GK, Fleisher LA. The value of preoperative pharmacologic stress testing before vascular surgery using ACC/AHA guidelines: a prospective, randomized trial. J Cardiothorac Vasc Anesth. 2003;17:694-8. 7. Grayburn PA, Hillis LD. Cardiac events in patients undergoing noncardiac surgery: shifting the paradigm from noninvasive risk stratification to therapy. Ann Intern Med. 2003;138:506-11. 8. Auerbach AD, Goldman L. Beta-Blockers and reduction of cardiac events in noncardiac surgery: scientific review. JAMA. 2002;287:1435-44. 9. McFalls EO, Ward HB, Moritz TE, Goldman S, Krupski WC, Littooy F, Pierpont G, Santilli S, Rapp J, Hattler B, Shunk K, Jaenicke C, Thottapurathu L, Ellis N, Reda DJ, Henderson WG. Coronary-artery revascularization before elective major vascular surgery. N Engl J Med. 2004 ;351:2795-804. 10. Urban MK, Markowitz SM, Gordon MA, Urquhart BL, Kligfield P. Postoperative prophylactic administration of beta-adrenergic blockers in patients at risk for myocardial ischemia. Anesth Analg. 2000;90:1257-61. 35 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. Mangano DT, Layug EL, Wallace A, Tateo I. Effect of atenolol on mortality and cardiovascular morbidity after noncardiac surgery. Multicenter Study of Perioperative Ischemia Research Group. N Engl J Med. 1996;335:1713-20 Basler M, Daniel M. Solid (concrete) evidence needs both cement and sand. Anesthesiology. 2004;101:802-3 : correspondence Leslie K, Devereaux PJ. A large trial is vital to prove perioperative betablockade effectiveness and safety before widespread use. Anesthesiology. 2004;101:803 : correspondence London MJ, Zaugg M, Schaub MC, Spahn DR. A large trial is vital to prove perioperative beta-blockade effectiveness and safe before widespread use. Anesthesiology. 2004;101:804 : correspondence Kertai MD, Bax JJ, Klein J, Podermans. A large trial is vital to prove perioperative beta-blockade effectiveness and safe before widespread use. Anesthesiology. 2004;101:805 : correspondence Boersma E, Poldermans D, Bax JJ, Steyerberg EW, Thomson IR, Banga JD, van De Ven LL, van Urk H, Roelandt JR; DECREASE Study Group (Dutch Echocardiographic Cardiac Risk Evaluation Applying Stress Echocardiogrpahy). Predictors of cardiac events after major vascular surgery: Role of clinical characteristics, dobutamine echocardiography, and beta-blocker therapy. JAMA. 2001;285:1865-73. Geeraerts T, Albaladejo P, Beloeil H, Wernet A, Bocquet R, Castier Y, Marty J. Utilisation préopératoire des bêtabloquants en chirurgie vasculaire et thoracique. Ann Fr Anesth Reanim. 2004;23:804-10. Danton N, Viale JP, Gueugniaud PY, Lehot JJ, Piriou V. Administration périopératoire de bêtabloquants : enquête de pratique. Ann Fr Anesth Réanim. 2004;23:1049-126. Ridker PM, Cannon CP, Morrow D, Rifai N, Rose LM, McCabe CH, Pfeffer MA, Braunwald E. Pravastatin or Atorvastatin Evaluation and Infection TherapyThrombolysis in Myocardial Infarction 22 (PROVE IT-TIMI 22) Investigators. Creactive protein levels and outcomes after statin therapy. N Engl J Med. 2005;352:20-8. Kertai MD, Boersma E, Westerhout CM, Klein J, Van Urk H, Bax JJ, Roelandt JR, Poldermans D. A combination of statins and beta-blockers is independently associated with a reduction in the incidence of perioperative mortality and nonfatal myocardial infarction in patients undergoing abdominal aortic aneurysm surgery. Eur J Vasc Endovasc Surg. 2004;28:343-52. Kertai MD, Boersma E, Westerhout CM, van Domburg R, Klein J, Bax JJ, van Urk H, Poldermans D. Association between long-term statin use and mortality after successful abdominal aortic aneurysm surgery. Am J Med. 2004;116:96103. Forestier F, Breton Y, Bonnet E, Janvier G. Severe rhabdomyolysis after laparoscopic surgery for adenocarcinoma of the rectum in two patients treated with statins. 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Poldermans D, Boersma E, Bax JJ, Thomson IR, van de Ven LL, Blankensteijn JD, Baars HF, Yo TI, Trocino G, Vigna C, Roelandt JR, van Urk H. The effect of bisoprolol on perioperative mortality and myocardial infarction in high-risk patients undergoing vascular surgery. Dutch Echocardiographic Cardiac Risk Evaluation Applying Stress Echocardiography Study Group. N Engl J Med. 1999;341:1789-94. 25. Raby KE, Brull SJ, Timimi F, Akhtar S, Rosenbaum S, Naimi C, Whittemore AD. The effect of heart rate control on myocardial ischemia among high-risk patients after vascular surgery. Anesth Analg. 1999;88:477-82. 26. Stone JG, Foex P, Sear JW, Johnson LL, Khambatta HJ, Triner L. Myocardial ischemia in untreated hypertensive patients: effect of a single small oral dose of a beta-adrenergic blocking agent. Anesthesiology. 1988;68:495-500. Tableau I : Score de Lee : Odd-ratio pour les complications cardiaques en fonction de chaque facteur de risque (OR, 95 % CI) [5] Cohorte de dérivation Cohorte de validation (n = 2893) (n = 1422) Chirurgie à haut risque 2.8 (1.6, 4.9) 2.6 (1.3, 5.3) Cardiopathie ischémique 2.4 (1.3, 4.2) 3.8 (1.7, 8.2) Antécédent d'insuffisance 1.9 (1.1, 3.5) cardiaque congestive 4.3 (2.1, 8.8) Antécédent d'accident vasculaire 3.2 (1.8, 6.0) cérébral 3.0 (1.3, 6.8) Diabète insulino-dépendant 3.0 (1.3, 7.1) 1.0 (0.3, 3.8) Créatinine > 2,0 mg/dL (~152 µM) 3.0 (1.4, 6.8) 0.9 (0.2, 3.3) 37 Figure 1 : Score de Lee : Fréquence des événements cardiovasculaires en fonction de la classe des patients et du type de chirurgie (noter que pour les chirurgies majeures, il n'y a pas de classe I, puisque le type de chirurgie compte comme un facteur) [5] Classe de score de Lee 16 14 Pourcentage 12 10 8 6 4 2 0 AAA Vasculaire Thoracique Abdominale Chirurgie Orthopédique Autres 38 Tableau II : Résumés des études randomisées étudiant l'effet des -bloquants lors de la période périopératoire. N 200 Mangano NEJM 1996 [11] critères cliniques de sévérité 112 -bloquant Atenolol (Ténormine) Fc 55-65 Résultat Pas de hosp à 2 ans Bisoprolol < 60 préop NEJM 1999 [24] coronariens, test + Xie vasc (Détensiel, Soprol) < 80 postop IDM Raby 26 Esmolol IV FC < 20 % Anesth Analg 1999 [25] Ischémie Holter Débuté en post op Xie vasc 48 h Seuil ischémique Stone 128 Atenolol Anesthesiology 1988 [26] Patients HTA Oxyprenolol Xie Vasc Per os avant induction Urban 120 Anesth Analg 2000 [10] Critères cliniques Poldermans ischémie postop Labetolol Xie genou Non Esmolol IV (Brévibloc) 1 h après Xie IDM Isch : 6 vs 15 % < 80 Puis Metoprolol IDM : 2 vs 6 % NS --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- OPTIMISATION HEMODYNAMIQUE PEROPERATOIRE. QUELS OBJECTIFS THERAPEUTIQUES? C. Hubscher, CHU Rouen, 1 rue ge Germont, 76031 Rouen cedex L'optimisation hémodynamique est une stratégie de prise en charge des patients, notamment en périopératoire. Elle a pour but d'éviter la survenue de complications qui au mieux ne font que prolonger le séjour hospitalier et qui au pire mettent en jeu le pronostic fonctionnel ou vital. Le problème concerne bien évidemment les patients "à haut risque chirurgical" chez lesquels la morbidité et la mortalité périopératoires sont élevées soit à cause de leur état préopératoire soit à cause de l'intervention chirurgicale proposée. L'enjeu est important car il semble, à la lumière de travaux récents, que la stratégie périopératoire peut influencer le devenir des patients pendant plusieurs années. Par notre prise en charge périopératoire, nous sommes donc responsables de l'avenir de nos patients à court et à long terme. L'optimisation hémodynamique a été l'objet de nombreux travaux et de nombreuses réflexions depuis une trentaine d'années mais il est difficile, vu la complexité du sujet, d'en tirer des conclusions simples et d'en déduire des recommandations. Une 39 synthèse est donc toujours la bienvenue car elle permet de faire le point de la question et peut amener à affiner nos réflexions et nos pratiques. I- OPTIMISATION HEMODYNAMIQUE: CONCEPT, HISTORIQUE, REVUE DE LA LITTERATURE Le concept de l'optimisation hémodynamique est né des réflexions et des travaux de WC Shoemaker et de son équipe, commencés dans les années quatre vingt, sur les facteurs cardiorespiratoires susceptibles d'influencer la morbidité et la mortalité postopératoires des patients à risque [1]. Dans une étude faite sur 220 patients, ils montraient que les 166 patients survivants avaient, par rapport aux 54 patients décédés en postopératoire, un index cardiaque, un transport artériel d'oxygène (DO2) et une consommation d'oxygène (VO2) plus élevés, notamment pendant les vingt quatre premières heures [2]. Chez les patients à risque, il existait à l'évidence en périopératoire des troubles de la microcirculation et de l'extraction d'oxygène et les valeurs hémodynamiques qui permettaient d'assurer des apports d'oxygène adaptés n'étaient pas les valeurs normales du sujet sain mais des valeurs "supranormales", de débit cardiaque et de transport artériel d'oxygène notamment. Dans une étude suivante, ils confirmaient que chez ce type de patients, malgré des paramètres de surveillance habituels normaux (fréquence cardiaque, pression artérielle, pression veineuse centrale, température, diurèse et taux d'hémoglobine), il existait un déficit tissulaire en oxygène à l'origine probable de la plupart des complications viscérales. Mesurant la VO2 en per et postopératoire chez 98 patients et calculant la dette en oxygène (par rapport à une VO 2 théorique calculée), ils montraient clairement qu'il existait chez tous les patients un déficit en oxygène qui s'installait dès la période peropératoire et qui persistait en postopératoire. Ce déficit était nettement plus important et plus prolongé chez les patients décédés en postopératoire (21 patients, déficit peropératoire de 8,2 ± 5,1 ml.m -2, déficit maximal de 33,5 ± 36,9 ml.m-2 survenant à 17,8 ± 17,4 heure, durée totale de 35,2 ± 18,8 heures) et chez les patients survivants avec complications postopératoires (21 patients, déficit peropératoire de 8,3 ± 6,3 ml.m -2, déficit maximal de 26,8 ± 32,1 ml.m-2 survenant à 13,5 ± 16,4 heure, durée totale de 24,0 ± 21,8 heures) que chez les patients survivants sans complications (56 patients, déficit peropératoire de 4,3 ± 5,7 ml.m-2, déficit maximal de 8,0 ± 10,9 ml.m -2 survenant à 3,6 ± 7,8 heure, durée totale de 7,9 ± 11,9 heures) [3]. Pour tester l'hypothèse que le maintien de valeurs supranormales, en augmentant les apports d'oxygène, était susceptible de diminuer la mortalité postopératoire des patients à risque, ils ont ensuite randomisé 88 patients en 3 groupes: monitorage par la pression veineuse centrale (30 patients), par cathéter artériel pulmonaire (30 patients) avec dans les deux cas des objectifs thérapeutiques standards et monitorage par cathéter artériel pulmonaire (28 patients) avec pour objectifs le maintien pendant 48 heures des paramètres hémodynamiques à des valeurs supranormales (IC > 4,5 l.min-1.m-2, DO2 > 600 ml.min-1.m-2, VO2 > 170 ml.min-1.m-2), définies empiriquement à partir des valeurs des patients survivants des études précédentes. Le résultat de l'étude était spectaculaire puisque la mortalité du troisième groupe était de 4%, significativement plus basse que celle des deux groupes contrôles, respectivement de 23% et 33% [4]. 40 Ce travail a fait date et a été à l'origine du concept d'optimisation hémodynamique avec comme objectif les valeurs supranormales précédemment définies (IC > 4,5 l.min-1.m-2, DO2 > 600 ml.min-1.m-2, VO2 > 170 ml.min-1.m-2), seules susceptibles d'éviter le déficit en oxygène lié aux troubles de la microcirculation et responsable des complications et des décès postopératoires. Si certains patients ont des réserves cardio-circulatoires suffisantes pour développer spontanément une hémodynamique supranormale, d'autres par contre en sont incapables et il est alors nécessaire d'adapter leur traitement. Dans les années suivantes, WC Shoemaker et son équipe ont précisé le concept, le type de patients à risque, risque lié au terrain (âge supérieur à 70 ans, atteinte cardiovasculaire, respiratoire, hépatique, rénale, cérébrale, dénutrition, pathologie abdominale aiguë, états de choc, sepsis) ou risque lié à l'intervention chirurgicale (chirurgie cardiaque et aortique, chirurgie abdominale majeure, chirurgie hépatique) ainsi que les moyens thérapeutiques préconisés (remplissage vasculaire par colloïdes, apport de globules rouges, dobutamine et vasodilatateurs) [5-7]. Et ils ont poursuivi l'étude de patients en chirurgie mais aussi en situation de traumatismes et de sepsis. [8-15]. Bien sûr, de nombreux auteurs ont par la suite testé ce concept de valeurs supranormales susceptibles de réduire la mortalité des patients, soit en périopératoire, soit en pathologie aiguë, notamment septique [16-21]. Les résultats de tous ces travaux sont contradictoires et ont suscité de nombreux débats. En 1996, une première méta analyse faite par DK Heyland (7 études retenues sur 64 regroupant 1016 patients) ne montrait pas de baisse de mortalité et concluait à l'absence du bien fondé d'une telle attitude chez tous les patients en état grave, quels qu'il soient [22]. Hormis l'analyse des travaux les plus pertinents publiés entre 1980 et 1994, ce travail était particulièrement intéressant par les réflexions faites et les questions posées. Il soulignait en effet, en plus des différences méthodologiques, la grande disparité de toutes ces études concernant les patients (patients chirurgicaux, traumatisés ou patients de réanimation admis pour défaillance viscérale grave ou sepsis), les objectifs du traitement (DC seul, DO2 seul ou IC DO2 VO2 couplés), ses modalités (avant ou après remplissage vasculaire) et surtout le temps de mise en route du protocole (en préopératoire ou après admission en réanimation). Il notait de plus qu'il existait dans toutes les études un cross-over important dans chaque groupe (patients des groupes "contrôles" ayant des valeurs supranormales spontanément et patients des groupes "protocoles" n'atteignant jamais les objectifs fixés malgré le traitement) qui pouvait atteindre 45%. Enfin, certains auteurs, comparant à posteriori la mortalité des patients selon les valeurs hémodynamiques atteintes, normales ou supranormales, quelque soit leur groupe, avaient trouvé une différence nette de mortalité entre les deux groupes, alors que la mortalité entre groupe contrôle et groupe protocole n'était pas différente; mais les études n'étant pas faite dans ce sens aucune conclusion ne pouvait en être tirée [17-19]. Ainsi, en dehors du fait qu'une méta analyse n'était peut-être pas la meilleure méthode pour conclure sur un sujet aussi complexe, il était clair qu'un certain nombre de points semblait acquis: 1- Les patients survivants avaient tous des valeurs hémodynamiques (IC et/ou DO 2 et/ouVO2) plus élevées que les non survivants 2- Les valeurs supranormales définies par WC Shoemaker IC > 4,5 l.min -1.m-2, DO2 > 600 ml.min-1.m-2, VO2 > 170 ml.min-1.m-2) étaient présentes spontanément chez certains patients et n'étaient pas toujours obtenues par le traitement 41 3- Les patients répondeurs au traitement étaient en général plus jeunes et moins gravement atteints que les patients non répondeurs et l'obtention de valeurs supranormales n'était manifestement possible que si la prise en charge était précoce, ce qui était le cas des patients chirurgicaux et traumatiques (études positives avec diminution de la mortalité) et ce qui n'était pas le cas des patients hospitalisés en réanimation pour défaillance viscérale ou sepsis (études négatives sans impact sur la mortalité ou avec augmentation de mortalité). Autrement dit, il semblait bien que chez les patients à haut risque chirurgical ou en état grave, les désordres circulatoires entraînant des anomalies majeurs du métabolisme de l'oxygène, la présence de valeurs hémodynamiques supranormales était un facteur de diminution de la morbidité et de la mortalité. Cet état supranormal était présent spontanément ou pouvait être obtenu sous traitement mais les patients n'étaient répondeurs au traitement que s'ils avaient des réserves circulatoires suffisantes. La réponse au traitement imposait donc une prise en charge très précoce (préopératoire pour certains chez les patients chirurgicaux) faute de quoi le traitement pouvait entraîner des effets délétères voire une surmortalité. A ce stade, malgré les controverses et les questions non résolues, l'optimisation hémodynamique restait une idée suffisamment forte pour susciter la poursuite de travaux qui ont tenté de préciser, avec une méthodologie la plus fiable possible, le type de patients pouvant bénéficier de cette attitude et ses modalités d'application [23-33]. Pour à nouveau faire le point de la question en 2002, JW Kern et WC Shoemaker publiaient une méta analyse de tous les travaux faits entre 1985 à 2000 (21 études avec étude de la mortalité) et séparaient les études en différents groupes selon la mortalité des groupes contrôles (> 20% ou < 15%), selon le temps d'application du protocole (avant ou après les défaillances viscérales) et selon les objectifs thérapeutiques décidés (normaux avec IC > 2,8 l.min-1.m-2 ou supranormaux avec IC > 4,5 l.min-1.m-2 et/ou DO2 > 600 ml.min-1.m-2) [34]. Les résultats de cette analyse établissait que la baisse de la mortalité n'était retrouvée que chez les patients à haut risque (mortalité contrôle > 20%) et seulement quand l'optimisation hémodynamique était faite avant la survenue des défaillance d'organes (13 études avec mortalité > 20% dont 7 études avec optimisation précoce et baisse de mortalité de -0,23 ± 0,07 p < 0,05 et 6 études avec optimisation tardive sans différence de mortalité; 8 études avec mortalité < 15% sans différence de mortalité). Depuis, les études ont été poursuivies, notamment chez les patients chirurgicaux. Une grande étude canadienne multicentrique prospective randomisée qui a duré 9 ans (1994 patients ≥ 60 ans, classe ASA 3 ou 4, chirurgie majeure) a comparé une prise en charge conventionnelle (cathéter veineux central chez 77% des patients) et une prise en charge optimisée avec un cathéter artériel pulmonaire mis avant l'intervention (objectifs de DO2 de 550-600 ml.min-1.m-2 et d'IC de 3,5-4,5 l.min-1.m-2). En postopératoire, les objectifs ont été atteints chez 62,9% des patients pour le DO 2 et chez 79% des patients pour l'IC. La mortalité hospitalière a été identique dans les deux groupes (7,7 vs 7,8 % P = 0,93), mortalité de moitié inférieure à la mortalité attendue. La durée d'hospitalisation (10 jours en médiane pour les deux groupes) et la survie à six mois et à un an ont été identiques. Le groupe optimisé a reçu plus de colloïdes, d'inotropes et de concentrés érythrocytaires et a présente une incidence plus élevée d'embolie pulmonaire (0,9 vs 0,0 % P = 0,004). Les auteurs concluaient à l’absence de bénéfice du traitement guidé par le cathétérisme droit chez les patients 42 étudiés en précisant toutefois ne pas pouvoir élargir cette conclusion aux patients atteints d'insuffisance circulatoire cardiogénique et septique et de SDRA [35]. D'autres études ont plus particulièrement testé l'effet de la dopexamine introduite systématiquement chez les patients à risque. Une étude multicentrique (412 patients, chirurgie abdominale majeure) a étudié l'effet la dopexamine en préopératoire et pendant les premières vingt quatre heures postopératoires avec comparaison de deux posologies (groupe placebo, 140 patients; dopexamine 0,5 μg.kg-1.mn-1 135 patients; dopexamine 2,0 μg.kg-1.mn-1 137 patients). La mortalité à 28 jours était identique dans les trois groupes (13 %, l7 % et 15 % respectivement) de même que l'incidence des complications et la durée d’hospitalisation. Cependant l'analyse a posteriori de 51 patients opérés en urgence montrait une mortalité à 28 jours de 29% dans le groupe placebo, 0 % dans le groupe dopexamine 0,5 μg.kg-1.mn-1 et 15% dans le groupe dopexamine 2,0 μg.kg1.mn-1, évoquant l'intérêt possible du traitement des patients à très haut risque chirurgical du fait de l'urgence [36]. Une étude randomisée (100 patients, chirurgie abdominale majeure) a étudié par rapport à un groupe contrôle (50 patients) l'effet sur la mortalité et la morbidité postopératoire de la dopexamine prescrite à la dose de 0.25 μg.kg -1.mn-1 après l'induction de l'anesthésie et après optimisation du remplissage vasculaire (volume systolique mesuré par Doppler œsophagien) et maintenue pendant les premières vingt quatre heures postopératoires (50 patients). Aucune différence n'était trouvée entre les deux groupes en terme de mortalité (4 et 6% respectivement, inférieure à la mortalité prévue qui était de 15%), de morbidité et de durée d'hospitalisation. Concluant qu'il n'y avait aucun avantage à prescrire de la dopexamine systématiquement dans ce type de chirurgie, l'auteur soulignait cependant la faible mortalité des deux groupes et l'impact probable du remplissage vasculaire optimisé en peropératoire [37]. Enfin, une étude récente a confirmé que la prise en charge intensive et précoce des patients est essentielle et peut être réalisée en dehors du contexte opératoire. Chez 263 patients en état de sepsis grave ou de choc septique, l'impact d'une prise en charge précoce et contrôlée, pendant les 6 heures suivant l'arrivée aux urgences (130 patients avec mesure de la ScvO2 par cathéter central et traitement par remplissage, vasopresseurs, vasodilatateurs, apport de concentrés érythrocytaires et dobutamine pour PAM entre 65 et 90 mmHg, PVC entre 8 et 12 mmHg, Ht ≥ 30%, ScvO2 ≥ 70%) a été étudié par rapport à une prise en charge standard (133 patients). La différence de mortalité entre les deux groupes était différente tant en ce qui concernait la mortalité hospitalière (46,5 et 30,5% respectivement P = 0,009) que les mortalités à 28 jours (49,2 et 33,3% respectivement P = 0,01) et 60 jours (56,9 et 44,3% respectivement P = 0,03). Les scores de gravité (APACHE II SAPS II et MODS) étaient aussi différents, signifiant une baisse du nombre de dysfonction viscérale dans le groupe traité [38]. Malgré les critiques faites à cette étude, notamment sur la valeur des paramètres monitorés, la fréquence des transfusions dans le groupe traité et la mortalité élevée du groupe contrôle, l'importance d'une prise en charge précoce et intensive des patients septiques était reconnue par tous [39,40]. 43 II- OPTIMISATION HEMODYNAMIQUE: EN PRATIQUE À L'HEURE ACTUELLE Le concept d'optimisation hémodynamique reste suffisamment fort pour continuer d'interpeller les anesthésistes et les réanimateurs. Tout le monde s'accorde pour dire qu'il existe en situation aiguë un syndrome inflammatoire qui provoque des anomalies de la microcirculation et de l'extraction d'oxygène responsables d'un défaut d'apport d'oxygène aux cellules. Si le patient n'a pas les réserves cardiocirculatoires suffisantes pour s'adapter et assurer une oxygénation tissulaire efficace de l'ensemble de l'organisme, l'ischémie tissulaire s'installe notamment dans le territoire digestif. En effet, en cas d'insuffisance circulatoire, le flux est redistribué à partir de l'intestin, territoire qui est sans autorégulation, riche en récepteurs adrénergiques vasoconstricteurs et qui est le premier sacrifié. L'ischémie digestive est fréquente et précoce. Elle peut survenir alors que tous les paramètres de surveillance sont normaux. Elle est dangereuse, à l'origine de complications viscérales graves et du syndrome de défaillance multiviscérale [41-43]. Dans tous les cas, les patients qui survivent avec un degré moindre de complications sont tous des patients qui ont présenté des valeurs hémodynamiques plus élevées confirmant ce qui avait été montré dans les études animales [44]. Dans le même ordre d'idée, le test à la dobutamine, proposé il y a quelques années chez les patients septiques, permettait de reconnaître les patients répondeurs à la dobutamine en terme de débit cardiaque, de DO2 et deVO2. L'existence de réserves cardiaques et circulatoires conservées se traduisait toujours par un meilleur pronostic [45-48]. L'optimisation hémodynamique de ces patients vise à prévenir si possible ou à traiter l'insuffisance circulatoire lorsqu'elle est encore accessible au traitement cardiovasculaire avant qu'elle ne soit évoluée et devenue une maladie inflammatoire, métabolique, endocrinienne, hématologique avec défaillance d'organes et épuisements des réserves cardio-circulatoires. C'est facile chez les patients chirurgicaux et polytraumatisés. C'est plus difficile chez les patients septiques qui ne peuvent pas toujours être pris rapidement en charge. Les problèmes pratiques restent cependant nombreux. Depuis les réflexions de WC Shoemaker, la plupart des travaux se sont attachés à étudier l'impact sur la mortalité d'une thérapeutique optimisée par rapport à une thérapeutique standard. L'impact sur la morbidité, qui tout aussi fondamentale, n'a pas toujours été étudiée et surtout aucun travail n'a précisé jusqu'à présent le profil véritable des patients qui, n'étant pas capables de répondre aux modifications circulatoires d'une période critique, périopératoire notamment, doivent être l'objet d'une prise en charge spécifique. De même, aucun consensus n'existe actuellement sur les modalités de cette prise en charge tant en ce qui concerne les paramètres à surveiller que les traitements à appliquer. La synthèse pour une attitude pratique est encore à l'heure actuelle difficile. 1- Patients Si l'on s'en tient au contexte uniquement chirurgical, les patients susceptibles de bénéficier de l'optimisation hémodynamique sont en théorie les patients à réserves cardio-circulatoires limitées qui ne pourront pas s'adapter aux modifications de la période périopératoire en cas de chirurgie majeure. Les situations à risque identifiées par WC Shoemaker, tant au cours de ses travaux que par la méta analyse faite en 44 2002, avait une mortalité de plus de 20% mais jamais aucune stratification du risque n'a été établie [34]. Or actuellement, en ce qui concerne les patients chirurgicaux, même s'ils sont plus âgés et présentent de nombreuses dysfonctions préopératoires, les pratiques ont évolué et la mortalité de la plupart des chirurgies majeures est comprise entre 5 et 15%. Seules les chirurgies majeures faites en urgence conservent un taux de mortalité très élevé [36,41]. De plus, l'évaluation précise de la réserve cardiovasculaire n'est pas facile en pratique et ne peut être que clinique, les tests paracliniques pour l'instant ne répondant pas toujours à la question ou n'étant pas envisageables facilement [41,49,50]. L'évaluation clinique de la capacité fonctionnelle d'un patient, que ce soit par le test de la montée d'escalier ou par l'évaluation de son activité quotidienne (score de Duke) est bien codifiée [51,52]. Mais aucune étude n'a précisé pour l'instant le type de patient susceptible de bénéficier d'une optimisation périopératoire [53]. 2- Objectifs L'optimisation hémodynamique vise à augmenter les apports d'oxygène pendant 24 à 72 heures en période périopératoire, post traumatique ou en phase aiguë d'une pathologie grave, septique notamment. Le message initial de WC Shoemaker qui était d'assurer des valeurs supranormales non seulement de débit cardiaque mais également de transport et de consommation d'oxygène, a été souvent modifié par la suite avec dans beaucoup d'études un objectif isolé de débit cardiaque sans critères d'oxygénation. Certes, le transport d'oxygène est largement tributaire du débit cardiaque, mais que vaut une augmentation du transport sans augmentation de la consommation d'oxygène? Mais les valeurs supranormales qu'il avait définies n'ont, dans aucune étude, été atteinte chez tous les patients des groupes traités, ce qui montrent que ces valeurs ne peuvent être un objectif à priori pour tous les patients. Cependant le point le plus important est sans doute qu'un traitement à visée cardiovasculaire qui n'entraîne pas de réponse positive notamment en terme de débit cardiaque est non seulement inefficace mais peut être aussi délétère et responsable de complications augmentant la morbidité et la mortalité [20]. Enfin dans toutes les études, les paramètres hémodynamiques habituels, fréquence cardiaque, pression artérielle, taux d'hémoglobine, SaO2 étaient bien évidemment maintenus à des valeurs considérées comme normales. Cependant le niveau souhaitable de pression artérielle peut être aussi soumis à débat. En effet, certains auteurs ont posé la question de l'objectif de pression artérielle à avoir, notamment lorsqu'une hypotension nécessite l'utilisation de vasopresseurs [54]. Les travaux ne sont pas nombreux et ne concerne que la noradrénaline. Un travail récent sur l'animal (porc endotoxémique) montrait que lors de l'augmentation par la noradrénaline de la pression artérielle moyenne (PAM) de 52 à 65 puis à 77 mmHg, il y avait un bénéfice en terme de circulation régionale, hépatique et rénale, lors de la première étape qui ne persistait pas ensuite malgré l'augmentation de débit cardiaque [55]. Une étude chez des patients en choc septique (10 patients) montrait qu'en augmentant sous noradrénaline la PAM à 65, 75 puis 85 mmHg, il n'y avait aucune modification des circulations splanchnique (tonométrie gastrique) et cutanée (mesure par Laser Doppler) et du débit urinaire [56]. Ainsi l'objectif de pression artérielle proposée sous noradrénaline est une PAM de 65-70 mmHg sans plus pour ne pas compromettre les circulations régionales. Les autres vasopresseurs n'ont pas été étudiés [54]. 45 Que peut-on conclure de l'enseignement de tous les travaux et de tous les débats de ces dernières années: 1- Il n'y a aucun consensus sur les valeurs hémodynamiques à obtenir chez les patients à risque; certes les chiffres proposés par WC Shoemaker (IC > 4,5 l.min -1.m2, DO > 600 ml.min-1.m-2, VO > 170 ml.min-1.m-2), largement contestés, n'ont pas 2 2 été remplacés par d'autres propositions mais il est sûrement illusoire d'avoir un objectif univoque pour tous les patients et toutes les situations à risque 2- Le traitement visant à augmenter le DC doit être absolument contrôlé (efficacité et absence d'effet délétères) et l'augmentation du DC doit servir à l'augmentation de la consommation d'oxygène 3- Une pression artérielle normale ne préjuge pas de circulations régionales adéquates et lorsque la pression artérielle est contrôlée par la noradrénaline, l'objectif de pression artérielle doit être une PAM de 65-70 mmHg pour ne pas compromettre les circulations digestives et rénales. 3- Moyens Les moyens thérapeutiques utilisés pour l'optimisation hémodynamique sont de deux types: remplissage vasculaire avec apport si besoin de concentrés érythrocytaires et traitement inotrope. Même si le chiffre de débit cardiaque à obtenir n'est pas défini, l'augmentation du débit cardiaque par le remplissage vasculaire fait l'unanimité et a, dans des études anciennes et récentes, montré clairement son efficacité en terme de morbidité et de durée d'hospitalisation [37,57-62]. Mais l'efficacité du remplissage doit absolument être contrôlé, si possible par la mesure du volume d'éjection systolique et en son absence par la surveillance des paramètres de précharge dépendance du débit cardiaque [63,64]. En effet le remplissage est efficace et surtout n'est pas délétère tant que le volume systolique augmente. Il doit être absolument interrompu dans le cas contraire pour éviter les effets délétères d'un excès d'apport volumique et hydrique, bien connus sur la fonction pulmonaire mais qui existent aussi sur la fonction digestive [65-70]. Par contre, l'apport de concentrés érythrocytaires pour augmenter le transport artériel d'oxygène, même pour optimiser l'hématocrite ou le taux d'hémoglobine, est sujet à débat étant donné les effets possiblement délétères des globules rouges transfusés sur la microcirculation et l'apport d'oxygène [39]. L'utilisation d'agents inotropes est beaucoup plus contestée, étant donné les effets cardiaques délétères des catécholamines (effets arythmogènes et augmentation de la consommation d'oxygène du myocarde qui peut largement contribuer à l'augmentation de la VO2 observée et en fausser l'interprétation), leurs effets sur les circulations régionales, digestives notamment, les effets pro inflammatoires et endocriniens des agents à effets alpha stimulant [41,71]. C'est pourquoi les inotropes recommandés sont essentiellement la dobutamine ou la dopexamine mais leur efficacité ainsi que l'absence d'effets délétères doit être particulièrement contrôlée par un monitorage adéquat. Leur utilisation sans efficacité cardiovasculaire peut aller véritablement à l'encontre du but recherché [20,36]. Dans cet ordre d'idée, le débat est devenu particulièrement complexe depuis les travaux commencés il y a vingt ans sur les patients à risque d'ischémie myocardique périopératoire. Ils montrent en effet l'importance de la prévention de l'ischémie 46 myocardique périopératoire tant sur le devenir des patients à court terme (morbidité et mortalité à 28 jours) que sur leur devenir à long terme (morbidité et mortalité à 2 ans) [72-75]. Ils montrent aussi l'importance du traitement bêta-bloquant périopératoire pour la prévention de l'ischémie myocardique [76-79]. L'enjeu actuel chez un certain nombre de patients chirurgicaux est donc une optimisation périopératoire circulatoire mais aussi cardiaque qui doit amener à décider si le risque principal est l'ischémie myocardique ou l'insuffisance circulatoire et qui peut amener à devoir choisir entre des traitements antinomiques tels que les bêta-bloquants et les inotropes positifs [80]. 4- Surveillance Tant pour le remplissage vasculaire que pour les traitements par inotrope, le monitorage de ces patients est essentiel. Si le cathéter artériel pulmonaire reste indispensable dans certains cas (cardiopathies évoluées, insuffisances circulatoires complexes) et permet seul une étude hémodynamique avec paramètres d'oxygénation, les moyens non invasifs ou peu invasifs proposés actuellement sont tout à fait fiables, plus facilement utilisables, moins dangereux et suffisants dans la plupart des cas. A la mesure du débit cardiaque par Doppler œsophagien ou par analyse de la courbe de pression artérielle (moniteur PiCCO Pulsion Medical Systems, moniteur Vigileo Edwards), il est de plus en plus proposé d'ajouter la mesure de la ScvO2 (moniteur Vigilance ou Vigileo Edwards) comme paramètre d'oxygénation dont les modifications peuvent être un bon analyseur de l'efficacité thérapeutique et qui mérite d'être étudié à l'avenir dans diverses situations [38]. CONCLUSION L'optimisation hémodynamique a pour objectif une prise en charge spécifique, adaptée, contrôlée pour augmenter les apports d'oxygène en période critique chez des patients à risque et diminuer ainsi la morbidité et la mortalité. Cependant la complexité du sujet rend difficile l'édition de recommandations tant pour les patients concernés que pour les modalités du monitorage et du traitement. De plus l'optimisation doit être circulatoire mais aussi cardiaque et intégrer la prévention de l'ischémie myocardique dans la stratégie utilisée. Actuellement les avis convergent vers quelques idées fortes: les patients à haut risque chirurgical opérés notamment en urgence et les patients en état septique grave lorsque le prise en charge est précoce sont certainement à l'heure actuelle des bénéficiaires potentiels d'une optimisation hémodynamique. Le monitorage du débit cardiaque par des moyens peu invasifs et l'augmentation du débit cardiaque en premier lieu par un remplissage vasculaire dont l'efficacité est contrôlée sont des mesures recommandés par tous dans toutes les situations. Références 1- Shoemaker WC, Appel PL, Waxman K et al. Clinical trial of survivors' cardiorespiratory patterns as therapeutic goals in critically ill postoperative patients. Crit Care Med 1982, 10: 398-403 2Bland RD, Shoemaker WC, Abraham E et al. 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