Projet de thèse 30 octobre 2002 Dr. Jean PASCAL (Laboratoire de Santé Publique – PIMESP- CHU de Nantes) Vulnérabilité sociale et état de santé de la population Les acteurs du champ de la santé tendent à approcher ces dernières années la problématique de la disparité d’état de santé de la population à travers la question des inégalités sociales de santé. Ces inégalités recouvrent, d’une part, l’accès aux soins et, d’autre part, la prise en charge par le système de soins. Elles sont dépendantes de la situation socioéconomique des individus qui composent cette population. Malgré l’amélioration des indicateurs globaux de santé, tels que l’espérance de vie, il existe des disparités socio-économiques d’état de santé. Ainsi, petit à petit, des groupes sociaux ont été individualisés, voire stigmatisés, considérés plus en difficultés que les autres vis à vis du système de santé. Leurs situations sont décrites à travers trois concepts que sont « l’exclusion », la « pauvreté » et la « précarité ». Si la pauvreté et l’exclusion admettent une définition précise, ceci est moins clair pour la précarité, cette dernière faisant le plus souvent référence à la définition donnée par le Conseil Economique et social (Wrezinski, 1987). Plus récemment est apparu, dans la littérature, un 4ème concept, celui de « vulnérabilité sociale ». Ce dernier recouvrirait une population confrontée à une fragilité de son insertion non seulement professionnelle mais aussi relationnelle. Il s’agit alors pour les acteurs du champ de la santé de pouvoir identifier ces groupes à travers des indicateurs chiffrés. Afin, d’une part, d’objectiver ces disparités sociales d’état de santé et, d’autre part, d’essayer d’apporter des solutions. C’est en particulier le cas à travers la mise en place de politiques volontaristes de rattrapage des inégalités sociales de santé, telles que les programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins. Or, la mise en place de programmes de rattrapage n’a de sens que si l’on est capable d’identifier des besoins de soins qui ne seraient pas satisfaits. Les disparités sociales d’état de santé sont le plus souvent étudiées à travers le prisme de l’accès aux soins, moins souvent autour des inégalités de prise en charge. Ainsi, il existerait, dans notre système de soins, des différences de prise en charge fonction de la situation socio-économique des patients. Essayer d’objectiver ces opportunités perdues devrait permettre de mieux appréhender les inégalités sociales devant les soins. C’est en particulier la différenciation sociale face à la prévention qui devrait plus particulièrement nous intéresser. En effet, on sait que des actions de prévention ciblées peuvent participer significativement de la réduction de certains risques et de certaines pathologies ou de leurs conséquences. Le but de ce travail est d’appréhender la question de la qualité des soins sous l’angle des disparités sociales de prise en charge de notre système de santé. Ce travail poursuit donc 2 objectifs complémentaires : Le 1er concerne le problème de l’identification en routine de situations de vulnérabilité sociale dans le cadre d’activités de soins, Le 2ème concerne l’identification des besoins de soins non satisfaits en fonction des disparités sociales. Pour répondre au 1er objectif, il s’agira : - de clarifier les concepts usités, marqueurs de la fragilité sociale, notamment, celui de « vulnérabilité sociale », - d’étudier la question du repérage en routine des populations en situation de vulnérabilité sociale 1 - d’identifier les indicateurs de repérage aujourd’hui disponibles, afin de proposer un outil de repérage de ces personnes adapté à une pratique de terrain Pour répondre au 2ème objectif, il s’agira dans notre travail : - d’objectiver et d’analyser les opportunités perdues en fonction des disparités sociales, - de décrire les filières empruntées par les différents groupes… Matériel exploitable - par rapport à la construction d’un outil de repérage des patients en situation de vulnérabilité sociale : à partir d’une analyse de la littérature, d’outils existants non validés, d’entretiens avec des professionnels du soins et sous l’égide d’un groupe de travail pluridisciplinaire, regroupant des référents des services d’un hôpital concernés par le sujet, nous avons élaboré un outil de repérage des patients en situation de vulnérabilité sociale venant consulter à l’hôpital. pour valider ses propriétés métrologiques, nous nous sommes placés dans les conditions de validation d’un test de dépistage : en l’absence de gold standard, les assistantes sociales de l’hôpital ont été considérées comme expertes, pour ce qui concerne les aspects économiques et sociaux de la vulnérabilité sociale des personnes prises en charge à l’hôpital ; elles ont établi par jugement concordant, en aveugle du test, la référence vis-àvis de laquelle a été évalué l’outil. Nous avons donc constitué 2 bases de données : 1 base quantitative (incluant 255 sujets) résultat du recueil de la procédure de validation de l’outil et 1 base qualitative (incluant 450 sujets) regroupant les argumentaires du jugement porté par les assistantes sociales - par rapport au déficit de prise en charge en fonction des disparités sociales Nous sommes en train de réaliser une étude épidémiologique transversale multicentrique dans plusieurs services de consultations de deux hôpitaux publics comparant un groupe en situation de vulnérabilité sociale à un groupe témoin. Les consultants en situation de vulnérabilité sociale sont identifiés par l’outil de repérage sus cité. Tous les consultants, à leur arrivée dans les services, renseignent cet outil de façon anonyme. Parmi ces consultants, un tirage au sort stratifié par service est réalisé pour constituer l’échantillon des cas (unité statistique : individu en situation de vulnérabilité sociale). Chaque cas est apparié à un témoin, sur l’âge et le sexe, et ne possède aucun des critères de vulnérabilité sociale mis en évidence lors du repérage. Trois grands groupes de variables sont recueillies par un enquêteur à l’aide d’un questionnaire fermé : la situation socio- démographique (lieu de naissance, situation familiale...), socioéconomique (activité professionnelle, niveau de revenu, aides financières, niveau de protection sociale....) et à l’insertion sociale (réseau social, conditions de logement...), l’accès aux soins de ville et de l’ hôpital, le niveau de prévention primaire et secondaire du consultant, se basant sur des actes de prévention bénéficiant d’un large consensus (calendrier vaccinal, dépistages sérologiques et cancérologiques, consultations dentaires.....), sur les comportements (consommation de tabac, d’alcool, alimentation, pratique sportive....) et sur le niveau d’information reçu. Nous avons donc constitué 1 base quantitative incluant 1200 sujets. 2