Intervention de J. SILVANO - Sciences Économiques et Sociales

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L’ Europe économique : politique structurelle, actualités et perspectives
Notes à partir de l’intervention de Jacques Silvano
La logique de l’intervention :
1/ Légitimité économique de l’Europe
2/ Exemple 1 : la PAC
3/ Exemple 2 : Economie de la connaissance et stratégie de Lisbonne
Thèse : l’Europe actuelle risque de s’effondrer faute d’une ambition politique assumée.
1. Légitimité économique de l’Europe
1.1 Avantages et coûts de l’Europe
Petit historique : les objectifs fondamentaux du traité de Rome étaient politiques. Ils visaient à rétablir la paix et
supprimer les conflits. L’intégration était donc une évidence et les moyens pour y arriver ont été économiques
(CECA , Euratom, PAC etc)
Aujourd’hui , l’Europe économique et sociale est remise en question (cf : vote non au traité constitutionnel).
D’où la nécessité de réfléchir sur les fondements d’une nouvelle légitimité européenne.
Selon une approche économique, on peut analyser la logique d’une activité en terme de coût / avantage.
1) Les avantages de l’action économique de l’Europe.
Ils existent lorsque cette activité :
- peut être considérée comme un bien collectif (ou public):
* L’indivisibilité à la consommation .
* La non rivalité : On peut bénéficier du bien sans limiter la consommation d’un autre agent. L’encombrement
ou la saturation est faible.
* La non exclusion : Le consommateur ne peut s’approprier le bien et personne n’est exclu de sa consommation.
* L’impossibilité, compte tenu des caractéristiques précédentes, de définir un prix de marché, car on ne sait pas
qui consomme, quelle quantité est consommée et parce que le coût marginal est nul.
- est à l’origine d’externalités (positives : R&D ; négatives : pollution)
- est source d’effets de débordement ou d’engrenage (« spillovers ») : par exemple, une politique macro
économique nationale peut avoir des effets extra nationaux
- génère de forte économies d’échelle (ex : l’économie de la connaissance où on est en présence de coûts fixes
élevés…)
2) Les coûts de l’action économique de l’Europe :
- Il existe des coûts liés à l’hétérogénéité des préférences nationales : revendications spécifiques et culturelles.
Méfiance vis à vis des transferts de souveraineté (abandon de pratiques locales ou natioanles au profit des
législations européennes).
- Il existe des coûts d’organisation et de coordination des décisions : Par ex. les négociations budgétaires
européennes pour 2007-2013 ont nécessité une multitude de réunions pour des résultats très faibles.
Affectations théoriques et effectives des responsabilités au sein de l’UE à 15
Domaine
Externalités et Hétérogénéité des
Affectation
Affectation effective
économies
préférences
théorique
d’échelle
Allocation
- Régulation des marchés Fortes
Faible
UE
UE essentiellement
des biens et services
- Régulation du marché
Fortes
Faible
UE
Etat et coordination
des capitaux
- Régulation du marché
Faibles
Forte
Etat
Etat et coordination
du travail
- Infrastructures,
Fortes
Moyenne
UE
Etat et coordination
- Recherche, éducation
Fortes
Faible
UE
Etat
- Soutien à l’agriculture
Faibles
Forte
Etat
UE
- Défense
Fortes
Moyenne à forte
Indéterminée
Etat
- Politique étrangère
Fortes
Moyenne à forte
Indéterminée
Etat
Stabilisation
- Politique monétaire et Fortes
de change
- Politiques budgétaires
Moyennes
Moyenne à forte
UE ou Etat
UE (12) Etat (3 autres)
Moyenne
Etat + discipline
Etat + discipline
Redistribution
- Interpersonnelle
Faibles
Forte
Etat +
Etat
(fiscalité directe,
harmonisation
transferts sociaux)
- Interrégionale
Fortes
Forte
Plutôt UE
Etat et UE
- Internationale (au sein
Fortes
Forte
Plutôt UE
UE
de l’union)
D’après Pourquoi l’Europe ne ressemble-t-elle pas à ce que voudraient les économistes ?, Jürgen Von Hagen
et Jean Pisani-Ferry, Revue économique volume 54, n°3, mai 2003 et Rapport du CAE Politique
économique et croissance en Europe, La documentation française 2006 P.31
3 domaines pour lesquels la relation coûts/avantages de l’Europe est particulièrement significative
activité
avantages
inconvénients
Affectations Affectations réelles
théoriques
Régulation du
fort
faible
UE
Régulations nationales, malgré, en
marché des capitaux
1999, le Plan d’action pour les services
financiers (PASF). Au nom du principe
de subsidiarité, les règles européennes
ont été largement interprétées par les
différents nations.
Infrastructure
fort
moyen
UE
Nationale et coordination .La panne
( transports, réseaux
d’électricité de nov. 2006 a montré, par
de communication,
ex., l’importance d’une régulation
énergie)
européenne dans un domaine où la
gestion des flux doit obligatoirement
fait rapidement et de façon concertée.
Enseignement
fort
faible
UE
Etats.
supérieur et R&D
Harmonisation difficile alors qu’à
partir du Master les avantages de
l’Europe sont bien supérieurs aux
coûts.
Agriculture
faible
multiples
Etats et
UE, alors qu’aujourd’hui certains
coordination considèrent que les coûts sont
supérieurs aux avantages. Ex : rapport
Sapir en 2003 (voir II)
Donc, l’UE présente, dans certains domaines, un grand nombre d’avantages au plan économique.
Mais, on observe une remise en cause des actions européennes par les populations européennes qui ressentent
dans leur vie quotidienne l’Europe comme une contrainte.
1.2 Les différents modes d’intégration de l’Europe
Il existe 2 modes d’intégration :
DELEGATION (approche de Jean MONNET)
Acceptation d’une souveraineté supra-nationale, en délimitant les champs de compétence respectifs des Etats
nationaux et de l’Europe, mais aussi des régions.
- « délégation inconditionnelle », par exemple la mise en place en juin 1998 de la Banque centrale européenne
(BCE) et du Système européen des banques centrales (SEBC),
- « délégation supervisée » où les Etats perdent leur capacité d’action mais conservent un droit de surveillance
sur l’exécution des politiques. C’est le cas des politiques communes, comme la PAC ou l’utilisation du Fonds de
cohésion pour aider les régions les moins développées.
COORDINATION
« coordination imposée » : elle est fondée sur la surveillance par une instance communautaire des politiques
d’Etat, avec ou non la possibilité de les soumettre à des sanctions. L’exemple le plus significatif de ce mode
d’intégration est le Pacte de stabilité et de croissance adopté lors du traité d’Amsterdam (1997)
« coordination volontaire »
Ex1: Lisbonne (2000). Méthode Ouverte de Coordination ( MOC). L’UE fixe des objectifs, aux Etats de les
réaliser, selon le « principe de « l’émulation interne » (Benchmarking), avec des bilans annuels. Voir III
Ex2 : réforme de la PAC ( 2003), avec choix des quotas selon des objectifs environnementaux. On assiste à une
intégration par le volontariat. Voir II.
Aujourd’hui, ce dernier mode d’intégration semble dominer et ce choix traduit un manque de volonté politique :
L’Europe ne peut plus se construire qu’à travers l’intermédiaire d’Etats libres de suivre ou non les objectifs
décidés pourtant de façon communautaire.
2. La PAC
La politique agricole commune en quelques dates
25 mars 1957, le traité de Rome institue le marché commun et les produits agricoles sont directement concernés.
3-11 Juillet 1958, la conférence de Stresa définit les trois grands principes de la politique agricole commune :
l’unicité du marché agricole, la préférence communautaire et la solidarité financière entre les Etats membres.
14 janvier 1962, la CEE adopte les premiers règlements de la PAC et décide de créer le Fonds européen
d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) mis en place le 1 ier juillet 1964.
1ier juillet 1967 : Entrée en vigueur du marché unique pour les céréales, les porcs, les volailles, les œufs et les
graines oléagineuses (ces dernières ne sont pas protégées contre les importations).
11 août 1969, création des « taux verts », taux de change entre monnaies européennes ne concernant que les
produits agricoles.
12 mai 1971, généralisation des MCM, les montants compensatoires monétaires.
Avril 1984, première modification de la PAC avec l’introduction de quotas laitiers.
Novembre 1986, première crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine en GB.
Mars 1988, deuxième modification de la PAC avec la mise en place de stabilisateurs automatiques : les prix sont
garantis jusqu’à une quantité produite maximale, au-delà la garantie diminue. Mesure supprimée en 1992.
2 mars 1991, premier cas de « vache folle » en France
21 mai 1992, première véritable réforme de la PAC dite « réforme Mc Sharry ». Elle entrera en application le 1ier
janvier 1993.
20 novembre 1992, pré-accord de Blair House entre la CEE et les EU dans le cadre de l’Uruguay Round.
1ier janvier 1993, suppression des MCM, mais maintien des taux verts jusqu’en 1999.
Mars-juillet 1996, approfondissement de la crise de la « vache folle »
25 et 26 mars 1999, le Conseil de Berlin décide, dans le prolongement de 1992, une nouvelle réforme de la PAC
qui s’inscrit dans la programmation budgétaire pour la période 2000-2006 (« Agenda 2000 »)
26 juin 2003, l’accord du Luxembourg décide une dernière réforme correspondant à la programmation 20072013.
Le Traité de ROME accordait beaucoup d’importance à la Pac qui devait supprimer les pénuries alimentaires de
l’après guerre et renforcer la coopération entre des Etats qui venaient de se faire la guerre. Il faut rappeler que les
bons alimentaires pour le pain se sont maintenus, en France, jusqu’en 1949. Le traité de Rome va fixer 5 grands
objectifs ( art 33§1) :
1- Accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement
rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la
main-d’œuvre
2- Assurer un niveau de vie équitable à la population active agricole, notamment par le relèvement du revenu
individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture
3- Stabiliser les marchés
4- Garantir la sécurité des approvisionnements
5- Garantir des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.
Pour réaliser ces objectifs, en 1958, la Conférence de STRESA propose 3 grands principes :
1- L’unicité : marché commun
2- La préférence communautaire
3- La solidarité financière
En 1962, le FEOGA (le Fonds Européen d’Orientation et de Garantie agricole) est créé. Il gère un budget
destiné, pour 95% du total, à soutenir les marchés agricoles (OCM : Organisation Commune des Marchés fondée
sur un système de prix garantis) et, pour 5 %, à assurer les orientation structurelles.
2.1 Comment justifier la PAC de 1964 à 1992 ?
Le « paradoxe du progrès technique » de Joseph Klatzman (« L’agriculture française ») :
Le progrès technique => augmentation de la productivité => augmentation de la production, diminution des
coûts
Mais la demande étant inélastique => diminution des prix et surplus => diminution des revenus (renforcée par le
fort endettement, et la présence de marchés plutôt oligopsoniques dans lesquels les centrales d’achat dominent)
Paradoxe : le progrès technique n’apporte pas plus de bien être aux agriculteurs. Ils auraient intérêt à produire de
manière inefficiente, mais la concurrence les en empêche.
2.2 L’Organisation commune des marchés de 64 à 92 :
De 1964 à 92 : Organisation Commune des Marchés détermine différents types de prix suite à des négociations :
- les prix indicatifs qui font référence au « prix juste », qui assure un niveau de vie correct aux agriculteurs
- les prix de seuil, qui protègent les agriculteurs face aux importations. Le prix de seuil est inférieur aux prix
indicatifs et sert de référence à la protection européenne face aux importations. Ils seront supprimés en 1995.
- Les prix d’intervention, qui servent soutenir les exportateurs européens, en payant la différence entre ce prix et
le prix mondial afin que les agriculteurs européens puissent vendre sur les marchés internationaux
(« restitutions »).
La complexité de la PAC réside dans le fait qu’il existe une organisation commune des marchés (OCM) pour
chaque produit (sauf quelques uns : le soja, le gluten de maïs, la pomme de terre, le miel). Toutefois, tous les
produits n’ont pas le même niveau de protection.
Il existe donc des prix garantis qui permettent d’éviter que le prix de marché soit inférieur au prix minimum
indicatif.
L’UE pratique des prélèvements variables sous forme de taxes sur les importations selon le prix de seuil (ces
taxes varient en fonction de l’écart entre le prix mondial et le prix seuil. Ex : Px mondial : 50$ et px seuil : 59$,
la taxe est de 9$. Si le prix mondial augmente de 2$, la taxe n’est plus que de 7$). Ce système est un véritable
bouclier protectionniste face aux importations agricoles. En principe, les prélèvements variables permettent de
financer de manière équilibrée les aides aux agriculteurs.
En effet, le soutien aux exportations s’effectuent grâce des « restitutions » (aides), ex : si un prix européen est <
au prix mondial, la Pac donne aux agriculteurs européens une subvention correspondant à cet écart afin d’assurer
le maintien de leur revenu à un niveau constatnt. Or, ce principe d’équilibre n’est plus possible : les surplus
européens sont trop importants et le montant des taxes est plus faible que le montant des restitutions. Ceci
provoque un accroissement structurel du budget européen consacré à l’agriculture.
2.3 Les conséquences de la PAC :
Conséquences positives : L’agriculture européenne est prospère ; les Etats ont retrouvé leur autonomie
alimentaire ; les crises sont relativement absorbées (ex : crise du sucre en 74)
Les effets négatifs : Il existe beaucoup de déséquilibres et d’inégalités. La Pac modifie la logique de marché. La
production des entreprises agricoles repose sur un principe libéral, mais la gestion est collective (européenne).
De 1964 à 1992, la contrainte de demande est limitée par l’UE puisque les agriculteurs sont certains d’écouler
leur production, la contrainte de coûts est modifiée par les subventions à la production et aux exportations. On
se situe dans le cadre d’ une « rationalité procédurale » (Herbert Simon) : les agriculteurs n’ont pas réellement
connaissance du marché (évolutions des coûts réels et de la demande), ils produisent selon un processus qui
prend essentiellement en compte des informations en provenance des institutions européennes. Les lois du
marché sont donc tronquées.
Cela va se traduire par des déséquilibres :
- La tendance à la surproduction : les surplus des années 70-80 sont dus à une productivité intense, une faible
élasticité de la demande et à la certitude d ‘écouler la production. Ainsi même les agriculteurs peu efficients
(dont le Cm est supérieur au prix du marché sans intervention européenne) restent sur le marché.
- On observe donc une tendance structurelle au déficit budgétaire agricole. Entre 1980 et 1986, en écus
constants, les dépenses de soutien agricole ont augmenté de 5 % par an, alors que les ressources liées aux
prélèvements et aux autres mesures de la PAC diminuaient de 3,3 % par an. D’où la nécessité de chercher des
fonds dans le budget global et de limiter les moyens financiers qui seraient nécessaires dans d’autres domaines.
- Les effets des pratiques agricoles intensives sur l’environnement et la santé (pollution des nappes phréatiques
dans certaines grandes régions céréalières ou d’élevages industriels comme la Normandie ou la Bretagne,
développement pathologies animales telles que l’ESB, la maladie de « la vache folle » etc)
- Spécialisation figée alors que la demande agricole évolue (ex. : l’alimentation animale)
- Augmentation des inégalités au sein de l’Europe agricole
- L’Organisation Commune des marchés est de moins en moins acceptée au niveau international (Etats unis,
mais aussi « groupes de Cairns » ou G20, groupe des pays pauvres)
La légitimité initiale de la PAC est remise en cause. L’exigence alimentaire n’est plus prioritaire.
Il faut donc trouver de nouvelles sources de légitimité dans des objectifs de santé, environnementaux etc
2.4 Les réformes
1) Les « réformettes » avant 92
Les premières modifications de la PAC ont eu lieu dans les années 80. En 1984, l’Europe impose des quotas
laitiers et une réduction de la production. En quatre ans elle baissera de plus de 10 %, mais la hausse de la
productivité est telle que cette mesure est limitée, d’autant qu’elle a des conséquences négatives sur la
production bovine. En effet, une partie des vaches laitières est amenée à l’abattoir et cela accroît la surproduction
de viande.
Une deuxième modification a lieu les 11 et 12 février 1988 quand des « stabilisateurs budgétaires » sont mis en
place : on fixe des quantités maximales garanties et leur dépassement entraîne des sanctions sous la forme d’une
diminution du prix d’intervention.
Ces mesures visant à limiter les capacités de production, soit par le contingentement, soit par l’incitation, sont,
en général, mal acceptées par les agriculteurs-éleveurs et elles ne remettent pas en cause le système des prix
garantis qui, au contraire, pousse à produire.
2) Les réformes de 1992 ; 1999 ; 2003
L’objectif est de rapprocher les prix européens de ceux qui sont pratiqués sur le marché mondial, tout en
soutenant de façon directe et « découplée » les revenus des agriculteurs.
- le 21 mai 1992, sur la première grande réforme (dite réforme Mac Sharry du nom d’un des commissaires
européens à l’origine des propositions). Deux mesures commencent à remettre en cause la logique de soutien par
les prix ou par la production de la précédente architecture : la baisse des prix réglementés (-35%), et les
compensations sous forme d’aides à l’hectare pour les agriculteurs acceptant de geler 15 % de leurs terres
cultivables. Cette réforme est acceptée par l’OMC (Uruguay Round : pré-accord de Blair house)
Parallèlement, les américains promulguent le Farm bill de 1996, le « Fair Act », « fair » signifiant « loyal »… Au
départ, il devait aller dans le sens du découplage et du retrait de l’intervention publique, mais il va largement
favoriser les Etats Unis grâce à une mesure qui est ajoutée au dispositif, le « loan déficiency payment », aide qui
se déclenche automatiquement si le prix de marché passe en dessous d’un certain niveau ( « loan rate ») et qui est
proportionnelle à la production. Marginale au début, cette mesure va jouer un rôle fondamental : non découplée
puisque les aides sont proportionnelles à la production, et non conditionnée, parce qu’aucune obligation n’est
imposée aux agriculteurs, elle se déclenche très souvent. De 1997 à 1999 les paiements directs à l’agriculture
triplent aux Etats unis.
- Malgré cela, l’Europe continue de réformer son agriculture : dans le cadre de « l’agenda 2000 », le 26 mars
1999, l’accord de Berlin est signé : la baisse des prix de soutien (-15%) continue pour les céréales et les produits
laitiers; ainsi que les compensations sous formes d’aides à l’hectare ou à l’animal pour les agriculteurs-éleveurs
qui acceptent de geler 10 % de leurs terres cultivables ou qui réduisent leur cheptel.
- Une nouvelle réforme européenne est décidée le 26 juin 2003. La mesure centrale est l’introduction d’un
« paiement » unique déconnecté de la production et des facteurs de production. Toutefois, une très grande
souplesse est introduite dans les modalités d’application : dates d’entrée en vigueur modulables, choix du degré
de découplage (total ou partiel en fonction des % plafonds définis par l’accord) et possibilités de tenir compte ou
non du passé récent pour en fixer les normes. Encore une fois, le projet de réforme n’est pas totalement assumé
politiquement par l’Europe et c’est l’échelon national qui est largement responsable de sa mise en application
(une sorte de MOC : méthode ouverte de coordination). Cela va se traduire par des inégalités entre pays
européens en fonction des choix étatiques qui seront faits.
2.5 La Pac à la recherche d’une « nouvelle légitimité »
Pour trouver une nouvelle légitimité à la PAC, il faut considérer l’agriculture (et non le produit agricole) comme
un « bien public européen »
La légitimité au début des années 60 :
- L’indépendance alimentaire de pays européens solidaires
- Les effets négatifs sur l’évolution les revenus et la population agricole engendrés par les mécanismes du
marché
Une nouvelle légitimité : L’agriculture « un bien public européen » ?
- Une aide aux revenus agricoles justifiée essentiellement pour les agriculteurs des nouveaux entrants
- Une aide fondée sur de nouveaux critères : La « multifonctionnalité » (Uruguay round), en dehors de la
production de biens alimentaires, les rôles de l’agriculture peuvent être le maintien de l’emploi rural, l’animation
de la vie sociale dans des régions délaissées, le respect des équilibres de population, la protection de la nature et
l’amélioration de la santé collective.
Mais la construction d’une nouvelle Pac ne se fait pas totalement selon ces principes, elle est largement le
résultat d’un rapport de force entre deux grands groupes : Les Etats unis et l’Europe.
Les biens publics européens
Cette approche a pour origine une réflexion sur la nature particulière des biens publics mondiaux, qui peut être
appliquée au niveau européen. Il n’y a pas de définition précise, formelle et institutionnalisée des « biens publics
mondiaux », mais nous pouvons tirer des différentes contributions à cette réflexion un certain nombre de traits
propres à ce type de biens.
Il est à noter, tout d’abord, que la notion de biens est prise ici dans un sens très large : ce peut être une ressource
ou une production, matérielle ou immatérielle. Ses particularités par rapport à un bien public national résident
dans le fait que ses effets vont au-delà des frontières et, donc, que sa production ne peut avoir pour origine qu’un
dépassement volontaire des souverainetés nationales. En outre, il faut insister sur l’importance des effets
d’accumulation de ces biens sur le développement économique et social (« externalités de stock »), en particulier
celui des autres pays et celui des générations futures, que ce soit de façon positive, comme l’accumulation de
connaissances, ou négative, comme celle des déchets non périssables (approche en terme de « développement
durable »). Enfin, comme tout bien public, lorsqu’ils sont mis à la disposition des agents, leur consommation est
non rivale, c'est-à-dire que l’usage de l’un ne diminue pas celui de l’autre, et non exclusive, personne ne pouvant
être exclu de leur consommation.
Il y a débat sur les domaines concernés par l’approche en terme de bien public international. S’il y a peu de
discussions pour y inclure la lutte contre les épidémies, le respect de l’environnement, le maintien de la paix ou
des grands équilibres financiers, l’accord est plus difficile concernant des questions pour lesquelles les
préférences idéologiques ou culturelles sont fortes comme les droits fondamentaux de la personne, la protection
sociale des individus ou les choix de développement.
Cette réflexion sur les biens publics internationaux ne peut donc pas être dissociée de celle concernant les limites
du droit public international et donc des souverainetés nationales : jusqu’à quel point les lois internationales
doivent-elles s’imposer aux Etats ?
3. L’économie de la connaissance
3.1 L’économie de la connaissance un « bien public européen » par excellence
- La connaissance est un bien dont la consommation est par nature non exclusive et non rivale.
- Les effets positifs d’une connaissance sont d’autant plus importants qu’elle se diffuse facilement et qu’elle est
utilisée par une pluralité de personnes (« externalité de réseau »)
- Les coûts de production de la connaissance sont plutôt élevés et fixes. Des économies d’échelle importantes
sont donc possibles et la coopération est souvent nécessaire.
- Pour que la connaissance produise une efficience maximale, il faut qu’elle soit gratuite et diffusée le plus
largement possible. Mais, dans ce cas, aucun agent privé n’aura intérêt à se lancer dans sa production, d’autant
que cette dernière est souvent coûteuse et risquée.
3.2 La stratégie de Lisbonne
Les 23 et 24 mars 2000, le Conseil européen lançait la stratégie de Lisbonne avec pour objectif que l’Union
devienne avant 2010 « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde,
capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de
l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale dans le respect de l’environnement ».
Les cinq engagements de Lisbonne
- Promouvoir l’économie de la connaissance : augmenter les dépenses publiques et privées de recherchedéveloppement, amplifier la création et la diffusion d'un capital scientifique, technologique et intellectuel,
développer l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC).
- Renforcer le marché unique : ouverture de secteurs jusqu'ici abrités et protégés, suppression des barrières à la
libre circulation des marchandises, mais aussi des services et des capitaux, application de façon équitable les
règles relatives à la concurrence.
- Instaurer un climat plus favorable pour les entreprises et les affaires : allégement des charges administratives,
aides à la création d’entreprise, amélioration et harmonisation de la législation.
- Accroître la flexibilité et la capacité d'adaptation sur le marché du travail tout en préservant la cohésion
sociale : augmentation des niveaux d'éducation et de formation tout au long de la vie, application au marché du
travail des politiques dynamiques, progression des taux d’emploi, adaptation des systèmes de protection sociale.
- Raisonner en terme de croissance durable (ce dernier volet a été ajouté à Göteborg par le Conseil européen) :
mise en pace de mesures environnementales adaptées, développement des éco-innovations et c.
La méthode choisie pour atteindre ces résultats : La MOC (« méthode de coordination ouverte ») qui vise à
laisser aux Etats la choix de mener les politiques qu’ils souhaitent pour atteindre les objectifs de Lisbonne,
d’informer sur les meilleures pratiques et ainsi, faire pression sur les économies les moins performantes afin
d’assurer une convergence des politiques nationales.
Les résultats à mi-parcours :
Le rapport de l’ancien premier ministre néerlandais Wim Kok est, en novembre 2004, très négatif.
Ce bilan fait dire aux chercheurs de l’OFCE que « la moitié d’un quart de la « stratégie de Lisbonne » a … été
remplie jusqu’à présent » (Lettre de l’OFCE n°259, 23 mars 2005)
La stratégie de Lisbonne, y compris dans sa nouvelle version (après 2005 : « stratégie de Lisbonne revisitée »),
est fondée sur le raisonnement suivant : l’achèvement du marché unique par la régression des barrières
nationales, par la promotion de la concurrence dans tous les domaines, particulièrement dans les services, et par
la création d’un environnement plus favorable aux entreprises, devait permettre le développement de
l’innovation et des secteurs fondés sur la connaissance. Ce développement devait déboucher sur une forte
croissance de la productivité source de moyens supplémentaires pour améliorer la situation de l’emploi et la
cohésion sociale, mais aussi pour promouvoir un développement durable.
Cette croyance dans la dynamique du marché et dans la responsabilité des Etats semble donc peu adaptée à la
mise en place d’une économie de la connaissance.
Une nouvelle fois, alors que ce type d’économie est, de l’avis de tous, un domaine pour lequel la dimension
européenne est totalement justifiée, les Etats qui composent l’UE et les institutions européennes ne se donnent
pas les moyens de le maîtriser. L’objectif politique, dynamiser de façon active et directe l’économie de la
connaissance, n’est pas assumé.
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