SEMINAIRE SUR LA LIBERTE D’EXPRESSION :
LE THEATRE, UNE AFFAIRE D’ETAT
Marion Duquesne
Anne Gablin
Fanny Lilas
Marie Waroquier
Morgane Widauvw
2
INTRODUCTION (ANNE GABLIN) 3
I. LE FONCTIONNEMENT DU THEATRE DE SERVICE PUBLIC ET SES
REPERCUSSIONS SUR LA LIBERTE D’EXPRESSION 8
A. Le Théâtre : une activité qui nécessite des subventions extérieures. La reconnaissance statut particulier
influant sur la liberté d’expression (Morgane Widauwm) 8
1. Le Théâtre : une activité dont la survie est difficile sans un apport financier extérieur 8
2. La reconnaissance du statut d’intérêt général du théâtre, longtemps réclamée et son statut de service public :
des incidences sur la liberté d’expression 11
B. Le cadre juridique des représentations théâtrales (Fanny Lilas) 15
1. Les droits de l’auteur (et voisins), un frein à la liberté d’expression ? 15
2. Intermittence et liberté d’expression. 18
II. LA DIMENSION SOCIALE ET CITOYENNE DU THEATRE 21
A. La notion d’ordre public, la dimension sociale et symbolique du théâtre (Marie Waroquier) 21
1. L’encadrement juridique de la liberté d’expression pour des motifs d’ordre public 22
2. De la censure à l’autocensure, de nouvelles formes de limitations de la liberté d’expression 28
B. Le Droit à la Culture et ses limites (Marion Duquesne) 33
1. Un droit à la culture affirmé 33
2. Les limites de la démocratisation culturelle : le droit de recevoir non effectif. 36
CONCLUSION (ANNE GABLIN) 39
BIBLIOGRAPHIE 41
ANNEXES 42
3
INTRODUCTION (Anne Gablin)
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » (Le mariage de Figaro, acte 5,
scène 3, Beaumarchais). Déjà Beaumarchais expose dans son théâtre les relations tendues qui
l’opposent à la censure royale.
Observer les relations entre Etat et théâtre à travers le prisme de la censure permet de mettre à
jour les relations complexes qui se tissent entre la revendication de libre expression des
artistes, des créateurs, et le nécessaire ( ?) contrôle de l’Etat.
Le terme de censure, renvoie à deux réalités différentes. Elle peut être la manifestation d’une
autorité qui condamne une forme de discours ou de représentation contraire aux règles
établies. Elle est aussi une forme de refoulement conscient ou inconscient de l’écrivain qui
s’interdit une parole.
Au fil des siècles, on constate que la relation entre la création et le pouvoir, d’abord
gouvernée par un système répressif et une censure préventive, plus ou moins stricte, fait
place à partir de 1906, date de l’abolition de la censure théâtrale, à une relation soumise
aux impératifs du service public.
Longtemps, le pouvoir religieux a exercé, au nom du pape un contrôle strict sur les différentes
formes artistiques et a censuré celles qui lui paraissaient menacer le bon ordre religieux. Puis
s’est superposé à cela, une censure politique destinée à affirmer le pouvoir absolu du roi.
Toléré comme divertissement contrôlé par des règles établies, le théâtre s’est vu interdire
lorsque son propos devenait frondeur. Ainsi, la peur et les attentes du pouvoir ont longtemps
pesé sur la liberté de création des dramaturges. En effet il semble que le Théâtre exerce sur les
détenteurs du pouvoir une sorte de « fascination inquiète, faite d’admiration et de défiance,
qui les a incité à le tenir en surveillance et à encadrer son activité ».
1
1
Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, CNRS édition, 2001, article « politique du
théâtre »
4
De 1402 à 1791, le théâtre français s’apparente à un système monopolistique : un seul théâtre,
une seule troupe à Paris possède le monopole du théâtre parlé. Ce privilège est donné aux
Confrères de la Passion en 1402, par lettre patente de Charles VI et sera renouvelé par les rois
successifs. Les troupes venant de l’extérieur, peuvent éventuellement se produire, sous le
contrôle des Confrères et moyennant le versement d’une redevance. Vers 1630, alors que
Paris possède seulement 1 théâtre, on en trouve 15 à Londres et 40 à Paris. La création
théâtrale ainsi restreinte, permet au pouvoir politique un contrôle facilité. L’autorité royale
gardant la mainmise sur le seul « média » de l’époque.
L’arrivée de Richelieu au poste de ministre d’Etat permettra l’évolution du statut du théâtre en
France. Richelieu deviendra ainsi le premier protecteur d’un art qu’il affectionne
particulièrement et mettra en place un mécénat de type étatique, qui coexiste avec un cénat
privé, de moindre mesure.
Avant 1701, la censure fonctionne a posteriori, une fois que la représentation a eu lieu, il
s’agit alors d’un système répressif. En 1701, un contrôle préventif des pièces est instauré, et
se superpose au système répressif, tout texte destiné à la scène doit obtenir l’approbation
préalable du Lieutenant général de Police.
Au XVII° siècle, le roi possède également un droit de censure : « le privilège du roi ».
Tartuffe, de Molière sera par exemple censuré sous pression de la Cabale des dévots. La pièce
sera ainsi interdite à la demande de l’archevêque de Paris.
Avant d’imprimer son oeuvre, l’auteur doit la soumettre au Chancelier. Les passages jugés
choquants sont supprimés et le gouvernement garde un exemplaire de l’œuvre originale.
Au XVIII° siècle, tous les écrits sont examinés par les censeurs avant d’être publiés. Le texte,
pour être autorisé ne doit contenir rien de contraire à la religion, à l’ordre public ou aux
bonnes mœurs. Un texte publié sans la permission du gouvernement peut être brûlé par
l’exécuteur public et l’imprimeur mis en prison. Ainsi, beaucoup d’œuvres de Voltaire ont été
brûlées. En 1757, Damien tente d’assassiner Louis XV, s’en suit une censure plus sévère :
quiconque jugé pour avoir écrit ou imprimé des oeuvres tendant à attaquer le pouvoir ou la
religion, ou à troubler l'ordre et la tranquillité du royaume était mis à mort. Cet épisode
illustre la manière dont la censure évolue selon les époques, étant appliquée de façon plus ou
moins sévère en fonction de la menace que craint le pouvoir.
5
Face à une censure si forte, les écrivains adoptent différentes stratégies de contournement. Les
auteurs font, par exemple imprimer leurs textes à l’étranger (Amsterdam, Genève…) et les
font entrer clandestinement en France. Voltaire a parfois écrit de manière anonyme. Un autre
moyen consiste à situer le récit dans des temps lointains ou dans des pays étrangers ou
imaginaires… (cf. pièces de Beaumarchais)
Si la Révolution constitue sans aucun doute un moment important dans la création du lien
nouveau entre théâtre et Etat, le public représente alors la Nation et toute représentation
théâtrale est un acte politique, elle n’amène pourtant pas de changement notable dans la
relation entre théâtre et Etat dans le domaine de la censure. En effet, si la censure est abolit
durant la Révolution française à travers l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme
et du Citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus
précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à
répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » et par les lois des 13 et
19 janvier 1791, très rapidement elle est rétablit par Bonaparte. Débute alors une longue
période d’alternances entre des régimes autoritaires qui abusent de la censure et des régimes
plus libéraux.
La liberté de la presse, instaurée en 1881, permet de dénoncer l’existence d’une censure
théâtrale. A Paris, la censure est exercée entre 1874 et 1906 par 5 inspecteurs placés sous les
ordres du Directeur des Beaux arts. Ces fonctionnaires lisent les chansons, les pièces de
théâtre…avant leur représentation. C’est à cette époque que le caricaturiste André Gill,
invente la figure d’Anastasie symbolisant la censure (voir couverture). Le public est alors
considéré comme une masse qui ne réfléchit pas. L’État a donc le « devoir » de contrôler ce
qui est représenté. Les différentes fragilités que connaît la IIIème République : la Commune,
les crises de la République, du boulangisme, l’affaire Dreyfus raniment les peurs de l’Etat.
Ainsi, en 1887, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux Arts justifie l’existence de
cette censure en faisant référence à 1848 : les attaques contre Proudhon dans les théâtres
avaient créé un climat propice au coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte. Cette
intervention souligne les potentialités politiques du théâtre.
La censure théâtrale prend fin en 1906, lorsque les crédits assurant son fonctionnement sont
supprimés.
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