VOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 74 Psychologie Clinique Étude de l’influence d’un atelier à médiation sensorielle stimulant la mémoire sur l’expression identitaire chez les personnes âgées souffrant de démence de type Alzheimer. STUDY OF THE INFLUENCE OF A THERAPEUTIC WORKSHOP USING MULTISENSORY STIMULATIONS ON THE REAFFIRMATION OF ONE’S IDENTITY AMONG SENIORS SUFFERING FROM ALZHEIMER’S TYPE DEMENTIA A.Moser Cette article est destiné à la recherche et à l'enseignement. Il ne peut être utilisé dans un but commercial. Psychologue Clinicienne [email protected] Cabinet de psychologie - 11, rue du Gué - 60440 Nanteuil-Le-Haudouin 75 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 Résumé Notre article étudie l’impact d’un programme court d’ateliers à médiation sensorielle sur l’expression identitaire et le mieux-être des personnes âgées atteintes de démence de type Alzheimer. La littérature et nos observations préalables nous laissent à penser que la stimulation de la sensorialité par le biais de médiations visuelles, auditives, olfactives, gustatives et tactiles peut faciliter la réappropriation de certains souvenirs autobiographiques. Nous postulons que l’émergence d’un sentiment d’identité est favorisée par la verbalisation de ces souvenirs, la prise de conscience des émotions en lien avec ces souvenirs et la dynamique de socialisation induite par le groupe. Nous cherchons à montrer que la réappropriation de ce sentiment d’identité s’accompagne d’un mieux-être chez les personnes âgées atteintes de démence de type Alzheimer. Les résultats obtenus nous permettent d’observer une augmentation de l’expression identitaire dans le discours des participantes, une multiplication des échanges entre elles ainsi que les indices d’une amélioration de leur vécu émotionnel. Nous notons également une tendance à la diminution de la symptomatologie dépressive. Abstract : ,QWKLVDUWLFOHZHVWXG\WKHLQÁXHQFHRIDWKHUDSHXWLFZRUNVKRSEDVHGRQPXOWLVHQVRU\VWLPXODWLRQVRQWKH ZHOOEHLQJRIVHQLRUVVXIIHULQJIURP$O]KHLPHU VW\SHGHPHQWLD/LWHUDWXUHDQGRXUSUHOLPLQDU\REVHUYDtions suggest that stimulation via the senses of touch, sight, earing, smell and taste may allow the recollection of forgotten episodes from the personal memory, even with people suffering from Alzheimer’s type GHPHQWLD7KHFHQWUDODVVXPSWLRQXQGHUO\LQJWKLVVWXG\LVWKDWWKHSHUVRQ VFRQFHSWRIVHOIDQGWKHUHIRUH his identity is based on the verbal expression of those memories and the capacity to be aware of the link EHWZHHQWKHSHUVRQ VPHPRU\DQGWKHJURXSG\QDPLF:HVHHNWRVKRZWKDWWKHUHDIÀUPDWLRQRIDSHUVRQ V identity is followed by an increased well-being among seniors with Alzheimer’s type dementia. The results show that the subjects tend to be more assertive about their identity. We perceive an increase in social interactions between the subjects and signs of improvement in their emotional experiences. We also note that depressive symptoms tend to decrease. Mots clés: Démence de type Alzheimer, atelier à médiation sensorielle, sentiment d’identité, mieux-être au quotidien. Keywords: Alzheimer’s type dementia, therapeutic workshop, multisensory stimulations, one’s concept of self, well-being in the everyday life. INTRODUCTION Au cours de ces vingt dernières années, les démences de type Alzheimer – ou DTA1 - se sont imposées sur le devant de la scène médicale. Les autorités de santé considèrent à présent cette pathologie comme un enjeu de santé publique. Elle touche environ 26 millions de personnes dans le monde, dont 850 000 Français. Elle frappe principalement les personnes âgées – 25% des plus de 80 ans – mais elle peut également survenir beaucoup plus tôt (Fondation pour la recherche médicale, 2012). Les personnes atteintes de DTA doivent faire face à des altérations cognitives qui impactent leur relation au monde et à elles-mêmes. Les conséquences des pertes mnésiques, sociales et identitaires contribuent à faire de la DTA une maladie connue et redoutée par la majorité des Français (TNS-Sofres, 2008). Compte tenu des préoccupations croissantes concernant cette pathologie, le 1er février 2008, le président de la République lançait le plan 1. Nous utilisons le terme de DTA plutôt que celui de maladie d’Alzheimer car il permet de rendre compte de la pluralité des manifestations pathologiques et des différences intersubjectives dans l’expression des symptômes. 76 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 Alzheimer 2008-2012. À l’aube de la cinquième et dernière année de ce plan, le bilan dressé révèle que, bien que la majorité des objectifs aient été atteints, l’amélioration concrète de la qualité de vie des malades reste problématique (4e anniversaire du Plan Alzheimer 2008- 2012, 2012). La présente étude a pour origine l’observation du quotidien de personnes âgées souffrant de DTA en Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes – EHPAD – à Paris : les altérations cognitives caractéristiques de la DTA compromettent le sentiment d’identité, les capacités relationnelles et le vécu émotionnel de la personne âgée, ce qui entraîne une dégradation de la qualité de vie. Cette constatation induit plusieurs interrogations : La personne âgée souffrant de démence de type Alzheimer peut-elle encore ressentir du plaisir et accéder à un mieux-être au quotidien ? Quelles sont les méthodes WKpUDSHXWLTXHV j OD GLVSRVLWLRQ GX SV\FKRORJXH FOLQLFLHQ DÀQ G·DLGHU OD SHUVRQQH kJpH j IDLUH IDFH DX[ processus de déconstruction et d’autodestruction qui résultent des pertes causées par la DTA ? Comment adapter le travail thérapeutique aux besoins des personnes âgées souffrant de démence en EHPAD ? Cadre théorique de l’étude Étymologiquement, la démence fait référence à la perte de l’esprit. Dans le cas des DTA, il serait plus juste de parler de « déconstruction de la pensée » (Péruchon, 2011). Celle-ci se manifeste par une dégradation progressive et irréversible des fonctions intellectuelles. Les principaux symptômes sont les défaillances de la mémoire, la désorientation temporo-spatiale, les altérations de la pensée et du langage, OHVGLIÀFXOWpVGHFRQFHQWUDWLRQOHVWURXEOHVGXMXJHPHQWODSHUWHGHO·DXWRQRPLHGHO·LQWpUrWHWGHOD capacité à reconnaître les objets ou les visages familiers. Selon les individus et les stades de la pathologie, ils s’accompagnent parfois d’une agitation, d’accès intempestifs d’agressivité, d’hallucinations ou de stéréotypies (Le Gouès, 2008). À ces symptômes cognitifs viennent se mêler des troubles appelés « comportementaux », expression du cataclysme que subit la vie psychique. Au fur et à mesure que la DTA attaque les processus de pensée, la vie psychique de la personne s’appauvrit. Péruchon (2011) explore les effets de cette pathologie sur la pensée des personnes âgées. Elle postule que la pensée parcourt en sens inverse son schéma de développement, processus qu’elle nomme « involution de la pensée » (p.18). La personne âgée souffrant de démence se trouve ainsi prise dans un mouvement de déSV\FKLVDWLRQTXLUDPqQHSURJUHVVLYHPHQWODSHQVpHUpÁH[LYHYHUVOHVRPD,OQHV·DJLWSDVG·XQHSULPDXWp du somatique comme dans le vieillissement non-pathologique mais d’une progressive déconstruction psychique qui entraîne un retour à la primarité par le biais de la déliaison de la pensée (Péruchon, 2011). Christen-Gueissaz (2004) prend en considération l’impact de la régression de la pensée sur le sentiment d’identité. La pensée d’un individu constitue son socle identitaire, ce qui lui permet de se différencier des autres et de maintenir une conscience de soi dans le temps et dans l’espace. Quand l’individu n’est plus à PrPHG·LQYHVWLUODSHQVpHUpÁH[LYHTX·LOQHSHXWSOXVOLHUOHVUHSUpVHQWDWLRQVGHPRWVDX[UHSUpVHQWDWLRQV G·REMHWV LO V·DSSXLH VXU VRQ pSURXYp pPRWLRQQHO DÀQ GH FRQVFLHQWLVHU VHV H[SpULHQFHV$X VWDGH VpYqUH de la maladie, la pensée va chercher à s’étayer sur le corps : le vécu sensoriel et l’enveloppe corporelle vont permettre à la personne âgée de maintenir une certaine identité et une impression d’existence dans le monde, à la manière du nourrisson qui utilise le psychisme de sa mère comme étayage à la construction de son individualité (Anzieu, 1985). À ce stade, les expériences sensitives et sensorielles sont utilisées par le sujet pour convoquer des traces mnésiques ou résidus de souvenirs comme moyen de se rassurer sur son sentiment d’identité et d’existence (Péruchon, 2011). Cette tentative d’adaptation et de régulation d’un vécu de perte de soi s’accompagne d’une dépendance aux objets externes, ce qui se manifeste par une angoisse d’abandon ou d’envahissement. Ambivalente, la personne souffrant de DTA va tenter de lutter contre ce sentiment en s’isolant des autres. Le regard posé par la société sur la démence va accroître ce retrait relationnel (Maisondieu, 1989). Avec l’avancée de la pathologie, l’angoisse ressentie va laisser place à la dépression consécutive aux pertes subies et à l’impossibilité de se projeter dans le futur (Starkstein et Mizrahi, 2006). Aux stades sévère et WHUPLQDOOHOLHQHQWUHSV\FKpHWVRPDÀQLWSDUVHURPSUH/DSHUVRQQHkJpHVHWURXYHDORUVFRXSpHG·HOOH même, aux prises avec un vécu de perte identitaire qui s’accompagne d’un isolement social et, au niveau émotionnel, d’un état apathique. 77 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 Le vécu des personnes âgées atteintes de démence est ainsi caractérisé par des pertes douloureuses – perte de soi, perte de la relation à l’autre, perte de l’équilibre émotionnel – et pourtant l’individu continue à vivre. À tout moment de la maladie, le bien-être et le plaisir peuvent être ressentis. Les suivis psychothérapeutiques – associés aux traitements biochimiques qui permettent d’atténuer la douleur des symptômes physiologiques – aident la personne à donner du sens à son vécu et à préserver le plus longtemps possible un sentiment d’identité. Le psychologue joue ici un rôle déterminant. Certaines pratiques cliniques, telles que les techniques de groupes comme les ateliers à médiation thérapeutique, permettent de prendre en compte la dimension somato-psychique dans l’accompagnement personnes âgées souffrant de DTA vers un mieux-être. Les nombreuses théories psychosociales, psychanalytiques, cognitives et comportementalistes qui ont étudié le groupe mettent en évidence ces qualités thérapeutiques. Il procure à la personne un espace favorisant son individuation grâce aux mécanismes d’intégration et de différenciation (Aebischer et Oberlé, 1998). Bion (1961) et Kaës (1976) insistent sur la fonction contenante du groupe pour la psyché individuelle. Le groupe est également moteur de changement (Brabender, 2002) et notamment de changements intrapsychiques. Fonagy, Gergely, Jurist & Target (2004) postulent que l’interaction entre l’identité de l’individu et celles des autres membres du groupe permet d’accéder à une meilleure conscience de soi, de ses émotions et de son vécu propre. Verdon (2012) met l’accent sur les avantages du travail thérapeutique en groupe dans la prise en charge des personnes âgées souffrant de démence, et notamment de DTA. La participation au groupe favorise l’équilibration psychique du moi grâce au sentiment d’appartenance et de différenciation. Les interactions avec les autres participants accompagnent la mise en place de nouveaux liens sociaux et le développement GHVFDSDFLWpVGHFRPPXQLFDWLRQ/HJURXSHSHUPHWHQÀQG·KpEHUJHUOHVPDQLIHVWDWLRQVpPRWLRQQHOOHVGHOD personne et de l’aider à juguler l’angoisse dont elle peut souffrir. Dans le champ des pratiques thérapeutiques en groupe, les ateliers à médiations sont un moyen d’aider la personne âgée à investir l’espace du groupe sans pour autant effracter ses défenses. Elles font appel au corps de la personne tout en stimulant sa créativité (J.-L. Sudres, G. Roux, M. Laharie & F. de La Fournière, 2004). Cette technique permet également de réintroduire la notion de plaisir dans le quotidien institutionnel des personnes âgées : plaisir à faire une activité valorisante, plaisir à être avec les autres, plaisir à verbaliser, partager et penser, plaisir à ressentir (Ozdemir & Akdemir, 2009). /DSUpVHQWHpWXGHYLHQWTXHVWLRQQHUOHVWHFKQLTXHVjODGLVSRVLWLRQGXSV\FKRORJXHDÀQG·DFFRPSDJQHUOHV personnes âgées vers un mieux-être et une réappropriation du plaisir dans le quotidien malgré les altérations causées par la DTA. Problématique, objectif de l’étude et hypothèse Problématique Cette étude cible l’expression du sentiment d’identité chez les personnes âgées souffrant de DTA : nous postulons que la réappropriation de certains aspects de leur personnalité s’accompagne d’une amélioration de l’humeur et d’un mieux-être. La question qui sous-tend cette recherche est la suivante: Comment le psychologue peut-il accompagner la réactivation de l’expression identitaire chez la personne âgée souffrant de DTA ? Objectif de l’étude Au regard des différentes théories concernant la déconstruction de la pensée dans la démence et la prise en charge thérapeutique des personnes âgées, nous avons cherché à répondre à cette question en met- 78 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 tant en place un programme court d’ateliers à médiations multi-sensorielles. L’objectif de cette étude est G·REVHUYHUOHVUpDFWLRQVGHVSHUVRQQHVVRXIIUDQWGH'7$DXFRXUVGHFHVDWHOLHUVDÀQGHPHWWUHHQpYLGHQFH les facteurs à l’origine de l’émergence d’un sentiment d’identité et la possibilité d’une évolution vers un mieux-être pour les participants. Hypothèses Nous postulons que l’émergence d’un sentiment d’identité dépend de trois facteurs : 1. La remémoration des souvenirs 1RXVDYRQVFKRLVLFRPPHPpGLDWLRQWKpUDSHXWLTXHOHVVWLPXODWLRQVPXOWLVHQVRULHOOHVDÀQGHIDLUHDSSHO aux traces mnésiques ou résidus de souvenirs. Nous postulons qu’en réveillant certains souvenirs à l’aide de stimulations sensorielles, les personnes âgées seraient à même de se réapproprier des aspects de leur histoire de vie et d’avoir ainsi une conscience plus précise de leur identité. 2. La prise de conscience du vécu émotionnel La remémoration de souvenirs s’accompagne d’une forte coloration émotionnelle. Nous avons donc travaillé, au cours des ateliers, à l’expression des émotions. Nous postulons que la prise de conscience de son vécu émotionnel participe à la réappropriation du sentiment d’identité. 3. La dynamique de socialisation Nous avons choisi l’atelier comme cadre thérapeutique car nous postulons que la dynamique de groupe offre à la personne âgée un espace contenant et rassurant qui vient favoriser la verbalisation des souvenirs et l’expression du vécu émotionnel, facilitant ainsi l’émergence du sentiment d’identité. Cadre expérimental Nous avons mis en place une étude qualitative à partir des observations cliniques des deux responsables de l’atelier. Des entretiens individuels semi-directifs avec les participants, une grille d’auto-évaluation du vécu émotionnel et une échelle de la dépression (échelle MADRS) complètent l’étude qualitative. Le tableau 1.1 présente les différentes étapes de l’étude. - Pré-étude $YDQWGHFRPPHQFHUOHUHFXHLOGHGRQQpHVQRXVDYRQVPHQpXQHSUppWXGHDÀQG·pYDOXHUGHODIDLVDELlité de l’atelier à médiations sensorielles. Les observations suivantes ont été faites : /HVSHUVRQQHVkJpHVG·DERUGLQKLEpHVSUHQQHQWSURJUHVVLYHPHQWFRQÀDQFHHQHOOHVVXIÀVDPPHQWSRXU investir la stimulation sensorielle proposée en début d’atelier. Les stimulations auditives et gustatives sont particulièrement favorables à l’émergence de souvenirs en rapport avec des sensations de plaisir, alors que les stimulations visuelles et tactiles font davantage appel à l’intellectualisation. 0rPHV·LOH[LVWHGHVGLIÀFXOWpVGHFRPPXQLFDWLRQOHVSDUWLFLSDQWVVRQWFDSDEOHVGHSUHQGUHSDUWjOD conversation et de partager leurs souvenirs en groupe. 8QJURXSHGHSOXVGHVHSWSDUWLFLSDQWVHVWGLIÀFLOHjJpUHUSRXUOHUHVSRQVDEOHGHO·DWHOLHUHWQHIDYRULVH pas l’échange. 79 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 Une différence d’âge ou de pathologie trop importante entre les participants inhibe les contacts et les échanges entre eux. Un groupe ouvert perd de ses qualités d’étayage, de contenance et de stabilité. &HUWDLQVpOpPHQWVRQWpWpPRGLÀpV Nous avons choisi de travailler avec un groupe fermé de six personnes âgées, de sexe féminin, qui avaient en commun un diagnostic de DTA établi soit lors de leur arrivée en EHPAD par le médecin référent, soit lors d’une hospitalisation. Nous avons circonscrit les ateliers dans le temps en proposant un programme basé sur dix séances autour de deux thèmes. Nous avons proposé une stimulation sensorielle différente à chaque atelier. Le cinquième et dernier atelier du cycle était un atelier de synthèse : l’ensemble des stimulations utilisées au cours des précédents ateliers était proposé aux participantes et la verbalisation portait sur les souvenirs que chaque stimulation avait éveillés. À partir de cette organisation, nous avons commencé la sélection des participants à l’étude et le recueil de données. Population L’étude s’est déroulée avec une population féminine de six personnes âgées atteintes d’une démence de type Alzheimer. Ce nombre restreint est volontaire. Les participantes se trouvent dans une tranche d’âge entre 82 et 92 ans avec un âge moyen de 88 ans et demi. Elles résident en EHPAD depuis en moyenne trois ans et demi : la plus ancienne résidente y habite depuis presque sept ans et la dernière arrivée s’est installée dans la résidence en décembre 2010. L’ensemble des participantes est issu d’un milieu modeste – ouvrier ou agricole – et durant leur vie professionnelle elles ont été employées (dans des bureaux, dans le commerce ou dans des usines). Veuves ou célibataires, elles ont peu de famille, ne reçoivent que très rarement des visites et se trouvent donc dans un certain isolement social. Le tableau 1.2 présente les caractéristiques des participantes de l’étude. En raison du stade évolué de la démence, certains facteurs cognitifs et émotionnels sont à prendre en compte dans la conduite de l’étude. 1RXVDYRQVUHWHQXTXDWUHFULWqUHVGLVFULPLQDQWVDÀQG·LQFOXUHODSRSXODWLRQGDQVOHJURXSHG·pWXGH Le score obtenu par les participantes au MMSE (Mini Mental State Examination) est inférieur à 24/30 ; La présence d’une pathologie dépressive évaluée par les scores obtenus à l’échelle MADRS (Montgomery and Asberg Depression Rating Scale) qui sont tous supérieurs au seuil critique – 15 points sur 60 - établi par Asberg & Montgomery (1979) ; L’isolement social ; L’accord verbal des personnes âgées et le consentement de leurs tutelles. Matériel clinique et recueil des données Ateliers à médiations sensorielles 80 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 Considérant les qualités que peut avoir le travail thérapeutique en groupe avec les personnes âgées souffrant de démence et la composante de plaisir qui résulte des ateliers à médiation thérapeutique, nous avons créé et mis en place un programme d’ateliers à médiations sensorielles qui permettrait aux participantes d’accéder à un état de mieux-être dans leur quotidien grâce à la verbalisation et au partage en groupe de leurs souvenirs. À chaque atelier, un sens différent est stimulé. Cette approche s’appuie sur les théories mettant en relation sensorialité et inscription mnésique des informations. La proposition de stimulations multi-sensorielles cherche à recréer le contexte sensoriel d’encodage en mémoire de l’information et de faciliter ainsi l’émergence de souvenirs auxquels les participantes n’auraient pas spontanément accès. Elle présente plusieurs avantages. Les stimulations sensorielles, présentées en début d’atelier, permettent aux participantes de sortir progressivement d’un état apathique et passif pour prendre part à l’atelier, sans pour autant effracter leurs inhibitions verbales. Les troubles sensoriels présentés par certaines participantes sont pris en compte grâce à la pluralité des organes stimulés. &HSURJUDPPHVHGLYLVHHQGHX[F\FOHVGHFLQTDWHOLHUVWKpPDWLTXHVDÀQGHIRXUQLUXQFDGUHpWD\DQWjOD pensée des participantes. Les questions trop ouvertes, les discussions libres ou les associations d’idées spontanées peuvent inhiber les personnes atteintes de DTA. Proposer un support thématique permet de sécuriser les participantes et d’encourager une prise de parole plus personnelle. /HVWKqPHVRQWpWpFKRLVLVDÀQG·DFFRPSDJQHUOHUHWRXUDX[DWWDFKHPHQWVGHO·HQIDQFH,OVIDFLOLWHQWDLQVL l’émergence de souvenirs. Nous abordons dans un premier temps les souvenirs des activités que l’on pouvait faire au Printemps. Ce thème permet aux participantes de s’inscrire dans une temporalité universelle. 'H SOXV LO HVW V\QRQ\PH GH UHQRXYHDX FH TXL LQVXIÁH XQH G\QDPLTXH SRVLWLYH DX IRQFWLRQQHPHQW GX JURXSH(QÀQLOSHUPHWG·DERUGHUOHVIrWHVGHODVDLVRQWHOOHVTXH3kTXHVRXOHHUPDLFHTXLPRELOLVHOHV souvenirs des pratiques familiales. Au cours du second cycle d’ateliers nous nous appuyons sur le thème de l’École. Propice à l’évocation des souvenirs d’enfance, il permet une mobilisation mnésique quant aux matières enseignées, aux outils utilisés, aux épreuves scolaires, ainsi qu’une mobilisation affective intense liée aux expériences personnelles telles que les amies de cœur, la relation avec l’enseignante, les punitions et les récompenses. 1RXVLQVWDXURQVXQWHPSVGHUpÁH[LRQVXUOHUHVVHQWLpPRWLRQQHODXGpEXWHWHQÀQGHVpDQFH­O·DLGH d’une grille d’évaluation des émotions2 et de reproductions d’œuvres d’art, nous tentons d’accompagner les participantes vers une prise de conscience et une verbalisation de leurs émotions. /DÀQDOLWpGHFHSURJUDPPHHVWGHSHUPHWWUHDX[SDUWLFLSDQWHVG·DFFpGHUjXQpWDWGHPLHX[rWUHDXTXRWLGLHQ1RXVQRXVÀ[RQVOHVREMHFWLIVVXLYDQWV Stimuler les capacités cognitives et notamment l’attention que les participantes pouvaient porter aux stimulations multi-sensorielles ; Accroître le sentiment d’identité grâce à la verbalisation de souvenirs personnels, le développement des capacités à communiquer avec autrui et la création de liens sociaux basés sur le partage de souvenirs communs ; Induire un changement de l’état d’apathie vers une meilleure prise de conscience du vécu émotionnel ; Atténuer la symptomatologie dépressive en conscientisant le plaisir pris à participer à une activité agréable. 2. Construite pour les besoins de l’étude, la grille des émotions permet d’obtenir des informations sur l’évolution de l’état émoWLRQQHOGHVSDUWLFLSDQWHVDXFRXUVGHVDWHOLHUVeODERUpHjSDUWLUGHODFODVVLÀFDWLRQGHVpPRWLRQVGH/D]DUXV/D]DUXVHOOH VHFRPSRVHGHGHX[FRORQQHVODSUHPLqUHFRORQQHSUpVHQWHOHVpPRWLRQVDVVRFLpHVjXQYpFXDJUpDEOH²ODMRLHODÀHUWpO·DPRXU affection, le soulagement, l’espoir et la compassion – la deuxième colonne présente les émotions en lien avec un vécu désagréable – la colère, la peur/anxiété, la honte, la tristesse, la jalousie/envie, le dégoût. Chaque émotion est illustrée par un pictogramme ²ÀJXUHGHERQKRPPH²DÀQGHIDFLOLWHUOHXUUHFRQQDLVVDQFH/HVSDUWLFLSDQWHVVRQWLQYLWpHVjVRXOLJQHUOHVpPRWLRQVTX·HOOHV UHVVHQWHQWSXLVFRWHUVXUXQHpFKHOOHGHj²VLJQLÀDQWWUqVIDLEOHHWWUqVIRUW²O·LQWHQVLWpGHOHXUYpFXpPRWLRQQHO 81 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 Chaque atelier se déroule de manière similaire. Il commence par un temps d’accueil nécessaire à l’investisVHPHQWGHO·HVSDFHGHO·DWHOLHUSDUOHVSDUWLFLSDQWHV6XLWXQWHPSVGHUpÁH[LRQVXUO·KXPHXUGXMRXUIDFLOLWp par l’utilisation de la grille des émotions. Puis les participantes sont invitées à mobiliser leur attention sur la stimulation sensorielle proposée. Ce temps leur permet de s’impliquer progressivement dans l’atelier et de prendre une place dans le groupe. Leur modalité de participation est verbalisée et interrogée par les UHVSRQVDEOHVGHO·DWHOLHUDÀQGHOHVDLGHUjSUHQGUHFRQVFLHQFHGHODG\QDPLTXHDFWLYHGDQVODTXHOOHHOOHV s’inscrivent. À la suite du temps de stimulation, elles sont invitées à associer librement leurs pensées. Les responsables orientent les idées qui émergent vers les souvenirs en posant des questions ou en évoquant les souvenirs qui leur sont venus à l’esprit. Après l’évocation en groupe des souvenirs, les participantes VRQWjQRXYHDXLQYLWpHVjUpÁpFKLUVXUOHXUUHVVHQWLpPRWLRQQHO(QÀQOHVUHVSRQVDEOHVFRQFOXHQWO·DWHOLHU en donnant rendez-vous aux participantes à la prochaine séance de manière à inscrire le groupe dans une dynamique de durée. $ÀQGHUHFXHLOOLUOHPD[LPXPGHGRQQpHVEUXWHVFKDTXHDWHOLHUHVWHQUHJLVWUp²DYHFO·DFFRUGGHVSDUWLFLSDQWHVGHOHXUWXWHOOHHWGHODGLUHFWLRQGHODVWUXFWXUH²SXLVUHWUDQVFULWOHSOXVÀGqOHPHQWSRVVLEOH/D retranscription du discours est enrichie par les observations croisées des deux responsables qui remplissent XQH JULOOH G·REVHUYDWLRQ FOLQLTXH j FKDTXH DWHOLHU &HV LQIRUPDWLRQV VRQW FRQIURQWpHV DÀQ G·DUULYHU j XQ FRQVHQVXV&HODSHUPHWDLQVLGHFRGLÀHUFHUWDLQVFRPSRUWHPHQWVHWGHVWDWXHUVXUO·pYROXWLRQGHVSDUWLFLSDQWHVDXFRXUVGHVDWHOLHUV/DJULOOHGHVpPRWLRQVUHPSOLHHQGpEXWHWHQÀQG·DWHOLHUFRPSOqWHQWOHVRXWLOV utilisés pour le recueil de données. Entretiens semi-directifs En prenant en considération les principes garants du bon déroulement d’un entretien avec une personne kJpHQRXVDYRQVYXOHVSDUWLFLSDQWHVHQHQWUHWLHQLQGLYLGXHOjODÀQGHFKDTXHF\FOHGHFLQTDWHOLHUV Ces entretiens ont plusieurs objectifs : Établir une relation individuelle contenante et sécurisante avec la personne ; Évaluer les capacités de verbalisation à l’extérieur du groupe ; Évaluer les souvenirs que la personne conserve des ateliers (le thème traité, les stimulations utilisées, les souvenirs qu’elle a partagés, les émotions qu’elle a ressenties) ; Interroger son vécu relationnel et émotionnel à l’extérieur du temps commun. Ils se déroulent de la façon suivante. Durant une quinzaine de minutes, nous interrogeons les participantes à l’aide d’un questionnaire semi-directif – Cf. critères cités plus haut. Ces questions servent également de base à une discussion plus générale. Elles sont volontairement fermées pour éviter les mouvements d’angoisse de la personne. Puis, nous lui restituons les souvenirs qu’elle a évoqués lors des ateliers. L’objectif GHFHWWHGpPDUFKHHVWGHOXLSHUPHWWUHGHSUHQGUHFRQVFLHQFHGHVFDSDFLWpVPQpVLTXHVTX·HOOHFRQVHUYHDÀQ de la revaloriser en tant que sujet. Les entretiens ne sont pas enregistrés. Leur retranscription permet d’obtenir des indications cliniques sur la manière dont les participantes évoluent au cours de notre étude, en complément des enregistrements des ateliers. Les entretiens se terminent sur la passation de l’échelle MADRS conçue pour estimer la présence et l’évolution d’une symptomatologie dépressive chez la personne âgée. Rôle du psychologue et cadre déontologique Dans l’animation d’un atelier à médiation thérapeutique, le psychologue responsable se doit d’être attentif aux 82 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 SDUWLFLSDQWVDÀQGHSUHQGUHHQFRPSWHOHVEHVRLQVSURSUHVjFKDTXHVXEMHFWLYLWpHWG·DFFRPSDJQHUOHVpYROXWLRQV SHUVRQQHOOHV0DLVLOHVWpJDOHPHQWJDUDQWGHO·pTXLOLEUHGXJURXSHHWGXFDGUHGHO·DWHOLHUDÀQG·DVVXUHUXQ espace contenant et sécurisant où chaque personne peut s’épanouir. Cela nous a demandé un ajustement de notre SRVLWLRQQHPHQWDÀQGHSRXYRLUrWUHjODIRLVXQPRWHXUGDQVOHJURXSHHWXQDSSXLSRXUFKDTXHLQGLYLGXDOLWp Le psychologue doit également pouvoir recevoir et contenir les mouvements émotionnels forts qui émergent lors de la réappropriation des souvenirs. Il peut s’agir d’angoisse, de tristesse, de colère ou d’agressivité. Mais, il est important de noter que les personnes souffrant de démence peuvent se sentir rapidement persécutées si l’on se montre trop intrusif vis-à-vis de leur vécu émotionnel. Nous devions donc trouver la juste GLVWDQFHDÀQG·DFFRPSDJQHUOHVSDUWLFLSDQWHVjFRQVFLHQWLVHUOHXUVpPRWLRQVVDQVSRXUDXWDQWHIIUDFWHUOHXUV défenses et devenir maltraitant. Le rôle de responsable psychologue d’un atelier à médiation sensorielle demande un ajustement permanent de sa position par rapport au groupe et par rapport aux individus. /HSV\FKRORJXHHVWpJDOHPHQWJDUDQWGXFDGUHGpRQWRORJLTXHGHO·DWHOLHUHWGHODUHFKHUFKH$ÀQGHJDUDQWLU un espace sécurisant et respectueux des participants, nous avons établi certaines règles. L’atelier repose sur la base de la participation volontaire. Si la personne choisit de participer à l’atelier, elle VHGRLWG·rWUHSUpVHQWHGXGpEXWMXVTX·jODÀQ%LHQTXHOHVSDUWLFLSDQWHVV·HQJDJHQWjDVVLVWHUjO·DWHOLHU une fois par semaine, il leur est tout à fait possible de refuser de prendre part à une séance. Face à un refus, nous prenons le temps d’expliciter avec la personne ses motifs. Quand ce refus est dicté par un mouvement d’abattement, de dépression ou d’apathie, nous veillons à ce que la participante en soit consciente. Cependant il est essentiel de lui laisser la liberté de choisir d’être présente ou non. Chaque participante doit pouvoir s’exprimer librement et être entendue au cours des ateliers. Il est donc essentiel d’établir comme règle de fonctionnement l’écoute de la personne qui parle et le respect de ce qu’elle dit. Les responsables du groupe à médiation sont garants de la répartition de la parole. Ils s’assurent que chacun a l’espace et le temps de s’exprimer, s’il le souhaite. Toute interruption, moquerie ou commentaire désobligeant est contenu. En attirant l’attention sur la parole, les participantes reconnaissent la présence de l’autre, mais prennent également conscience de leur propre présence dans le groupe et de ce que leur parole y apporte. /DFUpDWLRQG·XQHG\QDPLTXHGHJURXSHUHSRVHHQSDUWLHVXUODFRQÀDQFHHWFHOOHFLHVWJDUDQWLHSDUOD FRQÀGHQWLDOLWp6LOHVSDUWLFLSDQWHVRQWFRQVFLHQFHTXHFHTX·HOOHVpYRTXHQWQHVRUWLUDSDVGXFDGUHGHO·DWHOLHUHOOHVSUHQQHQWFRQÀDQFHHWSDUYLHQQHQWjYHUEDOLVHUGHVVRXYHQLUVSHUVRQQHOV/·DEVHQFHG·HVSDFHFORV UpVHUYpDX[DWHOLHUVGDQVO·LQVWLWXWLRQDTXHOTXHSHXPLVjPDOQRWUHVRXFLGHFRQÀGHQWLDOLWp3RXUUHPpGLHU à cela, nous avons demandé au personnel de l’étage de participer au bon déroulement des ateliers et au resSHFWGHVSDUWLFLSDQWHVHQDFFHSWDQWODUqJOHGHFRQÀGHQWLDOLWpFHTXLHVWGLVFXWpORUVGXJURXSHHVWSULYpHW ne doit pas être répété. Leur engagement repose sur leur éthique professionnelle et personnelle. Concernant les données recueillies pour notre étude, nous avons garanti aux participantes de taire leur identité et de déWUXLUHOHVQRWHVHWOHVHQUHJLVWUHPHQWVXQHIRLVTX·LOVQHVHUDLHQWSOXVXWLOHV&HWWHUqJOHGHFRQÀGHQWLDOLWpHVW la condition nécessaire à l’instauration d’un cadre sécurisant dans lequel la libre parole peut se développer. Méthode d’analyse des données L’analyse des données brutes repose sur une méthode qualitative qui tente de déterminer les facteurs à l’œuvre dans la réactivation d’un sentiment d’identité et dans le mieux-être des participantes. Nous avons procédé de la manière suivante. Une première lecture de l’ensemble du matériel clinique a été faite. 1RXVQRXVVRPPHVHQVXLWHUpIpUpHDX[WKpRULHVGH&KULVWHQ*XHLVVD]DÀQG·LGHQWLÀHUFLQTLQGLFDteurs de l’expression identitaire : /DFRQÀDQFHFRQÀDQFHHQVRLFRQÀDQFHHQDXWUXL 83 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 La présence au monde qui se traduit par l’attention portée à la réalité extérieure, la conscience des limites entre soi et l’environnement, la conscience de son corps et de ses sensations ; La possession (de ses sensations, de son histoire, de ses émotions) ; Le sentiment d’unité ; La cohérence de l’existence qui se manifeste par la capacité à intégrer les évènements passés, à s’approprier le présent et à se projeter dans l’avenir. Les théories d’Anzieu (1999), de Berne (1971) et de Bion (1965) ont été utiles à l’analyse de la dynamique de socialisation. Nous avons isolé quatre critères : L’expression de soi au sein du groupe ; Le mode de structuration du temps passé dans le groupe ; Le mode de communication entre les participants ; Le type de relations interpersonnelles qui se créent au cours des ateliers. L’expression émotionnelle est évaluée à l’aide de quatre critères déterminés à partir des théories de Fonagy, Gergely, Jurist & Target (2004) et de Linehan (2011) : Le comportement au cours de l’atelier indiquant un ressenti émotionnel ; L’expression non-verbale des émotions ; L’expression verbale des émotions ; La présence d’une dynamique de mentalisation (capacité à mettre en relation la situation vécue, les pensées, le ressenti émotionnel et le comportement qui en résulte). À la lumière de ces facteurs, les retranscriptions ont été analysées. Les indices d’une expression identitaire, d’une dynamique de socialisation et d’une expression émotionnelle ont été relevés pour chaque participante. Les scores obtenus à l’échelle MADRS ont statué l’évolution de la symptomatologie dépressive entre le GpEXWHWODÀQGHO·pWXGH /HVGRQQpHVGHVJULOOHVGHVpPRWLRQVRQWpWpWUDGXLWHVHQWDEOHDX[HWV\QWKpWLVpHVDÀQGHQHUHWHQLUTXHOHV pPRWLRQVSRVLWLYHVQRWpHVHQGpEXWHWHQÀQGHJURXSH'HFHWWHPDQLqUHQRXVDYRQVSXDYRLUXQHUHSUpVHQtation de la variation du vécu émotionnel des participantes au cours de chaque atelier. Cette analyse des données nous permet d’obtenir les résultats suivants. Résultats 7URLVUpVXOWDWVpPHUJHQWGHIDoRQVLJQLÀFDWLYH 1. Au cours du programme d’ateliers à médiation sensorielle, la symptomatologie dépressive aurait tendance à s’améliorer. Chez la majorité des participantes – cinq personnes sur six – on observe une tendance à l’amélioration des 84 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 V\PSW{PHVGpSUHVVLIVHQWUHOHGpEXWHWODÀQGHO·pWXGHDORUVTX·DXFXQGHVWUDLWHPHQWVPpGLFDPHQWHX[Q·D pWpPRGLÀpGXUDQWFHWWHSpULRGH&HVREVHUYDWLRQVVRQWLOOXVWUpHVSDUOHWDEOHDXHQDQQH[H /HVVFRUHVREWHQXVSDUOHVSDUWLFLSDQWHVPHWWHQWHQpYLGHQFHGHX[W\SHVGHSURÀOVFHUWDLQHVIRQWO·H[Sprience d’une diminution progressive et constante des symptômes dépressifs ; d’autres voient les symptômes dépressifs augmenter – notamment le sentiment de tristesse – avant de diminuer. Selon Starkstein & Mizrahi (2006), la symptomatologie dépressive dans la démence résulte de l’impuissance ressentie par la personne face aux pertes de mémoire, pertes identitaires et pertes relationnelles qu’elle subit. Ce programme d’atelier vient placer les participants dans une position active qui induit un sentiment de reprise de contrôle sur les pertes. Ils prennent également conscience de leur capacité à se souvenir, à ressentir et à partager avec les autres ce qu’ils sont et ce qu’ils pensent. Ce programme d’ateliers à médiation sensorielle semblerait favorable à la diminution des symptômes dépressifs. Il pourrait ainsi constituer un complément au traitement médicamenteux. 2. Les manifestations identitaires, relationnelles et émotionnelles sont davantage observées dans le discours et dans le comportement des participants. Évolution de l’expression du vécu émotionnel De manière générale, les expressions verbales et non-verbales du vécu émotionnel semblent plus imporWDQWHVjODÀQGHO·pWXGHTX·DXGpEXW$XFRXUVGHVDWHOLHUVOHVFRPSRUWHPHQWVHWOHVH[SUHVVLRQVGHVSDUticipantes témoignent d’un vécu émotionnel agréable. Elles nomment avec de plus en plus de facilité les émotions qu’elles éprouvent. Elles remplissent la grille des émotions avec de plus en plus d’aisance et les pPRWLRQVQRWpHVHQÀQG·DWHOLHUVRQWJOREDOHPHQWSOXVSRVLWLYHVTX·HQGpEXWG·DWHOLHU Le cas de la participante 4 nous paraît représentatif de cette évolution. Lors du premier entretien individuel, elle semblait fortement inhibée au niveau de l’expression de ses pensées et de la verbalisation de ses émotions. Interrogée sur ce qu’elle ressentait, elle répondait invariablement : « Je ne sais pas, non, je ne ressens rien » (Participante 4 – entretien individuel 1). Au niveau de l’expression non-verbale des émotions, nous observons, lors des ateliers sur le thème du Printemps, que la participante parvient progressivement à évoquer des souvenirs en lien avec des émotions agréables : « Moi j’allais faire l’ouverture des parcs : on peut se promener, on peut avoir des livres pour faire un peu de lecture…au soleil…sous l’ombre des arbres » (Participante 4 – atelier 2) ; «Ça m’est arrivé de pique-niquer…Ce n’est pas moi qui faisait le manger, celle qui nous le préparait, elle nous faisait de bons petits plats, tout mijotés. » (Participante 4 – atelier 4). Les sensations qu’elle évoque, par le biais de la verbalisation de souvenirs, suscitent l’émergence des émotions et nous observons des manifestations de plaisir dans son comportement et ses expressions faciales. ­ODÀQGHFHVDWHOLHUVHOOHGLWUHVVHQWLUGXERQKHXUHWO·LQGLTXHVXUODJULOOHG·pYDOXDWLRQGXYpFXpPRWLRQnel, mettant ainsi en évidence de nouvelles compétences dans l’expression verbale des émotions. Ce mouvement de manifestation émotionnelle en lien avec les sensations de plaisir qui émergent à travers les souvenirs se poursuit au cours de l’étude. Lors du deuxième entretien individuel, la participante 4 met en évidence une capacité de mentalisation de son vécu émotionnel: « Parler des souvenirs comme ça, ça réchauffe le cœur. Et puis on se rappelle comme ça différentes choses. C’est comme un partage ». Elle verbalise ainsi une prise de conscience des émotions qui émergent à partir des pensées qu’elle a et qui ont été provoquées par une situation extérieure, une stimulation. Cela témoigne de sa capacité à ressentir des émotions, à les verbaliser et à les élaborer sans se sentir envahie. Au niveau des comportements indiquant un ressenti émotionnel, elle investit progressivement son corps dans l’expression d’un vécu émotionnel positif : elle chante, applaudit, mime certains souvenirs. Lors du dernier entretien, alors qu’elle est interrogée sur ce qu’elle a ressenti durant les ateliers, elle répond: « Des 85 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 choses agréables, je me sentais bien» (Participante 4 – entretien individuel 3). Ainsi, les manifestations verbales et non-verbales du vécu émotionnel de la participante 4 ont augmenté au cours de notre étude. Celle-ci a progressivement prêté une attention plus importante à ce qu’elle ressentait et a pris conscience de ce que les souvenirs induisaient comme mouvements émotionnels. Évolution de la dynamique de socialisation Nous observons une tendance générale à l’augmentation des indices d’une socialisation entre les participantes au cours de l’étude. Elles sont capables de s’appuyer sur les discussions du groupe pour verbaliser des souvenirs personnels, ce qui indique une prise de conscience de leur existence comme membres d’un groupe. Elles passent du retrait à l’intimité en établissant des contacts physiques et en partageant des souvenirs personnels. Elles investissent le niveau informatif ou émotionnel de la communication. Les relations interpersonnelles se multiplient. Le parcours de la participante 1 offre un exemple de cette évolution. L’investissement des relations interpersonnelles se développe. En raison de l’avancée des troubles coJQLWLIVFDXVpVSDUOD'7$ODSDUWLFLSDQWHSUpVHQWHGHJUDQGHVGLIÀFXOWpVjSUHQGUHSDUWjODVWLPXODWLRQ puis à verbaliser les souvenirs qui lui reviennent en mémoire. Elle prend rapidement la place de la personne dont il faut s’occuper dans le groupe. Les mouvements régressifs qu’elle manifeste induisent, chez les autres participantes, un besoin de la materner et de la protéger. Comme les responsables, elles l’aident à participer aux stimulations puis la questionnent sur ses pensées, ses souvenirs et ses émotions. Elle s’appuie sur le discours des autres pour parvenir à formuler ses pensées. Au niveau de l’expression de soi au sein du groupeFHWWHSDUWLFLSDQWHDGHVGLIÀFXOWpVjIDLUHSUHXYHGH spontanéité et à s’exprimer au début du programme. Nous observons au cours du quatrième atelier sur le thème du Printemps qu’elle prend spontanément la parole à plusieurs reprises et se différencie des autres participantes en racontant un souvenir personnel : « Moi, j’avais un jardin et au printemps, j’y plantais des légumes » (Participante 1 – atelier 4). Au cours de cet atelier, nous notons une évolution du mode de structuration du temps passé dans le groupe. En retrait au début, elle investit l’activité en manipulant la terre – il s’agissait d’une stimulation WDFWLOHEDVpHVXUODPLVHHQWHUUHGHJUDLQHV²DOODQWFKHUFKHUGHO·HDXHWODYHUVDQWVXUOHSRWHWF­ODÀQGH l’atelier, elle se montre capable d’établir une certaine intimité avec les autres participantes en leur racontant un souvenir de sa mère. Le mode de communication de la patiente évolue : lors du huitième atelier, elle verbalise son vécu émotionnel : « ...je me sens bien, c’était bien, c’était agréable » (Participante 1 – atelier 8), ce qui témoigne l’introduction d’une composante émotionnelle dans un mode de communication qui était auparavant exclusivement informatif. L’observation de la participante 1 au cours des ateliers met en évidence son évolution : alors qu’elle est passive, inhibée et en retrait au début de l’étude – lors du premier atelier elle a refusé de prendre part à l’activité – elle investit le groupe en créant des liens avec les autres participantes et en s’inscrivant dans une dynamique de socialisation. Évolution du sentiment d’identité Les manifestations d’un sentiment d’identité dans le discours des participantes semblent augmenter entre le premier et le dernier atelier. L’exemple de la participante 5 apporte un éclairage clinique à ce résultat. Au niveau de la FRQÀDQFHHQVRLHWHQDXWUXLQRXVREVHUYRQVXQHpYROXWLRQVLJQLÀFDWLYH$XGpEXWGX programme, la participante 5 s’inscrit dans une dynamique de dévalorisation qui témoigne d’un manque de 86 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 FRQÀDQFHHQHOOHHWHQVHVFDSDFLWpVPQpVLTXHV©0DLVMHQHPHVRXYLHQVGHULHQPRLPDPpPRLUHHOOH n’est bonne à rien, et puis moi non plus » (Participante 5 – atelier 1). Cela s’accompagne d’un manque de FRQÀDQFHHQDXWUXLTXLV·H[SULPHSDUH[HPSOHSDUXQUHIXVGHVHMRLQGUHDXJURXSHTXDQGODUHVSRQVDEOH de l’atelier vient la chercher : « Mais qu’est-ce que vous me voulez ? Laissez-moi tranquille !» (Participante 5 – atelier 1). Toute sollicitation extérieure est, à ce moment, vécue comme une intrusion qui vient la menacer. Progressivement, la participante 5 prend la parole en groupe pour évoquer ses souvenirs, ce qui lui SHUPHWGHUHSUHQGUHFRQÀDQFHHQHOOH/RUVGXFLQTXLqPHDWHOLHUHOOHV·H[FODPH©2KPDLVM·HQDLUDFRQWp des choses ! » (Participante 5 – atelier 5) verbalisant ainsi une prise de conscience de ses capacités qui vient ODUHQDUFLVVLVHU(OOHHVWpJDOHPHQWSOXVjPrPHG·DFFHSWHUODSUpVHQFHGHO·DXWUHHWGHOXLIDLUHFRQÀDQFH (OOHVHOLHG·DPLWLpDYHFFHUWDLQHVSDUWLFLSDQWHVGXJURXSHHWDIDLWSUHXYHG·XQHSOXVJUDQGHFRQÀDQFHj l’égard des responsables de l’atelier. Interrogée sur cet aspect, elle répond : « Bah, c’est parce que je vous connais, des fois je me dis ‘tiens, la dame elle n’est pas venue’. Le matin parfois je pense à vous et je me disais ‘la dame va bientôt venir et qu’est-ce que je vais lui dire’ ? » (Participante 5 – entretien individuel 2). /HVHQWLPHQWGHFRQÀDQFHHQVRLTX·HOOHGpYHORSSHHVWDFFRPSDJQpG·XQHDWWHQWLRQjODUpDOLWpH[WpULHXUHHW à l’autre en particulier, d’une conscience d’appartenir à un groupe, d’y exister sans pour autant être envahie par la présence de l’autre, ce qui témoigne d’une évolution de sa présence au monde. Lors du quatrième atelier, quand la responsable vient la chercher pour participer au groupe, elle prend par la main la participante 3 assise à côté d’elle pour l’accompagner jusqu’à la table. /DSDUWLFLSDQWHGpYHORSSHXQHFRKpUHQFHGHO·H[LVWHQFH­ODÀQGHO·pWXGHHOOHHVWFDSDEOHG·DIÀUPHU son identité : « Moi, je suis bien contente que ce soit terminé, j’en avais marre de toutes ces questions. C’est ce que je pense, je suis comme ça et ça ne va pas changer ! » (Participante 5 – atelier 10). Avec cette exclamation, elle met en évidence des capacités à intégrer les éléments passés – les ateliers – d’être dans l’expression et la possession de ses sensations présentes – je suis bien contente que ce soit terminé – et de se projeter dans l’avenir – je ne vais pas changer. Elle témoigne ainsi d’’un sentiment d’unité. Interprétation Les résultats mettent en évidence une évolution plutôt positive des participantes au cours de l’étude. De manière générale, le sentiment d’identité, la dynamique de socialisation et l’expression du vécu émotionnel tendent à augmenter alors que les symptômes dépressifs semblent diminuer. Cette évolution peut être interprétée comme la création entre les participantes d’une psyché commune qui régule les mouvements d’angoisse et les affects dépressifs permettant à l’ensemble des participantes d’accéder à un mieux-être. Selon Anzieu (1999), le groupe est un lieu contenant qui sert de support aux fantasmes des individus. Ceux-ci l’investissent comme un espace bon et qui rejette sur l’extérieur leurs angoisses. Cela favorise la création d’un regroupement de la vie fantasmatique des membres. Cette « psyché collective » est à l’origine, selon Kaës (1976), d’un sentiment d’identité de groupe qui va servir d’étayage à l’évolution personnelle de chaque participant. Elle va permettre à chaque participant d’étayer sa psyché individuelle et ainsi, d’évoluer différemment des autres, selon sa singularité. Nos observations cliniques montrent que chaque participant évolue à un rythme différent et investissant des sphères différentes. Nous interprétons leur évolution particulière comme le signe d’une conscience de soi et de ses besoins. Chevance (2005) observe que les pertes de mémoire et les altérations de certaines fonctions VRQWVLQJXOLqUHVHWYDULHQWG·XQSDWLHQWjXQDXWUH,OSRVWXOHTX·HOOHVUpVXOWHUDLHQWG·XQGpVLUG·RXEOLDÀQGH se protéger d’un vécu douloureux et angoissant. Si l’individu souffrant de démence peut ainsi se séparer de SDUWLHVGHOXLPrPHDÀQGHUpSRQGUHjXQEHVRLQGHSURWHFWLRQLOSHXWpJDOHPHQWVHUpDSSURSULHUFHUWDLQHV facultés ou propriétés de lui-même. Chevance (2005) observe ainsi que certains patients récupéraient des FDSDFLWpVVXSSRVpHVGpÀQLWLYHPHQWSHUGXHVPrPHVLFHQ·HVWTXHGHPDQLqUHWUDQVLWRLUH&HSURFHVVXVQ·HVW pas dicté par une volonté consciente. C’est pourquoi il doit être accompagné de manière thérapeutique. En venant stimuler les résidus mnésiques, les ateliers à médiations sensorielles accompagnent les participants dans la réappropriation de certaines capacités verbales, cognitives, sociales et émotionnelles, ce qui facilite l’émergence d’un nouveau sentiment d’identité. 87 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 3. Le type de stimulation sensorielle semble avoir un effet sur les souvenirs évoqués par les participants Les ateliers proposant des stimulations olfactives et gustatives (troisième et huitième ateliers) et les ateliers proposant des stimulations tactiles (quatrième et neuvième atelier) semblent particulièrement favorables à l’évocation de souvenirs en lien avec des sensations de plaisir. Nous observons lors de ces ateliers une augmentation de l’expression d’un sentiment d’identité, de la communication entre les participantes, de l’expression verbale et non verbale du vécu émotionnel. Les ateliers à médiation sensorielle mettent ainsi en évidence l’importance de la prise en charge de la dimension somatique dans le travail de réappropriation de souvenirs. En s’appuyant sur l’investissement par les participants de leur enveloppe corporelle et de leurs sensations, ce programme montre que le retour aux souvenirs et la réappropriation de certaines capacités à penser sont possibles, même avec des personnes âgées inscrites dans un processus démentiel évolué. Cette technique est valorisante pour celles-ci qui se voient capables d’évoquer des épisodes de leur vie qu’elles pensaient avoir oubliés depuis longtemps. Même lorsque les capacités positives sont défaillantes, l’appui sur la sensorialité reste une ouverture possible et utile à la prise en charge thérapeutique. LIMITES Cette étude présente certaines limites. Nous avons pris le parti de travailler avec un groupe restreint de six participantes. Le caractère réduit de notre population limite la représentativité de notre échantillon et ne permet pas une analyse statistique des résultats. Au stade de cette étude, nous ne pouvons pas généraliser les résultats observés. Au cours de cette étude, nous avons assumé un double rôle : celui de co-responsable de l’atelier et celui G·REVHUYDWHXU 1RXV DYLRQV FRQVFLHQFH GH OD GLIÀFXOWp GH IDLUH FRwQFLGHU FHV GHX[ SRVLWLRQQHPHQWV (Q WDQWTX·DQLPDWHXUG·XQDWHOLHUOHSV\FKRORJXHHQJDJHVDVXEMHFWLYLWpDÀQGHSDUWLFLSHUjODFUpDWLRQG·XQH dynamique de groupe. Le rôle d’observateur demande, quant à lui, une distance et une neutralité qui sont garantes de l’objectivité des données recueillies. Nous nous sommes longuement interrogée sur la manière de maîtriser ce biais car, malgré un souci d’objectivité et la confrontation des observations avec la deuxième responsable du groupe, la question de notre subjectivité dans l’étude se pose. Conclusion Cet article interroge la façon dont un atelier à médiation sensorielle peut faciliter la réappropriation d’un sentiment d’identité chez des personnes âgées souffrant de démence de type Alzheimer et les aider ainsi à accéder à un mieux-être dans leur quotidien. Au vue de l’analyse et de l’interprétation des résultats obtenus, cette étude montre que les stimulations de la sensorialité permettent d’accéder à des souvenirs autobiographiques qui, lorsqu’ils sont verbalisés, aident la personne à reprendre possession de son identité. Le groupe, grâce à ses qualités contenantes et socialisantes, est un médiateur identitaire. Les ateliers à médiation sensorielle, en favorisant la diminution de la symptomatologie dépressive, ont une visée thérapeutique. Dans un contexte institutionnel, le mieux-être des personnes âgées souffrant de DTA dépend de la possibilité de s’approprier et d’exprimer son individualité. Dans l’application clinique de ce programme, le psychologue joue un rôle déterminant. Il puise le contenu GHO·DWHOLHUGDQVVDFUpDWLYLWpHWGDQVVHVREVHUYDWLRQVFOLQLTXHVDÀQGHV·DMXVWHUDX[EHVRLQVHWDX[FDSDFLWpV 88 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 des participantes. Il engage sa propre sensorialité dans un travail hors du langage, utilisant ainsi le contact GHSHDXjSHDXDÀQGHWLVVHUXQHUHODWLRQGHFRQÀDQFHDYHFODSHUVRQQHkJpH&RQWHQDQWGHVPRXYHPHQWV émotionnels et des souvenirs qui émergent au cours des ateliers, il devient le dépositaire responsable et respectueux d’une partie de l’histoire de la vie des participants. Il doit ainsi trouver le juste positionnement DÀQGHOHVDFFRPSDJQHUYHUVXQHFRQVFLHQWLVDWLRQGHOHXUYpFXpPRWLRQQHOVDQVSRXUDXWDQWHIIUDFWHUOHXUV défenses. Grâce à son positionnement éthique, sa relation avec les participants et sa créativité, il peut alors devenir le médiateur entre la personne âgée et l’équipe soignante. Les conclusions de cette étude semblent prometteuses et pourraient être approfondies dans un objectif de recherche appliquée. &RQÁLWG·LQWpUrW Aucun. 89 ETUDES ET PRATIQUES EN PSYCHOLOGIE WVOL :1 N°2 /// PAGE 74/93 /// Références Aebischer, V., & Oberlé, D. (1998). Le groupe en psychologie sociale. Paris: Dunod. 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