Les Maladies à Déclaration Obligatoire La listériose LA LISTERIOSE La Listériose humaine est une maladie rare mais grave et pouvant entraîner une issue fatale. Elle peut affecter aussi de nombreuses espèces animales. La seule espèce de Listeria qui soit pathogène pour l'homme est L.monocytogenes. La transmission de cette maladie se fait essentiellement par l'alimentation. On retrouve pour la plupart des espèces des formes septicémiques, des formes nerveuses et des formes génitales. Epidémiologie : Listeria est une bactérie ubiquitaire de l environnement et peut coloniser les aliments, les surfaces à partir desquelles l homme et l animal se contaminent et développent parfois la maladie. Sa capacité à se multiplier à +4°C en fait un contaminant fréquent de la chaîne du froid dans l industrie agro-alimentaire. La maladie évolue par cas sporadiques plus fréquent à la fin de l'été et à l' automne, ponctué par des épidémies meurtrières liées à l'absorption d'aliments contaminés (charcuterie, fromages, produits laitiers, salade de choux ). De nombreuses épidémies ont été rapportées dans le monde. La listériose n'est cependant pas décrite dans les pays pauvres. En France, l'incidence de la listériose en 2005 est de moins de 4 cas par million d'habitants. Les premières mesures de contrôle des aliments pour la listériose datent en France de 1986 et ont été renforcées en 1993, ce qui a permis de diminuer le nombre de cas annuels sporadiques de bactériémies et de méningites. La maladie reste rare (en France < à 300 cas / an). En dépit de l'antibiothérapie, la mortalité est estimée à 25-30% avec 40% de séquelles neurologiques. Elle touche préférentiellement les sujets dont le système immunitaire est altéré (immunodéprimés) ou immature. Page 1 sur 7 Janvier 2008 Les Maladies à Déclaration Obligatoire La listériose Réservoir naturel : Le milieu extérieur (sol, eaux, plantes, ensilage) constitue le véritable réservoir de germes. La transmission alimentaire est liée au caractère ubiquitaire et saprophyte de la bactérie (sol, végétaux ) qui contamine fréquemment à faibles doses de l'alimentation. La population est fréquemment exposée à faibles doses, ce qui explique un portage digestif (1-10% de la population) avec un portage intermittent touchant jusqu'à 70% de la population. Groupes à risque : - femmes enceintes, - personnes âgées et nouveaux-nés, - personnes immunodéprimées (traitement immunosuppresseur ou pathologie telle que cancer, infection à VIH ), - anomalies hépatiques (cirrhose, hémochromatose, transplantation ou hémodialyse). Agent pathogène : Listeria est un petit bacille à Gram positif, à développement intracellulaire facultatif capable de survivre et de croître à l'intérieur de la plupart des cellules de l'hôte infecté. L.monocytogenes est la seule espèce pathogène pour l homme. Le genre Listeria rassemble 4 autres espèces proches: L. ivanovii, pathogène pour le bétail (avortement), L. innocua, L. seeligeri, et L. welshimeri. L.monocytogenes a une température de croissance entre 3°C et 45°C, avec optimum 30-37°C. Cette capacité de croître lentement à basse température explique la fréquence des contaminations alimentaires qui sont amplifiées par un long séjour au froid avant consommation. Bien que non sporulée, cette bactérie est relativement résistante en milieu hostile (en présence de NaCI (10%), de bile 40%). Mais la bactérie est facilement détruite par la chaleur 30 min à 55°C et 1-2 min à 100°C. Elle supporte des pH de 5,6-9,6, mais est très sensible au pH acide (pas de contamination des yaourts) Mode de transmision : La contamination humaine est d'origine alimentaire. Certains aliments sont à risque : charcuteries, certains produits laitiers (fromages au lait cru ), certains poissons fumés et certains végétaux. Les aliments qui induisent des listérioses sont souvent contaminés à taux important (>105/g). Le portage fécal est estimé à 10-30%. Les animaux sont infectés par l'alimentation (ensilage ). Physiopathologie : A partir de l'intestin, les bactéries gagnent les ganglions lymphatiques régionaux, puis la circulation sanguine. Les monocytes véhiculent et libèrent les bactéries dans la circulation. Page 2 sur 7 Janvier 2008 Les Maladies à Déclaration Obligatoire La listériose Les bactéries se multiplient dans le foie et la rate qui sont les organes-cibles. La plupart du temps, le système immunitaire contrôle l'infection chez les sujets immunocompétents qui font une infection inapparente. Cependant, si l'inoculum a été massif ou chez certains sujets fragilisés, l'infection n'est pas contrôlée dans l'intestin, la rate et le foie et les bactéries sont libérées dans la circulation sanguine, exposant le placenta et le système nerveux central. Chez la femme enceinte, surtout après le 5ème mois, les bactéries colonisent le placenta avec formation de nombreux granulomes inflammatoires, puis induisent une chorio-amniotite et l'infection de l'enfant in utero (90% des cas). La contamination f tale est anténatale et se fait par voie sanguine transplacentaire ou transmembranaire à partir du liquide amniotique infecté par des abcès placentaires. Plus rarement, l'enfant peut être contaminé à la naissance (< 10% des cas). Clinique : La listériose est une septicémie d'origine digestive avec risque d'infection foeto-placentaire et de méningo-encéphalite. Listériose chez l adulte 1. Atteintes neuroméningées Les listérioses de l adulte, sont souvent associées à des manifestations cérébro-méningées. L âge moyen de survenue est supérieur à 50 ans. En dehors de la période néonatale et de la grossesse les infections à Listeria monocytogenes affectent plus volontiers les sujets de plus de 65 ans et les immunodéprimés. Le pronostic des atteintes neuro-méningées est sévère avec une mortalité de 25 à 35% des cas chez les personnes de plus de 65 ans et les immunodéprimés. - Formes méningées pures La symptomatologie est celle de toute méningite bactérienne (fièvre, céphalées, raideur de la nuque). Le LCR est parfois très cellulaire (>2 000 GB/mm3) avec une prédominance de polynucléaires et une hypoglycorachie. Page 3 sur 7 Janvier 2008 Les Maladies à Déclaration Obligatoire La listériose - Méningo-encéphalites Elles associent aux syndromes infectieux et méningés des signes neurologiques variés : troubles de la conscience, convulsions et surtout paralysies diverses dominées par l atteinte des structures bulboprotubérantielles et notamment des nerfs crâniens (rhombencéphalite). Le LCR peut être trouble ou clair avec des anomalies (lymphocytose, hypoglycorachie) évoquant une méningite tuberculeuse. - Rhombencéphalite isolée Elle est plus rare (<5%) et difficile à diagnostiquer. En effet, les syndromes infectieux et méningés sont discrets, le LCR est peu ou pas modifié et le tableau clinique est dominé par des paralysies multiples des nerfs crâniens, souvent associées à un déficit moteur et des troubles sensitifs controlatéraux. - Abcès cérébral hémisphérique Encore plus rare, il ne s observe pratiquement que chez le transplanté rénal. 2. Autres formes cliniques Chez des sujets immunocompétents, des gastro-entérites ont été décrites avec diarrhée survenant quelques heures après absorption d'aliments massivement contaminés et habituellement sans complications neurologiques ni septicémie. On peut également observer une fièvre d allure isolée, une endocardite infectieuse, un anévrisme infecté, une infection du liquide d ascite chez le cirrhotique Listériose chez la femme enceinte Les signes d'infection chez la mère sont souvent inapparents ou résumés à un syndrome pseudo-grippal avec fièvre et frissons, fatigue, maux de tête et myalgies qui précédent l'accouchement de 2 à 14 jours ou plus. Une rechute fébrile, avec bactériémie, est souvent observée au cours de l'accouchement. La plupart des listérioses sont décrites après le 5ème mois de grossesse, mais des avortements spontanés ou répétés peuvent survenir avant cette date. L'infection après le 5ème mois peut souvent entraîner un accouchement prématuré. Listériose néonatale Elle représente 7% des infections néonatales documentées. Deux formes sont observées : une précoce et une tardive. Concernant la forme précoce qui comporte un état septique sévère et une atteinte polyviscérale, l'infection est évidente dès la naissance avec cyanose, apnée, détresse respiratoire et troubles de la conscience (apathie, convulsions), rarement une éruption. Une pneumonie péri-bronchiale est souvent retrouvée. La mortalité est élevée et peut atteindre jusqu à 50%. Dans moins de 10% des cas, le nouveau-né est contaminé dans la période périnatale ou au cours de l'accouchement, sans infection placentaire. L'enfant naît apparemment sain et l'infection apparaît 8 à 60 jours après l'accouchement, avec méningite purulente, fièvre, insomnie, irritabilité, troubles de la conscience. Le diagnostic est précocement établi, expliquant la faible mortalité dans cette forme clinique. Page 4 sur 7 Janvier 2008 Les Maladies à Déclaration Obligatoire La listériose Diagnostic : Les symptômes de la listériose n étant pas spécifique, le diagnostic de la maladie repose sur l isolement et l identification de Listeria monocytogenes à partir de différents prélèvements : - Hémocultures pour le nouveau-né, le grand enfant et l adulte, pour la femme enceinte devant tout épisode fébrile inexpliqué, l'antibiothérapie doit être instituée au moindre doute, avant le résultat des hémocultures. Au cours de l'accouchement, l'examen bactériologique du placenta et des lochies est précieux, pratiquement toujours positif. Des hémocultures au moment d'une reprise fébrile à l'accouchement permettent aussi parfois d'isoler la bactérie. Ponction lombaire Pour le nouveau-né, le grand enfant et l adulte. - Cas particuliers en cas d accouchement fébrile : o examen macroscopique (nodules ou abcès évocateurs) et bactériologique (frottis et culture) systématique du placenta, o prélèvements multiples chez le nouveau-né (méconium, liquide gastrique, conduit auditif ). - en cas d atteinte neuro-méningée : L IRM est l examen-clé qui objective des petits abcès multiples du tronc cérébral. - dans les formes tardives chez le nouveau-né : o ponction lombaire o hémocultures o prélèvements de selles en cas de diarrhée. Traitement : L efficacité du traitement dépend essentiellement de sa précocité. La sensibilité est presque constante aux pénicillines (pénicilline G, ampicilline), aux aminoglycosides (gentamicine), tétracyclines (sauf de rares souches résistantes) et triméthoprime-sulfaméthoxazole (TMPSMZ). Les céphalosporines sont inefficaces sur Listeria. Les pénicillines A ne sont que bactériostatiques in vitro vis-à-vis de L.monocytogenes, aux concentrations usuelles, ce qui impose leur association avec un aminoside pour obtenir un effet bactéricide dans les formes sévères, septicémiques. atteintes neuroméningées : o amoxicilline (200mg/kg/j en IV) pendant 21 jours + aminoside (gentamicine à 3mg/kg/j) pendant 5 à7 jours lors de la phase bactériémique, o ou amoxicilline + cotrimoxazole en IV (TMP de 6 à 8 mg/kg/j et SMZ de 30 à 40mg/kg/j) pendant 21 jours. Page 5 sur 7 Janvier 2008 Les Maladies à Déclaration Obligatoire La listériose bactériémies et listérioses néonatales : o amoxicilline + aminoside pendant 15 jours listériose de la femme enceinte (méningite exclue) : o amoxicilline (100mg/kg/j en IV) pendant 2 à 3 semaines + aminoside en cas de forme sévère (gentamicine à 3mg/kg/j en IV) pendant 3 à 5 jours. Certains recommandent de poursuivre l amoxicilline seule jusqu au terme ; o en cas de fièvre non documentée, amoxicilline pendant 2 semaines à 4g/j per os. En cas d allergie à la pénicilline, le choix se portera sur une combinaison d agents de seconde ligne, notamment le cotrimoxazole, la rifampicine. Leurs indications relatives doivent être discutées au cas par cas, compte tenu des limitations pharmacologiques (bactéricidie, diffusion dans le système nerveux, possibilité d utilisation chez la femme enceinte). Prévention : Il existe un certain nombre de précautions simples permettant la prévention de la listériose, qui sont particulièrement recommandées chez la femme enceinte, les immuno-déprimés et les personnes âgées. 1. Aliments à éviter : fromages à pâte molle au lait cru : enlever la croûte des fromages avant consommation et éviter la consommation de fromages vendus râpés ; poissons fumés ; graines germées crues (soja, luzerne,...) ; produits de charcuterie cuite consommés en l'état ; si achetés, préférer les produits préemballés et les consommer rapidement après leur achat. produits de charcuterie crue consommés en l'état : les faire cuire avant consommation; produits achetés au rayon traiteur ; coquillages crus, surimi, tarama. 2. Règles d hygiène à respecter : Cuire soigneusement les aliments crus d'origine animale (viandes, poissons) ; en particulier, le steak haché doit être cuit à c ur ; Laver soigneusement les légumes crus et les herbes aromatiques ; Conserver les aliments crus (viande, légumes, herbes aromatiques...) séparément des aliments cuits ou prêts à être consommés ; Après la manipulation d'aliments non cuits, se laver les mains et nettoyer les ustensiles de cuisine qui ont été en contact avec ces aliments ; Nettoyer le réfrigérateur fréquemment, le désinfecter ensuite avec de l'eau javellisée ; S assurer que la température du réfrigérateur est suffisamment basse (+4°C) ; Respecter les dates limites de consommation ; Les restes alimentaires et les plats cuisinés doivent être réchauffés soigneusement avant consommation immédiate. Page 6 sur 7 Janvier 2008 Les Maladies à Déclaration Obligatoire La listériose 3. Prévention collective : La listériose est une maladie à déclaration obligatoire depuis 1998 (la déclaration obligatoire permet de suivre l évolution de l incidence de la listériose et de connaître les caractéristiques épidémiologiques). Les médecins et les biologistes qui suspectent ou diagnostiquent une des maladies à déclaration obligatoire doivent les signaler sans délai et par tout moyen approprié (téléphone, télécopie) au médecin inspecteur de santé publique de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) de leur lieu d'exercice. Le signalement permet au médecin inspecteur de santé publique de mettre en place les mesures de prévention individuelle et collective autour des cas, et le cas échéant, de déclencher des investigations pour identifier l'origine de la contamination et agir pour la réduire. La notification intervient après le signalement et le plus souvent après confirmation du diagnostic. Les médecins ou les biologistes déclarants notifient le cas au médecin inspecteur de santé publique de la Ddass du lieu d'exercice au moyen d'une fiche spécifique à chaque maladie. La notification permet d'analyser et de suivre l'évolution de ces maladies au sein de la population afin de mieux cibler les actions de prévention locales et nationales. On parle de cas confirmé lorsqu il y a un isolement de Listeria monocytogenes dans un prélèvement clinique (sang, LCR, liquide amniotique, placenta...). L InVS et le réseau EPIBAC permettent la surveillance de cette maladie au niveau national. Sources : - E.PILLY, Maladies Infectieuses et Tropicales, 2008 ; 21ème édition. http://www.invs.sante.fr/bea/1996/do_p21.html http://www.invs.sante.fr/beh/2004/09/beh_09_2004.pdf http://www.pasteur.fr/actu/presse/documentation/Listeriose.html http://www.inra.fr/internet/Directions/DIC/ACTUALITES/DOSSIERS/DOC/secualim/pd f98/listeria.pdf http://www.microbe-edu.org/etudiant/listeriam.html http://www.invs.sante.fr/surveillance/listeriose/default.htm http://www.invs.sante.fr/publications/listeriose/reclist.html http://www.invs.sante.fr/surveillance/epibac/donnees.htm http://www.srlf.org/s/imprimersans89c0.html?id_article=106 Page 7 sur 7 Janvier 2008