8. Espaces préhilbertiens réels et euclidiens
II - Espaces préhilbertiens els
1) Produit scalaire — Norme associée
Rappelons que, si Eest un R-espace vectoriel, on appelle produit scalaire sur Etoute forme bilinéaire
symétrique définie positive sur E, c’est-à-dire toute application (u, v)→ (u|v)de E
2
dans R, notée (·|·)
vérifiant :
• ∀(u, v)E
2
(v|u) = (u|v)(symétrie)
• ∀(u, u
, v)E
3
λR(λ.u +u
|v) = λ(u|v) + (u
|v)(linéarité à gauche)
• ∀uE(u|u)0et (u|u) = 0 u= 0
NB : le produit scalaire, noté ici (u|v), est parfois noté u, vou encore u·vs’il n’y a pas risque de
confusion avec une multiplication interne (cf. les espaces de fonctions, de matrices. . . )
Définition : le couple E, (·|·)est un espace préhilbertien réel. S’il n’y a pas d’ambiguïté sur le choix
du produit scalaire, on parle de l’espace préhilbertien réel E.
Un espace euclidien est un espace préhilbertien réel de dimension finie.
Théorème : si Eest un espace préhilbertien réel, l’application u→ u=(u|u)est une norme sur
E,la norme euclidienne associée au produit scalaire (·|·)et l’on a l’inégalité de Cauchy-
Schwarz :
|(u|v)| ≤ u · v(avec égalité si et seulement si u, v colinéaires).
Cas d’égalité dans l’inégalité triangulaire :u+v=u+vsi et seulement si uet vsont sur une
même demi-droite, c’est-à-dire si et seulement si u= 0 ou il existe λR
+
tel que v=λ.u.
Nous disposons en outre, pour tout (u, v)de E
2
, des développements :
u+v
2
=u
2
+v
2
+ 2 (u|v)et uv
2
=u
2
+v
2
2 (u|v)
qui fournissent l’identité du parallélogramme :
u+v
2
+uv
2
= 2 u
2
+v
2
et les identités de polarisation :
(u|v) = 1
2u+v
2
u
2
v
2
=1
2u
2
+v
2
uv
2
=1
4u+v
2
uv
2
où l’on voit que les valeurs prises par le produit scalaire sont entièrement déterminées par les valeurs
prises par la norme euclidienne associée. Ainsi, une norme euclidienne étant donnée, il y a un unique
produit scalaire auquel est est associée. Mais attention ! Il existe des normes sur Equi ne sont pas des
normes euclidiennes. . .
2) Orthogonalité
Définitions : soit Eun R-espace vectoriel, muni d’un produit scalaire (·|·)et · la norme associée.
Un vecteur ude Eest dit unitaire (ou normé) si et seulement s’il est de norme 1.
Deux vecteurs u, v de Esont dits orthogonaux si et seulement si (u|v) = 0.
Une famille (u
i
)
iI
de vecteurs de Eest dite orthogonale si et seulement si les u
i
sont orthogonaux
deux à deux :
(i, j)I
2
i=j(u
i
|u
j
) = 0 .
Une famille (u
i
)
iI
de vecteurs de Eest dite orthonormale (ou orthonore) si et seulement si les
u
i
sont unitaires et orthogonaux deux à deux :
(i, j)I
2
(u
i
|u
j
) = δ
i,j
.
8. Espaces préhilbertiens réels et euclidiens Page 2
Si Fest un sous-espace vectoriel de E, un vecteur uest dit orthogonal à Fsi et seulement si uest
orthogonal à tous les vecteurs de F; on appelle orthogonal de Fl’ensemble, noté F
(ou F
o
), des
vecteurs de Eorthogonaux à F:
F
={uE / vF(u|v) = 0}
Deux sous-espaces Fet Gde Esont dits orthogonaux si et seulement si tout vecteur de l’un est
orthogonal à tout vecteur de l’autre (i.e. (v, w)F×G(v|w) = 0).
NB : Fet Gsont dits perpendiculaires si et seulement si F
et G
sont orthogonaux (en dimension
3, deux plans ne sont jamais orthogonaux !).
Propriétés :
1) Toute famille orthogonale de vecteurs non nuls est libre.
2) Toute famille orthonormale est libre.
3) Si F, G sont deux sous-espaces de E:
F
est un sous-espace vectoriel de Eet FF
={0};
FF
⊥⊥
;
FGG
F
;
F, G orthogonaux FG
GF
.
4) Des sous-espaces vectoriels orthogonaux deux à deux sont en somme directe.
Attention ! Si Fest de dimension infinie, on peut avoir FF
⊥⊥
et Fet F
ne sont pas toujours
supplémentaires. Pour Fde dimension finie, voir §5.
Cf. F=R[X]dans E=C
0
([0,1] ,R)muni du produit scalaire (f, g)→
1
0
f.g ;
le théorème de Weierstrass (hors programme) donne F
={0}et donc F
⊥⊥
=E.
Théorème de Pythagore :uet vsont orthogonaux si et seulement si : u+v
2
=u
2
+v
2
.
NB : par récurrence, on obtient, pour (u
i
)
iI
famille orthogonale finie :
iI
u
i
2
=
iI
u
i
2
.
3) Exemples de référence
a) Produit scalaire associé à une base
Si B= (e
i
)
iI
est une base du R-espace vectoriel E, alors l’application
(u, v)→ (u|v) =
iI
x
i
y
i
si u=
iI
x
i
.e
i
et v=
iI
y
i
.e
i
est clairement un produit scalaire sur E(par définition d’une base, il y a un nombre fini de coordonnées
non nulles pour chaque vecteur, il s’agit donc de sommes finies, même si Iest infini. . . Cf. B= (X
n
)
nN
dans R[X]).
(·|·)est l’unique produit scalaire sur Epour lequel Best une base orthonormale.
b) Produits scalaires canoniques
Dans un R-espace vectoriel muni d’une base canonique, le produit scalaire qui lui est associé comme
ci-dessus est appelé produit scalaire canonique :
dans R
n
, si u= (x
1
, . . . , x
n
)et v= (y
1
, . . . , y
n
),(u|v) =
n
k=1
x
k
y
k
dans R[X], si P=
kN
a
k
X
k
et Q=
kN
b
k
X
k
,(P|Q) =
kN
a
k
b
k
dans M
n
(R), si A= (a
i,j
)et B= (b
i,j
),(A|B) =
i,j
a
i,j
b
i,j
= Tr
t
AB= Tr A
t
B.
8. Espaces préhilbertiens réels et euclidiens Page 3
Propriété : dans M
n
(R)muni du produit scalaire canonique, les sous-espaces formés par les matrices
symétriques et antisymétriques sont supplémentaires et orthogonaux.
c) Espaces L
2
Cf. le chapitre 7-§ IV-2. . . Lorsque Iest un segment [a, b], l’espace L
2
c
(I, R)des fonctions continues
de carré intégrable sur In’est autre que C
0
([a, b],R).
Dans ces deux espaces, (f, g)→
I
fg définit un produit scalaire.
4) Orthonormalisation de Gram-Schmidt
Théorème : soient (e
1
, . . . , e
n
)une famille libre de vecteurs de Eet les sous-espaces associés :
k[[1, n]] F
k
= Vect (e
1
, . . . , e
k
).
Il existe une unique famille orthonormale (ε
1
, . . . , ε
n
)de vecteurs de Etelle que :
k[[1, n]] Vect (ε
1
, . . . , ε
k
) = F
k
et (ε
k
|e
k
)R
+
.(1)
De plus :
k[[1, n]] ε
k
=1
v
k
·v
k
v
k
=e
k
k1
j=1
(v
j
|e
k
)
(v
j
|v
j
)·v
j
=e
k
k1
j=1
(ε
j
|e
k
)
j
(v
1
=e
1
)(2)
Dém. Existence :(2) définit bien par récurrence les familles (v
k
)et (ε
k
)(v
k
= 0 car e
k
/F
k1
, la
famille (e
1
, . . . , e
n
)étant libre par hypothèse) ; il est aisé de vérifier que la famille (ε
k
)ainsi obtenue
convient.
Unicité : supposons deux familles (ε
1
, . . . , ε
n
)et (ε
1
, . . . , ε
n
)vérifiant (1). Je montre par récurrence sur
kque P
k
: (ε
1
, . . . , ε
k
) = (ε
1
, . . . , ε
k
)est vrai pour tout kde [[1, n]] :
• P
1
est vrai : ε
1
et ε
1
sont sur la droite F
1
= Vect (e
1
), unitaires donc égaux ou opposés ; or (ε
1
|e
1
),
(ε
1
|e
1
)sont de même signe, d’où ε
1
=ε
1
;
supposons k2tel que P
k1
soit vrai ; alors ε
k
et ε
k
sont sur la normale à l’hyperplan F
k1
de
l’espace F
k
, unitaires donc égaux ou opposés ; or (ε
k
|e
k
),(ε
k
|e
k
)sont de même signe, d’où ε
k
=ε
k
,
ce qui achève la récurrence.
Pour retrouver (si besoin. . . ) les coefficients de l’expression de v
k
, il suffit de chercher v
k
sous la forme
v
k
=e
k
+
k1
i=1
λ
i
.v
i
et d’écrire la condition (v
j
|v
k
) = 0 pour obtenir directement λ
j
, pour tout jde [[1, k 1]].
Noter l’astuce qui consiste à utiliser une combinaison linéaire des v
i
(obtenus de proche en proche. . . ).
Une combinaison linéaire des e
i
conduirait à un système de k1équations couplées.
NB : en pratique, on détermine la famille orthogonale (v
1
, . . . , v
n
), puis on normalise si nécessaire ;
le résultat peut être étendu à une suite de vecteurs (par exemple dans R[X]).
Exemple : dans E=R[X]muni du produit scalaire (P, Q)→
1
1
P Q, l’orthogonalisation la famille
1, X, X
2
, X
3
donne 1, X, X
2
1
3, X
3
3
5X(cf. les polynômes de Legendre : d
n
dx
n
x
2
1
n
).
Corollaire : tout espace préhilbertien de dimension finie admet des bases orthonormales.
5) Projection orthogonale sur un sous-espace de dimension finie
Théorème et définition : soient Eun espace préhilbertien réel et Fun sous-espace de dimension
finie de E; l’orthogonal F
de Fest un supplémentaire de F, appelé le supplémentaire orthogonal de
F; la projection p
F
de Esur Fparallèlement à F
est la projection orthogonale sur F.
En outre, si (ε
1
, . . . , ε
n
)est une base orthonormale de F, on a :
uE p
F
(u) =
n
j=1
(ε
j
|u)
j
Enfin, F
⊥⊥
=Fet Id
E
p
F
est la projection orthogonale sur F
.
8. Espaces préhilbertiens réels et euclidiens Page 4
NB : v=p
F
(u)est caractérisé par vFet uvF
avec en outre, si F= Vect (ε
1
, . . . , ε
n
),
wF
⇔ ∀iN
n
(ε
i
|w) = 0 ;
si l’on écrit v=
n
j=1
λ
j
j
, ces conditions redonnent les valeurs des λ
j
, immédiatement si (ε
1
, . . . , ε
n
)
est une base orthonormale (à la rigueur orthogonale) de F, au prix de la résolution d’un système
de néquations à ninconnues sinon.
On remarquera que, dans l’algorithme de Schmidt, avec les notations du paragraphe précédent,
v
k
=e
k
p
F
k1
(e
k
).
Dém. du théorème Fixons une base orthonormale (ε
1
, . . . , ε
n
)de F(il en existe d’après le paragraphe
précédent !). Compte tenu de la remarque précédente, il est facile de vérifier que, pour tout ude E, en
posant
v=
n
j=1
(ε
j
|u)
j
et w=uv,
j’ai u=v+wavec vFet wF
; il en résulte que E=F+F
, or je sais déjà que FF
={0},
donc F
est bien un supplémentaire de Fet l’expression de v=p
F
(u)est déjà apparue.
Je sais déjà que FF
⊥⊥
. Posons G=F
; j’ai FG
, il reste à prouver que G
F. Soit donc
uG
et v=p
F
(u);vest dans F, donc dans G
; ainsi w=uvGG
, donc w= 0 et il en
résulte que u=vd’uF.
Corollaire : distance d’un point à un sous-espace Fde dimension finie.
Soit uE, l’application de Fdans Rqui à sFassocie usatteint son minimum
d(u, F )en un point et un seul, à savoir p
F
(u). On a :
d(u, F ) = up
F
(u)et d(u, F )
2
=u|up
F
(u)=u
2
p
F
(u)
2
.
Dém. Soient v=p
F
(u)et w=uv; pour tout sde F,us= (vs)+wavec vset worthogonaux.
J’ai donc, grâce au théorème de Pythagore :
us
2
=vs
2
+w
2
;
le minimum est w
2
, atteint pour s=v(et seulement en ce point) ; enfin, uvétant orthogonal à v,
w
2
= (uv|uv) = (u|uv)
et u
2
=v
2
+w
2
pour u= 0 dans la relation ci-dessus.
Inégalité de Bessel : si (ε
1
, . . . , ε
n
)est une famille orthonormale, alors
uE
n
j=1
(ε
j
|u)
2
≤ u
2
(et donc, si (ε
j
)est une suite orthonormale, la série (ε
j
|u)
2
est convergente).
Exemples :
1) Soient aun vecteur non nul de E,D= Vect (a)et H=D
; on a, pour uE
p
D
(u) = (a|u)
a
2
·a;d(u, H) = |(a|u)|
a;d(u, D) = u
2
(a|u)
2
a
2
1/2
2) Déterminer inf
(a,b,c)R
3
+
0
x
3
ax
2
+bx +c
2
e
x
dx
(idée : se placer dans R[X]muni du produit scalaire (P, Q)→ (P|Q) =
+
0
P(x)Q(x)e
x
dx;
on cherche dX
3
,R
2
[X]
2
. . . )
8. Espaces préhilbertiens réels et euclidiens Page 5
IIII - Espaces euclidiens
1) Bases orthonormales — Suppmentaire orthogonal
Rappel : on appelle espace vectoriel euclidien tout espace préhilbertien réel de dimension finie.
Propriétés : soit Eun espace vectoriel euclidien :
Epossède des bases orthonormales ;
pour tout sous-espace vectoriel Fde E,
FF
=E; dim F
= dim Edim F;F
⊥⊥
=F;
toute famille orthonormale peut être complétée en une base orthonormale de E.
Dém. Les deux premières assertions découlent immédiatement du paragraphe précédent ; pour la
troisième, choisir une base orthonormale de l’orthogonal du sous-espace engendré par la famille ini-
tiale.
2) Écritures matricielles et expressions analytiques dans une b.o.n.
Soient Eun espace vectoriel euclidien et B= (e
1
, . . . , e
n
)une base de E.
Si u=
n
i=1
x
i
.e
i
et v=
n
j=1
y
j
.e
j
, alors, par bilinéarité :
(u|v) =
n
i=1
n
j=1
a
i,j
x
i
y
j
a
i,j
= (e
i
|e
j
).
Ainsi, en notant Ala matrice A= (a
i,j
), et en identifiant Ret M
1,1
(R):
(u|v) =
t
XAY et u
2
=
t
XAX X=
x
1
.
.
.
x
n
, Y =
y
1
.
.
.
y
n
.
Aest la matrice du produit scalaire dans la base B.
Best orthonormale si et seulement si A=I
n
.
Si Best une base orthonormale :
la famille (x
k
)
1kn
des coordonnées dans Bde uEest donnée par : k x
k
= (e
k
|u);
si u=
n
k=1
x
k
.e
k
et v=
n
k=1
y
k
.e
k
, alors (u|v) =
t
XY =
n
k=1
x
k
y
k
et u=
t
XX =
n
k=1
x
2
k
;
si f∈ L(E), la matrice de fdans Best (e
i
|f(e
j
))
1i,jn
(en effet, (e
i
|f(e
j
)) est la i-ième coordonnée de f(e
j
)dans B!).
3) Isomorphisme canonique d’un espace vectoriel euclidien avec son dual
Pour tout espace vectoriel E, on note E
l’espace des formes linéaires sur E, appelé le dual de E.
Théorème : soit Eun espace vectoriel euclidien ; l’application
Φ : EE
a→ ϕ
a
:u→ (a|u)
est un isomorphisme. En particulier,
ϕE
!aEuE ϕ (u) = (a|u).
Dém. Φest linéaire de Edans E
, injective et dim E= dim E
.
Normale à un hyperplan : soit ϕune forme linéaire non nulle sur Eet Hl’hyperplan Ker ϕ; le vecteur
ade Etel que ϕ(u) = (a|u)est un vecteur normal àH, il engendre la normale à H(la droite H
).
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