«Penchez la tête en arrière et avec l`autre main, poussez le menton

publicité
CPR
Massage cardiaque
par téléphone
«Penchez la tête en arrière et avec l’autre main, poussez le menton vers le haut. Toujours pas de
respiration? Placez à présent vos mains à hauteur du sternum et commencez par pratiquer 100
massages cardiaques par minute.» Ne vous y trompez pas: ceci n’est pas un cours de secourisme,
mais un exemple de réanimation par téléphone. Un projet du SPF Santé publique qui sauve des vies.
Imaginez que vous êtes assis à une terrasse et qu’un
approvisionné en oxygène. Les premières minutes
passant s’effondre sous vos yeux. Il ne présente
après l’arrêt cardiaque sont donc cruciales. Malgré
plus aucun signe de vie. Vous commencez bien sûr
la rapidité d’intervention du SMUR, moins d’un
par appeler immédiatement les secours. Mais alors
dixième des victimes arrive en vie à l’hôpital (5% à
commence l’attente angoissée jusqu’à l’arrivée du
8% selon les études). Le projet Phone CPR fait aug-
SMUR, qui met environ une dizaine de minutes
menter considérablement les chances de survie de la
pour arriver sur place… Grâce au projet Phone CPR
victime. «En cas d’arrêt cardiaque, chaque seconde
(réanimation cardio-pulmonaire ou massage car-
compte», explique Jos Vermeiren, du SPF Santé pu-
diaque par téléphone) du SPF Santé publique, vous
blique. «La Phone CPR permet de doubler, voire tri-
n’avez plus à attendre passivement que les secours
pler les chances de survie.»
arrivent. Pendant ce temps d’attente, le téléphoniste
du centre d’urgence 100/112 donne à l’appelant des
Avec ou sans haut-parleur
instructions de réanimation pas à pas (Protocole
Grâce à l’accompagnement téléphonique qui est
A.L.E.R.T.). Et cela peut sauver des vies.
fourni, les secouristes de fortune obtiennent des ré-
Chaque seconde compte
sultats trois fois meilleurs que ceux des personnes
qui ne bénéficient pas d’un tel accompagnement.
Si une victime d’un arrêt cardiaque ne reçoit pas
Jos Vermeiren: «Un bon massage cardiaque per-
immédiatement un massage cardiaque, ses chances
met d’éviter que le cerveau manque d’oxygène, ce
de survie baissent de 10% par minute. Le sang n’est
qui réduit le risque de lésions cérébrales et ce qui
plus pompé dans l’organisme et le cerveau n’est plus
permet aussi d’augmenter le nombre de victimes qui
arrivent en vie à l’hôpital. Même les secouristes de
formation retirent des avantages de la Phone CPR:
la qualité des secours prodigués s’en trouve encore
Jos Vermeiren:
améliorée. Il va de soi que si l’appelant a déjà suivi
«Il est nettement préférable de
faire quelque chose que d’assister
passivement à la scène.»
un cours de premiers soins et qu’il connaît un peu les
techniques de réanimation, cela aide. Mais ce n’est
pas une condition essentielle. Le Centre de Secours
100/112 commence par poser des questions très spécifiques pour avoir la certitude que la victime a bel et
bien fait un arrêt cardiaque et l’opérateur explique
20
Fédra
réanimation pas à pas
ensuite très précisément les gestes à poser pour pra-
sionnent des lésions supplémentaires que dans 2%
tiquer la réanimation correctement. L’appelant reste
des cas. Selon une étude portant sur 1.700 cas de
en outre tout le temps en contact direct avec la cen-
Phone CPR, un massage cardiaque n’a été appliqué
trale jusqu’à l’arrivée du SMUR. De cette manière, il
de manière contrindiquée qu’à trois reprises, entraî-
peut aussi poser des questions supplémentaires sans
nant des lésions mineures à la cage thoracique. Dans
interrompre la procédure de réanimation. Il est pra-
le cas le plus grave, il s’agissait d’une côte fracturée.
tique en pareil cas de disposer d’un téléphone avec
Cela n’est rien à côté d’une vie humaine que l’on
haut-parleur, mais ce n’est pas indispensable.»
sauve.»
Mieux que rien
Prometteur
L’idée d’une réanimation par téléphone vient à des
Le SPF Santé publique a lancé cet été un projet pilote
États-Unis. «Nous avons repris à notre compte le
à Liège et dans le Limbourg. Depuis lors, le projet
slogan de l’association de cardiologie américaine
Phone CPR est opérationnel dans les Centres de Se-
‘Any CPR is better than no CPR’», explique Jos Ver-
cours 100/112 de Bruges, Bruxelles et dans toute la
meiren. «Il est nettement préférable de faire quelque
Wallonie: tous les opérateurs téléphoniques ont suivi
chose que d’assister passivement à la scène. Les
à cet effet une formation spéciale de quatre heures.
risques sont d’ailleurs négligeables. Comme le dis-
Jos Vermeiren: «Normalement, tous les centres
patcher du Centre de Secours pose des questions très
belges de secours appliqueront le système à partir du
spécifiques, les erreurs de jugement – par exemple
mois de février prochain. Une étude scientifique sera
pratiquer un massage cardiaque sur une personne
entamée début novembre à Liège et Hasselt pour en
victime d’une crise d’épilepsie – sont limitées au plus
mesurer les résultats, mais ceux-ci sont d’ores et déjà
strict minimum. L’expérience à l’étranger nous ap-
prometteurs: un grand nombre d’interventions avec
prend en outre que les secouristes de fortune n’occa-
Phone CPR ont été couronnées de succès.»
octobre 2010 21
CPR
«Elle a tiré son mari, beaucoup plus lourd qu’elle,
hors de son lit et a réussi à le réanimer.»
Maarten Mulkers travaille sur le SMUR de Genk et s’occupe de la formation des
préposés au Centre de Secours 100/112. «Récemment, une femme âgée de 80 ans
a appelé notre service de secours: son mari était au lit et ne présentait plus de signe
de vie. Mais pour qu’un massage cardiaque soit efficace, il faut que la victime soit
étendue sur un support dur. La manœuvre n’était pas évidente parce que le mari
en question était beaucoup plus lourd que sa femme. Le dispatcher de la centrale a
quand même réussi à convaincre la femme de rassembler toutes ses forces pour tirer
son mari hors du lit afin de pratiquer la réanimation. Sans la Phone CPR, elle n’aurait
jamais eu le courage de le faire. Et le mari s’en est finalement sorti!»
«Un homme de 44 ans a récemment survécu grâce à la Phone CPR»
Jean-Pierre Cornet (60 ans) a longtemps travaillé comme infirmier sur le SMUR et il s’occupe à présent de la
formation et du coaching des membres du Centre de Secours 100/112 de Bruges. «Nous avons déjà appliqué la
Phone CPR à une trentaine d’appels. Hier, nous avons encore réussi à sauver un homme de 44 ans. Nous avons
pu guider quelqu’un par téléphone jusqu’à ce que le SMUR prenne le relai. Comme le cerveau n’a pas manqué
d’oxygène en attendant l’arrivée du SMUR, le patient n’a subi aucun dommage neurologique. Dans un cas sur
trois, la Phone CPR a été un succès. Cela paraît peu, mais sans Phone CPR, les chances de survie sont encore
plus faibles! Trois fois moindres…»
«En état de choc, les personnes sur place ont besoin de guidance.»
Samuel Stipulante est infirmier sur le SMUR héliporté de Bras-sur-Lienne (Centre Hospitalier Universitaire de Liège) et coordonne le projet Phone CPR. «Une dame de 40 ans
chute dans les escaliers. Elle est victime d’un traumatisme crânien et fait un arrêt cardiaque. Il est 3h du matin et le temps nécessaire pour que les secours soient sur place
est à ce moment de 15 à 17 minutes. C’est donc son mari qui prodiguera les premiers
gestes et permettra de sauver la patiente. Bien entendu, les personnes présentes dans
de telles situations se retrouvent en état de choc, ce qui entraîne une perte des compétences. Ne leur demandez pas à ce moment-là d’écrire un exposé professionnel. Ils sont
à environ 15% de leurs compétences cérébrales habituelles. Par contre, ils deviennent
de vrais ‘robots’. Ils ont besoin de guidance. Ils écoutent parfaitement le son de votre voix,
ce qui, grâce au protocole standardisé A.L.E.R.T., nous permet de les aider à effectuer un
massage cardiaque par téléphone. Il s’agit de gestes simples, qui ne demandent pas de
moyen matériel particulier et qui triplent les chances de survie du patient.»
22
Fédra
Téléchargement