Rôle des 5-HT1B dans les violences liées à l`alcool…

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Rôle des 5-HT1B dans les violences liées à l’alcool…
> Faccidomo S et al.
Escalated aggression after alcohol drinking in male mice: dorsal raphe and prefrontal cortex serotonin and 5HT1B receptors
Neuropsychopharmacology 2008 ; 2888-2899.
L’alcool, plus que toute autre drogue est associé avec des actes de violence et d’agression. Plus
de 70 % des agressions et des morts violentes sont commises ou subies par des personnes en
état d'ébriété, l'alcool libérant à la fois les comportements agressifs et provocateurs. Il a été
clairement démontré dans différentes espèces que certains individus sont plus sensibles aux
effets facilitateurs de doses modérées d’alcool sur le comportement agressif alors que la plupart
des individus ne l’est pas. Bien que les mécanismes neurochimiques sous-tendant ces effets de
l’alcool restent méconnus, il semble que la sérotonine (5-HT) joue un rôle significatif dans la
modulation du comportement impulsif et d’agressivité. Des études ont par exemple démontré
une corrélation inverse entre le taux central et périphérique de 5-HT avec les indices
d’agression et d’impulsivité chez le rongeur et le primate. On sait également que les agonistes
des récepteurs 5-HT1B de la sérotonine diminuent de manière dose-dépendante l’agressivité en présence ou
non d’alcool. Il a par exemple été montré que le CP-94,253, un des plus puissant agoniste de ces récepteurs
réduit plusieurs formes de comportement agressif et notamment celui associé à la prise d’alcool. Les récepteurs
5-HT1B sont fortement exprimés dans les régions cérébrales impliquées dans le comportement impulsif et
agressif comme le cortex préfrontal. Les neurones sérotoninergiques localisés dans le raphé dorsal se projettent
dans le cortex préfrontal et il semble que des atteintes de ces neurones soient impliquées dans l’impulsivité et
l’agressivité.
La présente étude a recherché si les récepteurs 5-HT1B localisés dans le cortex préfrontal médian (CPFm), le
cortex orbitofrontal (COF) et le raphé dorsal modulent de manière différentielle l’agressivité liée à la
consommation d’alcool en injectant spécifiquement dans ces structure le CP-94,253 avant une confrontation
agressive chez la souris mâle. Les auteurs ont également recherché les effets neurochimiques du CP-94,253
dans le CPFm en quantifiant les taux extracellulaires de 5-HT chez des souris naives et des souris s’autoadministrant volontairement de l’alcool de manière chronique (doses modérées pendant au moins deux mois).
Les résultats du présent travail démontrent que l’expression de l’agressivité facilitée par l’auto-administration
opérante d’une solution d’alcool à 6% est régulée fonctionnellement par les récepteurs 5-HT1B spécifiquement
dans le CPFm. L’augmentation de l’agressivité liée à la consommation d’alcool à raison de 1g/kg par l’injection
de CP-94,253 dans le CPFm serait due à une diminution des taux corticaux de 5-HT chez les souris mâles
consommant de l’alcool. Environ 60% des souris qui ont consommé 1g/kg d’alcool (ce qui équivaut à boire
environ 6 verres d’alcool chez l’Homme) sont plus agressives ce qui confirme bien l’association entre la
facilitation des comportements agressifs par cette drogue. L’injection de 1 microgramme de CP-94,253 dans le
raphé dorsal réduit les comportements moteurs et agressifs ce qui confirme l’importance des récepteurs 5HT1B localisés au niveau somatodendritique dans la modulation des comportements agressifs mais cet effet
semble non spécifique avec notamment une altération du comportement moteur. Les résultats démontrent
aussi que la facilitation de l’agressivité liée à la consommation d’alcool n’implique pas le raphé dorsal.
L’injection de cet agoniste 5-HT1B spécifiquement dans le CPFm après une consommation d’alcool augmente de
manière significative le comportement d’agressivité. Cet effet est associé à une augmentation extracellulaire de
5-HT dans le CPFm et les taux de 5-HT reviennent à leur niveau de base rapidement après l’arrêt de l’injection.
Chez l’Homme, le comportement impulsif et l’agressivité ont été associés à des dysfonctions du cortex
préfrontal. Ainsi une atrophie du cortex frontal est corrélée positivement avec l’augmentation du comportement
violent et les individus violents et agressifs présentent une diminution du flux sanguin régional et du
fonctionnement pricipalement du cortex orbital. De même, Chez les rats très agressifs, l’activité neuronale des
régions corticales orbitales et préfrontales médianes est significativement plus élevée.
L’ensemble des résultats montre que les récepteurs 5-HT1B dans le cortex préfrontal médian interviennent
sélectivement dans la désinhibition du comportement agressif chez la souris qui consomme de l’alcool. On peut
regretter que les auteurs du présent travail n’aient pas vérifié si cette implication est retrouvée aussi chez les
souris femelles.
Prof Mickael Naassila
[email protected]
Groupe de Recherche sur l’Alcool et les Pharmacodépendances (GRAP), INSERM ERI24, Amiens
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