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L’Encéphale (2009) Supplément 4, S127–S128
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Comportements agressifs et violents
chez les adolescents
J.-P. Reneric*, M.-P. Bouvard
Pôle Universitaire de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, Hôpital Charles Perrens, 121, rue de la Bèchade,
33076 Bordeaux cedex
Les comportements agressifs, actes destructeurs, altercations physiques sont fréquents chez les enfants et adolescents. Dans la majorité des cas, de tels comportements ne
sont pas pathologiques : isolés ou ponctuels, contextuels,
ils sont sans gravité. Ils peuvent s’inscrire dans le cadre
d’un développement psychoaffectif normal, surtout chez
les petits et à l’adolescence. Ces comportements peuvent
néanmoins être problématiques : des interventions psychothérapiques ou psychosociales auprès de l’enfant et de sa
famille, permettront d’en éviter la répétition.
Cependant une minorité de ces enfants et adolescents
resteront incapables de se maîtriser et de contrôler leur
explosivité. Leurs comportements agressifs et/ou violents
seront répétitifs. Ils se manifestent alors dans des environnements divers (famille, école, collège…) et retentissent de
manière significative et durable sur le fonctionnement global,
l’intégration scolaire ou familiale, l’équilibre émotionnel et
le développement affectif. Ces manifestations persistantes
conduisent les parents et parfois les enseignants à demander
une consultation médicale spécialisée, parfois à l’issue d’un
passage par le service des urgences de l’hôpital.
Avant de pouvoir être « traités », ces comportements agressifs répétitifs nécessitent une évaluation clinique rigoureuse,
tenant compte des particularités développementales du sujet
et de son environnement. En effet des troubles divers peuvent se manifester par des comportements violents : le trouble des conduites, le trouble oppositionnel avec provocation,
les troubles explosifs intermittents et le trouble déficitaire de
l’attention/hyperactivité. Mais l’agressivité est également fréquente chez les jeunes souffrant par exemple de troubles de
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
Conflits d’intérêts : non.
© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés.
l’humeur (dépressifs, maniaques ou mixtes) ou encore de troubles anxieux. De plus, certains contextes peuvent également
générer de tels comportements sans que ceux-ci soient pour
autant intégrables à quelque syndrome psychiatrique. Enfin,
rappelons que la comorbidité, c’est-à-dire l’association de
plusieurs troubles, est fréquente chez l’enfant et l’adolescent.
Le(s) diagnostic(s) éventuel(s) et le choix de la thérapeutique
dépendront donc de multiples aspects, en particulier de l’évaluation diachronique. L’apparition récente de manifestations
agressives chez un jeune sans antécédents notables peut par
exemple être symptomatique d’un épisode dépressif majeur
ou de l’utilisation de substances psycho actives.
Le trouble des conduites (TC) tient une place particulière dans la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent : l’agressivité en est la composante fondamentale. Le
retentissement social est souvent au premier plan car le TC
se traduit par la persistance et la répétition de comportements bafouant les droits d’autrui et les règles sociales.
Pour retenir ce diagnostic, le sujet doit avoir présenté au
moins trois des symptômes suivants dans les 12 mois précédents (DSM IV) : agression de personnes ou d’animaux, destruction de biens, fraudes ou vols, violations graves des règles
établies. Les comportements agressifs peuvent se traduire par
des brutalités, menaces, intimidations, bagarres, l’utilisation
d’une arme (bâton, couteau…), cruauté physique envers des
animaux et/ou des personnes, des vols commis en affrontant la victime, ou encore des viols et rapports sexuels sous
contrainte. Le trouble des conduites peut se décliner sur un
mode dimensionnel : conduites « manifestes » (destructrices : agression ; non destructrices : opposition), ou conduites
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J.-P. Reneric, M.-P. Bouvard
« cachées » (destructrices : violations de propriétés ; non destructrices : fugues). Non traité, le TC aura des conséquences
néfastes à long terme : sur le plan académique et professionnel (arrêt de la scolarité malgré des compétences normales,
chômage, non emploi) ; problèmes relationnels et conjugaux ;
abus de substances (drogues, alcool) ; criminalité ; mort prématurée (suicide, conduites à risque…).
Les options thérapeutiques incluent des thérapies cognitives et comportementales, individuelles, familiales ou groupales, axées sur l’école et la maison [1, 2]. Elles sont surtout
développées dans les pays nord-américains où plusieurs
programmes ont montré leur efficacité. Prises en charges
institutionnelles et approches psycho dynamiques font également partie de la palette des outils thérapeutiques.
Les sujets pour lesquels les comportements agressifs et
violents sont persistants, envahissants et répétés dans le
temps seront susceptibles de recevoir un traitement pharmacologique. Les traitements interviennent le plus souvent
en deuxième intention, à titre palliatif, en cas d’inefficacité
des prises en charges psychosociales ou en cas de danger
pour le sujet lui même ou les autres. Les traitements ciblent
soit des troubles spécifiques sous-jacents dont l’agressivité
est une manifestation, soit l’agressivité elle-même indépendamment de troubles associés. Il est recommandé de traiter
en première intention le trouble pouvant générer de l’agressivité et d’adopter ensuite une approche plus purement
symptomatique. Trois grandes classes pharmacologiques ont
été étudiées dans cette indication, à partir d’un rationnel
basé sur la neurobiologie de l’agressivité et de l’impulsivité :
les antipsychotiques, les thymorégulateurs (lithium et anticonvulsivants), les psychostimulants [3, 4, 5].
Conclusion
Les traitements pharmacologiques les plus étudiés dans les
troubles du comportement perturbateurs avec agressivité
et/ou violence restent à ce jour les antipsychotiques aty-
piques : ils ont l’avantage d’une efficacité rapide avec une
bonne tolérance à court, moyen et long terme. Les thymorégulateurs ont un intérêt lorsque des fluctuations d’humeur,
une explosivité ou un trouble bipolaire sont associés au TC.
Enfin, les psychostimulants et la clonidine ont des effets
intéressants en cas de trouble déficitaire de l’attention
avec hyperactivité (TDA/H). La comorbidité apparaît donc
déterminante dans le choix du traitement pharmacologique
des comportements agressifs et/ou violents. Cela suppose
une évaluation rigoureuse non seulement de manière catégorielle et transversale (inventaire des symptômes, syndromes, troubles) mais aussi longitudinale et dimensionnelle.
La prise en charge d’un TC devrait avant tout être préventive. Cela suppose une réflexion précoce des divers
intervenants auprès de l’enfant (parents, enseignants, éducateurs…) lors de l’observation de comportements agressifs
ou « anti-sociaux » comme modalité univoque et/ou durable d’interaction avec autrui. Des programmes de guidance
parentale sont utiles, visant à contenir des comportements
de l’enfant ou à prévenir leur consolidation.
Références
[1] Connor DF, Carlson GA, Chang KD et al. for Stanford/Howard/
AACAP Workgroup on Juvenile Impulsivity and Aggression.
Juvenile maladaptive aggression : a review of prevention,
treatment, and service configuration and a proposed research
agenda. J Clin Psychiatry 2006 ; 67 : 808-20.
[2] Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale
(INSERM) : Expertise collective Trouble des conduits chez
l’enfant et l’adolescent, éditions Inserm, 2005, 428 pages.
[3] McDougle CJ, Stigler KA, Posey DJ. Treatment of aggression in
children and adolescents with autism and conduct disorder. J
Clin Psychiatry 2003 ; 64 : 16-25.
[4] Ruths S, Steiner H. Psychopharmacologic treatment of aggression
in children and adolescents. Pediatr Ann 2004 ; 33 : 318-27.
[5] Steiner H, Saxena K, Chang K. Psychopharmacologic strategies for the treatment of aggression in juveniles. CNS Spectr
2003 ; 8 : 298-308.
Principes de traitement pharmacologique des comportements agressifs durables chez l’enfant et l’adolescent (NB : les traitements
pharmacologiques lorsqu’ils sont nécessaires sont toujours associés à une prise en charge psychosociale et/ou psychothérapique)
Diagnostic principal (hors troubles envahissants
du développement et schizophrénie)
Diagnostic secondaire
ou dimension clinique
Molécules ou classes
pharmacologiques conseillées
Pas de trouble spécifique
Contexte environnemental
et/ou réactionnel
Prescription transitoire (en cas d’agitation importante
et/ou dans les manifestations réactionnelles) :
– hydroxyzine
– cyamemazine
Trouble affectif :
dépression, manie, anxiété
Traitement spécifique du trouble :
- antidépresseurs
- thymorégulateurs
- anxiolytiques
- antipsychotiques
Trouble des conduites
Antipsychotique :
– risperidone
TDA/H
Impulsivité
Trouble de l’humeur
Fluctuations de l’humeur
Explosivité
– olanzapine
Psychostimulants :
– methylphenidate
- clonidine
- nouveaux antipsychotiques
- lithium
- carbamazepine
- divalproex
- nouveaux antipsychotiques
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