20-04-2017 1/6 LA SYMBIOSE ENTRE CACTÉES ET BACTÉRIES
LA SYMBIOSE ENTRE CACTÉES ET
BACTÉRIES
I - INTRODUCTION
Les cactées, et quelques autres plantes xérophytes, en plus de vivre dans des milieux
particulièrement secs, chauds et arides, peuvent coloniser des roches totalement brutes, non
dégradées, et sont capables d'assurer leur survie et de croitre à partir de ce milieu hostile, ce que la
plupart des plantes ne peuvent pas faire. Elles croissent sur des roches dans lesquelles les éléments
minéraux ou organiques sont absents, ou non disponibles et non assimilables directement par les
plantes, du fait de l’absence de dégradation préalable des roches par d’autres végétaux, par des
microorganismes ou par les éléments climatiques.
Des travaux menés par des équipes de chercheurs mexicains et américains dans les années 2000, et
en particulier 2 articles publiés en 2009 dans le journal Environmental and Experimental Botany, ont
levé le voile sur ces fabuleuses capacités d’adaptation des cactées et mis en évidence des
phénomènes qui n’avaient jamais été décrits jusqu'à présent chez cette famille de plantes. Les
recherches ont été conduites sur des cactées des milieux arides de la Basse-Californie, au Mexique,
colonisant des roches volcaniques brutes.
Les chercheurs avaient observé que de nombreux cactus poussant dans des roches brutes, étaient
verts, sains et en bonne santé dans cet habitat dans lequel aucune plante ne pouvait croitre du fait
de l’absence de minéraux et d’azote accessibles. Ils ont pensé que la seule explication possible
résidait dans la présence de microorganismes qui assistaient les plantes. Ils ont cherché ces
microorganismes au niveau des racines des plantes et les ont trouvés.
II – LES ASSOCIATIONS BACTÉRIENNES AU NIVEAU
RACINAIRE
1 – Les différentes souches bactériennes
Les études conduites ont montré qu'une dense couche de bactéries et de champignons est associée
au rhizoplane de plusieurs plantes xérophytes poussant dans de la roche brute non dégradée (des
cactées : Pachycereus pringlei, Stenocereus thurberi et Opuntia cholla; et un figuier sauvage : Ficus
palmeri). Le rhizoplane est l'interface entre les racines des plantes (la paroi cellulaire externe de
l’épiderme) et le sol, et c'est sur cette surface que sont localisées la plupart des bactéries et
champignons symbiotiques (microorganismes ectophytes). En ce qui concerne les bactéries du
rhizoplane, les souches retrouvées sont très variées (majoritairement des Pseudomonas, plusieurs
espèces de Bacillus, ainsi que Actinomadura oligospora, et Citrobacter sp., plus d'autres souches
bactériennes qui n’ont pas été identifiées).
Les travaux effectués en 2009 ont également montré que de très nombreuses souches bactériennes
sont présentes à l’intérieur des racines et même à l’intérieur des cellules racinaires (bactéries
endophytes) du cactus Pachycereus pringlei dans son milieu naturel (Bacillus, Citrobacter,
Paenibacillus, Klebsiellla, Acinetobacter, Pseudomonas et Staphylococcus).
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2 – Résultats des études qui ont été conduites :
Concernant l’action et le rôle des bactéries, les nombreuses études qui ont été menées ont mis en
évidence les faits suivants :
- Sécrétions acides et solubilisation des minéraux :
Les bactéries associées aux racines des cactées secrètent des acides organiques volatils et
non-volatils en quantités notables : le plus commun chez toutes les souches bactériennes est l’acide
gluconique. Ces acides, qui agissent à l'interface racine/roche, ont le pouvoir de solubiliser des
quantités notables d'éléments chimiques inorganiques présents dans la roche et de permettre aux
plantes de les absorber par leurs racines (phosphore, potassium, calcium, magnésium, manganèse,
fer, cuivre et zinc). C’est l'élément potassium qui est libéré en plus grande quantité par les bactéries.
Toutes les souches bactériennes retrouvées dans les racines qui ont été testées ont le pouvoir de
solubiliser du phosphate à partir des roches. Des études précédentes ont montré que la composition
chimique des roches ignées se modifie au niveau des cavités occupées par des plantes pionnières.
- Dégradation des particules de roches :
Dans les expérimentations qui ont été conduites, des particules de roches ont été incubées avec les
bactéries retrouvées au niveau des racines des plantes. Après plusieurs jours ces particules
minérales voient leur diamètre se réduire du fait de l'action de ces bactéries, ou bien elles se
désintègrent en particules plus petites. De nombreux minéraux sont extraits de ces particules de
roches par toutes les souches de bactéries qui ont été testées, mais en quantités différentes suivant
les espèces bactériennes et les types de minéraux. Les meilleurs résultats de dégradation des
particules de roches ont été obtenus avec les associations de plusieurs souches bactériennes. Les
expériences ont également montré que les bactéries ne sont pas seulement capables d’attaquer les
roches volcaniques, mais également de dissoudre des roches comme le marbre (roche
métamorphique) et le calcaire (roche sédimentaire).
- Fixation de l’azote :
Les chercheurs ont initialement été étonnés du fait qu’aucune carence en azote n'est observée chez
les plantes vivant dans les rochers en dépit de l’absence totale d'azote dans la roche volcanique :
l’azote est rare dans le désert de Basse-Californie et inexistant dans les roches ignées. Il a été
montré que certaines bactéries symbiotiques au niveau des racines des cactées fixent l'azote
atmosphérique avec une grande efficacité et peuvent pourvoir en azote les plantes qui vivent avec
elles, au point de subvenir totalement à leurs besoins. Ces bactéries fixatrices d’azote ne sont pas,
ou peu, présentes dans les rochers en absence des plantes. Parmi les souches bactériennes
endophytes racinaires isolées, 9 souches ont montré un pouvoir de fixation de l’azote atmosphérique,
avec un potentiel qui varie suivant la localisation (interne ou externe) dans le cylindre vasculaire des
racines.
- Tolérance des bactéries :
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Dans les conditions naturelles la température de l’air au dessus des roches excède 40°C en été. En
septembre 1999, le mois le plus chaud, la température des roches exposées au soleil a été mesurée à
60°C. Il a été montré que les microorganismes peuvent survivre associés aux racines des plantes
pendant les 10 mois annuels de la saison sèche. Ce sont les champignons qui sont majoritaires
pendant la saison sèche, tandis que les bactéries sont majoritaires pendant les 2 mois les plus
humides. Ces bactéries sont thermotolérantes puisqu’elles résistent bien aux températures de 60°C
de la roche aux périodes les plus chaudes, et continuent à se multiplier jusqu’à des températures de
50°C. Elles sont également halotolérantes puisque elles survivent dans de fortes concentrations en
sel, comme le NaCl qui est un produit de la dégradation des roches. Leur survie à long terme dans la
roche brute est cependant dépendante de leur association aux racines des plantes, mais reste
cependant mal expliquée à la période la plus chaude, en absence de spore bactérienne.
4 – En conclusion :
La symbiose entre cactées et microorganismes est donc bien avérée et les bactéries semblent jouer
un rôle considérable, voire essentiel, dans l’acclimatation des cactées à leurs conditions de vie. Les
bactéries bénéficient d’une source de carbone apportée par les plantes à partir de la photosynthèse,
et de leur côté elles aident les plantes à s’installer et croitre dans la roche brute. En milieu purement
minéral les plantes étudiées survivent difficilement sans cette association avec les bactéries. Ces
bactéries ont des capacités d’érosion des roches qui varient en fonction des souches bactériennes et
des conditions de vie, ce qui pourrait expliquer la grande variété de souches bactériennes présentes
au niveau des racines : en combinaison ces bactéries ont le potentiel pour promouvoir
l’acclimatation et la croissance des plantes des zones arides dans des milieux très variés.
III – LA TRANSMISSION DES BACTÉRIES A LA
DESCENDANCE DES PLANTES
Les recherches conduites ont montré que peu, voire pas, de bactéries sont présentes dans la
roche aux saisons chaudes en dehors de la zone racinaire des plantes. En effet, les bactéries sont
logées au niveau des racines et, dans ces milieux hostiles, elles ont une survie faible, voire nulle, en
dehors de la zone racinaire des cactées qui les hébergent : il n’y a alors que peu de chance pour
qu’une graine qui germe puisse entrer en contact avec ces bactéries si elle colonise un terrain
vierge. La question se posait pour les chercheurs de savoir comment une graine qui germait dans la
roche pouvait s’associer à des bactéries absentes. Pour les cactées qui colonisent des milieux arides,
le problème peut alors se poser de transmettre à leur descendance les précieuses bactéries qui leur
permettront de croitre dans des roches totalement brutes et non dégradées.
Comme l’ont montré les travaux publiés en 2009, le cactus colonnaire Pachycereus pringlei, qui
colonise des roches brutes, a résolu ce problème : les bactéries symbiotiques présentes au niveau
des racines de la plante mère sont également présentes dans les fruits. Des bactéries endophytes
colonisent en grand nombre l’intérieur des fruits matures (15 souches cultivables différentes ont été
retrouvées) et vont coloniser les graines.
Sur 26 souches bactériennes endophytes isolées chez Pachycereus pringlei, 15 souches ont été
isolées dans le système vasculaire racinaire et 11 souches à l’intérieur des graines. Les bactéries
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sont présentes à la fois en surface et sous le cortex à l’intérieur des graines, et sont retrouvées chez
toutes les graines de toutes les populations de plantes qui ont été testées. Ces bactéries endophytes
sont présentes en forte densité dans les graines. Elles sont présentes à la fois au niveau de
l’endocarpe, du mésocarpe et de l’épicarpe, et jusqu’au site embryonnaire de la graine. Parmi les
souches bactériennes isolées dans les graines, 2 souches de Klebsiella ont montré un pouvoir de
fixation de l’azote atmosphérique.
La plante mère équipe donc ses graines d’un « kit de survie » biologique en nichant soigneusement
ses précieuses bactéries à l’intérieur des graines. Les fruits sont consommés par des oiseaux ou des
chauves-souris, qui vont déposer les graines avec leurs excréments à distance de la plante mère. Les
différentes souches bactériennes qui sont présentes dans les graines vont ensuite migrer vers les
racines au moment de la germination : quand les graines germent les bactéries endophytes sont
retrouvées dans l’espace intercellulaire du cortex racinaire et du système vasculaire. Les jeunes
plantes pourront alors les utiliser pour dégrader les roches brutes, hostiles à toute végétalisation,
sur lesquelles pourraient être tombées les graines, ainsi que les utiliser pour subvenir à leurs
besoins en azote. Les plantules peuvent ainsi coloniser des terrains vierges, ou elles ne sont en
concurrence avec aucune autre plante.
IV – CULTURE EN POTS DE GRAINES INOCULÉES AVEC
DES BACTÉRIES :
Deux séries d’expériences ont été conduites pour tester le rôle de bactéries sur la croissance de
Pachycereus pringlei cultivé en pots.
1 - A partir de graines non désinfectées :
Des expériences ont consisté à ensemencer des graines de Pachycereus pringlei avec des
microorganismes trouvés ou non naturellement associés à ses racines dans le milieu naturel (
Azospirillum brasilensis, Bacillus chitinolyticus, Bacillus subtilis var.2, Bacillus pumilus var.2,
Pseudomonas putida, Citrobacter sp.), puis à les semer en pot dans un mélange de perlite (23g) et
de roche volcanique broyée stérilisée (4g). Des cultures en pots témoins ne contenaient pas de roche
broyée (culture en perlite seule, qui est la silice pure, sans trace d'éléments minéraux nutritifs) ou
pas de bactéries.
Après un an de culture, les plantes issues de graines inoculées avec des bactéries ont une meilleure
croissance que les plantes issues de graines non ensemencées, particulièrement les plantes cultivées
dans de la perlite seule et ensemencées avec les bactéries de l’espèce Bacillus, qui ont également
une meilleure survie. Il a été montré que l’apport d’engrais restaure la croissance en absence
d’ensemencement avec des bactéries. La présence de roches broyées améliore également la survie
et la croissance par rapport à la culture sur perlite seule. Après un an de culture, les quantités de
minéraux extraites des roches broyées sont supérieures chez les plantes inoculées avec des
bactéries, et variables suivant les souches bactériennes utilisées. Le pH de tous les substrats des
plantes qui avaient été inoculées avec des bactéries a décrut après un an de 7,8 initialement à 6,43 à
6,00, suivant les souches bactériennes. Le contenu en azote des plantes est augmenté quand elles
sont issues de graines inoculées avec des bactéries fixatrices d’azote atmosphérique, que la culture
se fasse avec ou sans roche broyée.
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2 - A partir de graines désinfectées :
Les mêmes expériences de semis en pot décrites ci-dessus ont été répétées avec des graines de
Pachycereus pringlei auparavant désinfectées avec des antibiotiques pour ôter toute présence
bactérienne originellement présentes dans les graines. Ces graines ont ensuite été inoculées avec
des souches bactériennes pures, ou des mélanges de plusieurs souches, avant d’être semées en pots.
Encore une fois, après 1 an de culture, le volume, le poids sec et la longueur des racines sont
significativement améliorés si les graines ont été ensemencées avec des bactéries, quelle que soit la
souche bactérienne utilisée, mais avec des bénéfices qui varient suivant les souches utilisées. Le
contenu en azote est toujours supérieur chez les plantes inoculées avec les bactéries que chez les
plantes témoins non inoculées, que la culture se fasse dans un substrat de perlite pure ou dans un
mélange contenant des roches broyées. Chez les plantes issues de graines ensemencées avec des
souches de Klebsiella et Bacillus une colonisation des racines avec ces bactéries peut être mise en
évidence dès 30 jours après le semis et persiste après un an de culture.
Les mesures des minéraux résiduels dans le substrat de perlite + roche broyée après 1 an de culture
montrent que les plantes inoculées avec les bactéries prélèvent plus de minéraux du substrat, et en
particulier plus de phosphate et de magnésium, que les plantes non inoculées, et ceci quelle que soit
la souche bactérienne utilisée. Les plantes inoculées avec des souches de bactéries endophytes
prélèvent plus de fer que les plantes non inoculées. Plusieurs souches bactériennes permettent
également aux plantes de prélever le potassium du substrat, et c’est le mélange des diverses
souches bactériennes endophytes qui est le plus performant. Le pH est toujours baissé par la
présence des plantes mais est significativement réduit avec les plantes inoculées avec le mélange de
bactéries endophytes.
IV – ET DANS NOS POTS ?...
Il n'est pas fait mention dans ces travaux des associations éventuelles existantes entre les cactées et
les microorganismes qui se trouvent naturellement dans le substrat des plantes en pot. Il est difficile
de dire si les découvertes et les études décrites ci-dessus peuvent être extrapolées à nos collections,
et en particulier :
- Si les microorganismes naturellement présents dans nos milieux de culture, sous notre climat et
avec nos conditions de culture, peuvent remplacer ceux du milieu naturel. Il est possible que oui : il
existe dans nos régions de très nombreux microorganismes symbiotiques des plantes et il ne semble
pas que les cactées fassent preuve d'une grande sélectivité dans le choix des microorganismes avec
lesquels elles s'associent. Mais cela reste une supposition. Il faut également mentionner que même
les microorganismes non symbiotiques sont capables d’améliorer l’absorption du calcium et
magnésium par les plantes.
- Quelle est la viabilité des microorganismes en pot ? Les expériences conduites avec Pachycereus
pringlei ont montré que les plantes en pot issues de graines ensemencées avec des microorganismes
ont une meilleure croissance après un an que les plantes issues de graines non ensemencées avec
les bactéries. Il est montré que ces bactéries sont tout à fait viables en culture en pots. Encore une
fois, il est difficile d’extrapoler ces résultats aux bactéries présentes naturellement dans nos pots et
sous nos climats tempérés, mais on peut raisonnablement penser que c’est aussi le cas.
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