HIGHLIGHTS Forum Med Suisse 2008;8(51–52):1007–1008 10 08
nique parfaitement défini. Le phénotype va d’un re-
tard mental à un autisme classique, en passant par
un syndrome dysmorphique non spécifique. Des
prédictions sur le phénotype à attendre sont donc
très difficiles à faire. Le troisième exemple montrant
bien le rôle que jouent les CNV dans l’apparition
d’une maladie est une duplication sur le bras long
du chromosome 17, contenant des gènes de médi -
ateurs de l’immunité intervenant dans la défense
contre le HIV: la duplication de cette région a pour
conséquence que le gène CCL3L1, qui code pour le
facteur immunosuppresseur MIP-1 P, se trouve avec
un nombre de copies (de n = 2 à 6) dans différents
groupes de populations et individus. On a trouvé un
nombre abaissé de copies du gène CCL3L1 par rap-
port à la moyenne de la population avec une sus-
ceptibilité accrue à l’infection par le HIV après ex-
position [4].
Résumé et conclusions
L’amélioration de moyens techniques a mis en évi-
dence une variance beaucoup plus grande de notre
génome que ce que nous pensions. Une bonne part
de cette variance est due à des délétions/duplica-
tions chromosomiques submicroscopiques, appe-
lées CNV. Pour une partie de ces CNV, on a claire-
ment pu démonter qu’ils jouent un rôle de facteur
causal dans certaines maladies ou constituent des
facteurs de risque pour certains tableaux cliniques
complexes, tels que l’autisme ou la sensibilité aux
infections. La question de savoir quelle est la pro-
portion des CNV ne représentant «que» des va-
riantes de la norme – comme le suggère leur nom –
reste pour l’instant sans réponse. Bien que nous dis-
posions aujourd’hui de plusieurs bases de données
publiques parfaitement tenues à jour et qui nous in-
forment en permanence sur l’état actuel des
connaissances dans le domaine de la signification
et de la fréquence des CNV [5], leur mise en évidence
dans la pratique quotidienne soulève encore da-
vantage de questions qu’elle n’apporte de solutions.
A maints égards, les moyens techniques ont fait des
progrès plus rapides que notre compréhension des
implications biologiques et médicales de l’informa-
tion générée. Les CNV remettent en question la dé-
finition de «facteur causal de maladie», «facteur de
risque» et «variante de la norme» et montrent que
ces concepts sont probablement plutôt à considérer
comme un continuum dynamique que comme une
caractéristique parfaitement circonscrite.
à large échelle a eu pour conséquence non seule-
ment de mettre à notre disposition un meilleur ins-
trument de diagnostic clinique pour notre pratique
quotidienne dans la mise en évidence des aberra-
tions chromosomiques classiques, mais aussi de
nous confronter de plus en plus aux CNV – autre-
ment dit à la variance génétique interindividuelle.
Exemples de la signification des CNV
dans la pratique clinique de tous les jours
On sait depuis longtemps que les délétions et les du-
plications de segments de chromosomes peuvent
être la cause de syndromes génétiques rares. La ma-
ladie Charcot-Marie-Tooth de type 1A, le syndrome
de Prader-Willi, le syndrome de Williams-Beuren,
etc. en sont quelques exemples. Il existe dans ces
syndromes rares une étroite corrélation entre la
duplication ou la délétion du segment chromoso-
mique correspondant (qui peut contenir des gènes
et/ou des ARNm régulateurs) et le phénotype, c’est-
à-dire le tableau clinique. La corrélation entre une
délétion/duplication d’un segment de chromosome
et le phénotype n’est cependant pas toujours aussi
évidente. Un exemple typique de la complexité des
CNV est le syndrome TAR (Thrombocytopenia with
Absent radius ou syndrome thrombocytopénie et
absence de radius), un syndrome extrêmement
rare, caractérisé, comme son nom l’indique, par
une thrombocytopénie en général sévère associée à
une absence bilatérale de radius. Le syndrome TAR
survient habituellement de façon sporadique. Un
groupe allemand a récemment montré que les indi-
vidus souffrant du syndrome TAR présentent une
importante délétion de 200 kb sur le bras long du
chromosome 1 (1q21.1). On a cependant constaté
que chez la grande majorité des familles ayant un
enfant porteur du syndrome TAR, l’un des parents
ne présentant pas l’affection est lui aussi porteur de
la même délétion sur le chromosome 1. Cette délé-
tion est par conséquent à l’origine de la maladie,
mais seulement par interaction avec d’autres fac-
teurs (encore non identifiés). Un second exemple de
la complexité des CNV est celui d’une délétion de
l’ordre de 600 kB et sa duplication réciproque sur
le bras court du chromosome 16 (16p11.2), que l’on
retrouve chez environ 1% des enfants autistes et qui
constitue à ce titre l’un des rares facteurs de risques
identifiés à ce jour dans le spectre si hétérogène de
cette maladie [3]. La délétion/duplication 16p illus-
tre une autre caractéristique intéressante des CNV:
cette aberration n’est pas associée à un tableau cli-
Références
1 Beckmann JS, Estivill X, Antonarakis SE. Copy number variants
and genetic traits: closer to the resolution of phenotypic to
genotypic variability. Nat Rev Genet. 2007 Aug;8(8):639–46.
2 Miny P, Medizinische Genetik: Die Chromosomenunter-
suchung – auf dem Weg vom Mikroskop zum Array-Scanner.
Schweiz Med Forum 2006;6(51):1164–5.
3 Weiss LA, Shen Y, Korn JM et al. Association between micro -
deletion and microduplication at 16p11.2 and autism. N Engl
J Med. 2008;358:667–75.
4 Gonzalez E, Kulkarni H, Bolivar H, et al. The influence of
CCL3L1 gene-containing segmental duplications on HIV-1/
AIDS susceptibility. Science. 2005 Mar 4;307(5714):1434–40.
5 http://projects.tcag.ca/variation/
https://decipher.sanger.ac.uk/
http://genome.ucsc.edu
Correspondance:
Dr Deborah Bartholdi
FMH Médecine génétique
Centre universitaire de santé
McGill,
L’Hôpital de Montréal
pour enfants
Montréal, Qc, H3H 1P3 QC,
Canada
debobarth@yahoo.com
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