Intermédiés n°1 p48-49

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C’est à ce niveau-là que les gens peuvent se rencon-
trer et se reconnaître. Je me sers beaucoup de la CNV
quand c’est très « chaud ». Envoyer un besoin au bon
moment peut s’avérer extrêmement efficace.
La médiation « traditionnelle » permet de sortir de
l’émotion pour aller vers le besoin, qui reste cepen-
dant au niveau psychologique. À mon sens, la solu-
tion est au niveau de la symbolique. Les valeurs sont
des éléments constitutifs de la personne humaine,
pour lesquelles elle est prête à tout transgresser. Elles
sont au-dessus de toutes les lois, certains sont dispo-
sés à tout détruire pour faire respecter leurs valeurs.
Quand un processus permet à une personne de se
connecter à ses propres valeurs, elle comprend tout
son fonctionnement. Si, par exemple, pour un indi-
vidu, la liberté est essentielle, il va comprendre que s’il
en est privé, sa souffrance sera telle qu’il sera capable
de tout remettre en cause pour elle.
Quand je me formais au CMFM, j’ai rejoint l’associa-
tion « Les Pierrots de la nuit » pour gérer les problèmes
de bruit sur les lieux festifs de la capitale. J’intervenais
dans les conflits de voisinage entre riverains et clients
de bars. Des artistes de rue passaient dans les endroits
où les gens font la fête, et proposaient des mini-spec-
tacles afin d’attirer leur attention sur les nuisances
sonores, très gênantes pour les riverains. Ces artistes
étaient accompagnés d’un médiateur qui calmait les
esprits si ça chauffait, et expliquait l’opération. L’asso-
ciation (en partie financée par la mairie de Paris) avait
contacté le CMFM. Je m’étais porté volontaire avec un
autre médiateur, et nous avons mis en place le système
ensemble. Ça a été une sacrée école de médiation ! On
dit toujours que, pour bien faire une médiation, il faut
un cadre, qu’on met les gens dans une pièce, que tout
est hyper sécurisé. Là, je peux vous dire que la sécurité
et le cadre : zéro ! Il peut se passer n’importe quoi…
Pour apprendre le métier, il n’y a rien de mieux. C’est
très impressionnant. Aller vers des gens un peu bour-
rés et leur envoyer un ressenti ou un besoin pour les
détendre, de façon instantanée, il faut le faire. J’ai beau-
coup appris de cette expérience qui aura duré un an.
Pour devenir médiateur, je crois qu’il faut « être
dedans » en permanence et saisir toutes les opportu-
nités. S’il se passe quelque chose, il faut rencontrer les
médiateurs, parler avec eux, foncer dès qu’un projet se
fait sans se poser de questions. À partir du moment où
l’on se met en mouvement, l’univers se met aussi en
mouvement pour nous ouvrir la route.
Marion DELISSE
“Je me suis formé à la
CNV, outil extrêmement
puissant. Je l’ai un peu
laissé tomber au prot de
la médiation humaniste,
mais les deux pratiques
sont assez similaires.”
n’a tort ou raison : il existe une innité de
stratégies pour satisfaire un même besoin.
Ainsi, pour se détendre, l’un peut vouloir
sortir au cinéma voir un lm d’action, tandis
que l’autre préférera rester lire à la maison.
Et si l’autre refuse de faire la même chose
que moi, il est possible que je me sente triste
ou en colère. Pour autant, il n’est pas res-
ponsable de mes émotions et se révèle, tout
au plus, leur déclencheur. Comment passer
du tu accusateur au je responsable ? En se
libérant des jugements qui ne sont que « des
expressions détournées de nos propres be-
soins insatisfaits » (1). Pour ce faire, la CNV
ore tout à la fois une méthode de résolu-
tion des conits et une posture bienveillante
qui nous rendent capables d’assumer ce qui
relève de notre responsabilité.
La méthode OSBD
La CNV ore une liste de contrôle en quatre
temps qui permet de s’assurer qu’on est bel
et bien sur la voie non violente.
Observation des faits qui m’interpellent
(en mettant de côté toute forme de juge-
ment) : « Quand je vois… Quand j’entends… »
Sentiments stimulés par les faits (en les
diérenciant de nos interprétations et de
nos jugements) et en assumant la responsa-
bilité de mes émotions : « Je me sens… »
Besoins liés à ces sentiments distinguer
des stratégies) : « Parce que j’aspire à… »
Demande ne pas confondre avec une exi-
gence) en vue de satisfaire ces besoins :
« Est-ce que tu serais d’accord pour… ? »
Si la méthode est simple, il ne sut pas pour
autant que chacun la suive de manière méca-
nique. Encore faut-il le faire, en conscience
et avec empathie, c’est-à-dire avec une in-
tention bienveillante : « Lorsque  nous  xons 
notre attention sur les sentiments et besoins
de l’autre, nous renouons avec l’humanité
qui nous est commune. » (1)
En tournant ses oreilles non seulement vers
l’intérieur (quels sont mes besoins ?) mais
encore vers l’extérieur (quels sont ceux de
l’autre ?), la CNV permet de passer du mode
chacal qui bloque la communication et -
nère la violence au mode girafe qui facilite
la communication et désamorce la violence.
Marshall Rosenberg a choisi la girafe parce
qu’elle est le mammifère doté du plus grand
cœur. La CNV suppose « une connexion de
cœur à cœur ». Pour autant, il ne s’agit pas de
sombrer dans le monde des bisounours. Rap-
pelons que la girafe a aussi des sabots. On
peut tout à fait exprimer sa colère en mode
CNV et de manière plus ecace qu’en y lais-
sant libre cours : exprimer pleinement ses
émotions, cela requiert « la capacité d’être
pleinement conscients de nos besoins » (1).
La CNV permet donc une meilleure asserti-
vité, dans l’authenticité et l’ouverture.
Un outil précieux pour la Paix
Basée sur une éthique de la relation, la CNV
est un chemin vers la responsabilisation et
l’empathie par lequel chacun se relie eca-
cement à soi et à l’autre. Tout conit étant
l’expression tragique d’un besoin insatisfait,
il importe donc que le médiateur, confronté à
des positions antagonistes et des points de
vue divergents, apprenne à « traduire n’im-
porte quel message en besoin » (1). Dans la
mesure la violence est « l’expression de la
frustration de notre nature » (2), la CNV per-
met de nous reconnecter à ce qu’il y a de vi-
vant et précieux en chacun d’entre nous. De
ce point de vue, « si la communication est un
art, la CNV est un trésor » (3). Et, parce que
« la Paix, ça s’apprend » (2), commençons
dès maintenant par apprendre à communi-
quer de manière non violente : « Devenons le
changement que nous souhaitons voir dans
le monde. » (M. Gandhi).
Catherine EMMANUEL
(1)
Les mots sont
des fenêtres
(ou bien ce sont
des murs)
,
Marshall B.
Rosenberg,
éd. La Découverte
(2)
La paix, ça
s’apprend !
,
Thomas
d’Ansembourg,
éd. Actes Sud
(3)
Pratiquer la
Communication
Non Violente
,
Françoise Keller,
InterÉditions
Catherine Emmanuel,
médiatrice généraliste
diplômée d’État, nous donne
le mode d’emploi de la
Communication Non Violente.
C
haque jour, nous communiquons et entrons
dans des interactions parfois conictuelles.
Les personnes en conit sont dans l’inca-
pacité de communiquer de manière sereine
et constructive : leurs échanges sont soit
inexistants, soit empreints d’une telle vio-
lence qu’au mieux, ils empêchent la réso-
lution du conit, au pire, ils le nourrissent.
En d’autres termes, la communication est
un échec dont chacun a bien conscience :
« Cela fait vingt fois que je lui dis, mais il ne
veut rien entendre… Elle ne cesse de me
faire des reproches, je ne veux plus lui par-
ler… Ça fait deux ans qu’on en parle, mais
rien ne change ! » Or, il existe une manière
de communiquer qui permet non seulement
de résoudre les problèmes de communica-
tion, mais d’accroître la satisfaction de nos
besoins et la qualité de nos relations : la CNV
ou Communication Non Violente.
Il s’agit d’un concept créé dans les années
1960 par Marshall Rosenberg (1), psycho-
logue américain et médiateur international
(1934-2015). Selon lui, nous naissons tous
avec un élan empathique et altruiste. Cet
élan vital se trouve bridé par le conditionne-
ment (éducatif, social, culturel…) qui nous
amène à coller des étiquettes sur la situa-
tion, les autres et nous-mêmes, étiquettes
qui nous coupent de nos besoins fondamen-
taux. Or, en matière de besoins, personne
LA CNV, “ConneCt before CorreCt…”
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Inter
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portrait
Boîte à outils
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