LA FICHE DU MOIS octobre 2002 n° 40 Le grenadier de roche (Coryphaenoides rupestris) Stock de l’ouest des Iles britanniques (Division Vb et sous zones VI et VII du CIEM) ◗ COMMENT VIT-IL ? Espèce de l’Atlantique Nord, le grenadier est présent à l’ouest (du cap Hatteras à la terre de Baffin et au Groenland), à l’est (au large de l’Islande et de la Norvège) et, si sa distribution s’étend vers le sud jusqu’à l’ouest de l’Afrique (20°N), sa densité est bien moindre au sud de 52° N (ouest Irlande). Le grenadier de roche est un poisson benthopélagique : sa densité est supérieure au voisinage du fond, mais on l’observe aussi en pleine eau (jusqu’à 500 m du fond), entre 400 et 2 000 mètres de profondeur. Il se nourrit essentiellement de petits crustacés pélagiques auxquels s’ajoutent quelques petits poissons et céphalopodes pour les plus grands individus. Les appellations «rat» dans certains ports, et «r at-tail» (queue de rat) des anglophones font allusion à sa morphologie telle qu’on peut l’observer lors des débarques. In situ, il déploie en fait de larges nageoires dorsales, caudales et anales fusionnées et liserées d’un bord blanc. A l’instar de plusieurs autres espèces profondes, le grenadier a une grande longévité (il peut atteindre 60 ans) et une croissance lente. L’essentiel des individus débarqués en France est âgé de 15 à 35 ans. Si les femelles atteignent une plus grande taille que les mâles, les individus les plus grands atteignent 1,20 m de longueur totale, pour un poids vif n’excédant pas trois kilos. La taille moyenne de première maturité sexuelle des femelles est de 50 cm pour un âge moyen de 14 ans. Elles pondent plusieurs lots d’œufs au cours d’une même année et chaque Correspondance âge et taille 5 10 20 30 40 Taille (cm) 16 Age (ans) 34 68 91 105 Poids (kg) 0,03 0,12 0,7 1,6 2,5 I f re m e r lot est constitué de 4 000 à 70 000 unités selon la taille des femelles. Le nombre de lots pondus par femelle et par an étant inconnu, la fécondité annuelle l’est aussi. Si pour ce stock la période de reproduction s’étend de février en avril, elle a lieu d’octobre à décembre dans le Skagerrak, secteur où les larves mènent une vie planctonique pendant près d’un an. On ne sait cependant pas si cette durée est la même à l’ouest des Iles Britanniques. ◗ COMMENT EST-IL EXPLOITE ? A l’ouest des Iles Britanniques, le grenadier est une espèce cible des chalutiers industriels et semi-industriels français depuis la fin des années 80. S’ils ont longtemps été pratiquement seuls à exploiter ce stock, les débarquements des flottilles espagnoles et écossaises ont fortement augmenté ces dernières années. Depuis le milieu des années 1990, environ 15 chalutiers industriels et 30 semi-industriels ont participé de manière significative aux captures françaises qui sont débarquées soit dans les ports français soit en Ecosse et en Irlande. Son régime alimentaire étant basé sur des proies de petite taille, le grenadier n’est pas capturé à la palangre. Et il n’existe pas de déclarations de captures significatives au filet maillant. En dehors de la zone considérée ici, le grenadier est exploité dans la sous-zone CIEM XII. Ce secteur couvre la partie ouest du banc Hatton, où l’exploitation, récente est le fait de chalutiers espagnols, et la ride médio-Atlantique, où des captures importantes ont été faites dès les années 1970. Après s’être arrêtée quelques années, l’exploitation a repris mais le niveau actuel des captures est incertain. Concernant le grenadier, la sélectivité des chaluts est mauvaise du fait de la forme de l’espèce, de la pauvreté en mucus de sa peau et de ses capacités natatoires médiocres. Juvéniles et adultes se mélangeant en proportions variables selon les zones et les profondeurs, les captures de juvéniles sont difficiles à éviter. En France, le grenadier est commercialisé à partir d’une taille d’environ 60 cm (400 à 500 g) et les petits individus sont rejetés. Compte tenu de la fragilité de la peau, il est probable que les individus qui s’échappent à travers les mailles ont un taux de survie très faible. ◗ QUEL DIAGNOSTIC ? Le diagnostic du stock est incertain. Il ne repose pas sur des estimations de mortalité par pêche, mais sur l’évolution des débarquements par unité d’effort (LPUE) des chalutiers. Cependant, les estimations d’âges pour cette espèce atteignent désormais un niveau de fiabilité suffisant pour envisager à moyen terme la constitution de séries de données de captures par âge et donc l’estimation de la mortalité par pêche. En dépit des incertitudes, l’espèce présente une grande longévité, corollaire d’une mortalité naturelle faible. Dès lors, elle ne peut tolérer qu’un taux limité d’exploitation. La diminution des tailles moyennes débarquées depuis la fin des années 1980, la baisse simultanée des LPUE jusqu’en 2000 et les débarquements cumulés importants par rapport aux estimations de biomasse initiale basés sur les campagnes scientifiques sont d’éléments convergents. Ils montrent que la pêcherie a fortement exploité la biomasse disponible et que les niveaux des débarquements internationaux récents ne pourront pas être durables. Enfin, même si on considère aujourd’hui que les grenadiers de l’ouest des Iles Britanniques constituent un stock indépendant, il est probable que la distribution géographique de ce stock est plus large et qu’au moins une partie des captures en provenance de la sous-zone XII (notamment celles réalisées à l’ouest du banc Hatton) est prélevée sur la même population biologique. Le développement de la pêcherie dans la sous zone XII depuis 1998 aurait ainsi entraîné une forte augmentation de la mortalité par pêche sur ce stock de grenadier Fiche réalisée par Pascal Lorance Centre de Brest Les nouvelles de l’Ifremer - n°40 - Octobre 2002• 4