THEOREMES D’ARRETS POUR LES MARTINGALES
PRÉPARATION À LAGRÉGATION EXTERNE DE MATHÉMATIQUES DE LUNIVERSITÉ RENNES 11
ANNÉE 2011/2012
1. EQUI-NTEGRABILITE
Les propriétés de cette section sont valables pour toute suite de v.a.r.
Définition 1.1 Une famille (Xi)iIde v.a.r. est dite équi-intégrable (EI) ou uniformément intégrable si
lim
ksup
iI
E[|Xi|1(|Xi|≥k)] = 0.
Propriétés 1.1
(1.) Si (Xi)iIest EI, elle est aussi bornée dans L1;
(2.) Si il existe ε>0tel que supiIE[|Xi|1+ε]<,(Xi)iIest EI ;
(3.) Si supiI|Xi| ∈ L1,(Xi)iIest EI ;
(4.) Pour toute v.a.r. intégrable Z, la famille {E[Z|B],Bsous-tribu}est EI.
Le résultat fondamental suivant s’apparente à un théorème de type "convergence dominée" :
Théorème 1.1 Soient (Xn)net X des v.a.r. Si Xn
P
X, on a : (Xn)nest EI Xn
L1
X.
2. CONVERGENCE L1DES MARTINGALES
Théorème 2.1 Soit (Xn)nune sous-martingale. Alors, (Xn)nest EI (Xn)nconverge p.s. et dans L1.
La martingale de Galton-Watson 2(Zn/mn)n0est EI si la loi de reproduction, i.e. la loi de ξ1
1, est de carré
intégrable et m=Eξ1
1>1 : en effet, on peut montrer que EZ2
n+1=var(ξ)+m2EZ2
n, et donc que (Zn/mn)n0
est borné dans L2. Il existe donc une v.a.r. intégrable W(non nulle) telle que l’on ait p.s. : ZnmnW.
Théorème 2.2 Soit (Xn)nune (Fn)n-sous-martingale EI et Xsa limite. Alors n:XnE[X|Fn]p.s.
Lorsque (Xn)nest une martingale EI, on a donc Xn=E[X|Fn]p.s. et pour chaque n: on dit que la martin-
gale (Xn)nest fermée. En tant que martingale EI, la martingale de Doob est convergente p.s. et dans L1. On
peut préciser la limite :
Théorème 2.3 [DOOB]Soit Z une v.a.r. intégrable, (Fn)nune filtration et F=σ(nFn). Alors,
E[Z|Fn]p.s.,L1
E[Z|F].
Pour le critère quadratique, E[Z|Fn]est la meilleure approximation de Zsachant Fn. On ne peut donc
espérer récupérer la totalité de l’information que si Zest F-mesurable, car alors E[Z|F] = Zp.s.
1. Benoît Cadre - ENS Cachan Bretagne
2. (Zn)n0est défini par récurrence par Z0=0 et Zn+1=Zn
i=1ξn+1
i,pour (ξn
i)i,n1i.i.d. intégrables et à valeurs dans N
1
3. TEMPS D’ARRET
Pour une filtration (Fn)n, on notera F=σ(nFn).
Définition 3.1 Soit (Fn)nune filtration. Une v.a. T à valeurs dans N∪ {}est un (Fn)n-temps d’arrêt
(t.a.) si n, {T=n} ∈ Fnou bien, de façon équivalente, si n, {Tn} ∈ Fn.
Noter que, alors, {T=} ∈ F.
Exemples 3.1
Une v.a. entière et p.s. constante est un t.a. pour toute filtration ;
INSTANT DE 1ÈRE ENTRÉE DANS UN BORÉLIEN. Soit (Xn)nun processus (Fn)n-adapté et Bun
borélien de R. Avec la convention inf /0 =, la v.a. T=inf{n:XnB}est un (Fn)n-t.a.
Si kN, en adoptant la convention sup /0 =0, S=sup{nk:XnB}n’est en général pas un t.a.
Propriétés 3.1 Soient S,T deux (Fn)n-t.a. Alors S T , S T et S +T sont des (Fn)n-t.a.
Définition-Proposition 3.2 Soit T un (Fn)n-t.a. On note
FT=AF:A∩ {T=n} ∈ Fn,n=AF:A∩ {Tn} ∈ Fn,n.
La classe d’événements FTest une tribu, appelée tribu des événements antérieurs à T .
Noter que σ(T)FT, l’égalité étant fausse en général. Il faut comprendre cette tribu de la manière sui-
vante : si (Fn)n0est la filtration naturelle du processus (Xn)n0et Test un t.a. relatif à cette filtration, l’in-
formation contenue dans FTcomprend, d’une part, la valeur de Tet d’autre part, les valeurs de X0,·· · ,XT.
Propriétés 3.2 Soient S,T deux (Fn)n-t.a. Alors, FST=FSFTet en particulier, si S T , FSFT.
Propriété 3.3 Soit (Xn)nun processus (Fn)n-adapté et T un (Fn)n-t.a. p.s. fini. On note XTl’application
définie pour chaque ωpar XT(ω) = XT(ω)(ω). Alors XTest une v.a.r. FT-mesurable.
Définition 3.3 Soit (Xn)nun processus (Fn)n-adapté et T un (Fn)n-t.a. On appelle processus arrêté à
l’instant T le processus XT= (XT
n)ndéfini pour chaque n par XT
n=XnT.
Il faut remarquer ici que pour chaque n,XT
nest FnT-mesurable et donc Fn-mesurable.
4. THEOREMES D’ARRET POUR LES MARTINGALES
Théorème 4.1 [THÉORÈME DARRÊT 1] Soit (Xn)nune (Fn)n-sous-martingale et S,T deux (Fn)n-t.a.
bornés tels que S T. Alors, XS,XTL1et de plus, E[XT|FS]XSp.s.
Exercice 4.1 Soit S= (Sn)n0, la marche aléatoire simple symétrique issue de 0 et définie sur les entiers
relatifs, et Tl’instant de 1ère entrée dans l’état 1. En utilisant le théorème ci-dessus, montrer que T<
p.s.
Dans cet exemple, on a donc 1 =EST6=ES0=0 : ainsi, dans le théorème précédent, l’hypothèse de
bornitude des t.a. joue un rôle essentiel. Lorsque ce n’est pas le cas, il faut pouvoir préciser le comportement
asymptotique de la martingale.
2
Pour un processus (Xn)nqui converge, on note Xsa limite et on convient que XT=Xsur l’événement
{T=}.
Théorème 4.2 [THÉORÈME DARRÊT 2] Soit (Xn)nune (Fn)n-sous-martingale, et S,T deux (Fn)n-t.a.
(finis ou non) tels que S T p.s. Si (Xn)nest EI, alors XS,XTL1et E[XT|FS]XSp.s.
Une conséquence de ce théorème est que si (Xn)nest une (Fn)n-martingale EI, {XT,Tun (Fn)n-t.a.}est
une famille EI.
Exercice 4.2 [RUINE DU JOUEUR] Un joueur joue à pile ou face avec une pièce équilibrée. Si il fait "pile"
(resp. "face"), il gagne 1$ (resp. perd 1$). Il s’arrête de jouer lorsque son gain vaut 0 ou m1. Sa fortune
avant de commencer le jeu est 0 km. Montrer que le jeu finira par s’arrêter, et calculer la loi du gain
lorsque la partie est terminée.
5. DECOMPOSITION DE DOOB
Définition 5.1 Soit (Xn)n0un processus stochastique et (Fn)n0une filtration. On dit que (Xn)n0est
(Fn)n0-prévisible si, pour tout n 0, Xnest Fn1-mesurable (avec la convention F1={/0,}).
En clair, le processus (Xn)n0est (Fn)n0-prévisible si, à l’instant n, l’information disponible Fnpermet
de connaître la valeur prise par Xn+1: on peut donc "prédire" la valeur future.
Théorème 5.1 [DÉCOMPOSITION DE DOOB]Soit (Xn)n0une (Fn)n0-sous-martingale. Il existe une
décomposition unique de (Xn)n0sous la forme Xn=X0+Mn+Anp.s. pour tout n, avec :
(Mn)n0une (Fn)n0-martingale telle que M0=0p.s. ;
(An)n0est prévisible, croissant, et A0=0p.s..
Remarque 5.1 Le processus (An)nse calcule par récurrence, en utilisant la relation
An+1An=E[Xn+1|Fn]Xn.
Le théorème 5.1 est souvent utilisé sous la forme suivante : si Y= (Yn)n0est une martingale de carré
intégrable, (Y2
n)n0est une sous-martingale. Le processus prévisible et croissant (An)n0intervenant dans
la décomposition de Doob de (Y2
n)n0est appelé crochet de la martingale Y, et est noté hYin. En particulier,
si Y0=0, on a la relation EY2
T=EhYiT, pour tout t.a. borné T.
Exercice 5.1 Soient ξ1,ξ2,··· des v.a.r.i.i.d. dont la loi est de carré intégrable, et M= (Mn)n0le processus
défini par M0=0 et Mn=ξ1+·· · +ξnpour n1.
a. Montrer que si ξest centrée, alors hMin=nEξ2.
b. Dans le contexte de l’exercice 4.1, en déduire que T/L1.
c. Soit Sun t.a. pour M, avec ES<. Montrer l’identité de Wald : EMS=ESEξ.
Exercice 5.2 Deux joueurs, André et Berthe, jouent simultanément à pile ou face, chacun avec sa propre
pièce, qui est équilibrée. Les joueurs lancent la pièce, jusqu’à ce que l’un d’entre eux ait fait rpiles de plus
que son adversaire. Il est alors déclaré vainqueur de la partie. Montrer que le nombre de jeux d’une partie
est fini, et même intégrable. Calculer le nombre moyen de jeux.
A titre de complément, et pour bien voir à quel point la convergence des martingales de carrés intégrables
est liée à celle de leur crochet :
3
Théorème 5.2 [LFGN POUR LES MARTINGALES]Soit X= (Xn)n0une martingale de carré intégrable.
(i) Pour P-p.t. ω∈ {hXi<}, la suite (Xn(ω))n0converge.
(ii) Soit f :R+R+croissante telle que R
0(1+f(x))2dx <. Pour P-p.t. ω∈ {hXi=}:
Xn(ω)
f(hXin(ω)) 0.
6. APPLICATION : UNE STRATEGIE DE DECISION
Une usine produit des composants électroniques qui peuvent sortir défectueux de la chaîne de fabrication.
Le nombre de pièces fabriquées étant gigantesque et l’examen de chaque pièce étant relativement coûteux,
il est impensable d’évaluer la qualité de toute sa production. Dans la suite, p0désigne la probabilité, incon-
nue, qu’une pièce soit défectueuse.
Un acheteur cherchera à n’accepter un stock de pièces tel que p0paqu’avec une probabilité βet
l’industriel cherchera à ne rejeter un stock tel que p0pi(avec 0 <pi<pa<1) qu’avec une probabilité
α(α,β]0,1[). Comment répondre à ces deux exigences ?
Il s’agit donc de construire une stratégie de décision respectant les consignes ci-dessus. Dans la suite, xk=1
si le k-ième composant électronique est défectueux, et 0 sinon. Puis,
zk=xkln pa
pi
+ (1xk)ln 1pa
1pi
.
Le test séquentiel du rapport de vraisemblance est la stratégie de décision suivante :
On examine successivement des pièces du stock. Après l’examen de la n-
ième pièce, trois décisions doivent être envisagées :
examiner la (n+1)-ème pièce, si z1+··· +zn]lnβ,ln(1/α)[;
rejeter le stock, si z1+·· · +znln(1/α);
accepter le stock, si z1+·· · +znlnβ.
Vérifions maintenant que cette stratégie répond aux exigences. Pour p]0,1[, soit Ppla probabilité sur
{0,1}Ndont la restriction à {0,1}nvaut B(p)npour tout n1. On considère l’échantillon canonique
(X1,X2,·· ·)sur ({0,1}N,Pp). Par analogie au cas où le nombre d’observations est fixé, on défini la vrai-
semblance du sous-échantillon (X1,·· · ,Xn)de loi B(p)npar
Ln(p) = Ln(X1,·· · ,Xn;p) = pn
i=1Xi(1p)nn
i=1Xi.
En notant pour chaque k1 :
Zk=Xkln pa
pi
+ (1Xk)ln 1pa
1pi
,
on a alors
Sn=ln Ln(pa)
Ln(pi)=Z1+·· · +Zn.
La stratégie de décision consiste à arrêter l’examen des pièces à partir de la ν-ème, où
ν=infnn1 : Ln(pa)
Ln(pi)1
αou Ln(pa)
Ln(pi)βo=infnn1 : Sn/]lnβ,ln 1
α[o.
4
Soit Epl’espérance sous la loi Pp. Posons mp=EZ1et S0=0. Comme (Snνnνmp)n0est une Pp-
martingale et |Snν| ≤ max(|lnα|,|lnβ|), on déduit que νL1(Pp)si mp6=0 (le cas mp=0 est traité par
un argument similaire). En particulier, νest Pp-p.s. fini pour tout p]0,1[, donc l’algorithme de décision a
une fin.
De plus, la vraisemblance Lν(p)de l’observation (X1,·· · ,Xν)a un sens. Pour toute fonction à valeurs
positives φ, on a
Epaφ(X1,·· · ,Xν) = EpiLν(pa)
Lν(pi)φ(X1,·· · ,Xν).
Par suite,
PpaSνlnβ=EpiLν(pa)
Lν(pi)1{Lν(pa)
Lν(pi)β}βet PpiSνln(1/α)=EpaLν(pi)
Lν(pa)1{Lν(pi)
Lν(pa)α}α.
Par ailleurs, on vérifie que :
Pp0Sνln(1/α)PpiSνln(1/α)αsi p0pi
et Pp0SνlnβPpaSνlnββsi p0pa.
En conclusion, la stratégie de décision rempli les conditions imposées : si p0pi, la probabilité de rejeter le
stock en adoptant cette stratégie est αet, si p0pa, la probabilité d’accepter le stock avec cette stratégie
est β.
REFERENCES
P. Billingsley, Probability and Measure, 3rd Edition, Wiley, 1995.
D. Dacunha-Castelle et M. Duflo, Probabilités et statistiques - Tome 2 : Problèmes à temps mobile (Cours
et Exercices), Masson, 1983.
R. Durrett, Probability : Theory and Examples, 4th Edition, Cambridge University Press, 2010.
D. Foata et A. Fuchs, Processus stochastiques - Processus de Poisson, chaînes de Markov et martingales,
Dunod, 2002.
J. Neveu, Martingales à temps discret, Masson, 1972.
J.-Y. Ouvrard, Probabilités 2 : maîtrise agrégation, Cassini, 2001.
D. Williams, Probability with martingales, Cambridge University Press, 1991.
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