Systèmes linéaires et matrices Voici trois exemples de problèmes menant à la résolution de systèmes linéaires. Exemple 1. Pont de Wheatstone. Il s'agit du circuit électrique suivant : On cherche l'intensité parcourant chacun des 6 brins. La résistance du brin k , parcouru par l'intensité ik , est Rk . Par la loi des noeuds en chacun des sommets : i1 + i5 = i2 , i2 = i3 + i6 , i3 = i1 + i4 , i4 = i5 + i6 . Par la loi des mailles, sur chacune des mailles du circuit : R1 i1 − R5 i5 − R4 i4 = e, −R6 i6 + R3 i3 + R4 i4 = 0. R5 i5 + R2 i2 + R6 i6 = 0, On obtient un système de 7 équations à 6 inconnues : i1 − i2 i2 − i3 − i3 + i4 i1 i4 R i − R 1 1 4 i4 R2 i2 4 R3 i3 + R4 i4 + i5 − i6 − i5 − i6 − R5 i5 + R5 i5 + R6 i6 + R6 i6 = = = = = = = 0 0 0 0 e 0 0 Exemple 2. Comment équilibre la formule chimique suivante ? K4 F eC6 N6 + H2 SO4 + H2 O −→ K2 SO4 + F eSO4 + N2 H8 SO4 + CO. On l'écrit sous la forme : aK4 F eC6 N6 + bH2 SO4 + cH2 O −→ dK2 SO4 + eF eSO4 + f N2 H8 SO4 + gCO. On équilibre, atome par atome : K : 4a = 2d, N : 6a = 2f, F e : a = e, H : 2b + 2c = 8f, O : 4b + c = 4d + 4e + 4f + g. 1 C : 6a = g, S : b = d + e + f, On obtient un système de 7 équations à 7 inconnues : 4a a 6a 6a − 2d − e − 2f 2b + 2c − 8f b − d − e − f 4b + c − 4d − 4e − 4f = = − g = = = = − g = 0 0 0 0 0 0 0 Tout calcul fait, les solutions sont de la forme (1, 6, 6, 2, 1, 3, 6)a et donc une forme équilibrée de la formule est : 1K4 F eC6 N6 + 6H2 SO4 + 6H2 O −→ 2K2 SO4 + F eSO4 + 3N2 H8 SO4 + 6CO. Exemple 3. Comment Google ordonne t-il les pages web ? Il s'agit d'un algorithme appelé PageRank 1 , qui attribue à chaque page un coecient qui dépend du nombre de liens qui pointent vers elles. En voici le principe (du moins, la partie publique) sur un exemple simple. On considère les 4 pages suivantes, sur le même sujet, avec les liens qui pointent entre elles. ?>=< 89:; @ 1 >k > >> >> >> > 89:; ?>=< 4 K ?>=< 89:; 2> >> >> >> >> 89:; ?>=< 3 On pondère chaque lien suivant le nombre de liens qui partent de chaque page : ?>=< 89:; @ 1 >k > >> 1/2 >> >> 1/2 1/3 > ?>=< 89:; 89:; ?>=< 2 > 1/3 4 K >> >> 1/2 >> 1/2 >> 1 89:; ?>=< 3 1/3 Le PageRank de la page i est noté ri . Par convention, la somme des PageRanks vaut 1. De plus, pour chaque page, selon les liens qui arrivent à cette page r1 r2 r3 r 4 = = = = 1 1 r2 + r4 2 2 1 r1 3 1 1 1 3 r1 + 2 r2 + 2 r4 1 r1 + r3 3 1. inventé par Larry Page, cofondateur de Google. 2 On obtient donc un système de 5 équations à 4 inconnues : 1 1 r2 − r4 = 0 r1 − 2 2 1 = 0 − r1 + r2 3 1 1 1 − r1 − r2 + r3 − r4 = 0 3 2 2 −1r − r3 + r4 = 0 1 3 r1 + r2 + r3 + r4 = 1 3 1 4 5 Ce système possède une unique solution, . Google procède (en partie) ainsi, en , , , 13 13 13 13 résolvant un système comportant plusieurs millions d'équations et d'inconnues. 1 Résolution de systèmes linéaires par la méthode du pivot de Gauss 1.1 Dénition Rappelons que l'ensemble Rn est l'ensemble des n−uplets (x1 , x2 , · · · , xn ) de nombres réels. Par exemple, R2 = {(x, y)|x ∈ R, y ∈ R} . Dénition 1 forme 1. On appelle équation linéaire d'inconnues x1 , . . . , xp , toute équation de la a1 x1 + . . . + ap xp = b, où a1 , . . . , ap et b sont des nombres réels donnés. 2. On appelle système linéaire de n équations à p inconnues, la donnée constituée de n équations linéaires à p inconnues. Résoudre un tel système, c'est trouver tous les p-uplets (x1 , x2 , . . . , xp ) ∈ Rp qui vérient les n équations du système. Règle d'or : la résolution d'un système linéaire ne peut aboutir qu'à trois cas de gure : Le système n'a pas de solution. Le système admet une unique solution (x1 , x2 , . . . , xp ). Le système admet une innité de solutions. Exemple. 1. Le système linéaire 3x1 + 2x2 = 4 2x1 + 3x2 = 1 admet une unique solution (x1 , x2 ) = (2, −1). Ce système de deux équations à deux inconnues se résoud par la méthode de substitution ou par la méthode de combinaison, vues au lycée. 2. Le système linéaire 12x1 + 3x2 = 4 24x1 + 6x2 = 2 n'admet aucune solution. En eet il est équivalent à 12x1 + 3x2 = 4 12x1 + 3x2 = 1 (L2 ← 21 L2 ) et il faut pour qu'il puisse admettre des solutions que 4 = 1/2, ce qui est faux. 3 3. Le système linéaire d'une équation à deux inconnues 3x1 + 2x2 = 4 admet une innité de solutions. On reconnait en eet l'équation d'une droite D et tout couple de la forme (x1 , 2 − 32 x1 ) est une solution du système. Tout point de la droite D est de la forme 3 , (0, 2) + x1 1, − 2 et on déduit que D passe par le point (0, 2) et est dirigée par le vecteur (1, −3/2). 1.2 Méthode du pivot de Gauss Considérons un système linéaire (S) de n équations à n a11 x1 + a12 x2 + . . . + a1n xn a21 x1 + a22 x2 + . . . + a2n xn (S) : an1 x1 + an2 x2 + . . . + ann xn inconnues = b1 = b2 .. . (L1 ) (L2 ) .. . = bn (Ln ) où les inconnues sont les réels x1 , x2 , . . . , xn . Le but de la méthode du pivot de Gauss 2 est de transformer par une suite d'opérations élémentaires sur les lignes de (S), le système en un système triangulaire qui se résoudra simplement. La méthode du pivot de Gauss repose sur les trois propositions suivantes. Au préalable, on dit que deux systèmes sont équivalents s'ils admettent le même ensemble de solutions. Proposition 1 1. Le système (S) est équivalent à tout système (S 0 ) obtenu en permutant deux lignes Li et Lj dans (S). 2. Le système (S) est équivalent à tout système (S 0 ) obtenu en remplaçant une équation Li par l'équation λLi avec λ un réel non nul. 3. Le système (S) est équivalent à tout système (S 0 ) obtenu en remplaçant une équation Li par l'équation Li + αLj avec j 6= i et α un réel. La méthode du Pivot de Gauss est la suivante : Descente. (a) On choisit sur la première colonne un coecient non nul, appelé le premier pivot. Ce pivot est situé sur la ligne Li . (b) On permute L1 et Li si nécessaire. Cette nouvelle ligne L1 ne sera plus modiée jusqu'à la n de la descente. (c) En utilisant le pivot, on élimine la première inconnue sur toutes les autres lignes par combinaison avec Li . Le système a alors la forme suivante : a11 x1 + a12 x2 + . . . + a1n xn = b1 a022 x2 + . . . + a02n xn = b02 (S) ⇐⇒ .. . a0n2 x2 + . . . + a0nn xn = b0n (d) On recommence : on choisit un deuxième pivot sur une ligne diérente de L1 et on élimine, etc. A la n, on obtient un système triangulaire : a11 x1 + a12 x2 + a13 x3 + . . . + a1n xn = b1 a022 x2 + a023 x3 + . . . + a02n xn = b02 a0033 x3 + . . . + a003n xn = b003 (S) ⇐⇒ .. . (n−1) (n−1) ann xn = bn 2. Carl Friedrich Gauss, mathématicien, astronome et physicien allemand, 17771855. 4 Remontée. La dernière ligne du système obtenu permet de trouver xn . L'avant-dernière permet alors de trouver xn−1 , et ainsi de suite jusqu'à x1 . Exemples. 1. On applique la méthode au système suivant : 2x1 + 3x2 + 2x3 = 1 x1 + x2 + 2x3 = 2 (S) : x1 + 2x2 + x3 = 4 On obtient : 2x1 x1 (S) ⇐⇒ x1 x1 2x1 ⇐⇒ x1 x1 ⇐⇒ x1 ⇐⇒ x1 x2 ⇐⇒ x3 + 3x2 + 2x3 = 1 (L1 ← L2 ) + x2 + 2x3 = 2 (L2 ← L1 ) + 2x2 + x3 = 4 + x2 + 2x3 = 2 + 3x2 + 2x3 = 1 (L2 ← L2 − 2L1 ) + 2x2 + x3 = 4 (L3 ← L3 − L1 ) + x2 + 2x3 = 2 x2 − 2x3 = −3 x2 − x3 = 2 (L3 ← L3 − L2 ) + x2 + 2x3 = 2 x2 − 2x3 = −3 x3 = 5 = 2 − 7 − 2 × 5 = −15 = −3 + 2 × 5 = 7 = 5 L'unique solution du système linéaire S est le triplet (−15, 7, 5). 2. On veut résoudre le système suivant : x1 + 2x2 + 3x3 = 1 4x1 + 5x2 + 6x3 = 2 (S) : 7x1 + 8x2 + 9x3 = 4 On obtient : x1 4x1 (S) ⇐⇒ 7x1 x1 ⇐⇒ x1 ⇐⇒ + 2x2 + 3x3 = 1 + 5x2 + 6x3 = 2 (L2 ← L2 − 4L1 ) + 8x2 + 9x3 = 4 (L3 ← L3 − 7L1 ) + 2x2 + 3x3 = 1 −3x2 − 6x3 = −2 −6x2 − 12x3 = −3 (L3 ← L3 − 2L2 ) + 2x2 + 3x3 = 1 −3x2 − 6x3 = −2 0 = 1 On obtient l'équation 0 = 1, qui n'admet aucune solution : (S) ne possède aucune solution. 3. On veut résoudre le système suivant : x1 + 2x2 + 3x3 = 1 4x1 + 5x2 + 6x3 = 2 (S) : 7x1 + 8x2 + 9x3 = 3 5 On obtient : x1 4x1 (S) ⇐⇒ 7x1 x1 ⇐⇒ x1 ⇐⇒ x1 ⇐⇒ + 2x2 + 3x3 = 1 + 5x2 + 6x3 = 2 (L2 ← L2 − 4L1 ) + 8x2 + 9x3 = 3 (L3 ← L3 − 7L1 ) + 2x2 + 3x3 = 1 −3x2 − 6x3 = −2 −6x2 − 12x3 = −4 (L3 ← L3 − 2L2 ) + 2x2 + 3x3 = 1 −3x2 − 6x3 = −2 0 = 0 + 2x2 + 3x3 = 1 −3x2 − 6x3 = −2 Une équation a "disparu", l'équation 0 = 0 étant toujours vériée. La descente n'est pas complète, nous n'avons pas pris de pivot sur la troisième colonne. Dans ce cas, il y a une innité de solutions. Pour les décrire, on choisit le pivot manquant, x3 , comme paramètre et on exprime x1 et x2 en fonction de x3 . Cela donne : x1 = 1 − 4 + 4x3 − 3x3 = − 1 + x3 3 3 (S) ⇐⇒ 2 x2 = − 2x3 3 L'ensemble des solutions est donc : 1 2 − + x3 , − 2x3 , x3 | x3 ∈ R . 3 3 Il s'agit de la droite passant par (−1/3, 2/3, 0) et dirigée par (1, −2, 1). Remarque. Il vaut mieux choisir les pivots les plus simples possibles (égal à 1 ou −1 par exemple), comme on l'a fait ici. 2 Forme matricielle d'un système linéaire Dénition 2 1. On appelle matrice réelle à m lignes et n colonnes, un tableau rectangulaire A de mn nombres réels à m lignes et n colonnes. On peut noter A = ((aij )) où les réels aij , 1 ≤ i ≤ m, 1 ≤ j ≤ n, sont les mn coecients de la matrice. Le coecient a11 est placé en haut à gauche, le coecient a1n en haut à droite, le coecient am1 en bas à gauche et le coecient amn en bas à droite. 2. On note Mm,n (R) l'ensemble des matrices à coecients réels à m lignes et n colonnes. Si m = n, on note plutôt Mn (R). 3. Une matrice de Mn (R) est appelée matrice carrée. Exemples. 1. Voici une matrice à deux lignes et trois colonnes : 1 −2 3 A= −4 0 5 Le coecient a21 vaut −4, le coecient a13 vaut 3. 2. Considérons la matrice identité notée In ∈ Mn (R) et dénie par ( 1 si i = j, aij = 0 si i 6= j. 6 Par exemple, pour n = 3, 1 0 0 I3 = 0 1 0 0 0 1 3. Les matrices triangulaires supérieures sont Par exemple, 2 0 A= 0 0 les matrices carrées vériant aij = 0 si i > j . 0 −1 3 5 1 1 . 0 0 9 0 0 2 Dénition 3 Soit A une matrice à m lignes et n colonnes et X ∈ Rn , representé sous forme d'un vecteur colonne. On appelle produit de la matrice A par le vecteur X le vecteur de Rm noté A · X et déni par : a11 x1 + a12 x2 + . . . + a1n xn x1 a11 a12 · · · a1n a22 a22 · · · a2n x2 a21 x1 + a22 x2 + . . . + a2n xn A·X = . .. .. · .. = .. .. . . . . am1 · · · ··· amn xn am1 x1 + am2 x2 + . . . + amn xn Exemples. 1. 31 1·2+3·3+5·4 2 1 3 5 −1 2 4 · 3 = −1 · 2 + 2 · 3 + 4 · 4 = 20 65 0 · 2 + 7 · 3 + 11 · 4 4 0 7 11 2. a a − 2b + 23 1 · a − 2 · (b − 1) + 3 · 7 1 −2 3 = · b − 1 = 35 0 · a + 0 · (b − 1) + 5 · 7 0 0 5 7 Ecriture matricielle d'un système linéaire : le système (S) peut s'écrire matriciellement a11 x1 + a12 x2 + . . . + a1n xn a21 x1 + a22 x2 + . . . + a2n xn = b1 = b2 ⇐⇒ A · X = b .. . an1 x1 + an2 x2 + . . . + ann xn = bn b1 x1 .. .. avec A = ((aij ))1≤i≤n,1≤j≤n , b = . et X = . . La matrice A est appelée matrice du bn xn système linéaire (S). Le vecteur b est appelé second membre du système linéaire (S). 3 Inversion de matrices Dénition 4 Soit A une matrice carrée de Mn (R). On dit que la matrice A est inversible si pour tout second membre b ∈ Rn , le système linéaire AX = b admet une unique solution. Proposition 2 Soit A ∈ Mn (R). S'il existe une matrice carrée B de taille n telle que ∀b ∈ Rn , A · X = b ⇐⇒ X = B · b, alors la matrice A est inversible et la matrice B est alors appelée matrice inverse de A. On la note B = A−1 . 7 Remarque : on vous donnera ultérieurement, une autre dénition de l'inverse d'une matrice. Cette dénition sera équivalente à celle donnée dans ce texte et vous pourrez toujours utiliser la proposition précédente pour trouver l'inverse d'une matrice. Exemple. 1. Trouvons l'inverse de la matrice On obtient : 2x1 x1 x1 ⇐⇒ ⇐⇒ ⇐⇒ 2 3 2 A = 1 1 2 1 1 1 + 3x2 + 2x3 = b1 (L1 ← L2 ) + x2 + 2x3 = b2 (L2 ← L1 ) + x2 + x3 = b3 x1 + x2 + 2x3 = b2 2x1 + 3x2 + 2x3 = b1 (L2 ← L2 − 2L1 ) x1 + x2 + x3 = b3 (L3 ← L3 − L1 ) x1 + x2 + 2x3 = b2 x2 − 2x3 = b1 − 2b2 − x3 = b3 − b2 x1 = b2 − b1 + 2b3 − 2b2 + 2b3 = −b1 − b2 + 4b3 x2 = b1 − 2b2 + 2b2 − 2b3 = b1 − 2b3 x3 = b2 − b3 On trouve que la matrice A est inversible et que son inverse vaut −1 −1 4 0 −2 A−1 = 1 0 1 −1 2. Cherchons l'inverse de la matrice 1 0 −1 A= 1 2 1 −1 4 5 On obtient : x1 x1 + 2x2 A · X = b ⇐⇒ −x 1 + 4x2 − x1 2x2 + ⇐⇒ 4x2 + − x1 2x2 + ⇐⇒ − x3 + x3 + 5x3 x3 = 2x3 = 4x3 = 2x = 2x3 = 0 = = b1 = b2 (L2 ← L2 − L1 ) = b3 (L3 ← L3 + L1 ) b1 b2 − b1 b3 + b1 (L3 ← L3 − 2L2 ) b1 b2 − b1 b3 − 2b2 + 3b1 Suivant la valeur de b3 − 2b2 + 3b1 , ce système possède une innité de solution ou alors ne possède aucune solution. La matrice A n'est donc pas inversible. Voici une autre façon de rédiger le calcul d'un matrice 1 3 A = 1 2 1 2 8 inverse de matrice. Trouvons l'inverse de la 1 2 1 Première méthode. On obtient : x1 + 3x2 + x3 = b1 x1 + 2x2 + 2x3 = b2 (L2 ← L2 − L1 ) x1 + 2x2 + x3 = b3 (L3 ← L3 − L1 ) x1 + 3x2 + x3 = b1 − x2 + x3 = b2 − b1 ⇐⇒ −x2 = b3 − b1 x1 = b1 − 3b1 + 3b3 − b2 + b3 = 2b1 − b2 + 4b3 x3 = b2 − b1 + b1 − b3 = b2 − b3 (L2 ← L3 ) ⇐⇒ x2 = b1 − b3 (L3 ← L2 ) x1 = b1 − 3b1 + 3b3 − b2 + b3 = 2b1 − b2 + 4b3 x2 = b1 − b3 ⇐⇒ x3 = b2 − b1 + b1 − b3 = b2 − b3 Donc A est inversible et A−1 2 −1 4 = 1 0 −1 . 0 1 −1 Seconde méthode. Les calculs sont identiques, mais on présente les choses diéremment. 1 3 1 1 0 0 1 3 1 1 0 1 2 2 0 1 0 ∼ 0 −1 1 −1 1 1 2 3 0 0 1 0 −1 0 −1 0 1 0 0 −2 −1 0 ∼ 0 1 0 1 0 0 1 0 1 Donc A est inversible et A−1 0 0 1 4 −1 −1 1 0 0 −2 −1 4 1 −1 ∼ 0 0 1 0 0 1 0 1 0 −1 2 −1 4 = 1 0 −1 . 0 1 −1 Exercices. Résoudre les systèmes linéaires suivants. x + 2y + z x + z (S2 ) : y x + y + z x − y + z + t = 2 2x − y + 3z + t = 3 (S1 ) : x − 2y + 3z − t = 0 + 3t = 1 + t = 3 + t = −1 + 2t = 2 1. x − y + z + t = 2 y + z − t = −1 (S1 ) ⇐⇒ y + 2z − 2t = −2 x = 2 + 1 − t − t = 3 − 2t y = −1 + 1 − t + t = 0 ⇐⇒ z = −1 + t x − y + z + t = 2 y + z − t = −1 ⇐⇒ z − t = −1 Il y a une innité de solutions. L'ensemble des solutions est donné par : {(3 − 2t, 0, −1 + t, t) | t ∈ R}. Il s'agit d'une droite, dans un espace de dimension 4. 9 2. x + − (S2 ) ⇐⇒ − x + ⇐⇒ x + ⇐⇒ x = ⇐⇒ y = 2y + z + 3t = 1 2y − 2t = 2 y + t = −1 y − t = 1 2y + z + 3t = 1 y + t = −1 y + t = −1 y + t = −1 2y + z + 3t = 1 y + t = −1 1 + 2 + 2t − z − 3t = 3 − z − t −1 − t Il y a une innité de solutions. L'ensemble des solutions est {(3 − z − t, −1 − t, z, t) | (z, t) ∈ R2 }. Il s'agit d'un plan, dans un espace de dimension 4. 4 Une application : intégration des fractions rationnelles 4.1 Polynômes Dénition 5 Un polynôme est une fonction f : R −→ R de la forme : f (t) = an tn + . . . + a1 t + a0 , avec n ∈ N, a0 , . . . , an ∈ R. Si f est non nul, le plus grand entier n tel que an 6= 0 est appelé degré de f . Les réels a0 , . . . , an sont appelés coecients de f . Exemple. f (t) = t4 − 3t2 + 5t + 2 est un polynôme de degré 3. Son coecient constant est 2, son coecient de degré 2 est −3, son coecient de degré 3 est 0. On peut remarquer que la somme et le produit de deux polynômes sont des polynômes. Dénition 6 Soit f un polynôme et soit α ∈ R. On dira que α est racine de f (t) si f (α) = 0. Dénition 7 Les polynômes irréductibles sont les polynômes de la forme : f (t) = at + b, avec a 6= 0. f (t) = at2 + bt + c, avec a 6= 0 et ∆ = b2 − 4ac < 0. Théorème 1 Soit f un polynôme de degré ≥ 1. Alors f peut s'écrire comme produit de polynômes irréductibles. Il n'existe pas d'algorithme permettant de calculer les racines d'un polynôme de degré ≥ 5. Il en existe un pour les polynômes de degré 2 (formule du discriminant) et pour les polynômes de degré 3 et 4 (formules de Cardan 3 ). Rappelons tout de même le résultat suivant, pour les polynômes de degré 2 : Théorème 2 Soit f (t) = at2 + bt + c un polynôme de degré 2, de discriminant ∆. 1. Si ∆ > 0, alors si α et β sont les deux racines de f (t), on a f (t) = a(t − α)(t − β). 2. Si ∆ = 0, alors si α est la racine (double) de f (t), on a f (t) = a(t − α)2 . 3. Girolamo Cardano, mathématicien, philosophe, astrologue, inventeur, et médecin italien, 15011576. Les formules de Cardan sont en fait dues à Niccolò Fontana Tartaglia, 14991557. 10 3. Si ∆ < 0, alors f (t) est irréductible. Plus généralement : Proposition 3 Soient f est un polynôme de degré ≥ 1 et α ∈ R. Alors α est une racine de f si, et seulement si, t − α apparaît dans la décomposition de f en polynômes irréductibles. Comment obtenir les autres facteurs ? En eectuant la division euclidienne des polynômes. Exemple. 1 est racine de f (t) = t3 − 3t2 − 13t + 15, car f (1) = 1 − 3 − 13 + 15 = 0. t3 −3t2 −13t +15 t − 1 −t3 +t2 t2 − 2t − 15 2 −2t −13t +15 2t2 −2t −15t +15 15t −15 0 Donc f (t) = (t − 1)(t2 − 2t − 15). Le discriminant du facteur obtenu est 4 + 60 = 64, ses racines sont 5 et −3 et donc : f (t) = (t − 1)(t − 5)(t + 3). On peut eectuer la division de deux polynômes quelconque : t5 −t4 +2t2 −t +5 t2 + 3t − 1 5 4 3 −t −3t +t t3 − 4t2 − 13t − 41 −4t4 +t3 +2t2 −t +5 4 3 4t +12t −4t2 13t3 −2t2 −t +5 . 3 2 −13t −39t +13t −41t2 +12t +5 41t2 +123t −41 135t −36 Autrement dit : t5 − t4 + 2t2 − t + 5 = (t2 + 3t − 1)(t3 − 4t2 − 13t − 41) + (135t − 36). Le dividende est t5 − t4 + 2t2 − t + 5, le diviseur est t2 + 3t − 1, le quotient est t3 − 4t2 − 13t − 41 et le reste 135t − 36. On obtient le théorème suivant : Théorème 3 (Division euclidienne des polynômes) Soient f, g deux polynômes, g non nul. Il existe un unique couple de polynômes (q, r) tel que f = gq + r, avec deg(r) < deg(g). Le polynôme q est appelé quotient de la division euclidienne de f par g et le polynôme r est appelé reste de la division euclidienne de f par g . Lorsque r = 0, on dit que g divise f et on note g | f . 4.2 Fractions rationnelles Dénition 8 (t) Une fraction rationnelle est une fonction de la forme f (t) = ff21 (t) , où f1 et f2 sont des polynômes, f2 étant non nul. Les pôles de f sont les racines du polynômes f2 . Une fraction rationnelle n'est donc pas dénie en ses pôles. Nous allons donner une écriture des fractions rationnelles permettant de trouver une primitive : la décomposition en éléments simples. 11 Dénition 9 forme 1. Un élément simple de première espèce est une fraction rationnelle de la a , (t − α)n avec a ∈ R, non nul, α ∈ R, n ∈ N ∗ . 2. Un élément simple de seconde espèce est une fraction rationnelle de la forme (t2 at + b , + ct + d)n où t2 + ct + d est un polynôme du second degré irréductible (à discriminant < 0), at + b un polynôme de degré ≤ 1, non nul, et n ∈ N∗ . Théorème 4 forme : Soit f (t) une fraction rationnelle. Alors f s'écrit de façon unique sous la f (t) = an tn + . . . + a0 + f1 + . . . + fk , avec an tn +. . .+a0 un polynôme et f1 , . . . , fk des éléments simples de première ou seconde espèce. Voici la méthode pour trouver cette décomposition. Nous allons l'appliquer à la fraction rationnelle suivante : 2t5 − 3t4 − t3 − 3t2 + 8t + 3 f (t) = . t4 − t3 − t + 1 g(t) , où g et h sont Première étape. Détermination de la partie polynomiale. On pose f (t) = h(t) des polynômes. Si deg(g) ≥ deg(h), on eectue la division euclidienne de g par h : g = hq + r, avec deg(r) < deg(h). Alors : r f (t) = q + . h La partie polynomiale de f est alors q et il reste à décomposer hr en éléments simples. Pour notre exemple : 2t5 −3t4 −t3 −3t2 +8t +3 t4 − t3 − t + 1 −2t5 +2t4 +2t2 −2t 2t − 1 4 3 −t −t −t2 +6t +3 t4 −t3 −t +1 −2t3 −t2 +5t +4 Donc : −2t3 − t2 + 5t + 4 . t4 − t3 − t + 1 Deuxième étape. On factorise le dénominateur de hr et on en déduit la forme des éléments simples apparaissant, à l'aide des règles suivantes : Chaque facteur (t − α)n fait apparaître les éléments simples de première espèce suivants : f (t) = 2t − 1 + a1 a2 an , ,..., . 2 t − α (t − α) (t − α)n Chaque facteur (t2 + ct + d)n , avec t2 + ct + d irréductible (de discriminant < 0), fait apparaître les éléments simples de seconde espèce suivants : a1 + b1 t a2 + b2 t an + bn t , ,..., 2 . t2 + ct + d (t2 + ct + d)2 (t + ct + d)n Dans notre exemple : on constate que t4 − t3 − t + 1 s'annule en 1. Il est donc divisible par t − 1. t4 −t3 −t +1 t − 1 −t4 +t3 t3 − 1 −t +1 t −1 0 12 D'autre part, t3 − 1 possède 1 pour racine. On eectue la division euclidienne : t3 −t3 +t2 t2 −t2 +t t −t −1 t − 1 t2 + t + 1 −1 −1 +1 0 De plus, le discriminant de t2 + t + 1 est −3 < 0. La décomposition en facteurs irréductibles est donc : t4 − t3 − t + 1 = (t − 1)2 (t2 + t + 1). On obtient une décomposition en éléments simples de la forme : −2t3 − t2 + 5t + 4 a b ct + d = + + . t4 − t3 − t + 1 t − 1 (t − 1)2 t2 + t + 1 Troisième étape. Calcul des coecients. Pour cela, on réduit au même dénominateur dans la décomposition, puis on identie. Dans notre exemple : b ct + d a + + 2 2 t − 1 (t − 1) t +t+1 2 a(t − 1)(t + t + 1) + b(t2 + t + 1) + (ct + d)(t − 1)2 = (t − 1)2 (t2 + t + 1) a(t3 + t2 + t − t2 − t − 1) + b(t2 + t + 1) + c(t3 − 2t2 + t) + d(t2 − 2t + 1) = (t − 1)2 (t2 + t + 1) 3 2 t (a + c) + t (b − 2c + d) + t(b + c − 2d) + (−a + b + d) = (t − 1)2 (t2 + t + 1) −2t3 − t2 + 5t + 4 = . t4 − t3 − t + 1 On obtient : a +c = −2 b −2c +d = −1 b +c −2d = 5 −a +b +d = 4 a +c = −2 b +c −2d = 5 ⇐⇒ −3c +3d = −6 3d = −3 ⇐⇒ L3 L2 ← L2 − L3 L4 ← L4 + L3 a a b ⇐⇒ c d +c = −2 b −2c +d = −1 b +c −2d = 5 b +c +d = 2 L4 ← L4 + L1 = −3 =2 =1 = −1 On trouve pour nir : f (t) = 2t − 1 − 2 t−1 3 + + 2 . 2 t − 1 (t − 1) t +t+1 4.3 Intégration des éléments simples Il reste maintenant à donner une primitive des éléments simples. L'intégration des polynômes ne pose aucun problème : pour tout n ≥ 0, tn dt = 13 tn+1 . n+1 Les éléments simples de première espèce non plus : sur ] − ∞, α[ ou sur ]α, +∞[, si n est un entier ≥2: 1 dt = ln |t − α|, t−α 1 −1 dt = . n (t − α) (n − 1)(t − α)n−1 Reste le cas des éléments simples de seconde espèce. On va expliquer la méthode sur notre exemple : t−1 . t2 + t + 1 Première étape. On met le dénominateur sous forme canonique : b b2 b2 b − +c= t + bt + c = t + 2 t + c = t2 + 2 t + 2 2 4 4 2 2 b 2 b2 t+ +c− . 2 4 Puis on eectue le changement de variables x = t + 2b . Dans notre exemple : 1 1 3 x +x+1=x +2 x+ + = 2 4 4 2 2 On pose x = t + 12 . Alors t = x − 1 2 1 x+ 2 2 3 + . 4 et : x − 12 − 1 x t−1 = = 2 3 2 2 t +t+1 x +4 x + On utilise alors les formules suivantes : si α > 0, 1 x dx = ln(x2 + α), 2 x +α 2 3 4 − 3 1 . 2 x2 + 34 1 1 dx = √ Arctan 2 x +α α x √ α . Pour notre exemple : t2 t−1 1 3 3 x dt = ln x2 + − q Arctan q +t+1 2 4 3 2 34 4 √ 1 3 2x = ln x2 + − 3Arctan √ 2 4 3 √ 1 2t +1 2 √ = ln t + t + 1 − 3Arctan . 2 3 Pour conclure : f (t)dt = t2 − t − 3 ln |t − 1| − √ 2 1 + ln t2 + t + 1 − 3Arctan t−1 2 14 2t + 1 √ 3 .