18 Prise en charge des situations d`exposition au risque viral

PRISE EN CHARGE DES SITUATIONS D’EXPOSITION AU RISQUE VIRAL 341
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Prise en charge des situations
d’exposition au risque viral
La mise en œuvre des recommandations de traitement post-exposition (TPE) repose
sur un dispositif hospitalier transversal, défini dans ses objectifs et son organisation par la
circulaire du 13 mars 2008 [1]. Il permet l’accès rapide au traitement, mais aussi la prise
en charge globale et la prévention des situations d’exposition au risque viral.
Le dispositif actuel repose essentiellement sur les structures suivantes : aux heures
ouvrables, les consultations de maladies infectieuses ou de médecine avec une orientation
ou une expertise en maladies infectieuses ou les consultations de dépistage anonyme et
gratuit, et aux heures non ouvrables les services d’accueil des urgences.
Les COREVIH devraient assurer la coordination, l’évaluation et l’adaptation du dispositif.
Ces comités pourraient également participer à la diffusion de l’information afin que toute per-
sonne potentiellement exposée à un risque viral et, a fortiori, au VIH connaisse l’existence du
dispositif et la possibilité d’accès à une intervention thérapeutique. Cette possibilité est bien
connue des personnels soignants, mais moins connue des populations infectées par le VIH
et des personnes à risque élevé d’acquisition de l’infection par le VIH et en situation de pré-
carité. Les campagnes d’information devraient aussi insister sur l’intérêt de faire venir les deux
partenaires dans les suites d’un rapport non protégé pour éviter des traitements non justifiés.
ACCIDENTS EXPOSANT AU SANG (AES) EN FRANCE
Depuis les années 1990, de nombreux efforts de prévention ont été faits afin de limiter
le risque d’AES lors des gestes infirmiers, notamment intravasculaires, les plus à risque.
L’incidence des piqûres chez les infirmier(ère)s de médecine et de réanimation (IDE) a été
divisée par 4 en 10 ans en France d’après une étude GERES [2] : 7 pour 100 IDE/an en
2000 pour 30 pour 100 IDE/an en 1990 ; 4,72 pour 100 000 gestes réalisés en 2000 pour
18,12 pour 100 000 en 1990. Cette décroissance est certainement due à une meilleure
application des mesures de prévention (39 p. 100 des piqûres évitables par les précautions
« standard » en 2000 contre 53 p. 100 en 1990), mais l’utilisation de matériels de sécurité
a eu également un impact : ainsi, le taux de piqûres pour 100 000 gestes réalisés en intra-
veineux (prélèvement simple, prélèvement pour hémoculture ou pour pose ou dépose de
perfusion) est de 4,4 pour 100 000 dans les services équipés de matériels sécurisés (plus
de 66 p. 100 de leurs commandes en matériel sécurisé) pour chacun de ces quatre gestes,
alors qu’il est de 17,8 pour 100 000 dans les services non dotés (moins de 33 p. 100 des
commandes en matériel sécurisé, risque relatif : 0,24). Ces résultats sont retrouvés dans
d’autres pays, confirmant l’intérêt des matériels de sécurité.
Une surveillance nationale des AES est réalisée en France depuis 2003, sous l’égide
du Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales (RAISIN)
[3]. En 2005, 13 949 AES ont été notifiés aux médecins du travail de 385 établissements
participants, correspondant à 158 470 lits (13 p. 100 des établissements de santé et
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34,3 p. 100 des lits). L’incidence des AES en 2005 est de 8,8 pour 100 lits d’hospitalisation
(17 dans les CHU, du fait d’un nombre plus important de gestes invasifs réalisés par lit).
Sur la base des données de la DREES recensant en France 461 774 lits d’hospitalisation,
on peut estimer à 40 620 le nombre d’AES en 2005.
Environ un AES notifié sur deux concerne les infirmier(ère)s, chez lesquels l’incidence
annuelle estimée est de 7 pour 100 équivalents temps plein (ETP). Chez les médecins,
l’incidence est estimée à 2,5 AES pour 100 ETP ; ce taux ne reflète probablement pas la
réalité du fait d’une sous-déclaration particulièrement élevée chez les chirurgiens, comme
le montrent les écarts importants entre les incidences des déclarations et celles calculées
dans les enquêtes prospectives avec enquêteur.
La majorité des blessures surviennent après le geste, lors de l’élimination du matériel :
48 p. 100 des accidents percutanés, répertoriés dans la surveillance nationale des AES,
auraient pu être évités par la seule observance des précautions « standard ».
Dans la cohorte d’hôpitaux participants, le taux d’AES reste stable entre 2003 et 2005 ;
il n’y a plus de diminution de l’incidence et l’on observe que les matériels ne sont pas sécu-
risés dans tous les hôpitaux ; il reste donc encore beaucoup à faire.
Risques de transmission au soignant
Quels que soient les virus considérés (VIH, VHB, VHC), le risque de transmission au
soignant après AES est fortement lié au niveau de charge virale plasmatique du patient
source au moment de l’accident.
VIH
Le risque de séroconversion VIH après exposition percutanée est estimé à 0,32 p. 100 ;
il est dix fois plus faible après exposition cutanéomuqueuse. Quatorze séroconversions ont
été documentées et 34 infections présumées ont été recensées en France au 31 décembre
2007 par l’InVS [4]. Les séroconversions documentées sont presque toutes consécutives
à des piqûres avec une aiguille creuse de gros calibre contenant du sang [5]. Une séro-
conversion survenue en 2004 chez un secouriste a néanmoins fait suite à une projection
massive et à un contact prolongé de sang sur le visage.
VHB
Les contaminations professionnelles par le VHB sont actuellement exceptionnelles en
France grâce à la vaccination obligatoire des personnels de santé. À ce jour, et depuis
l’élargissement de la surveillance des contaminations professionnelles à ce virus en 2005,
aucune séroconversion professionnelle par le VHB n’a encore été signalée. Pour une per-
sonne exposée et non protégée, le taux de transmission après piqûre varie de 6 à 45 p. 100,
beaucoup plus élevé que pour le VIH, selon le niveau de charge virale du patient source.
VHC
Le risque de séroconversion longtemps considéré comme proche de 3 p. 100 a été
estimé plus récemment à 0,5 p. 100 [7]. Cinquante-neuf séroconversions documentées ont
été recensées en France au 31 décembre 2007 par l’InVS. On retrouve les mêmes facteurs
de risque que pour le VIH, mais quelques séroconversions VHC sont survenues avec des
aiguilles pleines ou de petit calibre [4].
Risques de transmission de soignant à patient
Des cas de transmission du VIH, du VHC ou du VHB d’un personnel de santé infecté
à un patient ont été rapportés dans la littérature. La plupart de ces transmissions sont
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survenues durant des interventions chirurgicales, obstétricales ou dentaires. Les cas
les plus nombreux et les plus anciens concernent le VHB. Seuls cinq cas de trans-
mission du VIH de soignant à patient ont été rapportés, dont quatre publiés dans la
littérature.
Les CDC estiment entre 0,12 et 1,2 p. 100 la probabilité qu’un chirurgien infecté par le
VIH transmette le virus à un de ses patients au cours d’une année (500 interventions par
an), mais ces estimations ne prennent pas en compte le niveau de la charge virale plas-
matique, ni l’impact éventuel des traitements antirétroviraux.
Autres professions
Si les professionnels de santé sont les plus exposés au risque d’exposition virale,
d’autres professions sont confrontées à des accidents, mais avec un risque très faible de
contamination par le VIH : personnels de sécurité (policiers, personnel pénitentiaire), per-
sonnels en charge de la récupération et du traitement des déchets…
Encadré 1. À pas oublier
•Quel que soit le type d’exposition :
–contacter le médecin de la personne source infectée par le VIH si elle est identifiée
pour adapter le TPE si nécessaire ;
–informer la personne sur les médicaments délivrés (modalités de prises, durée, effets
indésirables…) et s’assurer de sa bonne compréhension ;
–recommander une protection (rapports protégés) et exclure les dons du sang jusqu’au
contrôle sérologique à 3 mois (ou 4 mois si prescription d’un TPE) ;
–colliger les informations sur la personne exposée, l’accident et la personne source sur
un formulaire adapté dont un exemplaire sera adressé au médecin référent si la
consultation initiale est assurée par les urgences, et éventuellement un autre au
COREVIH si celui-ci assure un suivi épidémiologique ;
–dès la première consultation, s’assurer du suivi en orientant vers le professionnel de
santé le plus adéquat selon la situation (médecin traitant, médecin du travail, médecin
référent pour le VIH, CDAG…) ;
–si le suivi est réalisé dans le même lieu que la prise en charge initiale, donner les
rendez-vous de suivi en s’adaptant au mode de vie de la personne.
•En cas d’AES professionnel :
–faire la déclaration d’accident du travail dans les 24 heures ;
–s’enquérir du statut vaccinal VHB de la personne exposée ;
–si le patient source est identifié, documenter sa sérologie VHC en même temps que
celle du VIH, ainsi que sa sérologie VHB si la personne exposée n’est pas vaccinée
ou non immunisée ;
–déclarer à l’InVS les contaminations VIH, VHC et VHB survenues après un accident
d’exposition virale dans un établissement de soin.
•En cas d’exposition sexuelle :
–proposer une sérovaccination par immunoglobulines anti-HBs et une vaccination contre
l’hépatite B en cas de multipartenaires ou de partenaire infecté par le VHB ;
–s’enquérir de la date des dernières règles si la femme exposée est en âge de pro-
créer ;
–prescrire la pilule du lendemain en cas d’exposition sexuelle en l’absence d’autre contra-
ception ;
–dépister les autres IST (Chlamydia, syphilis…).
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Encadré 2. Accompagnement de la personne exposée
et prévention des accidents ultérieurs
La demande de prise en charge procède d’une démarche positive qui justifie les
actions suivantes :
–fournir un accueil de qualité, non jugeant et non stigmatisant de la personne
consultant dans le cadre du dispositif, comportant une information précise sur le
dispositif et son déroulement ;
–être attentif à l’état émotionnel et psychique de la personne exposée, et éventuel-
lement lui proposer une consultation psychologique ou psychiatrique si nécessaire ;
–mettre en place, dans les services d’accueil, un dispositif d’éducation théra-
peutique (consultation de soutien et d’accompagnement, counselling…) dès l’initia-
tion du traitement ;
–donner précisément, dès la première consultation, les rendez-vous de suivi en
s’adaptant au mode de vie de la personne ;
–informer sur les relais extrahospitaliers disponibles pouvant soutenir et
accompagner la personne exposée (dont SIDA INFO SERVICE) et sur les lieux
donnant accès aux outils de prévention (préservatif féminin, masculin, gel lubrifiant,
stéribox, kit-sniff…) ;
–prévoir dans le dispositif le même accompagnement pour tous les autres ris-
ques à prendre en compte (hépatites, IST, grossesse…) ;
–au cours de la prise en charge de la personne exposée, ne pas oublier de faire
le point sur ses pratiques à risque d’afin d’améliorer ses stratégies de prévention.
EXPOSITIONS NON PROFESSIONNELLES AUX VIH,
VHC ET VHB
D’autres situations exposent à un risque de contamination par le VIH, avec un niveau
de risque assez proche de celui des expositions professionnelles.
Transmission sexuelle
Dans le cadre d’une exposition sexuelle, le risque de transmission du VIH est compris
entre 0,04 p. 100 après un rapport oral (fellation réceptive) et 0,82 p. 100 après un rapport
anal réceptif entre hommes (pénétration par un partenaire VIH+). Le risque de transmission
lors d’un rapport vaginal est intermédiaire, de l’ordre de 0,1 p. 100, les femmes ayant un
risque d’être contaminées plus élevé que les hommes.
L’« infectiosité » d’un sujet infecté par le VIH est liée à son niveau de réplication virale ; de
fait, la charge virale plasmatique est le reflet du risque de transmission et constitue un facteur
déterminant. Le risque de transmission est donc élevé en phase de primo-infection. D’autres
facteurs on été identifiés comme associés à un risque de transmission, en particulier les infec-
tions sexuellement transmissibles, souvent asymptomatiques (chez le sujet séropositif ou chez
la personne exposée), l’ectropion du col de l’utérus chez la femme exposée, les réactions
inflammatoires, les menstruations ou des saignements au cours des rapports sexuels.
À l’inverse, le fait que le partenaire infecté soit sous traitement antirétroviral diminue
globalement la charge virale de l’organisme (particules virales libres et virus associés aux
cellules CD4) et réduit le risque de transmission, sans qu’il soit possible de déterminer de
valeur seuil de la charge virale plasmatique au-dessous de laquelle le risque est annulé.
La circoncision diminuerait des deux tiers le risque d’infection chez l’homme.
PRISE EN CHARGE DES SITUATIONS D’EXPOSITION AU RISQUE VIRAL 345
Le risque de transmission du VHB après un rapport sexuel est plus élevé que celui du
VIH, de l’ordre de 30 à 80 p. 100. À l’inverse, le risque de transmission sexuelle du VHC
est beaucoup moins important ; néanmoins, il reste significatif en cas de relations sanglan-
tes et/ou traumatiques, comme cela a été rapporté récemment chez les homosexuels mas-
culins en France et en Europe [8].
Toxicomanie intraveineuse
Le risque de contamination par le VIH en cas de partage de matériels d’injection (seringue
et/ou aiguille) chez les usagers de drogues a été évalué à 0,67 p. 100. Le partage du produit
ou du reste du matériel d’injection (cuillère, eau de rinçage, coton…) présente un risque de
transmission du VIH plus faible que pour le VHC et le VHB, mais non négligeable.
Les facteurs augmentant le risque de transmission virale sont, notamment, le caractère
immédiat du partage (par rapport à un partage différé) et le cadre collectif. À l’inverse, les
facteurs diminuant le risque sont le nettoyage du matériel, avec par ordre d’efficacité l’alcool
à 70°, l’eau de Javel et enfin le simple usage de l’eau.
Autres situations à risque potentiel d’exposition au VIH
Aucune transmission du VIH n’a été publiée après une piqûre par une seringue aban-
donnée. Le risque de contamination est beaucoup plus faible qu’après une exposition pro-
fessionnelle, en raison du calibre souvent faible de l’aiguille et du fait que le sang souvent
coagulé obture la lumière de l’aiguille.
Les contacts ou projections de sang sur une peau lésée ou sur une muqueuse, souvent
observés dans un contexte non professionnel lors de bagarres, représentent un risque de
contamination très faible par le VIH. Dans ces situations, bien qu’il n’existe pas de données
publiées chiffrées, le risque de transmission lié aux VHC et VHB, plus résistants que le VIH,
est néanmoins possible.
DISPOSITIF DE PRISE EN CHARGE
Le dispositif d’accès aux traitements post-exposition fait intervenir des acteurs multiples,
médecins infectiologues, médecins urgentistes, pharmaciens, médecins généralistes, avec des
compétences et des interventions à des temps différents, ce qui nécessite impérativement une
articulation basée sur des procédures pré-établies, garant de la qualité et la sécurité des soins.
Aux heures ouvrables, le dispositif repose sur les structures de consultations externes
des hôpitaux qui assurent habituellement la prise en charge des personnes infectées par
le VIH (dont certaines CDAG hospitaliers). Aux heures non ouvrables, le dispositif repose
sur les services des urgences. Il est également prévu que les urgentistes puissent, dans
les cas de décision difficile (évaluation du risque ou choix des molécules si le sujet source
est déjà traité), solliciter un avis téléphonique auprès d’un médecin référent.
Les médecins des UCSA (prisons), des établissements psychiatriques et des urgences
médicojudiciaires devraient également être informés de la conduite à tenir en cas d’expo-
sition à un risque.
Le dispositif a prévu une prescription initiale dans le cadre de l’urgence, et une rééva-
luation du bien-fondé de celle-ci dans les 48-96 heures par un médecin référent pour la
prophylaxie du VIH, le plus souvent dans un service prenant en charge les patients infectés
par le VIH. La prise en charge doit être globale et prendre en compte les risques liés au
VHB et au VHC, comme cela est précisé dans la circulaire de 2008. Certains éléments sont
indispensables à un bon fonctionnement du dispositif :
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