• Ann. Kinésithér., 1988, t. 15, nO 1-2, pp. 49-62
©Masson, Paris, 1988
Stretching et préparation musculaire àl'effort
MISE AU POINT
Michèle ESNAULT
Kinésithérapeute, EPS, Formatrice du Centre de Formation Continue «Bois Larris», B.P. 01, F 60260 Lamorlaye.
FIG 1. - Le médecin du sport examine lesréparationsd'accidents
musculaires àl'aide de mesures illustrées ici :
1. extensibilité des ischio-jambiers par flexion du tronc,
2. extensibilité des ischio-jambiers, genou en extension par
élévation du membre inférieur,
3. extensibilité du quadriceps, en flexion de genou,
4. extensibilité du droit antérieur en flexion de genou et
extension de hanche,
5. résistance du quadriceps àla contraction excentrique.
(Durey).
survient rarement en allongement maximal mais
surtout lors de la survenue soudaine d'une
contraction maximale sur un muscle pris au
dépourvu comme c'est le cas pour le quadriceps
lors d'une sortie d'appareil, en gymnastique,
avec réception sur les deux pieds, genoux fléchis,
avec un déséquilibre imprévu du haut du corps.
L'étirement musculaire utilisé dans la prépara-
tion à l'effort ne devra jamais être réalisé à froid
mais après que l'athlète ait effectué 10 à 15 mn
de son échauffement habituel. Au mieux, les
exercices d'étirement seront réalisés juste avant
le passage à l'exercice.
Introduction
La technique de l'étirement musculaire actif
est de maniabilité délicate car elle doit répondre
à des besoins spécifiques dans la phase de
préparation à l'effort, différents de ceux de la
phase qui suit l'exercice. D'autre part, elle
s'adresse à des muscles pour la plupart, consti-
tués de plusieurs faisceaux d'orientations diffé-
rentes les unes des autres, dont elle devra
toucher le maximum de fibres. Nous prendrons
pour exemple l'étirement de muscles s'attachant
totalement ou partiellement autour de l'articula-
tion de la hanche pour illustrer l'utilisation
optimale des trois degrés de liberté de la hanche.
En aucun cas étirement et assouplissement se
confondront. L'assouplissement vise l'amplitude
maximale globale, tant dans le muscle que dans
l'articulation. La contribution capsulaire et
ligamentaire n'y est pas négligeable. L'assouplis-
sement relève de la compétence de l'entraîneur.
L'étirement musculaire, plus analytique restera
localisé à un seul segment de membre et
cherchera à exclure toute tension articulaire
excessive notamment au niveau du genou, de la
hanche et du rachis. Un muscle bien entraîné
est un muscle fort et souple. Contractilité et
extensibilité sont testées dans les bilans qui
suivent une lésion musculaire tant en amplitude
passive, muscle non contracté, qu'en résistance
active, muscle contracté (fig. 1). Une préparation
musculaire efficace se devra de rendre le muscle
performant en extensibilité et en contractilité car
il faut se rappeler que la lésion musculaire
Rédigé en mars 1987.
Tirés àpart: M. ESNAUL T, àJ'adresse ci dessus.
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Préparation à la mobilité musculaire
maximale EP
c
FACTEURS INTRINSÈQUES DE LA MOBILITÉ
LONGITUDINALE
ES ES
Tous les muscles n'ont pas la même chance
d'atteindre la même extensibilité et en réalité,
c'est leur fonction qui définit leurs limites. Un
muscle de longue action (jig. 2), fusiforme, dont
les fibres musculaires sont parallèles aux fibres
tendineuses se laissera étirer sans grande résis-
tance. Il est habitué, dans sa fonction à travailler
en contraction concentrique. Un muscle de
courte action, penné, présente des fibres mus-
culaires implantées obliquement sur deux lames
tendineuses. Il est constitué pour travailler en
freinage ou travail négatif et aura une amplitude
d'extensibilité réduite. C'est le cas des ischio-
jambiers, du triceps sural. Le muscle droit anté-
rieur présente une structure non homogène puis-
que sa portion supérieure est pennée et sa portion
inférieure est fusiforme. Les lésions anatomiques
FIG 2. - L'angle d'attaque des fibres musculaires sur le tendon
d'insertion détermine le classement en muscles de «longue
action» ou de «courte action ».
a. Le muscle de longue action, aux fibres fusiformes :les
tendons d'origine et d'insertion se trouvent «en série» dans le
prolongement des fibres musculaires, il y a possibilité de
raccourcissement important •. lors de la contraction •.
b. lorsque la fibre musculaire attaque le tendon latéralement,
la traction sur la lame tendineuse ·distale n'est pas linéaire et
le raccourcissement est moins important. Il s'agit de l'exemple
typique du muscle de courte action. (Butel)
EP
FIG 3. - Modèle de Hill qui détaille les principales composantes
du muscle: au centre, les éléments contractiles représentés par
la fibre musculaire. De chaque côté, en ES, les éléments élastiques
séries, c'est-à-dire les tendons sur lesquels s'insèrent les fibres
musculaires •.en EP, les éléments élastiques parallèles, c'est-à-dire
les enveloppes conjonctives des muscles, des paquets de fibres et
le sarcolemme.
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FIG 4. - Les muscles antérieurs de cuisse d'après Poirier. Cette
figure montre l'enroulement des muscles autQur du fût fémoral
et la présence de nombreuses expansions aponévrotiques autour
du genou.
surviennent le plus fréquemment sur sa portion
supérieure, plus fragile par constitution.
D'après le modèle mécanique de Hill qui a
l'avantage d'être clair, même s'il a le désavantage
de ne pas faire apparaître (jig. 3) la notion de
visco-élasticité musculaire, nous voyons que lors-
que le tissu contractile est inactif, son extensibilité
sera limitée par la résistance des éléments élasti-
ques parallèles (E.P.) constitués des enveloppes
conjonctives externes (aponévrose) et internes du
muscle (sarcolemme et gaines de faisceaux mus-
culaires). L'allongement musculaire maximal
exploitera la structure de filaments glissants. Il
ne dépassera jamais 40 à 50 %de la longueur de
repos car il sera freiné par la faible extensibilité
des éléments élastiques parallèles (4 à 9 %de leur
longueur de repos) leur fournissant un engainage
protecteur. Pour atteindre l'allongement maxi-
mal, il faudra que le muscle soit inactif, non
contracté volontairement. Ce type d'étirement
sera nommé: tension passive.
Le muscle est constitué de faisceaux à
orientation propre par rapport à l'axe longitudi-
nal du membre. Lors de la recherche de mobilité
maximale, il faudra jouer sur le fait que la
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hanche présente trois degrés de liberté et que la
combinaison de 2 à 3 de ces degrés sera
susceptible de toucher plus particulièrement tel
ou tel faisceau.
Le quadriceps (fig. 4) présente des fibres
médianes longitudinales par le droit antérieur
et le crural, des fibres externes obliques en bas
et en dedans, spiralées autour du fémur, des
fibres internes obliques en bas et en dehors par
les vastes.
Le premier temps de l'étirement en tension
passive pour le quadriceps passe par une flexion
de genou maximale, talon-fesse, suivie d'une
recherche d'extension de hanche maximale
(fig. 5). L'exercice se réalise dans un plan
purement sagittal et s'adresse aux fibres mé-
dianes du quadriceps, en particulier le droit
antérieur àsa partie haute. Le sujet s'astreint
àne pas creuser les reins.
Le deuxième temps consiste à ajouter à
l'extension de hanche, une rotation interne de
hanche. Le talon est porté en dehors de la fesse.
Ce sont les fibres internes du quadriceps, le vaste
interne, qui sont étirées plus particulièrement
(fig. 6) bien que ce dernier soit monoarticulaire.
FIG 5. - Étirement du quadricepsen tensionpassive. Talon-fesse,pousser le genou en arrièresans creuser les reins,pendant 6secondes.
FIG 6. - Étirement du vaste interne en tension passive talon-fesse, tirer le pied en dehors, hanche en rotation interne.
FIG 7. - Étirement du vaste interne et du droit antérieur ou tensionpassive, talon-fesse, tirer le genou en arrièrepuis en abduction.
FIG 8. - Étirement du vaste externe en tension passive talon-fesse, tirer le pied vers la fesse opposée, hanche en rotation externe,
chercher l'extension et l'adduction de hanche.
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FIG 9. - Position de départ pour étirer le quadriceps en couché dorsal, genou fléchi, pied àplat au sol, cheville tenue par la main
homo-latérale.
FIG 10. - Premier temps de l'étirement du quadriceps: lever la hanche en extension en roulant vers la gauche le genou restant
haut.
FIG 11. - Deuxième temps de l'étirement du quadriceps: abaisser le genou vers le sol, faire basculer le pied en même temps.
FIG 12. - Troisième temps de l'étirement du quadriceps: repousser le genou vers l'avant.
Le troisième temps ajoute une abduction
arrière de la hanche de manière àétirer la région
haute et interne du quadriceps (fig. 7).
Le quatrième temps placera, par un change-
ment de prises manuelles la hanche en légère
adduction arrière et rotation externe. Le talon
est porté vers la fesse opposée (fig. 8). C'est le
vaste externe qui est ciblé ici.
L'étirement, pied libre donc en chaîne ou-
verte, a exploité les trois degrés de liberté de la
hanche. En chaîne fermée,;pied au sol, la hanche
sera travaillée également dans plusièurs plans
mais à aucun moment elle ne sera placée en
position d'étirement articulaire maximale, la
tension musculaire bridant les positions
extrêmes. En couché dorsal, la position de
départ de l'étirement du quadriceps sera genou
fléchi, et haut, pied au sol près de la fesse,
cheville tenue par la main homolatérale (fig. 9).
Le premier temps de l'étirement consistera à
réaliser lentement une extension de hanche, en
roulant vers le côté opposé, et en gardant le
genou haut (fig. 10).
Le deuxième temps consistera àabaisser le
genou vers le sol (fig. 11); tout en restant tourné
vers la gauche, en extension de hanche. La
hanche est portée en adduction et rotation
interne.
Le troisième temps ajoutera une poussée
longitudinale du genou dans le prolongement du
fémur (fig. 12). L'étirement sera maximal si le
sujet ajoute, enfin, une rétroversion du bassin
de façon àaccentuer l'extension de hanche.
FACTEURS EXTRINSÈQUES DE LA MOBILITÉ
MUSCULAIRE
L'utilisation des trois degrés de liberté de la
hanche contribue àpréparer l'environnement
musculaire constitué de tissu conjonctif de
remplissage, aréolaire, très déformable (fig. 13).
Ce dernier dans les mouvements de grande
amplitude, suit les contractions musculaires et
se trouve comprimé et déformé. De plus, le
muscle cohabite avec ses voisins et doit pouvoir
être légèrement mobile par rapport àeux, autour
de l'axe osseux. Son aponévrose d'enveloppe lui
fournit un élément de lubrification transversale,
activée par les étirements utilisant abduction-
adduction et rotations axiales. Ce système
profond de glissement peut-être altéré lors de
lésions musculaires intersticielles (fig. 14). L'hé-
matone envahit les espaces intermusculaires et
ensuite la fonction de la cuisse est perturbée
même si les fibres musculaires cicatrisées sont
susceptibles d'assurer une mobilité longitudinale
satisfaisante.
L'étirement avec trois composantes arti-
culaires de la hanche exploite la structure
conjonctive collagène tridimensionnelle des élé-
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ments élastiques parallèles du muscle, ainsi
constitué pour subir des contraintes p1uridi-
rectionnelles (fig. 15). A un moindre degré est
mise en tension l'aponévrose d'enveloppe du
muscle, formé de deux à plusieurs feuillets
d'orientation collagène différente de manière à
subir les déformations venues de l'intérieur lors
des contractions et étirements musculaires
(fig. 16).
RESPECT DE LA VASCULARISATION
MUSCULAIRE
FIG 13. - Les espaces de glissement profonds d'après Testut et
Jacob. Lorsque des musc/es sont synergiques, ilssont séparés par une
épaisseur réduite de tissu intersticiel, lorsqu'il s'agit de musc/es
antagonistes, la loge entière est séparée de la voisine par une forte
épaisseur de tissu intersticiel très lâche contenant de la graisse.
A chacune des fibres musculaires est attribué
un réseau capillaire longitudinal circulant à la
surface du sarco1emme puis pénétrant en profon-
deur grâce à des ramifications transversales
(fig. 17). Cette densité vasculaire nous incite à
respecter le flux sanguin en excluant les étire-
ments prolongés. Sachant, que tout étirement
comprime le réseau, une durée de 6secondes
nous semble répondre aux impératifs vasculaires
tout en atteignant la déformabilité recherchée
dans le tissu conjonctif puisque Sven A. Së1ve-
born affirme qu'il faut 6secondes au tissu
conjonctif pour atteindre sa longueur maximale.
Noyaux
des fibroblastes
Fibre collagène disposition oblique
par rapport au plan antérieur)
FIG. 14 FIG. 15 FIG. 16
FIG 14. - Lors de la rupture d'un vaisseau, suite à un incident sportif, le sang a tendance à envahir les cloisons inter-musculaires,
gènant ainsi la mobilité transversale des musc/es d'une même loge (Durey).
FIG 15. - Tissu conjonctif serré, non orienté, constituant les gaines fasciculaires musculaires et tendineuses (Warwick et Williams).
FIG 16. - Orientation oblique defibres de collagène dans deux feuillets d'aponévrose. Cette disposition permet une résistance isotropique
à l'étirement, quelle que soit la direction de celui-ci (Maillet).
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