Elsa CAMPERGUE Rédaction d’un article de presse. 10.01.2014
Cnam/CITS/RTC210-211-212/2013-2014
Bien que ces quatre crânes diffèrent assez nettement de Skull 5, en ayant selon les cas une capacité
crânienne supérieure ou un museau moins développé, ils ne font que montrer la variabilité naturelle
des premiers hommes, déjà constatée à de nombreuses reprises parmi les fossiles trouvés de longue
date en Afrique. Pour les chercheurs du projet, cette variabilité naturelle ne serait pas suffisamment
prise en compte. Il serait donc possible que la demi-douzaine d’espèces issues du genre Homo ne soit
en fait que des variations locales d’une seule et même espèce, liées à des isolements temporaires de
populations, des biotopes divers ou des conditions climatiques particulières.
"Ces fossiles semblent très différents les uns des autres et il serait tentant de publier leur découverte
sous la forme d’espèces distinctes, explique Christoph Zollikofer. Nous savons cependant que ces
individus venaient du même endroit et de la même période géologique. Aussi ils pourraient en
principe représenter une seule population d’une seule espèce. Nous estimons donc que ces fossiles
sont des Homo Erectus dont les différences morphologiques sont internes au genre", conclut-il.
Cette hypothèse est loin de faire l’unanimité au sein de la communauté scientifique internationale.
En effet les distinctions entre les différentes espèces d’Homo ne sont pas fondées exclusivement sur
la morphologie crânienne. D’autres éléments, tels que la longueur des bras ou des jambes, entrent
aussi en ligne de compte pour distinguer les espèces. "Il est donc encore un peu tôt pour jeter aux
orties l’ancienne classification", explique Bernard Wood, paléobiologiste à l’université George
Washington, dans une récente interview au National Geographic.
"Bien-sûr, ces résultats devront être validés par des études complémentaires sur les autres
ossements de ce gisement, qui est loin d’avoir livré tous ses secrets. Mais ils posent quand même la
question de l’interprétation morphologique dans l’attribution des fossiles d’une espèce donnée, et
dans une plus large perspective, dans la compréhension du buisson évolutif de l’homme", explique
Dominique Grimaud-Hervé, anthropologue au Museum national d’histoire naturelle.
Fort heureusement, le site de Dmanisi est d’une exceptionnelle richesse. Il a déjà livré, outre ces cinq
crânes et quelques éléments de squelette, plus de dix mille fossiles de plantes et d’animaux de cette
époque et des outils de pierre utilisés par ces hominidés. "Et il reste encore 50 000 m² de terrain à
explorer" se réjouit David Lordkipanidze. Si cette hypothèse se confirme dans les années à venir, elle
aura le mérite de simplifier un peu la compréhension de l’évolution de l’humanité.
Sources documentaires :
- David Lordkipanidze et alii, "A Complete Skull from Dmanisi, Georgia, and the Evolutionary
Biology of Early Homo", Science, vol.342, 18 october 2013, p.326-331.
- Stephany Gardier, "Un crâne simplifie le genre Homo", Le Monde.fr, 21 octobre 2013.
- Dylan Gamba, "La découverte d’un crâne pourrait réécrire l’histoire de l’évolution",
L’Express.fr, 18 octobre 2013.
- Jean-Luc Nothias, "Un crâne de 1,8 millions d’années révolutionne l’histoire de l’évolution", Le
Figaro.fr, 5 novembre 2013.
- Bernard Nomblot, "Comme un seul homme", Science Actualités.fr, 18 octobre 2013.
- Erwan Lecomte, "Un crâne préhistorique bouleverse l’évolution humaine", Sciences et
Avenir.fr, 21 octobre 2013.
- Brian Switek, "Beautiful skull spurs debate on human history", National Geographic.com,
October 17. 2013.
- Elizabeth Landau, "Rare skull sparks human evolution controversy", EditionCNN.com, October
17. 2013.