La règle et le compas 1 Motivation historique

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Éléments de géométrie
Arnaud Bodin, avril 2012
La règle et le compas
1
1.1
1 Motivation historique
Motivation historique
1
2 Les nombres constructibles à la règle
et au compas
3
La trissection des angles
Considérons un angle α, c’est-à-dire la donnée d’un point et de deux demi-droite issues de
ce points ; nous savons diviser cet angle en deux à l’aide d’une règle (non graduée) et d’un
compas : il suffit de tracer la bissectrice.
3 Éléments de théorie des corps
4 Corps et nombres constructibles
13
5 Applications aux problèmes grecs
15
α
P
Problème de la trissection : peut-on diviser un angle
en trois angles égaux à l’aide de la règle et du compas ?
1.2
La duplication du cube
Commençons par un problème assez simple : Étant donné un carré, construire (à la règle
et au compas)
√ un carré dont l’aire est le double. Cela revient à savoir tracer un côté de
longueur a 2 à partir d’un coté de longueur a. Nous verrons comment faire un peu plus
loin (voir 2.3).
1
8
√
a 2
a
a
√
a 2
Posons nous la question dans l’espace : étant donné un cube, peut-on construire un second
cube dont le volume est le double du premier ? Si le√premier cube a ses côtés de longueur
a alors le second doit avoir ses côtés de longueur a 3 2. La question se formule alors de la
manière suivante :
a
Problème de la duplication du cube : étant donné un
segment de longueur 1, construire
à la règle et au compas
√
3
un segment de longueur 2 ?
√
a32
1.3
La quadrature du cercle
Problème de la quadrature du cercle : étant donné
un cercle, construire à la règle et au compas un carré de
même aire ?
Cela revient à construire un segment de longueur
segment de longueur 1.
1.4
√
π à la règle et au compas, à partir d’un
Les ensembles
Une dernière motivation concerne les ensembles. Nous avons les inclusions d’ensembles :
N ⊂ Z ⊂ Q ⊂ R ⊂ C.
Le passage d’un ensemble à un ensemble plus grand se justifie par la volonté de résoudre
davantage d’équations :
– passage de N à Z pour résoudre des équations du type x + 7 = 0,
– passage de Z à Q pour résoudre des équations du type 5x = 4,
– passage de Q à R pour résoudre des équations du type x2 = 4,
– passage de R à C pour résoudre des équations du type x2 = −1,
Mais en fait le passage de Q à R est un saut beaucoup plus «grand» que les autres : Q est
un ensemble dénombrable (il existe une bijection entre Z et Q) alors R ne l’est pas.
Nous allons définir et étudier deux ensembles intermédiaires :
Q ⊂ CR ⊂ Q ⊂ R
où
2
√
r
S = πr2
S = πr2
πr
– CR est l’ensemble des nombres constructibles à la règle et au compas,
– Q est l’ensemble des nombres algébriques : ce sont les réels x qui sont solutions d’une
équation P(x) = 0, pour un polynôme P à coefficients dans Q.
2
2.1
Les nombres constructibles à la règle et au compas
Nombre constructible
On considère le plan euclidien P muni d’un repère orthonormé, que l’on identifiera à R2 ou
C. On définit des ensembles de points Ci ⊂ P par récurrence.
– C0 = {O, I} où O = (0, 0) et I = (1, 0).
– Pour i ≥ O, Ci+1 est l’ensemble des points élémentairement constructibles à partir
de Ci , c’est-à-dire : P ∈ Ci+1 si et seulement si
1. P ∈ (AB) ∩ (A 0 B 0 ) avec A, B, A 0 , B 0 ∈ Ci
2. ou P ∈ (AB) ∩ C(A 0 , A 0 B 0 ) avec A, B, A 0 , B 0 ∈ Ci
3. ou P ∈ C(A, AB) ∩ C(A 0 , A 0 B 0 ) avec A, B, A 0 , B 0 ∈ Ci
Il faut comprendre cette construction ainsi : si A, B, A 0 , B 0 ont été construit et sont dans
Ci alors à partir de ces points on peut tracer plusieurs objets à la règle et au compas :
par exemple la droite (AB) -à l’aide de la règle- ou le cercle de centre A 0 et d’un rayon de
longueur A 0 B 0 en plaçant la pointe du compas en A 0 avec un écartement faisant passer le
cercle par B 0 .
Si cette droite (AB) et ce cercle C(A 0 , A 0 B 0 ) s’intersectent alors les points d’intersection sont
par définition dans Ci+1 .
B
P
B
A0
B
P
A0
P
A
B0
A
A0
A
[[[Exemples : C0 , C1 , C2 .]]]
3
B0
B0
O
I
S
Définition 1. – C = i≥0 Ci est l’ensemble des points constructibles. Autrement dit
C = C0 ∪ C1 ∪ C2 ∪ . . . de plus P ∈ C si et seulement s’il existe i ≥ 0 tel que P ∈ Ci .
– CC ⊂ C est l’ensemble des affixes des points constructibles : les nombres complexes
constructibles.
– CR ⊂ R est l’ensemble des abscisses des points constructibles : ce sont les nombres
(réels) constructibles.
Par contre on suppose que les objets sont distincts : les droites (AB) et (A 0 B 0 ) sont distincts,
idem pour deux cercles. D’autre part même si deux points A, B sont constructibles on peut
tracer la droite (AB), pour autant les points de (AB) ne sont pas tous constructibles.
2.2
Premières constructions géométriques
Les constructions suivantes vont nous être utiles.
– Si A, B sont constructibles alors le symétrique de B par rapport à A l’est. Il suffit juste
de tracer la droite (AB) et le cercle de centre A passant par B. Ils se recoupent en B et
B 0 = sA (B).
B
A0
B
A
J
B0
A
B0
– Si A, B sont constructibles alors on peut construire deux points de la médiatrice de [AB].
Prendre les intersections A 0 , B 0 du cercle centré A passant par B avec le cercle centré en
B passant par A. Les points A 0 , B 0 appartiennent à la médiatrice de [AB]. En particulier
cela permet de construire le milieu J de [AB], c’est l’intersection des droites (AB) et
(A 0 B 0 ).
– Si A, B, A 0 sont trois points constructibles alors on peut construire B 0 appartenant à la
parallèle à (AB) passant par A 0 . Tout d’abord construire le milieu J de [AA 0 ]. Puis construire B 0 le symétrique de B par rapport à J. La figure ABA 0 B 0 est un parallèlogramme.
4
A0
A0
B0
J
B
A
A
B
– Pour construire la perpendiculaire à (AB) passant par A 0 on construit d’abord deux
points de la médiatrice de [AB], puis un point de la parallèle à cette médiatrice passant
par A 0 .
– Enfin on peut conserver l’écartement du compas. Si l’on a construit des points A, B, A 0
alors on peut placer la pointe en A avec un écartement de longueur AB. On peut soulever
le compas en gardant l’écartement et tracer le cercle centré en A 0 et d’écartement AB.
Cette opération se justifie car on pourrait construire B 0 tel que ABA 0 B 0 soit un parallélogramme. [[[dessin]]]
[[[Remarque : construction de (1, 0), passage des abscisses aux ordonnées, passage de CR à
C pas de problème avec la terminologie.]]]
2.3
Premières constructions algébriques
Proposition 1. Si z, z 0 ∈ C sont des nombres complexes constructibles (resp. x, x 0 sont des
réels constructibles) alors :
1. z + z 0 est constructible (resp. x + x 0 ),
2. −z est constructible (resp. −x),
3. z · z 0 est constructible (resp. x · x 0 ),
4. Si z 0 6= 0, z/z 0 est constructible (resp. x/x 0 , pour x 0 6= 0).
Démonstration.
1. La somme de deux nombres complexes z + z 0 correspond à la construction d’un parallélogramme 0, z, z 0 , z+z 0 : les points d’affixes 0, z, z 0 étant supposés
constructibles on trace la parallèle à la droite (0, z) passant par z 0 puis la parallèle à
la droite (0, z 0 ) passant par z. Ces deux droites se coupent en z + z 0 . Autre méthode en
utilisant le report : tracer au compas le cercle de centre z en utilisant un écartement
de longueur |z 0 |, puis le cercle de centre z 0 avec un écartement de longueur |z|. Ces
deux cercles se coupent en deux points dont z + z 0 . La construction pour le réel x + x 0
5
z + z0
est encore plus facile en utilisant le report du compas. Sinon construire d’abord le
0
0
milieu x+x
2 puis le symétrique de 0 par rapport à ce milieu : c’est x + x .
z0
2. L’opposé de z s’obtient ainsi : tracez la droite passant par 0 et z ; tracez le cercle de
centre 0 passant par z ; ce cercle recoupe la droite en −z. (C’est aussi le symétrique
de z par rapport à 0.)
3. Commençons par le produit de deux nombres réels x · x 0 . On suppose construits les
points (x, 0) et (0, x 0 ). On trace la droite D passant par (x, 0) et (0, 1). On construit
ensuite –à la règle et au compas– la droite D 0 parallèle à D et passant par (0, x 0 ). Le
théorème de Thalès prouve que D 0 recoupe l’axe des abscisses en (x · x 0 , 0).
x0
z
0
x0
z
1
1
−z
x
x · x0
x/x 0
x
4. Pour le quotient la méthode est similaire.
5. Il reste à s’occuper du produit et du quotient de deux nombres complexes. Tout
d’abord soit z = ρeiθ un nombre complexe constructible alors ρ est constructible (considérer le cercle centré à l’origine qui passe par z, il recoupe l’axe des abscisses en
(ρ, 0)). Le nombre eiθ est aussi constructible : c’est l’intersection de la droite passant
par l’origine et z avec le cercle unité.
6
ρeiθ
ei(θ+θ
0)
eiθ
eiθ
eiθ
θ0
θ + θ0
θ
0
θ
ρ
0
0
Maintenant soient z = ρeiθ et z 0 = ρeiθ alors z · z 0 = (ρ · ρ 0 )ei(θ+θ ) . Le réel ρ × ρ 0
est constructible comme nous l’avons vu au-dessus. Il reste à construire le nombre
0
complexe ei(θ+θ ) , qui correspond à la somme de deux angles θ et θ 0 . Cela se fait
simplement, à partir du cercle unité, en reportant au compas la mesure d’un angle à
partir de l’extrémité de l’autre.
Pour le quotient la méthode est similaire.
Corollaire 1.
N ⊂ CR ,
Z ⊂ CR ,
Q ⊂ CR
La preuve découle facilement de la proposition :
Démonstration. – Puisque 1 est un nombre constructible alors 2 = 1 + 1 est constructible,
mais alors 3 = 2 + 1 est constructible et par récurrence tout entier n ≥ 0 est un élément
de CR .
– Comme tout entier n ≥ 0 est constructible alors −n l’est aussi ; donc tous les entiers
n ∈ Z sont constructibles.
– Enfin soit qp ∈ Q, alors les entiers p, q sont constructibles donc le quotient p/q est constructible et ainsi Q ⊂ CR .
Proposition 2. Si x ≥ 0 est un nombre constructible alors
Remarques :
7
√
x est constructible.
√
1. La réciproque est vraie. En effet si x 0 = x est un nombre constructible, alors par la
√ √
proposition 1 : x 0 · x 0 est constructible. Or x 0 · x 0 = x · x = x, donc x est constructible.
y
2. On peut en déduire aussi que si z ∈ C est constructible alors les racines carrées
(complexes) de z sont constructibles.
√ √
3. Ainsi 2, 3, . . . sont des nombres constructibles. Voir aussi l’exercice 1.
Démonstration. Soient les nombres constructibles 0, −1, x placés sur l’axe des abscisses.
Traçons le cercle dont le diamètre est [−1, x] (cela revient à construire le centre du cercle
x−1
y ≥ 0. Les triangles
2 , voir la proposition 1). Ce cercle recoupe l’axe des ordonnées en
√
y
x
2
40(−1)y et 40xy sont semblables donc y = 1 , d’où x = y donc y = x. Une autre méthode
consiste à utiliser le théorème de Pythagore.
3
−1
0
Éléments de théorie des corps
√
La théorie des corps n’est pas évidente et mériterait un chapitre entier. Nous résumons
ici les grandes lignes utiles à nos fins. Il est important de bien comprendre le paragraphe
suivant, les autres paragraphes peuvent être sautés lors de la première lecture.
3.1
x
x−1
2
Les exemples à comprendre
−1
Premier exemple. Soit l’ensemble :
√
√
Q( 2) = a + b 2 | a, b ∈ Q
√
√
c’est un sous-ensemble de R, qui contient par exemple 0, 1, 2, 12 + 23 2. Voici quelques
propriétés : √
√
√
√
0 + b 0 2 deux éléments de Q( 2) alors leur somme (a + b 2) + (a 0 +
2
et
a
– Soient
a
+
b
√
√
√
√
2). De même
∈ Q( 2).
b 0 2) est encore un élément
√ de0 Q( 0 √
√ −(a + b 2)√
√
0 + b 0 2) = aa 0 +
– Plus surprenant si√a + b 2, a + b 2 ∈ Q( 2) alors
(a
+
b
2)
×
(a
√
√
2bb 0 + (ab 0 + a 0 b) 2√est aussi un éléments de Q( √
2). Enfin l’inverse de a + b 2 est
1√
1
= a2 −2b
2) est encore un élément de Q( 2).
2 (a − b
a+b 2
√
Q on parle d’une extension
Ces propriétés font de Q( 2) est un corps. Ce corps contient
√
de Q. De plus il est étendu avec un élément du type δ on parle alors d’une extension
quadratique.
8
x
0
x
Deuxième série d’exemples. On peut généraliser l’exemple précédent : si K est lui-même
un corps et δ est un élément de K alors
√
√
K( δ) = a + b δ | a, b ∈ K
√
est un corps : on vérifie que la somme et le produit de deux éléments restent dans K( δ)
ainsi que l’opposé et l’inverse.
Cela permet de construire de nouveaux corps
√ : partant de K0 = Q on choisit
√ un élément,
√
disons δ0 = 2√
et on obtient le corps K0 = Q( 2). Si on prend δ1 = 3 alors 3 ∈
/ Q( 2) et
dont K2 = K1 ( 3) est un nouveau corps (qui contient K1 ). Le corps K2 est :
√ √
√
√
√ √
√
K2 = K1 ( 3) = Q( 2)( 3) = a + b 2 + c 3 + d 2 3 | a, b, c, d ∈ Q .
√ √ √
3)(√ 11) comme
une
On pourrait continuer ainsi√et exprimer
chaque
élément
de
Q(
√
√
√ √
√ √ 2)( √
√ √ √
somme de 8 éléments a1 +a2 2+a3 3+a4 11+a5 2 3+a6 2 11+a7 3 11+a8 2 3 11
avec les ai ∈ Q.
p
√
√
√
En partant
de
K
=
Q(
2)
on
peut
aussi
considérer
δ
=
1
+
2
et
K
=
K
(
1 + 2) =
1
2
1
1
p
√
√
Q( 2)( 1 + 2). Chaque élément de K2 peut s’écrire comme une somme de 4 éléments...
√
Une propriété. Il faut noter que chaque élément
de Q( 2) est la racine d’un polynôme de
√
degré 2 à coefficients dans Q. Par exemple 3+ 2 est annulé par P(X) = (X−3)2 = X2 −6X+9.
Les nombres qui sont annulés par un polynôme à coefficients rationnels sont les nombres
√
algébriques. Plus généralement si K est un corps et δ ∈ K alors tout élément de K( δ)
est annulé par un polynôme de degré 1 ou 2 àpcoefficients dans K. On en déduit que pour
√ √
√
√
chaque élément de Q( 2)( 3) (ou de Q( 2)(
1
+
√ √ √2)) est racine d’un polynôme de Q[X]
de degré 1, 2 ou 4. Et chaque élément de Q( 2)( 3)( 11) est racine d’un polynôme de Q[X]
de degré 1, 2, 4 ou 8. Etc.
3.2
Corps
Un corps est un ensemble sur lequel on définit deux opérations : une addition et une multiplication.
Définition 2. Un corps (K, +, ×) est un ensemble K muni des deux opérations + et × (des
lois de composition interne) : qui vérifient :
1. (K, +) est un groupe commutatif, c’est-à-dire :
– Il existe 0 ∈ K tel quel, 0 + x = x (pour tout x ∈ K),
9
– Pour tout x ∈ K il existe −x tel que x + (−x) = 0,
– + est associative : (x + y) + z = x + (y + z) (pour tout x, y, z ∈ K),
– x + y = y + x (pour tout x, y ∈ K).
2. (K \ {0}, ×) est un groupe commutatif, c’est-à-dire :
– Il existe 1 ∈ K \ {0} tel quel 1 × x = x (pour tout x ∈ K),
– Pour tout x ∈ K \ {0} il existe x−1 tel que x × x−1 = 1.
– × est associative : (x × y) × z = x × (y × z) (pour tout x, y, z ∈ K \ {0}).
– x × y = y × x (pour tout x, y ∈ K \ {0}).
3. × est distributive par rapport à + : (x + y) × z = x × z + y × z (pour tout x, y, z ∈ K).
Voici des exemples classiques :
– Q, R, C sont des corps. L’addition et la multiplication sont les opérations usuelles.
– Par contre (Z, +, ×) n’est pas un corps. (Pourquoi ?)
Voici√
des exemples
√ qui vont être
importants pour la suite :
– Q( 2) = a+b 2 | a, b ∈ Q est un corps (avec l’addition et la multiplication habituelles
des nombres
réels). Voir les
exemples introductifs.
– Q(i) = a + ib | a, b ∈ Q est un corps (avec l’addition et la multiplication habituelles
des nombres
complexes).
– Par contre a + bπ | a, b ∈ Q n’est pas un corps. (Pourquoi ?)
Enfin l’ensemble des nombres algébriques
Q = {x ∈ R | il existe P ∈ Q[x] tel que P(x) = 0}
est un corps. La preuve sera vue plus loin.
La proposition 1 se reformule avec la notion de corps en :
Proposition 3. (CR , +, ×) est un corps inclus dans R.
On a aussi que (CC , +, ×) est un corps inclus dans C.
3.3
Extension de corps
Proposition 4. Soient K, L deux corps avec K ⊂ L, alors L est un espace-vectoriel sur K.
[[[Admis]]]
10
Définition 3. L est appelée une extension de K. Si la dimension de cet espace-vectoriel
est finie alors on l’appelle le degré de l’extension qui sera noté :
[L : K] = dimK L.
Si ce degré vaut 2 nous parlerons d’une extension quadratique.
Proposition 5. Si K, L, M sont trois corps avec K ⊂ L ⊂ M et si les extensions ont un degré
fini alors :
[M : K] = [M : L] × [L : K].
[[[Admis]]]
√
√
√
Exemple 1. – Q( 2) est une extension de Q. De plus comme Q( 2) = a+b 2 | a, b ∈ Q
√
√
alors Q( 2) est un espace vectoriel (sur Q)
est une
√ de dimension 2 : en effet (1, 2) en√
/ Q
base. Attention : ici 1 est un vecteur et 2 est un autre vecteur. Le fait que 2 ∈
se traduit en : ces deux vecteurs sont linéairement indépendants sur Q. C’est un peu
déroutant au début !
– C est une extension de degré 2 de R car tout élément de C s’écrit a + ib. Donc les vecteurs
1 et i forment
commeespace√vectoriel sur √
R. √ une
√ base de
√ C√
√
√ √
– Notons Q( 2, 3) = Q( 2)( 3) = a + b 3 | a, b ∈ Q( 2) . Q ⊂ Q( 2) ⊂ Q( 2, 3).
√ √
Calculer le degré des extensions. Expliciter une base sur Q de Q( 2, 3).
3.4
Nombre algébrique
L’ensemble des nombres algébriques est
Q = {x ∈ R | il existe P ∈ Q[X] tel que P(x) = 0} .
Proposition 6. Q est un corps.
Démonstration. L’addition et la multiplication définie sur Q sont celle du corps (R, +, ×).
Ainsi beaucoup de propriétés découlent du fait que l’ensemble des réels est un corps (on
parle de sous-corps).
1. (Q, +) est un groupe commutatif, car :
– 0 ∈ Q (prendre P(X) = X) et 0 + x = x (pour tout x ∈ Q),
– Si x ∈ Q alors −x (si P(X) est un polynôme qui annule x alors, P(−X) annule −x).
– + est associative : cela découle de l’associativité sur R,
– x + y = y + x : idem.
11
2. (Q \ {0}, ×) est un groupe commutatif, en effet :
– 1 ∈ Q \ {0} et 1 × x = x (pour tout x ∈ Q),
– Si x ∈ Q \ {0} alors x−1 ∈ Q \ {0} : si P(X) est un polynôme de degré n annulant x
alors Xn P( X1 ) est un polynôme annulant x1 .
– × est associative : cela découle de l’associativité sur R \ {0},
– x × y = y × x : idem.
3. × est distributive par rapport à + : cela découle de la distributivité sur R.
Si x ∈ Q est un nombre algébrique alors le plus petit degré parmi tous les degrés des
polynômes P ∈ Q[X] tel√
que P(x) = 0 est le degré algébrique de x. Par exemple calculons
le degré algébrique de 2 : un polynôme annulant ce nombre
est P(X) = X2 − 2 et il n’est
√
pas possible d’en trouver de degré 1. Plus généralement
δ avec δ ∈ Q est aussi de degré
√
algébrique inférieur égal à 1 ou 2. Par contre 3 2 est de degré 3, il est annulé par P(X) =
X3 − 2 mais pas par des polynômes de degré plus petit.
Proposition 7. Soit L est est une extension finie du corps Q.
1. Si x ∈ L alors x est un nombre algébrique.
2. De plus le degré de l’extension [Q(x) : Q] et le degré algébrique de x coïncident.
Démonstration.
1. Soit L est une extension finie de Q, soit n = [L : Q]. Fixons x ∈ L.
Les n + 1 éléments (1, x, x2 , . . . , xn ) forment une famille n vecteurs dans un espace
vectoriel de dimension n. Donc cette famille est liée. IlP
existe donc une combinaison
linéaireP
nulle, c’est-à-dire il existe ai ∈ Q tels quel ni=1 ai xi = 0. Si l’on définit
P(X) = ni=1 ai Xi , alors P(X) ∈ Q[X] et P(x) = 0. C’est exactement dire que x est un
nombre algébrique.
2. C’estPà peu près les mêmes arguments. Si m = [Q(x) : Q] alors il existe ai ∈ Q tels
i
que m
i=1 ai x = 0. Donc il existe un polynôme de degré m annulant x. Donc le degré
algébrique de x est inférieur ou égal à m.
Pm−1
Mais s’il existe un polynôme P(X) = i=1
bi Xi de degré strictement inférieur à m qui
P
i
annulait x alors nous aurions une combinaison linéaire nulle m−1
i=1 bi x = 0. Ce qui
contredirait le fait que Q(x) soit un espace vectoriel de dimension m sur Q.
Bilan : le degré algébrique de x est exactement [Q(x) : Q].
12
4
4.1
Corps et nombres constructibles
Nombre constructible et extensions quadratiques
Théorème 1 (Théorème de Wantzel). Un nombre réel x est constructible si et seulement
si il existe des extensions quadratiques
Q = K0 ⊂ K1 ⊂ . . . ⊂ Kr
telles que x ∈ Kr .
Chacune des extensions est quadratique c’est-à-dire [Ki+1 : Ki ] = 2. Autrement
dit, chaque
√
extension est une extension quadratique de la précédente : Ki+1 = Ki ( δi ) pour un certain
δi ∈ Ki :
√
√
√
Q ⊂ Q( δ0 ) ⊂ Q( δ0 )( δ1 ) ⊂ · · ·
Démonstration. Rappelons nous que les nombres constructibles sont construits par étapes
C0 , C1 , C2 ,. . . .
L’ensemble Cj+1 s’obtient comme l’intersection des droites et des cercles que l’on peut tracer
à partir de Cj . Nous allons voir que ce passage correspond à un extension quadratique.
Soit donc K le plus petit corps contenant les coordonnées des points de Cj . Nous considérons
P un point de Cj+1 . Ce point P est l’intersection de deux objets (deux droites ; une droite et
un cercle ; deux cercles). Distinguons les cas :
– P est l’intersection de deux droites. Ces droites passent par des points de Cj alors elles
ont pour équations ax + by = c et a 0 x + b 0 y = c 0 et il est important de noter que l’on peut
prendre a, b, c, a 0 , b 0 , c 0 comme étant des éléments de K. Par exemple une équation de la
−yA
droite passant par A(xA , yA ) et B(xB , yB ) (avec xA , yA , xB , yB ∈ K) est y = yxBB −x
(x − xA )
A
ce qui donne bien une équation à coefficient dans K. Les coordonnées de P sont donc
0
cb − c 0 b ac 0 − a 0 c
,
.
ab 0 − a 0 b ab 0 − a 0 b
Comme K est un corps alors l’abscisse et l’ordonnée de P sont encore dans K. Dans ce cas
il n’y a pas besoin d’extension : le plus petit corps contenant les coordonnées des points
de Cj et de P est K.
– P est l’intersection d’une droite et d’un cercle. Notons l’équation de la droite ax + by = c
avec a, b, c ∈ K et (x − x0 )2 + (y − y0 )2 = r2 l’équation du cercle et on note que x0 , y0 , r2
(mais pas nécessairement r) sont des éléments de K car les coordonnées du centre et d’un
13
point du cercle sont dans K. Il reste à calculer les intersections de la droite et du cercle :
en posant
δ = −2 x0 a3 by0 + 2 y0 a2 cb − b2 y0 2 a2 + b2 r2 a2 + 2 a3 x0 c − a4 x0 2 − a2 c2 + a4 r2
on trouve deux points (x, y), (x 0 , y 0 ) avec
√ b
1
c − ax
c 2
2
2
x=−
(a
+
b
)+
δ
et y =
,
−x
ab
+
y
a
+
cb
−
0
0
2
2
aa +b
b
b
√ c − ax 0
b
1
c 2
0
2
2
δ
et
y
=
x0 = −
−x
ab
+
y
a
+
cb
−
(a
+
b
)−
.
0
0
a a2 + b2
b
b
√
Les coordonnées sont bien de la forme α + β δ avec α, β ∈ K et c’est le même δ √
∈ K pour
x, y, x 0 , y 0 . Donc les coordonnées de P sont bien dans l’extension quadratique K( δ).
– Pour l’intersection de deux cercles.
On trouve aussi deux points (x, y), (x 0 , y 0 ) et x, y, x 0 , y 0
√
sont aussi de la forme α + β δ pour un certain δ fixé et α, β ∈ K. Les formules sont plus
longues à écrire et on se contentera ici de faire un exemple (voir juste après).
On peut donner un autre argument : l’intersection du cercle C centré en O et du cercle
C 0 centré en O 0 est aussi l’intersection du cercle C avec la médiatrice de [OO 0 ]. On se
ramène donc au cas de l’intersection d’un cercle et d’une droite.
B0
A
En résumé les coordonnées de P sont dans une extension quadratique du corps K qui
contient les coefficients qui servent à construire P. Par récurrence cela donne le résultat
souhaité.
P
B
Exemple 2. Donnons les extensions nécessaires dans chacun des trois cas de la preuve.
1. P est l’intersection de deux droites (AB) et (A 0 B 0 ) avec par exemple A(0, 1), B(1, −1),
A 0 (0, −2), B 0 (1, 1) dont les coordonnées sont dans K = Q. Les équations sont 2x+y = 1
et 3x − y = 2 ; le point d’intersection P a pour coordonnées ( 35 , − 15 ) donc l’abscisse et
l’ordonnée sont dans Q. Il n’y a pas besoin d’étendre le corps.
A0
2. P est l’intersection de la droite passant par A(0, 1) et B(1, −1) et du cercle de centre
(2, 1) et de rayon 3 (passant par exemple par (−1, 1)). Les équations sont alors 2x+y =
1 et (x − 2)2 + (y − 1)2 = 9. Les deux solutions sont les points :
√ 1
√ √ 1
√ 1
1
2 − 29 ,
1 + 2 29
,
2 + 29 ,
1 − 2 29
.
5
5
5
5
Donc si on pose δ = 29 (qui est bien un rationnel)
alors les coordonnées des points
√
d’intersection sont bien de √
la forme α + β δ (α, β ∈ Q), c’est-à-dire appartiennent à
l’extension quadratique Q( 29).
14
P
B0
A0
A
B
P0
3. Soient le√cercle C((−1, 0), 2) (qui a pour centre (−1, 0) et passe par (1, 0)) et le cercle
C((2, 1), 5) (qui a pour centre (2, 1) et passe par (0, 0)). Les équations sont (x + 1)2 +
y2 = 4, (x − 2)2 + (y − 1)2 = 5. Les deux points d’intersections sont :
√ 3 √ √ 3 √ 1
1
,
.
7 − 79 ,
3 + 79
7 + 79 ,
3 − 79
20
20
20
20
Encore une fois pour le rationnel
√ δ = 79, les abscisses et ordonnées des points d’intersection√sont de la forme α + β δ avec α, β ∈ Q ; l’extension quadratique qui convient
est Q( 79).
4.2
Corollaires
Corollaire 2. Tout nombre réel constructible est un nombre algébrique dont le degré algébrique est de la forme 2n , n ≥ 0.
Démonstration. Soit x un nombre constructible. Par le théorème 1 de Wantzel il existe donc
des extensions quadratiques Q = K0 ⊂ K1 ⊂ . . . ⊂ Kr telles que x ∈ Kr . Donc x appartient a
une extension de Q de degré fini, ainsi par la proposition 7, x est un nombre algébrique.
On sait de plus que [Ki+1 : Ki ] = 2 donc par la proposition 5 nous avons [Kr : Q] = 2r . Il
nous reste à en déduire le degré algébrique [Q(x) : Q]. Comme Q(x) ⊂ Kr alors nous avons
toujours par la proposition 5 que : [Kr : Q(x)] × [Q(x) : Q] = [Kr : Q] = 2r . Donc [Kr : Q(x)]
divise 2r et est donc de la forme 2n .
Corollaire 3. CR est le plus petit sous-corps de R stable par racine carrée : c’est-à-dire tel
que
√
– (x ∈ CR et x ≥ 0) ⇒ x ∈ CR ,
– si K est un autre corps stable par racine carrée alors CR ⊂ K.
La preuve est à faire dans l’exercice 6.
5
5.1
Applications aux problèmes grecs
L’impossibilité de la duplication du cube
La duplication du cube ne peut s’effectuer à la règle et
au compas.
15
P
A0
A
B0
B
P0
Cela découle du fait suivant :
√
Théorème 2. 3 2 n’est pas un nombre constructible.
√
Démonstration. 3 2 est une racine
du polynôme P(X) = X3 − 2. Ce polynôme est unitaire
√
3
et irréductible dans Q[X], donc 2 est un √
nombre algébrique de degré 3, ainsi le degré
n
algébrique n’est pas de la forme 2 . Bilan : 3 2 n’est pas constructible.
5.2
L’impossibilité de la quadrature du cercle
La quadrature du cercle ne peut s’effectuer à la règle et
au compas.
C’est une reformulation du théorème suivant, du à Ferdinand von Lindemann :
Théorème 3. π n’est pas un nombre algébrique (donc n’est pas constructible).
√
Comme π n’est pas constructible alors π n’est pas constructible non plus (c’est la contraposée de la proposition 2). [[[Renvoyer à une preuve.]]]
5.3
L’impossibilité de la trissection des angles
La trissection des angles ne peut s’effectuer à la règle et
au compas.
Plus précisément nous allons exhiber un angle que l’on ne peut pas couper en trois :
Théorème 4. L’angle
constructible.
π
3
ne peut pas être coupé en trois car cos π9 n’est pas un nombre
La preuve fait l’objet de l’exercice 7 : cos π9 est un nombre algébrique de degré algébrique
3, donc il n’est pas constructible.
La trissection n’est donc pas possible en général, mais attention, pour certains angles particuliers c’est possible : par exemple l’angle π ou π2 .
Pour aller plus loin voici quelques références :
– J.-L. Carrega, Théorie des corps. La règle et le compas. Hermann, 2001.
Un livre complet sur le sujet !
16
– V. Vassallo, Ph. Royer, Nombres constructibles, IREM de Lille, 2002.
Avec un point de vue pour le collège et le lycée.
– A. Chambert-Loir, Sur les nombres algébriques constructibles à la règle et au compas.
Gazette des mathématiciens 118, 2008.
Vous trouverez dans cet article une réciproque du corollaire au théorème de Wantzel,
prouvée de façon «élémentaire», c’est-à-dire sans faire usage de la théorie de Galois.
17
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