« Moyennisation ou différenciation des comportements de consommation ? »
Introduction
Accroche.
« Mes clients peuvent choisir la couleur de leur voiture pourvu qu’elle soit noire ». Cette phrase
attribuée à Ford au début du XXe siècle symbolise la consommation de masse de produits
standardisés qui triomphera dans les trente glorieuses. On imagine mal aujourd’hui un constructeur
automobile oser une telle phrase. L’heure est à la personnalisation. Le site de la voiture Mini, par
exemple, vous invite, au travers de rubriques intitulées ‘Ma Mini’, ‘Ma Configuration’ ou ‘Mes
Accessoires’, à faire ‘Votre Choix’.
Amener le sujet, définir les termes.
Deux époques semblent effectivement s’opposer dans le domaine des comportements de
consommation. Au cours des trente glorieuses, les ménages des pays développés à économie de
marché consomment, c'est-à-dire détruisent par l’usage des biens et des services, essentiellement ce
que la société de consommation offre désormais au plus grand nombre dans un contexte de
croissance économique soutenue. Les comportements de consommation manifestent donc
apparemment une moyennisation au sens où les différences en termes de niveau et, surtout, de
structure de la consommation s’estompent au sens de la population. Aujourd’hui, la différenciation
caractérisait au contraire la consommation : les différences de consommation à la fois entre les
individus et entre les groupes sociaux tendraient à l’emporter.
Problématique, annonce du plan.
Dans quelle mesure cette opposition habituelle entre les trente glorieuses associées à une
consommation de masse de produits standardisés et une période récente associée à une
consommation différenciée est-elle pertinente ? Nous répondrons à cette question en deux temps.
La première partie sera consacrée à l’étude de l’intérêt et des limites de la notion de moyennisation
pour caractériser la consommation dans les trente glorieuses. La deuxième partie s’intéressera à la
différenciation comme caractéristique de la consommation de l’après trente glorieuses, tout en
soulignant les ambiguïtés et limites de cette notion pour la période.
Plan
I. Une tendance à la moyennisation pendant les trente glorieuses qui masque la persistance de
clivages importants
a) Augmentation du niveau de vie et lois d’Engels
b) Société de consommation et filière inversée
c) Des inégalités persistantes et des comportements de classe bien marqués
II. Une différenciation dans la période récente mais qui connaît des limites et dont la signification est
ambiguë
a) La résurgence des inégalités et la persistance de l’influence de l’appartenance sociale
b) Le rejet de la consommation de produits standardisés et la montée de l’individualisme
c) Le consommateur n’est pas roi et la société de consommation de masse est bien présente
Conclusion
Les trente glorieuses marquent une ère nouvelle dans la consommation. Comparée au XIXe siècle où
l’essentiel de la consommation des classes populaires était constitué de biens alimentaires et où les
‘biens de luxe’ étaient réservés aux seules classes aisées, cette période est bien celle de l’accès pour
une large part de la population aux biens d’équipements, à la culture et aux loisirs au cœur du
fordisme et de la société de consommation qui s’imposent alors. Toutefois, si la moyennisation des
comportements de consommation est indéniable, il ne faut pas négliger le fait que les inégalités
économiques persistantes ainsi que les habitudes et représentations sociales propres à chaque classe
sociale sont facteurs de clivages persistants. De même, la période récente ne peut être caractérisée
de manière simple par un seul processus qui serait celui de la différenciation des comportements de
consommation. Certes, il y a bien, depuis le début des années 1980, une mutation économique et
sociale complexe alliant à la fois une montée de l’individualisme, une remise en cause des modes
traditionnels de structuration de l’espace social et une tendance à l’augmentation des inégalités de
revenu. Autant de facteurs qui sont source de différences importantes dans les niveaux et la
structure de la consommation. Pourtant, avec l’augmentation des niveaux de vie, les structures de
consommation des différentes catégories de la population, appréhendées par grandes fonctions, ont
continué de se rapprocher, dans un contexte où le consommateur, quelle que soit sa catégorie
sociale ou son pays, fait souvent face à des firmes multinationales offrant des produits similaires.
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