nº 487
• MAI 2014
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La Recherche • 53
Groupe A
Groupe B
Restriction
calorique Stabilisation
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
0612
Triglycérides en millimoles par litre
Semaines
Richesse en gènes (en milliers)
600
550
500
450
400
0612
350
Semaines
© INFOGRAPHIE BRUNO BOURGEOIS
P.J. Turnbaugh et al., Nature, 444, 1027, 2006.
R.E. Ley et al., Nature, 444, 1022, 2006.
J. Quin et al., Nature, 464, 59, 2010.
M. Arumugam et al., Nature, 473, 174, 2011.
E. Le Chatelier et al., Nature, 500, 541, 2013.
A. Cotillard et al., Nature, 500, 585, 2013.
L.C. Kong et al., Am. J. Clin. Nutr., 98, 16, 2013.
Pour en savoir plus
>Cécile Klingler, « Un autre génome pour
l’homme », Les Dossiers de La Recherche,
novembre 2010, p. 22.
>Karine Clément et Joël Doré, « Des bactéries qui
stockent les graisses », Les Dossiers de La Recherche,
novembre 2010, p. 28.
>Gérard Corthier, Bonnes bactéries et bonne santé,
Éditions Quae, 2011.
http://tinyurl.com/inra-microbiote > Un
dossier de l’INRA sur le microbiote intestinal,
à destination du grand public.
avons contribué, montrent l’impor-
tance de la perte de diversité bacté-
rienne chez les personnes obèses. Ils
soulignent en particulier le lien entre
une faible diversité du microbiote et
les dysfonctionnements métaboliques
et inflammatoires. Cette étude portait
sur 292 adultes danois (169 obèses et
123 non-obèses) de la cohorte du projet
Metahit [5]. Elle a révélé que le nombre
de gènes du métagénome variait
considérablement selon les individus,
et qu’au sein des adultes obèses, on
distinguait nettement deux grou-
pes : les personnes dont le microbiote
présentait une faible diversité bac-
térienne, et celles dont le microbiote
avait une diversité élevée. Or les pre-
mières, qui représentaient un tiers de
l’ensemble des personnes obèses, mon-
traient les stigmates les plus marqués
d’une dysfonction métabolique : une
élévation de la glycémie et de la résis-
tance à l’insuline, des anomalies des
taux de lipides sanguins, ainsi qu’une
inflammation chronique de bas-grade.
Ces sujets étaient également ceux qui
avaient pris le plus de poids sur une
période de neuf ans.
Régime riche en fibres. En paral-
lèle, nos équipes ont montré que,
comme les sujets danois, 49 patients
français, obèses ou en surpoids, sui-
vis à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à
Paris, se distinguaient par la diversité
de leur microbiote : lorsque celle-ci
était faible, l’insulino-résistance et le
taux de triglycérides sanguins étaient
plus élevés [6]. Mais ce n’est pas tout.
Nous avons aussi étudié ce qui se pas-
sait lorsque ces sujets étaient soumis
à six semaines d’un régime restrictif
calibré pauvre en graisses mais enrichi
en fibres, en protéines et en glucides à
faibles index glycémique. Cette inter-
vention diététique était associée à une
perte de poids de 5 % du poids initial
en moyenne, et à une amélioration des
paramètres métaboliques et inflam-
matoires. Toutefois, cette amélioration
était moins marquée chez les patients
ayant, au départ, une faible diversité
bactérienne. Alors même qu’à l’is-
sue du régime, cette diversité avait,
chez eux, beaucoup augmenté [fig. 2].
On constate donc qu’une faible diver-
sité bactérienne du microbiote est pré-
dictive d’une moins bonne réponse à
l’intervention diététique.
Par ailleurs, dans le cadre d’une
autre étude, nous avons suivi plusieurs
patients ayant fait l’objet d’une chirur-
gie de bypass gastrique. L’ecacité de
cette intervention pour améliorer les
paramètres métaboliques et inflam-
matoires des patients est reconnue.
Or en parallèle de ces améliorations,
nous avons aussi constaté, chez nos
patients, une augmentation postopé-
ratoire de la diversité du microbiote,
ainsi qu’un changement dans l’expres-
sion de 202 gènes dans le tissu adipeux
(parmi lesquels des gènes impliqués
dans le métabolisme et l’inflamma-
tion). Ces associations entre la diver-
sité du microbiote et les paramètres
cliniques et tissulaires des patients
dépendaient pour moitié des varia-
tions de l’apport alimentaire, pour
moitié non [7].
Toutes les études récentes conver-
gent donc vers une répercussion
majeure du microbiote intestinal sur
le surpoids, l’obésité et les complica-
tions métaboliques associées, si bien
qu’un microbiote présentant une fai-
ble diversité génétique peut désormais
être considéré comme un phénotype
à risque. Il faudra donc, sur cette base,
développer des tests diagnostiques
fiables pour accompagner la prise en
charge clinique des patients. L’enjeu
est considérable ! En parallèle, on peut
aussi envisager de modifier la diversité
du microbiote intestinal dominant, en
ajustant les apports alimentaires. Pour
y parvenir, il faudra donc concevoir des
« aliments fonctionnels » capables de
promouvoir la diversité du microbiote
intestinal, sa résistance, sa résilience
et sa stabilité.
n
Diversité améliorée
Fig.2
UN RÉGIME DE 6 SEMAINES de res-
triction calorique et 6 semaines de
stabilisation a été suivi par des person-
nes obèses ou en surpoids. Au départ,
une partie (groupe A, en rouge) avait
un microbiote beaucoup moins diver-
sifié (en haut), et une concentration
de triglycérides sanguins plus élevée
(en bas) que les autres (groupe B, en
orange). La diversité génétique de leur
microbiote a augmenté au cours du
régime, mais pas assez pour que leur
concentration de triglycérides baisse
autant que dans le groupe B.
SOURCE : A. COTILLARD ET AL., NATURE, 500, 585, 2013.