IFRS 8 versus IAS 14 – Approche managériale de - IGR

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Gaëlle Lenormand et Lionel Touchais
IFRS 8 VERSUS IAS 14 – APPROCHE MANAGÉRIALE DE L’INFORMATION SECTORIELLE :
IMPACTS ET DÉTERMINANTS
reçu en juillet 2011 / accepté en novembre 2013 par Hervé Stolowy
IFRS 8 versus IAS 14 –
Approche managériale
de l’information sectorielle :
impacts et déterminants
IFRS 8 versus IAS 14 –
The management approach
to segment information:
effects and determinants
Gaëlle LENORMAND* et Lionel TOUCHAIS*
Résumé
L’article présente un premier bilan de l’application de l’IFRS 8 qui remplace l’IAS 14.
Nous analysons l’impact de cette norme
controversée sur l’information sectorielle et
tentons d’identifier les déterminants des changements de pratiques. Sur un échantillon issu
du SBF 120, nous observons une relative stabilité du découpage sectoriel avec des évolutions
plus importantes des indicateurs sectoriels, no-
Abstract
This article presents an initial assessment of
the application of IFRS 8, which has replaced
IAS 14. We analyze the effect of this controversial standard on segment reporting and attempt
to identify the determinants of changes in disclosure practices. Based on a sample of SBF120
companies we observe that while segmentation
remains relatively stable, there have been more
significant changes in the disclosure of segment
* Maîtres de conférences à l’Université de Rennes 1 / CREM UMR CNRS 6211
Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 20 – Volume 1 – Avril 2014 (p. 93 à 119)
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tamment une réduction des données publiées
par segment. Nous constatons, par ailleurs,
que le caractère discrétionnaire de l’approche
managériale n’est pas utilisé par les groupes
pour réduire l’information sectorielle diffusée
en présence de coûts de propriétaire élevés ou,
au contraire, pour l’accroître en situation de
forte asymétrie d’information.
Mots-clés : IAS 14 – IFRS 
8
– Informations sectorielles –
Asymétrie de l’information – Coûts
de propriétaire
Correspondance : Gaëlle Lenormand
Université de Rennes 1
Faculté des sciences économiques CREM UMR CNRS 6211 7 place Hoche / CS 86514 35065 Rennes cedex [email protected] measures with, in particular, a reduction in the
information reported per segment. We also note
that groups with high proprietary costs do not
appear to make use of the discretionary nature of
the management approach to reduce the segment
information reported, or, conversely, to increase
this information in cases of strong information
asymmetry.
Keywords: IAS 14 – IFRS 8 – Segment
– Information asymmetry –
information
Proprietary costs
Lionel Touchais
Université de Rennes 1
IGR – IAE de Rennes
CREM UMR CNRS 6211
11, rue Jean Macé / CS 70803
35708 Rennes cedex 7
[email protected]
Remerciement : Les auteurs remercient sincèrement les réviseurs anonymes et le corédacteur en chef, Hervé
Stolowy, pour leurs remarques constructives.
Introduction
Pour permettre à l’investisseur d’apprécier les performances, les risques et le potentiel de développement de leurs différents segments, les groupes doivent publier des éléments détaillés sur leurs secteurs
d’activité et, ou zones géographiques en annexe de leurs comptes. De nombreux travaux démontrent
que ces données sectorielles améliorent le contenu informationnel des états financiers, que leur publication soit volontaire ou obligatoire (Venkataraman 2001 ; Allioualla et Laurin 2002 ; Berger et Hann
2003 ; Botosan et Stanford 2005 ; Ettredge et al. 2005 ; Hope et al. 2008, 2009a, 2009b).
Depuis le 1er janvier 2009, sauf application anticipée, la norme applicable en matière d’information sectorielle pour les sociétés élaborant leurs états financiers consolidés en normes internationales
est l’IFRS 8 : secteurs opérationnels (IASB 2006a) en remplacement de l’IAS 14 : informations sectorielles (IASC 1997). Dans une perspective de convergence avec les US GAAP, le normalisateur
international a repris, presque à l’identique, la norme américaine SFAS 131 (FASB 1997), qui adopte
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une vision plus managériale, à la différence de l’IAS 14 qui privilégiait une approche plus formalisée.
Contrairement à la norme précédente qui précisait les informations à présenter par secteur d’activité
et géographique, l’IFRS 8 laisse une marge de manœuvre au groupe qui doit désormais publier, par
secteur opérationnel, les seules informations financières retenues par les principaux décideurs pour le
suivi et le pilotage en interne des performances de chaque segment. En d’autres termes, il ne s’agit plus
nécessairement d’une information comptable mais de données financières s’appuyant sur le reporting
interne du groupe et reflétant la vue du management. Cela permet aux investisseurs de « voir le groupe
avec les yeux de la direction » en faisant ressortir les seuls indicateurs financiers jugés pertinents et
importants pour les décideurs, améliorant ainsi la transparence de l’information sectorielle (IASB
2006b).
Cette approche managériale a suscité de nombreuses critiques liées notamment à l’absence de
formalisation des informations à publier, d’où un manque de comparabilité, voire un risque accru de
« manipulation » des données. Cela a conduit le normalisateur international à décider que, contrairement aux usages, un bilan a posteriori (post-implementation review) serait effectué pour mesurer les
avantages informationnels apportés par cette nouvelle norme. Pour sa part, l’Union européenne a,
dans un premier temps, retardé son adoption en demandant à la Commission de réaliser, au préalable,
une étude d’impacts (Commission européenne 2007).
À l’instar de Street et al. (2000), Herrmann et Thomas (2000) pour la norme SFAS 131 au regard
de la norme SFAS 14 et de Prather-Kinsey et Meek (2004), Street et Nichols (2002) pour l’IAS 14
révisée par rapport à la version initiale, il nous semble important d’étudier l’impact de l’IFRS 8 sur
l’information sectorielle publiée en essayant également de comprendre les changements de pratiques
induits par la nouvelle norme.
Les résultats issus de cet article peuvent constituer un premier retour d’expérience sur l’application
de cette norme controversée et ainsi nourrir les réflexions et discussions du normalisateur au sujet de
l’information sectorielle. Notre problématique fait, en effet, partie intégrante des thèmes de recherche
comptable jugés prioritaires par l’ANC (2010). Le normalisateur français souhaite mieux comprendre
la manière dont la performance est présentée dans les états financiers, notamment l’information sectorielle quant au choix de la segmentation retenue et du type d’informations publiées. Cet article
doit ainsi permettre de contribuer à une plus forte interactivité entre la recherche et la normalisation
comptable (Hoarau 2010). Cela nous semble d’autant plus important que peu de travaux se sont
intéressés à l’information sectorielle dans le contexte français, à l’exception notable de Saada (1998),
Pourtier (2001) et Tort (2006).
Pour répondre à notre problématique, nous réalisons une analyse théorique comparative des deux
normes (section 1). Puis, sur un échantillon d’entreprises du SBF 120, nous examinons les informations sectorielles publiées avec l’IAS 14 et l’IFRS 8 (section 2). Enfin, nous tentons de comprendre les
changements des pratiques de publication des données sectorielles (section 3).
1.
Analyse comparée des IAS 14 et IFRS 8
Nous étudions les principales différences existant entre l’IAS 14 et l’IFRS 8 en nous intéressant aux
règles portant sur le découpage sectoriel (§ 1.1) et sur les indicateurs à publier (§ 1.2).
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1.1.
La segmentation
L’IAS 14 impose une double segmentation avec, au choix, le secteur d’activité ou la zone géographique
comme premier ou deuxième niveau d’information en fonction de la source principale des risques
et de la rentabilité du groupe. En d’autres termes, si les risques et la rentabilité sont essentiellement
affectés par les produits et services proposés, le premier niveau d’information sectorielle correspond
au secteur d’activité, le second au secteur géographique et inversement. La qualification de premier
ou deuxième niveau s’avère importante car cela implique un degré d’information à présenter différent.
Pour réaliser cette segmentation, l’IASB recommande de s’appuyer sur la structure d’organisation et le
système d’information interne de l’entreprise.
Avec l’IFRS 8, la qualification de premier et deuxième niveaux disparaît avec une segmentation
par secteur opérationnel qui doit s’aligner sur le découpage sectoriel (par entité juridique, activité,
zone géographique ou un mix) utilisé en interne par « le principal décideur opérationnel » du groupe
(PDG, DG ou comité exécutif par exemple) pour l’évaluation des performances de chaque secteur et
l’affectation des ressources.
Quelle que soit la norme, seuls les secteurs véritablement significatifs font l’objet d’une information sectorielle détaillée en annexe. Pour que cette information soit représentative, ces segments
doivent représenter au moins 75 % du chiffre d’affaires externe total.
Malgré quelques différences, l’IAS 14 est souvent assimilée à la norme SFAS 14 (FASB 1976)
remplacée par la norme SFAS 131 (FASB 1997) depuis 1998. Dans ses conclusions sur l’adoption de
l’IFRS 8, cela conduit l’IASB à s’appuyer sur l’analyse effectuée par le FASB lors de l’adoption de la
norme SFAS 131. Le normalisateur considère alors que l’approche managériale doit amener certaines
entreprises à présenter un nombre plus important de secteurs au regard de leurs pratiques actuelles.
Berger et Hann (2003) et Street et al. (2000) confirment cette hypothèse en montrant que l’application de la norme SFAS 131 se caractérise par un découpage sectoriel plus fin avec une augmentation
du nombre de secteurs présentés et une diminution du nombre de firmes mono-sectorielles. Herrmann et Thomas (2000) obtiennent des résultats semblables. Ils démontrent, de surcroît, que le changement de normes conduit les deux tiers de leur échantillon à revoir leur segmentation. Or, dès lors
que les secteurs sont plus nombreux et donc moins agrégés, il devient plus difficile de dissimuler de
l’information, ce qui conduit à une amélioration du contenu informationnel des données sectorielles
(Berger et Hann 2003 ; Botosan et Stanford 2005 ; Hardin 2009).
La question de la transposition de ces résultats à l’IFRS 8 se pose. En effet, même si l’IAS 14
ne définit pas les segments de la même manière que l’IFRS 8, elle précise que le découpage doit
s’appuyer sur le système d’organisation et d’information du groupe. Elle indique notamment
que « sauf dans de rares cas, une entreprise fournira une information sectorielle dans ses états
financiers sur la même base que dans son information interne à la direction générale » (IAS 14
§ 28). En d’autres termes, l’IFRS 8 ne devrait s’accompagner d’une segmentation différente que
si le découpage précédent n’était pas aligné sur le système de reporting interne. Cette référence au
système d’organisation et d’information du groupe était quasiment absente de la norme SFAS 14.
Il faut également préciser qu’avec l’IFRS 8, l’obligation pour un segment de réaliser la majeure
partie de son chiffre d’affaires en externe disparaît. Cela peut conduire à reconnaître des secteurs
supplémentaires.
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Nous allons donc analyser dans quelle mesure l’IFRS 8 se traduit par un découpage sectoriel différent au niveau de la base d’organisation (par activité, par zone géographique…) et de la segmentation
(nombre de segments et de groupes mono-sectoriels).
1.2.
Les informations sectorielles à publier
L’IAS 14 énumère les informations financières à publier par secteur. Elles doivent être construites à
l’aide des méthodes comptables utilisées pour l’élaboration des états financiers consolidés. Les données à fournir sont plus nombreuses pour les segments de premier niveau avec notamment : les produits externes et intersectoriels, le résultat, la valeur comptable des actifs, les passifs, les dotations aux
amortissements et les investissements corporels et incorporels de l’exercice. Pour les secteurs de second
niveau, les informations à présenter se limitent au chiffre d’affaires externe, aux actifs et aux investissements corporels et incorporels.
L’IFRS 8 impose de publier des informations supplémentaires sur les charges et les produits d’intérêts et d’impôt sur le résultat. Toutefois, à l’exception du résultat et des actifs totaux par secteur, seuls
les indicateurs utilisés par la direction du groupe pour évaluer les performances de chaque secteur et
décider de l’affectation des ressources doivent être publiés. Depuis les comptes 2010, suite à un amendement de l’IFRS 8, l’information sur les actifs n’est plus obligatoire sauf à être suivie par les dirigeants
du groupe, ce qui rejoint alors la règle générale. Cette approche managériale signifie que les données
sectorielles publiées sont issues du système de reporting interne. Il ne s’agit donc plus nécessairement
d’indicateurs comptables, ce qui risque d’accroître les problèmes de comparabilité.
À côté de cette information sectorielle, l’IFRS 8 rend obligatoire la publication, s’ils ne sont pas
déjà présentés, d’éléments portant sur l’ensemble du groupe et élaborés sur la même base que les états
financiers. Ces informations que nous qualifions de « complémentaires » portent sur :
• les ventes externes des différents produits/services du groupe,
• les produits externes et les actifs non courants par zone géographique en distinguant le pays de
résidence des autres pays (voire par pays si significatif ),
• le chiffre d’affaires réalisé avec les clients externes représentant au moins 10 % des produits du
groupe pour mesurer le degré de dépendance à l’égard des clients importants.
Il est intéressant de remarquer que ces informations par produit/service et zone géographique
n’apparaissent pas avec l’IAS 14 dans le cas de groupes mono-sectoriels.
En résumé, avec l’approche managériale, les informations sectorielles à publier ne sont plus formalisées mais directement issues du système d’information interne. De surcroît, à l’exception du résultat
sectoriel (et des actifs en 2009), elles ne sont désormais présentées que si elles sont suivies par la direction du groupe. L’IFRS 8 devrait donc a priori se traduire par des données sectorielles différentes tant
au niveau des indicateurs retenus que de leur évaluation. Herrmann et Thomas (2000) et Street et al.
(2000) constatent d’ailleurs que le passage de la norme SFAS 14 à la norme SFAS 131 se traduit par
la publication d’un plus grand nombre d’indicateurs sectoriels. Cela nous amène à nous interroger
sur les principales informations (nature, nombre et méthode d’évaluation) publiées avec la nouvelle
norme et à analyser dans quelle mesure elles se différencient de celles présentées précédemment.
Les principales divergences entre l’IAS 14 et l’IFRS 8 sont synthétisées dans le tableau 1.
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Tableau 1
Principales différences entre l’IAS 14 et l’IFRS 8
IAS 14
IFRS 8
Identification des secteurs
- Segmentation en fonction des différences de risques - Segmentation basée sur le découpage retenu pour
et rentabilités sur la base des activités et zones géo- le système d’information interne utilisé par les décigraphiques.
deurs du groupe pour l’évaluation des performances
et l’affectation des ressources.
- Définition de secteurs de premier et deuxième ni- - Un seul niveau de segmentation.
veaux.
- Secteurs réalisant la majorité de leurs produits avec
des clients externes.
Informations sectorielles publiées
- Liste d’informations financières obligatoires.
- Publication des informations sectorielles utilisées par
les décideurs à usage interne :
• 
Pas d’informations sectorielles financières obligatoires à l’exception du résultat (et des actifs pour les
comptes 2009).
- Informations s’appuyant sur les règles comptables • Informations financières non formalisées ne s’apdes états financiers consolidés.
puyant pas nécessairement sur les méthodes comptables.
- Informations financières supplémentaires obligatoires portant sur l’ensemble du groupe.
2.
Évolution de l’information sectorielle avec l’IFRS 8
Après avoir présenté l’échantillon et la méthodologie (§. 2.1), nous comparons le découpage sectoriel
(§ 2.2) et les indicateurs publiés (§ 2.3) selon la norme utilisée.
2.1.
Échantillon et méthodologie de recherche
Dans un premier temps, nous confrontons les informations sectorielles publiées avec l’IAS 14 pour
l’année 2008 et l’IFRS 8 pour 2009. Le découpage et les indicateurs retenus pour 2009 avec l’approche managériale ont également été utilisés par les groupes pour retraiter les données sectorielles de
l’année antérieure 2008 présentées en tant qu’information comparative dans le rapport annuel 2009.
Le fait de disposer des données sectorielles 2008 élaborées avec l’IAS 14 (rapport annuel 2008) et
l’IFRS 8 (rapport annuel 2009) nous permet de vérifier si les indicateurs sont construits de la même
manière. Dans un second temps, l’application d’une nouvelle norme pouvant nécessiter un temps
d’apprentissage, les informations sectorielles de 2010 sont également analysées.
L’échantillon est construit à partir des sociétés du SBF 120 (tableau 2).
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Tableau 2
Constitution de l’échantillon
Sociétés du SBF 120
120
Sociétés financières et d’assurance
Sociétés utilisant un autre référentiel que les IFRS
Sociétés impliquées dans une opération de fusion-acquisition ayant un
impact significatif sur le découpage sectoriel
Sociétés ayant adopté l’IFRS 8 par anticipation
(11)
(1)
(2)
(14)
Sociétés constituant l’échantillon
92
Sont éliminés les groupes avec une activité financière et d’assurance ou ceux retenant un autre
référentiel que les IFRS. Après consultation des rapports annuels, les sociétés ayant adopté l’IFRS 8
par anticipation ont été également exclues ainsi que celles impliquées dans une opération de cession
ou fusion affectant la décomposition sectorielle du groupe sur la période 2008/2010. Au total, 92 sociétés composent l’échantillon. Les données sectorielles ont été collectées à partir des documents de
référence 2008, 2009 et 2010 déposés auprès de l’AMF.
2.2.
Le découpage sectoriel retenu
Réaliser une analyse comparative du découpage sectoriel entre l’IAS 14 et l’IFRS 8 nous conduit
à nous intéresser à la base d’organisation retenue pour la segmentation. Comme nous l’avons déjà
souligné, l’IAS 14 impose la présentation d’une information financière par secteur d’activité et zone
géographique. Quant à l’IFRS 8, elle repose sur une approche différente puisque les secteurs doivent
s’appuyer sur le découpage utilisé en interne par le « principal décideur opérationnel » du groupe.
Le tableau 3 résume la base d’organisation retenue par les groupes de l’échantillon pour réaliser
leur segmentation.
Tableau 3
Base d’organisation du découpage
IAS 14
Primaire
a
Secteur d’activité
Zone géographique
Mixte
Mono-sectoriel
57 (62 %)
28 (30 %)
(8 %)
TOTAL
92 (100 %)
7
IFRS 8
Secondaire
15 (16 %)
54 (59 %)
2009
2010
23 (25 %)
51 (55 %)
20 (22 %)
13 (14 %)
8 (9 %)
49 (54 %)
20 (22 %)
14 (15 %)
8 (9 %)
92 (100 %)
92 (100 %)
91 (100 %)a
En 2010, le groupe Sperian Protection, racheté par Honewell, disparaît de l’échantillon.
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Avec l’IAS 14, le découpage de premier niveau s’appuie majoritairement sur le secteur d’activité
(pour 57 sociétés, soit 62 % de l’échantillon) alors que celui de deuxième niveau est essentiellement établi par zone géographique (pour 54 entreprises, soit 59 %). Par ailleurs, sept groupes (8 %) n’affichent
pas de secteurs de premier niveau mais deux fournissent une information sectorielle de second niveau.
Lors de la première application de l’IFRS 8, une majorité de groupes définit également leurs secteurs opérationnels par secteur d’activité. En effet, 51 sociétés (55 % de l’échantillon) retiennent une
segmentation par produit et service, 20 (22 %) par zone géographique et 13 (14 %) choisissent une
segmentation mixte : produits/services et zones géographiques. À titre d’exemple, le découpage mixte
retenu par ArcelorMittal repose sur les six segments suivants : acier plat carbone Europe (1), acier plat
carbone Amérique (2), acier long carbone Amérique et Europe (3), Asie Afrique et états indépendants
du Commonwealth (4), acier inoxydable (5) et services et solutions en acier d’Arcelor (6). Alors
que l’IAS 14 ne permettait pas de retenir un découpage mixte, cinq groupes (ArcelorMittal, Essilor,
­Sodexo, TF1 et Zodiac) y avaient déjà recours en le présentant selon une double segmentation primaire et secondaire. D’une manière générale, les firmes justifient l’adoption du découpage mixte par
un alignement sur leur organisation interne. Enfin, 8 groupes (9 %) se considèrent comme monosectoriels et ne reportent donc pas d’information sectorielle.
L’analyse démontre une certaine cohérence entre la nature du secteur de premier niveau de
l’IAS 14 et le découpage de l’IFRS 8. Ainsi, dans les groupes présentant un premier niveau par secteur
d’activité (zone géographique) avec l’IAS 14, le découpage retenu avec l’IFRS 8 suit principalement
les produits/services (zones géographiques). Seuls Schneider et Maurel & Prom qui privilégient une
segmentation de premier niveau par zone géographique avec l’IAS 14, optent pour une segmentation
par produit/service avec l’IFRS 8. Schneider explique ce changement par la mise en place progressive
d’une nouvelle organisation par activité.
La prise en compte de l’année 2010 démontre peu d’évolution. Seul Thalès change de base d’organisation après un certain « tâtonnement ». Dans son rapport annuel 2009, le groupe maintient le statu
quo mais annonce la mise en place d’une nouvelle organisation reposant sur un découpage géographique pour le début de l’année suivante, pour finalement retenir en 2010 une segmentation mixte.
Après s’être intéressés à l’identification des secteurs, nous analysons dans quelle mesure l’IFRS 8
s’accompagne d’un changement du nombre de segments (tableau 4). L’IFRS 8 entraîne une légère
augmentation, statistiquement non significative au seuil de 10 %, du nombre moyen de segments
reportés1 qui passe de 3,60 à 3,74 en 2009. La distribution du nombre de secteurs indique également
que, quelle que soit la norme, plus de 70 % des groupes reportent entre 2 et 5 segments. Les deux
distributions sont très proches sans différence statistiquement significative au seuil de 10 % avec le
test du khi-deux.
La nouvelle norme a un impact limité sur le découpage sectoriel puisqu’elle n’entraîne pas de segmentation différente pour 67 groupes (73 %). Ce résultat contredit Herrmann et Thomas (2000) qui
démontrent que le passage de la norme SFAS 14 à la norme SFAS 131 se traduit par un changement
pour plus des deux tiers de leur échantillon. Pour les 25 autres groupes (27 %), qu’ils retiennent ou non
la même base d’organisation, l’IFRS 8 s’accompagne d’une augmentation du nombre de segments pour
13 d’entre eux, avec en moyenne deux secteurs supplémentaires, d’une diminution pour 10 autres et
d’un nombre identique pour les deux derniers avec changement de périmètre des segments.
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Tableau 4
Nombre de secteurs reportés
IAS 14
IFRS 8
Secteur primaire
Nombre de groupes
92
Nombre moyen secteurs
Nombre médian secteurs
3,60
3,00
2009
2010
92
91
3,74
3,00
IAS 14 versus IFRS 8 (2010)
-0,90 (p=0,37)
IAS 14 versus IFRS 8 (2009)
-0,48 (p=0,63)
Test de différence des moyennes
Distribution du nombre
de secteurs
Nombre
1
2
3
4
5
6
7
8
>8
7
18
30
13
11
8
1
3
1
% cumulé Nombre
% cumulé
8 %
27 %
60 %
74 %
86 %
95 %
96 %
99 %
100 %
9 %
28 %
55 %
67 %
83 %
92 %
96 %
98 %
100 %
8
18
25
11
14
9
3
2
2
TOTAL
92
Test du Khi-deux
sur les distributions
IAS 14 versus IFRS 8 (2009)
2,37 (p=0,88)
Changement
de la segmentation
3,87
3,00
Nombre
8
17
22
14
14
7
4
2
3
92
% cumulé
9 %
27 %
52 %
67 %
82 %
90 %
95 %
97 %
100 %
91
IAS 14 versus IFRS 8 (2010)
7,91 (p=0,24)
IAS 14 /
IFRS 8 (2009)
IAS 14 /
IFRS 8 (2010)
Nombre
%
Nombre
%
Même découpage sectoriel
Découpage sectoriel différent
Même base d’organisation
Augmentation du nombre de secteurs
Diminution du nombre de secteurs
Nombre identique de secteurs
Base d’organisation différente
Augmentation du nombre de secteurs
Diminution du nombre de secteurs
67
73 %
56
62 %
4
6
2
4 %
7 %
2 %
9
9
3
10 %
10 %
3 %
9
4
10 %
4 %
10
4
11 %
4 %
TOTAL
92
100 %
91
100 %
Le nombre de groupes ne reportant qu’un seul secteur avec l’IFRS 8 ne diminue pas. Il augmente,
au contraire, très légèrement puisque 8 entreprises (au lieu de 7) sont désormais dans cette situation
alors même que deux d’entre elles (BioMérieux et Mercialys) reportaient une information sectorielle
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avec l’IAS 14. Ces deux nouvelles entreprises mono-sectorielles justifient ce changement par l’absence
de découpage utilisé par la direction dans le cadre de l’analyse des résultats. Cela signifie que le « principal directeur opérationnel » ne fonde son analyse des performances et sa prise de décisions que sur
des données financières globales, ce qui est assez surprenant compte tenu de la taille de ces entreprises.
À l’inverse, Valéo qui indiquait n’opérer que sur un seul secteur d’activité (l’automobile) avec l’IAS 14,
définit désormais un découpage en quatre pôles : les systèmes de confort et d’aide à la conduite,
les systèmes de propulsion, les systèmes thermiques et les systèmes de visibilité. Ce changement est
justifié par la réorganisation du groupe et une nouvelle direction ayant entraîné un reporting interne
différent.
L’analyse de 2010 démontre une légère augmentation supplémentaire du nombre moyen de secteurs reportés qui passe de 3,74 en 2009 à 3,87 en 2010. En fait, pour la plupart des groupes, nous
ne constatons pas de nouvelles modifications de segmentation et, lorsqu’il y a changement, celui-ci
reste très léger. Ainsi, Ipsos créé une zone géographique « Asie/Pacifique » qui était auparavant intégrée dans la zone « Reste du monde » et Areva fait ressortir un nouveau secteur « Énergies nouvelles »
marquant l’ambition du groupe « de devenir un acteur majeur du marché international des énergies
renouvelables ». D’autres modifications reposent sur une nouvelle organisation du groupe. C’est le cas
de Téléperformance qui réorganise ses zones géographiques de manière à ce que chaque zone couvre
désormais des marchés linguistiques homogènes. Par ailleurs, sur les treize entreprises modifiant leur
segmentation, trois avaient déjà changé leur découpage en 2009.
Finalement, l’IFRS 8 entraîne des changements limités de segmentation. En effet, même si la nouvelle
norme s’accompagne d’une modification du découpage sectoriel pour 38 % de l’échantillon sur deux
ans, nous constatons une certaine cohérence entre la nature du secteur de premier niveau de l’IAS 14
et le découpage de l’IFRS 8. Par ailleurs, l’IFRS 8 ne se traduit pas par une segmentation significativement plus fine avec un plus grand nombre de secteurs et moins de groupes mono-sectoriels. En d’autres
termes, nos résultats ne confirment pas les conclusions des travaux anglo-saxons étudiant le passage
de la norme SFAS 14 à la norme SFAS 131 (Herrmann et Thomas 2000 ; Street et al. 2000 ; Berger
et Hann 2003). Ces résultats ne valident pas les attentes de changement important du normalisateur
international. Cela s’explique probablement par le fait que le découpage sectoriel avec l’IAS 14 doit déjà
s’appuyer sur l’organisation et le système d’information interne du groupe au même titre que l’IFRS 8.
En effet, sauf cas particuliers, « la structure d’organisation interne et de gestion d’une entreprise, et son
système d’information financière interne au Conseil d’administration et au président directeur général
doivent normalement constituer la base d’identification de la source et de la nature prédominante des
risques et des différents taux de rentabilité auxquels l’entreprise est confrontée et par conséquent la base
de détermination des premier et second niveaux selon laquelle elle doit présenter son information sectorielle » (IAS 14 §27).
2.3.
Les informations sectorielles publiées
Nous allons maintenant analyser dans quelle mesure l’information sectorielle publiée diffère selon la
norme. Au préalable, rappelons que, pour les secteurs de premier niveau, l’IAS 14 impose la publication des données suivantes : les produits, le résultat, la valeur comptable des actifs, les passifs, les
investissements corporels et incorporels de l’exercice, les amortissements et les autres charges sans
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contrepartie de trésorerie. Le cas échéant2, la quote-part dans le résultat net des entreprises mises en
équivalence et les participations dans ces sociétés doivent également être reportées. Quant à l’IFRS 8,
elle impose des informations supplémentaires sur les charges et les produits d’intérêts et d’impôt sur le
résultat. Toutefois, seules les informations portant sur le résultat sectoriel (et les actifs totaux en 2009)3
sont désormais obligatoires. Les autres indicateurs ne doivent être publiés que s’ils sont suivis par le
principal décideur opérationnel du groupe ou s’ils lui sont régulièrement fournis.
Le tableau 5 compare les principaux indicateurs sectoriels publiés avec l’IAS 14 et l’IFRS 8.
Tableau 5
Informations sectorielles publiées
Indicateurs
IAS 14
Primaire
Nombre de groupes
85
Nombre moyen d’indicateurs
Nombre médian d’indicateurs
Test de différence des moyennes
Indicateurs obligatoiresa
Produits/chiffre d’affaires
Résultatb
Actifs
Passifs
Investissements
Amortissements
Autres éléments sans contrepartie de
trésorerie
QP résultat des entreprises mises en
équivalence
Participations des entreprises mises
en équivalence
Indicateurs obligatoires avec
IFRS 8a
Charges d’intérêts
Produits d’intérêts
Charges/produits d’impôt
Autresc
Autres charges et produits
Effectif
R&D
Tableau des flux de trésorerie
Test du Khi-deux sur les distributions
8,42
8,00
IFRS 8
Secondaire
69
3,19
3,00
IAS 14 versus IFRS 8 (2009)
1,83 (p=0,07)*
2009
2010
84
83
7,71
8,00
7,49
7,00
IAS 14 versus IFRS 8 (2010)
2,33 (p=0,02)**
85 (100 %)
84 (99 %)
84 (99 %)
77 (91 %)
81 (95 %)
77 (91 %)
57 (67 %)
67 (97 %)
10 (14 %)
59 (86 %)
6 (9 %)
55 (80 %)
3 (4 %)
84 (100 %)
83 (99 %)
77 (92 %)
52 (62 %)
69 (82 %)
66 (79 %)
54 (64 %)
83 (100 %)
81 (98 %)
70 (84 %)
46 (55 %)
67 (81 %)
63 (76 %)
54 (65 %)
40 (47 %)
3 (4 %)
31 (37 %)
30 (36 %)
32 (38 %)
1 (1 %)
26 (31 %)
24 (29 %)
1
1
8
(1 %)
(1 %)
(9 %)
28 (33 %)
4 (5 %)
3 (4 %)
6 (7 %)
3
3
5
9 (13 %)
IAS 14 versus IFRS 8 (2009)
29,23 (p<0,01)***
(4 %)
(4 %)
(6 %)
21 (25 %)
12 (14 %)
5 (6 %)
6 (7 %)
2
2
5
(2 %)
(2 %)
(6 %)
21 (25 %)
12 (14 %)
5 (6 %)
7 (8 %)
IAS 14 versus IFRS 8 (2010)
37,50 (p<0,01)***
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Tableau 5 – Suite
Changement du nombre
et de la nature des indicateurs
IAS 14 /
IFRS 8 (2009)
Nombre
IAS 14 /
IFRS 8 (2010)
%
Nombre
%
Indicateurs identiques
Indicateurs différents :
Même nombre
Plus d’indicateurs
Moins d’indicateurs
39
47 %
32
39 %
7
10
27
8 %
12 %
33 %
7
11
32
9 %
13 %
39 %
TOTALd
83
100 %
82
100 %
* : significatif au seuil de 10 % ; ** : significatif au seuil de 5 % ; *** : significatif au seuil de 1 %.
a
À l’exception du résultat (et des actifs en 2009), ces indicateurs ne sont obligatoires avec l’IFRS 8 que s’ils sont
suivis par le principal décideur du groupe.
b
 Selon les groupes, les mesures du résultat sectoriel varient tant avec l’IAS 14 que l’IFRS 8. Les principales
d’entre elles sont, par ordre d’importance décroissante, le résultat opérationnel, le résultat opérationnel courant,
le résultat d’exploitation, l’EBITDA et la marge opérationnelle. Une majorité de groupes publie d’ailleurs plusieurs indicateurs de résultats sectoriels.
c
Seules les informations volontaires les plus fréquemment publiées sont présentées.
d
Afin d’effectuer une comparaison cohérente, nous éliminons les groupes qui sont mono-sectoriels sur une des
années considérées car ils ne présentent pas d’informations sectorielles.
Au premier niveau d’information sectorielle, la plupart des groupes satisfait aux exigences de publication de l’IAS 14 sur les produits (100 % des entreprises), le résultat (99 %), les actifs (99 %),
les investissements corporels et incorporels de l’exercice (95 %), le passif (91 %), les amortissements
(91 %) et les autres éléments sans contrepartie sur la trésorerie (67 %). Logiquement, la publication de
la quote-part du groupe dans le résultat net des entreprises mises en équivalence ainsi que des participations dans ces mêmes sociétés est moins fréquente (respectivement 47 % et 38 %). Parmi les groupes
ne respectant pas les obligations d’informations sectorielles de l’IAS 14, quelques-uns justifient leur
choix. Ainsi, Eurofins Scientific qui est le seul groupe à ne pas fournir un résultat sectoriel précise que
« pour des raisons de confidentialité, le résultat d’exploitation par zone géographique n’est pas fourni » !
Quant à Michelin, il ne présente pas de passif sectoriel faute d’avoir « de passif sectoriel dans le système
interne de suivi des résultats ». Dans tous les cas, les raisons évoquées ne nous semblent pas valables.
L’application de l’IFRS 8 se traduit en 2009 par un nombre de données par segment en légère
diminution : 7,71 indicateurs en moyenne au lieu de 8,42 avec l’IAS 14. Cette diminution est statistiquement significative au seuil de 10 % et les différences de distributions du nombre d’indicateurs publiés selon la norme sont significatives au seuil de 1 % avec le test du khi-deux. Même sur les charges
et produits d’intérêts ou la charge et produit d’impôt, nous constatons peu de changements alors
qu’ils deviennent obligatoires avec l’IFRS 8 dès lors qu’ils sont suivis par les décideurs du groupe. Si la
nouvelle norme est correctement appliquée, ces résultats signifient qu’un certain nombre de d
­ onnées
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obligatoires avec l’IAS 14 ne sont pas utilisées en interne par le management pour l’évaluation des
performances des différents secteurs du groupe et sont donc éliminées avec l’IFRS 8.
Quelle que soit la norme, 39 entreprises (47 %) reportent les mêmes indicateurs alors même que
4 groupes changent leur segmentation avec l’IFRS 8. En d’autres termes, le changement de norme
n’a pas d’influence sur le découpage et les informations sectorielles publiées pour 42 % des groupes
(35 entreprises sur 83). Pour les 44 groupes ayant modifié leurs informations sectorielles, 27 (61 %)
connaissent une diminution de leur nombre (jusqu’à 8 indicateurs en moins sur 11 pour Nexans),
10 (23 %) une augmentation (jusqu’à 4 supplémentaires sur 10 pour EDF Énergies nouvelles)
alors que 7 (16 %) reportent le même nombre de données mais changent la nature de certaines
d’entre elles. Les indicateurs non remontés au principal dirigeant opérationnel du groupe n’étant
plus obligatoires avec l’IFRS 8, nous constatons logiquement une diminution des données publiées
par segment pour la majorité des groupes. Toutefois, à l’occasion de la nouvelle norme, certains
accroissent le nombre d’indicateurs sectoriels en publiant des données volontaires non prévues par
l’IAS 14 et l’IFRS 8 et, ou des indicateurs obligatoires avec l’IAS 14 (et l’IFRS 8 en cas de suivi par
la direction) non diffusés précédemment et, ou des informations sur les charges et produits d’intérêts et d’impôt qui n’étaient pas obligatoires auparavant mais qui le deviennent avec l’IFRS 8 s’ils
sont transmis à la direction.
En 2010, le nombre moyen d’indicateurs reportés continue de baisser mais de manière plus légère.
Cette nouvelle diminution s’explique notamment par la fin de l’obligation de publier de l’information
sectorielle sur les actifs dès lors que cet indicateur n’est pas suivi en interne par le principal décideur
opérationnel du groupe. Le « toilettage » lié à la nouvelle norme continue en 2010. Il est intéressant
de remarquer le cas de Gecina qui a décidé d’arrêter de publier de l’information sectorielle sur le
résultat alors même qu’il s’agit du seul indicateur obligatoire qu’il y ait suivi ou non en interne par la
direction du groupe.
Désormais, les données sectorielles publiées doivent être celles issues du système de reporting interne
et communiquées au principal décideur du groupe. En d’autres termes, un même indicateur peut être
construit différemment avec l’IFRS 8 et ne pas s’appuyer nécessairement, de surcroît, sur le modèle
comptable qui définit un certain nombre d’ajustements et d’éliminations pour l’élaboration des états
financiers consolidés. Cela semble toutefois marginal. D’une part, les indicateurs retenus sont évalués
de manière sensiblement identique quelle que soit la norme. Les principales différences portent sur la
mesure du résultat avec 9 groupes qui retiennent des indicateurs différents à l’instar de France Télécom
qui remplace sa marge brute opérationnelle par l’EBITDA ou Aéroports de Paris qui retient le même
indicateur de résultat mais avec des modalités de calcul légèrement différentes. D’autre part, à l’exception de Gemalto, les indicateurs sont construits sur la base du modèle comptable.
Au deuxième niveau d’information de l’IAS 14, 97 % des groupes publient leurs chiffres d’affaires,
86 % la valeur comptable des actifs et 80 % le montant de leurs investissements alors même que ces
indicateurs devraient être systématiquement fournis. S’agissant de l’IFRS 8, même si elle ne prévoit
pas de secteurs de deuxième niveau, elle impose la publication de données concernant l’ensemble du
groupe indiquant le chiffre d’affaires par produit et service mais aussi le chiffre d’affaires et le montant des actifs non courants par zone géographique en distinguant le pays de résidence des autres
pays. Ces informations « complémentaires » ne constituent pas des données sectorielles. Elles peuvent
néanmoins être rapprochées des précédentes au motif que les découpages par produit/service et zone
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géographique retenus pour ces indicateurs sont souvent identiques à la segmentation de second niveau
de l’IAS 14. Toutefois, malgré leur caractère obligatoire, ces données ne sont pas systématiquement
présentées avec, en 2009, 100 % des groupes publiant leurs chiffres d’affaires par zone géographique
et par produit/service mais seulement 66 % pour les actifs. 42 % fournissent également le montant de
leurs investissements par zone géographique alors que la publication n’est plus obligatoire. En d’autres
termes, l’absence de segments de second niveau avec l’IFRS 8 tend à se traduire par une légère perte
d’informations qui s’accroît sur l’année 2010. Cette perte d’information concerne prioritairement
les données sectorielles géographiques qui relevaient plutôt du deuxième niveau d’information avec
l’IAS 14. Or, Hope et al. (2008, 2009a, 2009b) démontrent l’importance de ces données géographiques pour l’investisseur. Enfin, peu de groupes (18 %) respectent l’obligation liée à la nouvelle
norme de communiquer sur le degré de dépendance vis-à-vis des clients représentant au moins 10 %
du chiffre d’affaires. Ce dernier point a d’ailleurs donné lieu à un « rappel à l’ordre » de l’AMF (2010)
qui semble avoir eu un effet partiel puisque, dans le rapport annuel 2010, 8 sociétés supplémentaires
respectent cette obligation.
Finalement, la majorité des entreprises connaît un changement des informations sectorielles
publiées avec l’IFRS 8. Même si l’importance de ces changements diffère selon les groupes, nous
constatons une diminution du nombre moyen d’indicateurs publiés par secteur, les informations non
remontées au principal dirigeant du groupe n’étant plus obligatoires. Cette situation s’accompagne
également de la disparition des indicateurs sectoriels de second niveau qui n’est pas totalement compensée par l’obligation de publication des informations « complémentaires ». Par ailleurs, alors qu’il
n’y a plus de formalisation de l’information à présenter avec l’IFRS 8, il est intéressant de constater que les indicateurs sectoriels sont globalement construits de la même manière quelle que soit la
norme. En d’autres termes, même si le groupe n’a plus l’obligation de présenter des informations
construites sur le modèle comptable, il continue de le faire. Enfin, l’application de l’IFRS 8 a surtout
manifesté ses effets dans les rapports annuels 2009. Sur 2010, la tendance constatée antérieurement se
confirme mais de manière plus limitée, ce qui peut probablement s’expliquer par un « tâtonnement »
de certaines entreprises et un manque de réactivité pour d’autres.
Ces premiers résultats sont partiellement validés par une étude de l’ESMA (European Securities
and Markets Authority), moins détaillée, qui analyse l’application de l’IFRS 8 sur un échantillon de
118 groupes cotés de l’Union européenne (ESMA 2011). Au niveau de la segmentation, cette étude
aboutit à une répartition des bases d’organisation et des changements du nombre de secteurs dans
des proportions sensiblement identiques à notre étude. Elle conclut donc également au changement
limité de la segmentation avec l’IFRS 8. Par ailleurs, elle considère que, dans la majorité des cas, les
données sectorielles communiquées ne reflètent pas l’information détaillée utilisée en interne par la
direction qui se situe probablement à un niveau d’agrégation inférieur. Cela pose alors la question de
l’utilité de ses données pour les utilisateurs des comptes. Au niveau des indicateurs publiés, l’ESMA
(2011) obtient des résultats beaucoup plus circonscrits. Elle constate essentiellement que les données
publiées reposent de manière quasi-exclusive sur le référentiel comptable IFRS et qu’il existe des insuffisances au niveau de la publication des informations « complémentaires ». Enfin, une recherche réalisée sur les plus fortes capitalisations boursières issues de 14 marchés boursiers européens confirme,
avec le même ordre de grandeur, nos résultats sur l’accroissement limité du nombre de segments et
la réduction plus importante des indicateurs publiés par secteur opérationnel (Nichols et al. 2012).
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Finalement, l’IFRS 8 ne se traduit pas par un bouleversement des pratiques mais plutôt par un
aménagement. La revue post-application de l’IASB publiée en juillet 2013 explique la faiblesse des
changements constatés sur le découpage sectoriel par des pratiques antérieures avec l’IAS 14 proches
des règles de l’IFRS 8 (IASB 2013). Quelle que soit la norme, la segmentation doit en effet s’appuyer
sur l’organisation et le système d’information interne du groupe. Les résultats peuvent sans doute
s’expliquer également par la volonté de certains groupes de continuer à fournir, dans la mesure du
possible, la même information que celle publiée avec l’IAS 14 par facilité et pour minimiser les coûts,
voire pour ne pas avoir à divulguer de l’information supplémentaire sensible.
Dans la section suivante, nous allons tenter d’approfondir nos premiers résultats en essayant de
mieux comprendre les changements de pratiques constatés avec l’application de l’IFRS 8.
3.
Les déterminants des changements
de pratiques liés à l’IFRS 8
Après avoir défini les hypothèses de travail (§ 3.1), nous présentons le modèle de recherche (§ 3.2) et
les résultats obtenus (§ 3.3).
3.1.
Hypothèses de travail
Nous souhaitons désormais mieux comprendre les changements induits par l’IFRS 8 au travers des
évolutions de la segmentation (augmentation ou diminution du nombre de secteurs) et du volume
d’indicateurs sectoriels publiés (accroissement ou réduction des données). D’une part, des travaux
montrent que l’augmentation du nombre de secteurs générés par la norme SFAS 131 (proche de
l’IFRS 8) se traduit par une segmentation moins agrégée (Herrmann et Thomas 2000 ; Street et al.
2000) et donc une information plus fine améliorant le contenu informationnel des données sectorielles (Berger et Hann 2003 ; Hardin 2009). D’autre part, Ettredge et al. (2005) démontrent que
la norme SFAS 131 s’accompagne d’une amélioration du contenu informationnel des données sectorielles pour l’investisseur indépendamment de la variation du nombre de secteurs présentés. Or,
certaines recherches montrent qu’un accroissement de la quantité d’informations publiées dans les
rapports annuels peut s’accompagner d’une diminution du coût des capitaux propres (Botosan 1997 ;
Hail 2002 ; Francis et al. 2008 ; Dhaliwal et al. 2011) et donc d’une meilleure information des marchés. Franco et al. (2012) s’appuient d’ailleurs sur le nombre d’indicateurs sectoriels publiés pour
mesurer le caractère informatif et la qualité des données sectorielles.
À l’aide de ces mesures (accroissement ou réduction du nombre de segments et d’indicateurs),
nous analysons les changements de pratiques liés à l’IFRS 8. Avec la nouvelle norme, l’information
sectorielle publiée doit s’appuyer sur celle fournie au principal dirigeant. Par rapport à l’IAS 14, elle
repose donc sur une moindre formalisation et une discrétion managériale plus forte. Elle offre ainsi
plus de latitude aux entreprises pour choisir l’étendue et la nature des informations publiées. Cela
conduit d’ailleurs Véron (2007) à considérer que les données issues de l’IFRS 8 sont plus sujettes à
manipulation. En fonction de leurs incitations propres, les groupes peuvent profiter de cette marge
de manœuvre pour :
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–– améliorer la qualité de l’information en augmentant le nombre de segments et d’indicateurs reportés,
–– ou, au contraire, limiter la diffusion d’information en réduisant les données sectorielles communiquées.
De nombreux travaux ayant démontré le rôle de l’asymétrie d’information et des coûts de propriétaire sur les politiques de publication, nous retenons ces deux variables comme principaux facteurs
explicatifs.
ASYMÉTRIE D’INFORMATION
En situation de forte asymétrie d’information, les entreprises sont incitées à adopter une politique de
divulgation de l’information plus transparente de manière à réduire le niveau de risque pour l’actionnaire, avoir une meilleure liquidité du titre et, in fine, une réduction du coût des capitaux propres
(Botosan 1997 ; Healy et Palepu 2001). Blanco (2010) montre d’ailleurs que les firmes avec une
asymétrie d’information élevée fournissent plus de données sectorielles (nombre de secteurs et d’indicateurs). Ces groupes peuvent donc être tentés d’appliquer l’IFRS 8 de manière à accroître la qualité
de l’information sectorielle en augmentant le nombre de secteurs et d’indicateurs publiés. À l’inverse,
les groupes avec une faible asymétrie ne sont pas particulièrement motivés pour revoir leur politique
de publication des données sectorielles.
Cela nous conduit à poser la première hypothèse suivante :
Avec l’IFRS 8, les groupes présentant une forte asymétrie d’information ont tendance à accroître
l’information sectorielle publiée avec :
–– une augmentation du nombre de secteurs (H1a),
–– une augmentation du nombre d’indicateurs (H1b).
COÛTS DE PROPRIÉTAIRE
L’entreprise peut volontairement limiter sa politique d’information sectorielle en raison des coûts liés à
la diffusion de ces données, notamment à leur utilisation par les concurrents. Des travaux démontrent
que les groupes ont parfois profité de la flexibilité offerte par la norme SFAS 14 ou l’IAS 14 au niveau
du découpage sectoriel pour dissimuler et ainsi protéger des résultats anormaux élevés réalisés dans des
secteurs d’activité moins concurrentiels (Harris 1998 ; Ettredge et al. 2002 ; Nichols et Street 2007 ;
Bens et al. 2011), ce que ne confirment toutefois pas Berger et Hann (2007). Blanco (2010) montre
également que l’information sectorielle (nombre de secteurs et d’indicateurs) publiée avec la norme
SFAS 131 (reprise par l’IFRS 8) est moins importante en présence de coûts de propriétaire élevés.
Les groupes ayant des coûts de propriétaire élevés peuvent donc être tentés d’utiliser la latitude
offerte par l’IFRS 8 pour continuer à dissimuler de l’information sectorielle de crainte qu’elle ne soit
utilisée par les concurrents. Au lieu de revoir leur segmentation de manière à l’aligner sur le découpage
sectoriel utilisé en interne, ces firmes peuvent préférer le statu quo, voire profiter de la nouvelle norme
pour réduire le nombre de segments. Elles peuvent également s’appuyer sur la disposition de l’IFRS 8
(§ 12) qui autorise le regroupement de secteurs ayant « des caractéristiques économiques similaires ».
La revue post-application de l’IFRS 8 souligne d’ailleurs les difficultés d’application et d’appréciaComptabilité – Contrôle – Audit /Tome 20 – Volume 1 – Avril 2014 (p. 93 à 119)
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tion de cette disposition qui semble trop souvent utilisée pour dissimuler de l’information sectorielle
(IASB 2013). Quant aux indicateurs publiés, les groupes sont incités à éliminer ceux qui deviennent
désormais optionnels. Afin de restreindre l’information communiquée, ils peuvent souhaiter élargir
cette élimination à d’autres données.
À l’inverse, les entreprises présentant de faibles coûts de propriétaire ne connaissent pas ces freins.
Elles sont donc moins tentées d’utiliser la marge de manœuvre de l’approche managériale pour limiter
l’information sectorielle.
Cela nous conduit à poser la deuxième hypothèse suivante :
Avec l’IFRS 8, les groupes présentant des coûts de propriétaire élevés ont tendance à diminuer
l’information sectorielle publiée avec :
–– une réduction du nombre de secteurs (H2a),
–– une réduction du nombre d’indicateurs (H2b).
Ces hypothèses doivent nous permettre de mieux comprendre les changements générés par la
nouvelle norme. En d’autres termes, l’IFRS 8 conduit-elle à une information sectorielle plus détaillée
en situation d’asymétrie d’information importante en raison de fortes incitations à adopter une politique de communication transparente ? À l’inverse, l’IFRS 8 s’accompagne-t-elle d’une réduction des
données sectorielles en présence de coûts de propriétaire élevés qui incitent les groupes à dissimuler
de l’information susceptible d’être utilisée par les concurrents ? Pour vérifier ces hypothèses, nous
retenons également plusieurs variables de contrôle.
VARIABLES DE CONTRÔLE4
Pratiques d’informations sectorielles avec l’IAS 14
Les groupes présentant un nombre de segments plus faible avec l’IAS 14 par rapport aux autres firmes
du secteur d’activité peuvent être conduits à accroître le nombre de leurs secteurs opérationnels avec
l’IFRS 8. À l’inverse, pour les firmes avec une segmentation plus fine, cela peut être l’occasion d’une
remise à plat avec un alignement sur leur reporting interne et donc une réduction du nombre de secteurs.
Diffusion de l’actionnariat et endettement
La littérature sur la divulgation d’information tend à montrer qu’il y a une information volontaire
plus nombreuse, y compris des données sectorielles (Prencipe 2004 ; Blanco 2010), en situation
d’endettement et de diffusion de l’actionnariat important en raison probablement d’une demande
de transparence plus forte de la part des créanciers et des actionnaires (Richardson et Welker 2001 ;
Chavent et al. 2006). Les groupes avec de plus fortes incitations à la transparence peuvent donc être
tentés de présenter une information sectorielle plus détaillée avec l’IFRS 8.
Rentabilité et secteurs d’activité
De nombreux travaux retiennent la rentabilité et le secteur d’activité comme déterminants de l’information publiée en annexe. En effet, une firme rentable est censée communiquer davantage sur ses
performances et être plus apte à supporter les coûts liés à la diffusion de ces données. Quant au secteur
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IMPACTS ET DÉTERMINANTS
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d’activité, il peut se traduire par un degré de transparence et des pratiques de l’information sectorielle
spécifiques.
BID_ASKi =
3.2.
|���� ����� |
����� +���� �
Le modèle
de recherche
2
Pour analyser les déterminants des groupes modifiant leur information sectorielle avec l’IFRS 8 pour
l’exercice 20095, le modèle suivant est proposé :
CHGTi =�0 + α1 �������� + �2 ������������� + �3 ������� + �4 ���� + �5 ���� +
�6 ���� + ∑7j=1 α7 ����� + �� Avec :
Variables dépendantes :
CHGTi : mesure du changement de l’information sectorielle de la société i lors de l’application de
l’IFRS 8. Quatre variables de changement sont successivement testées :
- AUG_SEGi prend la valeur 1 si le nombre de segments augmente avec l’IFRS 8 et 0 sinon ;
- DIM_SEGi prend la valeur 1 si le nombre de segments diminue avec l’IFRS 8 et 0 sinon ;
- AUG_INDi prend la valeur 1 si le nombre d’indicateurs sectoriels augmente avec l’IFRS 8 et 0
sinon ;
- DIM_INDi prend la valeur 1 si le nombre d’indicateurs sectoriels diminue avec l’IFRS 8 et 0
sinon.
Les variables AUG_SEGi ou AUG_INDi (DIM_SEGi ou DIM_INDi) visent à isoler les groupes
augmentant (diminuant) leur nombre de segments ou d’indicateurs publiés par secteur par rapport
aux autres firmes. Ces variables nous permettent d’identifier les caractéristiques des entreprises qui
font évoluer leur information sectorielle.
Variables explicatives :
|��� ���� |
BID_ASKi : mesure de l’asymétrie d’information avec BID_ASK
BID_ASKii =
= ����� +��� �� où Bidi et Aski me�
2
�
surent respectivement la moyenne annuelle des meilleurs prix quotidiens offerts à la vente et à l’achat ;
PROFIT_ANORMi : mesure des coûts de propriétaire estimés à l’aide de la profitabilité anormale
calculée par différence entre le ROA (résultat net/total actif ) moyen des trois dernières années du
�������
+ �2 ������������
groupe i et le ROA moyen des trois dernières années du CHGT
secteuri =�
d’activité
sens des� secteurs
de la
0 + α1 au
�
classification de l’ICB (Industry Classification Benchmark).�Cette
mesure
découle
de
l’hypothèse
selon
7
6 ���� + ∑j=1 α7 ����� + �� laquelle les coûts de propriétaire sont d’autant plus élevés que le secteur
d’activité est moins concurrentiel et donc que la rentabilité anormale est élevée.
Variables de contrôle :
NB_SEGi : ln du nombre de segments du groupe i avec l’IAS 14 divisé par la médiane du nombre
de segments avec l’IAS 14 au sein du secteur d’activité ;
ACTi : diffusion actionnariale du groupe i (pourcentage d’actionnaires détenant moins de 10 %
du capital) ;
ENDi : ratio dettes sur capitaux propres du groupe i ;
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ROEi : rentabilité des capitaux propres du groupe i (résultat net/capitaux propres) ;
SECij : variables binaires prenant la valeur 1 si le secteur d’activité du groupe i relève de l’industrie j considérée et 0 sinon. La classification sectorielle retenue est celle de l’ICB après certains
regroupements : secteur 1 pétrole, gaz et matériaux de base, secteur 2 industriel, secteur 3 biens de
consommation, secteur 4 santé, secteur 5 services aux consommateurs et aux collectivités, secteur
6 télécommunications et technologies, secteur 7 immobilier.
Les variables indépendantes sont mesurées à la date de clôture du dernier exercice comptable utilisant l’IAS 14.
Les informations nécessaires à ces régressions sont issues de la base de données Worldscope pour
les données comptables et de marché et des résultats de l’analyse comparée IAS 14 et IFRS 8 présentée
précédemment pour les variables à expliquer et la variable NB_SEG.
3.3.
Les résultats obtenus
La matrice de corrélation entre variables présentée dans l’annexe met en lumière des corrélations
parfois significatives entre variables indépendantes. Cependant, en testant la multicolinéarité avec la
mesure du facteur d’inflation de la variance (coefficient VIF), nous constatons qu’aucune des variables
n’a un facteur VIF supérieur à 10 (Neter et al. 1989). Ces régressions ne semblent donc pas présenter
de multicolinéarité.
Nous mettons en œuvre quatre régressions logistiques dont les résultats figurent dans le tableau 6.
Les deux premières tentent d’identifier les déterminants d’une augmentation puis d’une diminution
du nombre de segments reportés avec l’IFRS 8. Les deux suivantes cherchent à préciser les caractéristiques des groupes qui augmentent ou diminuent le nombre d’indicateurs publiés avec l’application
de l’IFRS 8.
LES CARACTÉRISTIQUES DES GROUPES QUI CHANGENT
LE NOMBRE DE LEURS SEGMENTS AVEC L’IFRS 8
La première régression montre que les groupes qui augmentent le nombre de secteurs opérationnels
avec l’IFRS 8 présentent une fourchette de prix plus faible, c’est-à-dire une asymétrie d’information
moins importante. Paradoxalement, ce sont les firmes peu incitées à publier de l’information détaillée
qui affinent leur découpage sectoriel avec l’approche managériale. Ce résultat peut être lié à une trop
forte agrégation des segments avec l’IAS 14 en raison de cette faible asymétrie et donc à un décalage trop
visible avec les pratiques internes. De la même manière, l’absence d’accroissement du nombre de secteurs
en situation de forte asymétrie pourrait s’expliquer par une politique d’information sectorielle déjà fortement détaillée avec l’IAS 14 du fait même de cette incitation à adopter une politique de communication transparente quelle que soit la norme. En d’autres termes, la segmentation antérieure avec l’IAS 14
intégrait probablement déjà la situation d’asymétrie du groupe. L’hypothèse 1a n’est donc pas validée.
L’accroissement de la segmentation lié à l’IFRS 8 est aussi associé à une rentabilité anormale plus
faible. Cela signifie que les groupes avec des coûts de propriétaire faibles, moins enclins à limiter
volontairement la diffusion de l’information, ont plus tendance à augmenter le nombre de leurs segments avec l’approche managériale.
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Tableau 6
Résultats des régressions logistiques
Nombre de segments
Variables
Augmentation
AUG_SEG
Diminution
DIM_SEG
Nombre d’indicateurs
Augmentation
AUG_IND
Diminution
DIM_IND
Nombre d’observations a
83
83
83
83
Constante
BID_ASK
PROFIT_ANORM
NB_SEG
ACT
END
ROE
SEC 7b
-3,87*
-6,37**
-0,21***
-2,98***
2,39
0,37
0,08
4,80**
-9,43**
5,29***
-0,32
0,83
5,30**
-0,38
7,20
-4,30**
1,89
0,04
-1,79
1,72
0,10
-1,74
-2,70**
-1,69
-0,02
0,75
1,55
0,05
1,02
R² McFadden
Proba (LR statistique)
29,89
0,02**
33,75
0,09*
18,20
0,44
8,44
0,67
* : significatif au seuil de 10 % ; ** : significatif au seuil de 5 % ; *** : significatif au seuil de 1 %.
Avec : BID_ASK : bid-ask spread, PROFIT_ANORM : profitabilité anormale, NB_SEG : nombre de segments
IAS 14 par rapport au secteur d’activité, ACT : diffusion actionnariale, END : endettement, ROE : rentabilité,
SEC : secteur d’activité.
a
Afin d’avoir un échantillon homogène permettant de mieux comprendre les changements de pratiques (nombre
de segments et d’indicateurs), nous ne retenons pas les groupes mono-sectoriels qui ne présentent pas d’informations sectorielles.
b
Pour de ne pas alourdir le tableau, seuls les résultats des secteurs présentant au moins un coefficient statistiquement significatif dans une des régressions sont présentés.
Au niveau des variables de contrôle, la régression met en évidence un accroissement de la segmentation pour les groupes présentant un nombre de segments avec l’IAS 14 inférieur à la médiane de
leur secteur d’activité. La mise en œuvre de l’approche managériale a pu les conduire à augmenter
leur segmentation pour mieux l’aligner sur leurs pratiques internes lorsqu’il existait, par exemple, un
décalage trop « voyant ». Enfin, la variable SEC 7 est statistiquement significative. Elle indique que
les firmes du secteur immobilier sont « sur-représentées » parmi celles qui augmentent le nombre
de segments. En effet, trois entreprises sur les huit rattachées à ce secteur d’activité optent pour une
segmentation mixte (interdite auparavant), ce qui se traduit par un découpage plus fin. Intervenant
sur différents segments (commerces, logements, bureaux…) et plusieurs zones géographiques, la segmentation mixte est sans doute plus adaptée à leur activité.
La deuxième régression montre que les firmes diminuant le nombre de secteurs opérationnels avec
l’IFRS 8 présentent un bid ask spread important. Cela vient en contradiction avec l’hypothèse 1a. Une
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forte asymétrie devrait, au contraire, inciter les groupes à publier de l’information plus détaillée et
donc les conduire à accroître leur segmentation. Ce résultat s’explique peut-être par une segmentation
antérieure trop importante, en raison de cette forte asymétrie, au regard de leurs pratiques internes.
L’approche managériale a alors pu être l’occasion d’une remise à plat du découpage sectoriel.
Par ailleurs, nous ne constatons pas de réduction du nombre de segments pour les firmes présentant des coûts de propriétaire élevés. Le caractère discrétionnaire de l’IFRS 8 ne semble pas avoir été
utilisé pour diminuer l’information sectorielle publiée. La segmentation antérieure permettait sans
doute déjà de restreindre l’information communiquée. L’hypothèse 2a n’est donc pas validée.
Au niveau des variables de contrôle, alors qu’une forte dispersion de l’actionnariat génère plutôt
de fortes incitations à la transparence, nous obtenons une réduction de la segmentation avec l’IFRS 8.
Ce résultat peut également être lié à un découpage sectoriel antérieur intégrant déjà ce paramètre.
Finalement, ces régressions aboutissent aux deux résultats principaux suivants. Premièrement, alors
qu’une forte asymétrie d’information devrait inciter les groupes à accroître les données sectorielles en
augmentant le nombre de secteurs présentés, nous obtenons un résultat inverse. L’affinement de la segmentation concerne, au contraire, les firmes avec une faible asymétrie qui sont peu motivées a priori
pour publier des données détaillées. Ces résultats peuvent sembler contradictoires avec les travaux
portant sur l’asymétrie d’information et la politique de divulgation de l’information. Ils s’expliquent
probablement par un découpage sectoriel antérieur avec l’IAS 14 qui intégrait déjà cette asymétrie
d’information. Deuxièmement, l’IFRS 8 ne se traduit pas par une réduction de la segmentation en
présence de coûts de propriétaire élevés. Le caractère discrétionnaire lié à l’approche managériale ne
semble pas utilisé par ces firmes, peut-être en raison de comportements opportunistes déjà importants
avec l’IAS 14. En revanche, nous constatons un accroissement du nombre de secteurs pour les groupes
avec de faibles coûts de propriétaire qui sont moins enclins à dissimuler de l’information. En d’autres
termes, lorsque l’IFRS 8 s’accompagne d’une augmentation de la segmentation, cela concerne plutôt des firmes présentant de faibles coûts de propriétaire. Cela rejoint les résultats de Zelinschi et al.
(2013) qui montrent, sur la base d’une étude qualitative, que le désir de confidentialité se traduit par
un découplage entre les pratiques internes et l’information sectorielle publiée avec l’IFRS 8.
LES CARACTÉRISTIQUES DES GROUPES QUI CHANGENT
LE NOMBRE D’INDICATEURS SECTORIELS AVEC L’IFRS 8
Les deux régressions portant sur les variations du nombre d’indicateurs publiés par secteur ne sont
pas statistiquement significatives. En particulier, les niveaux d’asymétrie d’information et de coûts de
propriétaire ne semblent pas discriminants pour analyser les évolutions du volume d’indicateurs sectoriels. Les hypothèses 1b et 2b ne sont donc pas validées. Le caractère moins stratégique du choix des
indicateurs par rapport au découpage sectoriel constitue probablement un élément d’explication. Cette
absence de résultat s’explique aussi sans doute par la disparité des situations constatées dans les rapports
annuels. De nombreuses firmes se contentent de reprendre les données sectorielles antérieures sans procéder au « toilettage » des indicateurs qui ne sont plus obligatoires avec l’IFRS 8 sans doute par facilité.
D’autres augmentent le nombre de leurs indicateurs sectoriels en publiant des données volontaires non
prévues par l’IAS 14 et l’IFRS 8 ou encore des informations portant sur les charges et produits d’intérêts et d’impôt qui deviennent obligatoires avec l’IFRS 8 s’ils sont transmis à la direction, etc.
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Conclusion
L’objectif de l’article était de mesurer l’impact de l’IFRS 8 sur l’information sectorielle et ainsi constituer un retour d’expérience sur l’application de cette nouvelle norme très controversée.
Cette recherche montre que l’IFRS 8 a finalement un impact limité sur la segmentation retenue
par les groupes avec des modifications du découpage sectoriel dans des proportions moindres que
ce qui était attendu par l’IASB. D’une part, il y a une certaine cohérence entre le secteur de premier
niveau en IAS 14 et le découpage en IFRS 8. D’autre part, l’approche managériale ne se traduit pas
par une segmentation significativement plus fine avec un plus grand nombre de secteurs et moins
de groupes mono-sectoriels. Cela s’explique probablement par une segmentation avec l’IAS 14 qui
s’appuyait déjà fortement sur l’organisation et le système d’information interne de l’entité conformément d’ailleurs aux recommandations de l’IASB. S’agissant des indicateurs sectoriels publiés, l’IFRS 8
se traduit par des changements plus importants. En effet, même si les indicateurs continuent d’être
construits sur la base du modèle comptable, ils s’avèrent sensiblement moins nombreux, les données
non remontées au principal dirigeant opérationnel n’étant plus obligatoires désormais. Par ailleurs,
malgré un temps d’apprentissage pour certains groupes, l’application de l’IFRS 8 a surtout manifesté
ses effets dans les rapports annuels 2009. Globalement, la nouvelle norme ne se traduit pas par un
bouleversement des pratiques mais par un aménagement qui peut sans doute s’expliquer également
par la volonté de certains groupes de continuer à fournir, dans la mesure du possible, la même information que celle publiée avec l’IAS 14 pour des raisons de facilité et de minimisation des coûts.
Après avoir mesuré les impacts de l’IFRS 8 sur l’information sectorielle, nous avons tenté de mieux
comprendre les changements de pratiques au travers des évolutions de la segmentation et du volume
d’indicateurs sectoriels publiés. Nous constatons alors que le caractère discrétionnaire de l’approche
managériale n’est pas utilisé par les groupes pour réduire l’information sectorielle diffusée en présence
de coûts de propriétaire élevés ou, au contraire, pour l’accroître en situation de forte asymétrie d’information. La non-validation des hypothèses peut s’expliquer par la relative faiblesse des changements
constatés avec l’IFRS 8. Une autre explication possible est liée au fait que ces deux paramètres étaient
probablement déjà intégrés avec l’IAS 14. Par exemple, les firmes présentant des coûts de propriétaire
importants disposaient sans doute déjà d’une segmentation permettant de restreindre l’information
communiquée. Nous constatons d’ailleurs que l’accroissement du nombre de secteurs avec l’IFRS 8
concerne plutôt des groupes avec de faibles coûts de propriétaire qui sont moins enclins à dissimuler
de l’information.
Après avoir analysé l’impact de l’IFRS 8 et les déterminants du changement, il serait intéressant
d’étudier dans quelle mesure ces changements s’accompagnent d’une amélioration du contenu informationnel des états financiers. Avec l’IFRS 8, l’IASB considère que l’obligation de publier les indicateurs utilisés par le principal décideur du groupe pour le suivi des performances et l’allocation des
ressources doit permettre aux investisseurs de « voir le groupe avec les yeux de la direction » en faisant
ressortir les seuls indicateurs financiers jugés pertinents et importants pour les décisionnaires, améliorant ainsi la transparence de l’information (IASB 2006b). Différents travaux anglo-saxons tendent à
démontrer la supériorité informationnelle de la norme SFAS 131 par rapport à la norme SFAS 14, à
la fois, pour les analystes financiers (Venkataraman 2001 ; Allioualla et Laurin 2002 ; Berger et Hann
2003 ; Botosan et Stanford 2005) et les investisseurs (Ettredge et al. 2005 ; Hardin 2009), excepté
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pour l’information géographique en raison de la suppression de l’obligation de publication des résultats par zone géographique avec la norme SFAS 131 (Hope et al. 2008, 2009a, 2009b). L’amélioration
de l’information sectorielle reste néanmoins à démontrer pour l’IFRS 8. Cette question nous semble
d’autant plus importante que, dans une réflexion visant à alléger les obligations comptables, l’ANC
(2011) propose de réduire très fortement les obligations d’informations sectorielles des petites sociétés
cotées (middlenext).
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Notes
1. Pour le décompte des secteurs, les segments
« autres activités » et, ou « reste du monde » qui
regroupent des éléments hétérogènes n’ont pas été
pris en compte ainsi que les secteurs correspondant
à la « holding ».
2. Ces informations ne sont à fournir que si l’essentiel des activités de ces entreprises mises en équivalence se situe dans ce seul secteur.
3. Sur notre échantillon, dès 2009, quatre entreprises adoptent de façon anticipée l’amendement
ne rendant plus obligatoire l’information sur les
actifs sectoriels dès lors qu’elle n’est pas suivie en
interne par le principal décideur du groupe.
4. Nous ne retenons pas le facteur taille (mesurée par
le ln de la capitalisation boursière) en raison d’une
forte corrélation significative (-0,60) avec l’une des
deux variables explicatives (l’asymétrie d’information).
5. En raison des changements limités apparus sur
l’année 2010 et du risque que certaines des évolutions constatées s’expliquent par d’autres facteurs
que l’adoption de l’IFRS 8, l’analyse multi-variée
est réalisée sur les changements mesurés en 2009.
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Zelinschi, D., Levant, Y., Berland, N. (2013). Les motivations au découplage : l’exemple de l’introduction de l’IFRS 8. Finance Contrôle Stratégie 16 (1).
Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 20 – Volume 1 – Avril 2014 (p. 93 à 119)
AUG_SEG
DIM_SEG
AUG_IND
DIM_IND
BID_ASK
PROFIT_ANORM
NB_SEG
ACT
END
ROE
SEC1
SEC2
SEC3
SEC4
SEC5
SEC6
SEC7
1,00
N.P.
-0,05
0,16
-0,14
-0,15
-0,09
0,14
0,08
-0,02
-0,00
0,04
-0,17
-0,10
-0,00
-0,00
0,28
1,00
-0,12
0,13
0,15
-0,16
0,23
0,15
0,01
0,10
0,05
0,06
-0,03
0,09
-0,09
0,05
-0,09
(2)
1,00
N.P.
0,11
0,13
-0,20
0,01
0,17
-0,22
-0,11
-0,07
0,04
0,06
-0,04
0,02
0,18
(3)
1,00
-0,11
-0,07
0,13
0,11
-0,02
0,10
-0,01
0,08
-0,00
-0,06
0,08
-0,04
-0,17
(4)
1,00
-0,13
-0,05
-0,28
0,31
-0,21
-0,12
0,05
-0,09
0,03
0,07
-0,09
0,13
(5)
1,00
-0,28
-0,03
-0,12
0,12
-0,23
-0,18
0,29
0,43
-0,09
-0,01
0,08
(6)
1,00
-0,05
-0,02
0,14
-0,06
0,20
-0,07
0,06
-0,14
-0,03
0,03
(7)
1,00
-0,20
0,10
0,09
0,12
-0,11
-0,02
0,07
0,05
-0,07
(8)
1,00
-0,32
-0,12
-0,02
0,08
0,02
-0,02
-0,03
0,11
(9)
1,00
0,08
0,11
-0,16
0,04
-0,01
0,04
-0,14
(10)
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
NP
(11) (12) (13) (14) (15) (16) (17)
En gras : corrélation significative au seuil de 10 %.
NP : non pertinent car les variables binaires utilisées pour coder les secteurs d’activité ou les variations du nombre de
segments/indicateurs sont, par définition, corrélées.
Avec AUG_SEG : augmentation du nombre de segments avec l’IFRS 8, DIM_SEG : diminution du nombre de segments, AUG_IND : augmentation du nombre d’indicateurs sectoriels avec l’IFRS 8, DIM_IND : diminution du nombre
d’indicateurs sectoriels, BID_ASK : Bid-ask spread, PROFIT_ANORM : profitabilité anormale, NB_SEG : nombre de segments IAS 14 par rapport au secteur d’activité, ACT : diffusion actionnariale, END : endettement, ROE : rentabilité, SEC :
secteur d’activité.
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(1)
Gaëlle Lenormand et Lionel Touchais
IFRS 8 VERSUS IAS 14 – APPROCHE MANAGÉRIALE DE L’INFORMATION SECTORIELLE :
IMPACTS ET DÉTERMINANTS
ANNEXE – Matrice de corrélation de Pearson
Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 20 – Volume 1 – Avril 2014 (p. 93 à 119)
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