IFRS 8 versus IAS 14 – Approche managériale de - IGR

Gaëlle L et Lionel T
IFRS8 VERSUS IAS14  APPROCHE MANAGÉRIALE DE L’INFORMATION SECTORIELLE:
IMPACTS ET DÉTERMINANTS
reçu en juillet 2011 / accepté en novembre 2013 par Hervé Stolowy
Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 20 – Volume 1 – Avril 2014 (p. 93 à 119)
93
IFRS 8 versus IAS 14 –
Approche managériale
de l’information sectorielle :
impacts et déterminants
IFRS 8 versus IAS 14 –
e management approach
to segment information:
eects and determinants
Gaëlle LENORMAND* et Lionel TOUCHAIS*
* Maîtres de conférences à l’Université de Rennes 1 / CREM UMR CNRS 6211
Résumé
L’article présente un premier bilan de l’ap-
plication de l’IFRS 8 qui remplace l’IAS 14.
Nous analysons l’impact de cette norme
controversée sur l’information sectorielle et
tentons d’identier les déterminants des chan-
gements de pratiques. Sur un échantillon issu
du SBF 120, nous observons une relative stabi-
lité du découpage sectoriel avec des évolutions
plus importantes des indicateurs sectoriels, no-
Abstract
is article presents an initial assessment of
the application of IFRS 8, which has replaced
IAS 14. We analyze the eect of this controver-
sial standard on segment reporting and attempt
to identify the determinants of changes in dis-
closure practices. Based on a sample of SBF120
companies we observe that while segmentation
remains relatively stable, there have been more
signicant changes in the disclosure of segment
Gaëlle L  Lionel T
IFRS8 VERSUS IAS14  APPROCHE MANAGÉRIALE DE L’INFORMATION SECTORIELLE:
IMPACTS ET DÉTERMINANTS
94
Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 20 – Volume 1 – Avril 2014 (p. 93 à 119)
Keywords: ias
14 ifrs 8
segment
information
information asymmetry
proprietary costs
M- : IAS 14 – IFRS 8
– I  –
A  ’ – C
 
tamment une réduction des données publiées
par segment. Nous constatons, par ailleurs,
que le caractère discrétionnaire de l’approche
managériale n’est pas utilisé par les groupes
pour réduire l’information sectorielle diusée
en présence de coûts de propriétaire élevés ou,
au contraire, pour l’accroître en situation de
forte asymétrie d’information.
measures with, in particular, a reduction in the
information reported per segment. We also note
that groups with high proprietary costs do not
appear to make use of the discretionary nature of
the management approach to reduce the segment
information reported, or, conversely, to increase
this information in cases of strong information
asymmetry.
Correspondance : Gaëlle Lenormand Lionel Touchais
Université de Rennes 1 Université de Rennes 1
Faculté des sciences économiques IGR – IAE de Rennes
CREM UMR CNRS 6211 CREM UMR CNRS 6211
7 place Hoche / CS 86514 11, rue Jean Macé / CS 70803
35065 Rennes cedex 35708 Rennes cedex 7
Remerciement : Les auteurs remercient sincèrement les réviseurs anonymes et le corédacteur en chef, Hervé
Stolowy, pour leurs remarques constructives.
Introduction
Pour permettre à l’investisseur d’apprécier les performances, les risques et le potentiel de développe-
ment de leurs diérents segments, les groupes doivent publier des éléments détaillés sur leurs secteurs
d’activité et, ou zones géographiques en annexe de leurs comptes. De nombreux travaux démontrent
que ces données sectorielles améliorent le contenu informationnel des états nanciers, que leur publi-
cation soit volontaire ou obligatoire (Venkataraman 2001 ; Allioualla et Laurin 2002 ; Berger et Hann
2003 ; Botosan et Stanford 2005 ; Ettredge et al. 2005 ; Hope et al. 2008, 2009a, 2009b).
Depuis le 1er janvier 2009, sauf application anticipée, la norme applicable en matière d’informa-
tion sectorielle pour les sociétés élaborant leurs états nanciers consolidés en normes internationales
est l’IFRS 8 : secteurs opérationnels (IASB 2006a) en remplacement de l’IAS 14 : informations sec-
torielles (IASC 1997). Dans une perspective de convergence avec les US GAAP, le normalisateur
international a repris, presque à l’identique, la norme américaine SFAS 131 (FASB 1997), qui adopte
Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 20 – Volume 1 – Avril 2014 (p. 93 à 119)
Gaëlle L  Lionel T
IFRS8 VERSUS IAS14  APPROCHE MANAGÉRIALE DE L’INFORMATION SECTORIELLE:
IMPACTS ET DÉTERMINANTS
95
une vision plus managériale, à la diérence de l’IAS 14 qui privilégiait une approche plus formalisée.
Contrairement à la norme précédente qui précisait les informations à présenter par secteur d’activité
et géographique, l’IFRS 8 laisse une marge de manœuvre au groupe qui doit désormais publier, par
secteur opérationnel, les seules informations nancières retenues par les principaux décideurs pour le
suivi et le pilotage en interne des performances de chaque segment. En d’autres termes, il ne s’agit plus
nécessairement d’une information comptable mais de données nancières s’appuyant sur le reporting
interne du groupe et reétant la vue du management. Cela permet aux investisseurs de « voir le groupe
avec les yeux de la direction » en faisant ressortir les seuls indicateurs nanciers jugés pertinents et
importants pour les décideurs, améliorant ainsi la transparence de l’information sectorielle (IASB
2006b).
Cette approche managériale a suscité de nombreuses critiques liées notamment à l’absence de
formalisation des informations à publier, d’où un manque de comparabilité, voire un risque accru de
« manipulation » des données. Cela a conduit le normalisateur international à décider que, contrai-
rement aux usages, un bilan a posteriori (post-implementation review) serait eectué pour mesurer les
avantages informationnels apportés par cette nouvelle norme. Pour sa part, l’Union européenne a,
dans un premier temps, retardé son adoption en demandant à la Commission de réaliser, au préalable,
une étude d’impacts (Commission européenne 2007).
À l’instar de Street et al. (2000), Herrmann et omas (2000) pour la norme SFAS 131 au regard
de la norme SFAS 14 et de Prather-Kinsey et Meek (2004), Street et Nichols (2002) pour l’IAS 14
révisée par rapport à la version initiale, il nous semble important d’étudier l’impact de l’IFRS 8 sur
l’information sectorielle publiée en essayant également de comprendre les changements de pratiques
induits par la nouvelle norme.
Les résultats issus de cet article peuvent constituer un premier retour d’expérience sur l’application
de cette norme controversée et ainsi nourrir les réexions et discussions du normalisateur au sujet de
l’information sectorielle. Notre problématique fait, en eet, partie intégrante des thèmes de recherche
comptable jugés prioritaires par l’ANC (2010). Le normalisateur français souhaite mieux comprendre
la manière dont la performance est présentée dans les états nanciers, notamment l’information sec-
torielle quant au choix de la segmentation retenue et du type d’informations publiées. Cet article
doit ainsi permettre de contribuer à une plus forte interactivité entre la recherche et la normalisation
comptable (Hoarau 2010). Cela nous semble d’autant plus important que peu de travaux se sont
intéressés à l’information sectorielle dans le contexte français, à l’exception notable de Saada (1998),
Pourtier (2001) et Tort (2006).
Pour répondre à notre problématique, nous réalisons une analyse théorique comparative des deux
normes (section 1). Puis, sur un échantillon d’entreprises du SBF 120, nous examinons les informa-
tions sectorielles publiées avec l’IAS 14 et l’IFRS 8 (section 2). Enn, nous tentons de comprendre les
changements des pratiques de publication des données sectorielles (section 3).
Analyse comparée des IAS 14 et IFRS 8
Nous étudions les principales diérences existant entre l’IAS 14 et l’IFRS 8 en nous intéressant aux
règles portant sur le découpage sectoriel (§ 1.1) et sur les indicateurs à publier (§ 1.2).
1.
Gaëlle L  Lionel T
IFRS8 VERSUS IAS14  APPROCHE MANAGÉRIALE DE L’INFORMATION SECTORIELLE:
IMPACTS ET DÉTERMINANTS
96
Comptabilité – Contrôle – Audit /Tome 20 – Volume 1 – Avril 2014 (p. 93 à 119)
La segmentation
L’IAS 14 impose une double segmentation avec, au choix, le secteur d’activité ou la zone géographique
comme premier ou deuxième niveau d’information en fonction de la source principale des risques
et de la rentabilité du groupe. En d’autres termes, si les risques et la rentabilité sont essentiellement
aectés par les produits et services proposés, le premier niveau d’information sectorielle correspond
au secteur d’activité, le second au secteur géographique et inversement. La qualication de premier
ou deuxième niveau s’avère importante car cela implique un degré d’information à présenter diérent.
Pour réaliser cette segmentation, l’IASB recommande de s’appuyer sur la structure d’organisation et le
système d’information interne de l’entreprise.
Avec l’IFRS 8, la qualication de premier et deuxième niveaux disparaît avec une segmentation
par secteur opérationnel qui doit s’aligner sur le découpage sectoriel (par entité juridique, activité,
zone géographique ou un mix) utilisé en interne par « le principal décideur opérationnel » du groupe
(PDG, DG ou comité exécutif par exemple) pour l’évaluation des performances de chaque secteur et
l’aectation des ressources.
Quelle que soit la norme, seuls les secteurs véritablement signicatifs font l’objet d’une infor-
mation sectorielle détaillée en annexe. Pour que cette information soit représentative, ces segments
doivent représenter au moins 75 % du chire d’aaires externe total.
Malgré quelques diérences, l’IAS 14 est souvent assimilée à la norme SFAS 14 (FASB 1976)
remplacée par la norme SFAS 131 (FASB 1997) depuis 1998. Dans ses conclusions sur l’adoption de
l’IFRS 8, cela conduit l’IASB à s’appuyer sur l’analyse eectuée par le FASB lors de l’adoption de la
norme SFAS 131. Le normalisateur considère alors que l’approche managériale doit amener certaines
entreprises à présenter un nombre plus important de secteurs au regard de leurs pratiques actuelles.
Berger et Hann (2003) et Street et al. (2000) conrment cette hypothèse en montrant que l’applica-
tion de la norme SFAS 131 se caractérise par un découpage sectoriel plus n avec une augmentation
du nombre de secteurs présentés et une diminution du nombre de rmes mono-sectorielles. Herr-
mann et omas (2000) obtiennent des résultats semblables. Ils démontrent, de surcroît, que le chan-
gement de normes conduit les deux tiers de leur échantillon à revoir leur segmentation. Or, dès lors
que les secteurs sont plus nombreux et donc moins agrégés, il devient plus dicile de dissimuler de
l’information, ce qui conduit à une amélioration du contenu informationnel des données sectorielles
(Berger et Hann 2003 ; Botosan et Stanford 2005 ; Hardin 2009).
La question de la transposition de ces résultats à l’IFRS 8 se pose. En eet, même si l’IAS 14
ne dénit pas les segments de la même manière que l’IFRS 8, elle précise que le découpage doit
s’appuyer sur le système d’organisation et d’information du groupe. Elle indique notamment
que « sauf dans de rares cas, une entreprise fournira une information sectorielle dans ses états
nanciers sur la même base que dans son information interne à la direction générale » (IAS 14
§ 28). En d’autres termes, l’IFRS 8 ne devrait s’accompagner d’une segmentation diérente que
si le découpage précédent n’était pas aligné sur le système de reporting interne. Cette référence au
système d’organisation et d’information du groupe était quasiment absente de la norme SFAS 14.
Il faut également préciser qu’avec l’IFRS 8, l’obligation pour un segment de réaliser la majeure
partie de son chire d’aaires en externe disparaît. Cela peut conduire à reconnaître des secteurs
supplémentaires.
1.1.
Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 20 – Volume 1 – Avril 2014 (p. 93 à 119)
Gaëlle L  Lionel T
IFRS8 VERSUS IAS14  APPROCHE MANAGÉRIALE DE L’INFORMATION SECTORIELLE:
IMPACTS ET DÉTERMINANTS
97
Nous allons donc analyser dans quelle mesure l’IFRS 8 se traduit par un découpage sectoriel dié-
rent au niveau de la base d’organisation (par activité, par zone géographique…) et de la segmentation
(nombre de segments et de groupes mono-sectoriels).
Les informations sectorielles à publier
L’IAS 14 énumère les informations nancières à publier par secteur. Elles doivent être construites à
l’aide des méthodes comptables utilisées pour l’élaboration des états nanciers consolidés. Les don-
nées à fournir sont plus nombreuses pour les segments de premier niveau avec notamment : les pro-
duits externes et intersectoriels, le résultat, la valeur comptable des actifs, les passifs, les dotations aux
amortissements et les investissements corporels et incorporels de l’exercice. Pour les secteurs de second
niveau, les informations à présenter se limitent au chire d’aaires externe, aux actifs et aux investis-
sements corporels et incorporels.
L’IFRS 8 impose de publier des informations supplémentaires sur les charges et les produits d’inté-
rêts et d’impôt sur le résultat. Toutefois, à l’exception du résultat et des actifs totaux par secteur, seuls
les indicateurs utilisés par la direction du groupe pour évaluer les performances de chaque secteur et
décider de l’aectation des ressources doivent être publiés. Depuis les comptes 2010, suite à un amen-
dement de l’IFRS 8, l’information sur les actifs n’est plus obligatoire sauf à être suivie par les dirigeants
du groupe, ce qui rejoint alors la règle générale. Cette approche managériale signie que les données
sectorielles publiées sont issues du système de reporting interne. Il ne s’agit donc plus nécessairement
d’indicateurs comptables, ce qui risque d’accroître les problèmes de comparabilité.
À côté de cette information sectorielle, l’IFRS 8 rend obligatoire la publication, s’ils ne sont pas
déjà présentés, d’éléments portant sur l’ensemble du groupe et élaborés sur la même base que les états
nanciers. Ces informations que nous qualions de « complémentaires » portent sur :
• les ventes externes des diérents produits/services du groupe,
• les produits externes et les actifs non courants par zone géographique en distinguant le pays de
résidence des autres pays (voire par pays si signicatif),
• le chire d’aaires réalisé avec les clients externes représentant au moins 10 % des produits du
groupe pour mesurer le degré de dépendance à l’égard des clients importants.
Il est intéressant de remarquer que ces informations par produit/service et zone géographique
n’apparaissent pas avec l’IAS 14 dans le cas de groupes mono-sectoriels.
En résumé, avec l’approche managériale, les informations sectorielles à publier ne sont plus forma-
lisées mais directement issues du système d’information interne. De surcroît, à l’exception du résultat
sectoriel (et des actifs en 2009), elles ne sont désormais présentées que si elles sont suivies par la direc-
tion du groupe. L’IFRS 8 devrait donc a priori se traduire par des données sectorielles diérentes tant
au niveau des indicateurs retenus que de leur évaluation. Herrmann et omas (2000) et Street et al.
(2000) constatent d’ailleurs que le passage de la norme SFAS 14 à la norme SFAS 131 se traduit par
la publication d’un plus grand nombre d’indicateurs sectoriels. Cela nous amène à nous interroger
sur les principales informations (nature, nombre et méthode d’évaluation) publiées avec la nouvelle
norme et à analyser dans quelle mesure elles se diérencient de celles présentées précédemment.
Les principales divergences entre l’IAS 14 et l’IFRS 8 sont synthétisées dans le tableau 1.
1.2.
1 / 28 100%

IFRS 8 versus IAS 14 – Approche managériale de - IGR

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !