Le Retour au désert dossier pédagogique

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SCHAUBÜHNE BERLIN
ROMEO CASTELLUCCI
FRIEDRICH HÖLDERLIN
D’APRES SOPHOCLE
CRÉATION
Ödipus
derBERNARD-MARIE KOLTÈS
ARNAUD MEUNIER
Tyrann
CRÉATION
Le Retour
au désert
EN ALLEMAND SURTITRÉ EN FRANÇAIS
20 < 24 NOVEMBRE 2015
찞 émilie
paillot
graphiste
- © -Sonia
Barcet
- RC- BOBIGNY
562 562
128 128
397 397
- LICENCES
1-1051016/2-1051017/3-1051015
- impression
StipaStipa
찞 émilie
paillot
graphiste
© Arno
Declair
RC BOBIGNY
- LICENCES
1-1051016/2-1051017/3-1051015
- impression
{ AU THÉÂTRE DE LA VILLE }
AVEC DIDIER BEZACE, LOUIS BONNET, ÉMILIE CAPLIEZ, ADAMA DIOP,
ÉLISABETH DOLL, PHILIPPE DURAND, RIAD GAHMI, CATHERINE HIEGEL,
KHEIREDDINE LARDJAM, NATHALIE MATTER, STÉPHANE PIVETEAU,
ISABELLE SADOYAN, RENÉ TURQUOIS, CÉDRIC VESCHAMBRE
20
< 31 JANVIER 2016
{ AU THÉÂTRE DE LA VILLE }
Dossier pédagogique saison 2015 i 2016
theatredelaville-paris.com
établi par la coméDie De saint-etienne
2 PLACE DU CHÂTELET PARIS 4 • 01 42 74 22 77
BERNARD-MARIE KOLTÈS
ARNAUD MEUNIER
Le Retour au désert
TEXTE
bernard-marie Koltès
arnaud meunier
création
AVEC
Didier bezace ADRIEN
louis bonnet PLANTIÈRES
émilie capliez MARIE ROZÉRIEULLES
adama Diop LE GRAND PARACHUTISTE
elisabeth Doll MARTHE
philippe Durand SABLON
riad Gahmi SAÏFI
catherine Hiegel MATHILDE
Kheireddine lardjam AZIZ
nathalie matter FATIMA
stéphane piveteau BORNY
isabelle sadoyan MAAME QUEULEU
rené turquois MATHIEU
cédric Veschambre ÉDOUARD
MISE EN SCÈNE
ASSISTANTES À LA MISE EN SCÈNE
elsa imbert, émilie capliez
STAGIAIRE DRAMATURGE Vivien Hébert
SCÉNOGRAPHIE Damien caille-perret
LUMIÈRES nicolas marie
SON benjamin Jaussaud
VIDÉO pierre nouvel
COSTUMES anne autran
COLLABORATION ARTISTIQUE DE Jean-charles Di Zazzo
POSTICHES la malle à perruques /patricia Debrosse
MAQUILLAGE EFFETS SPÉCIAUX Delphine boyer
MAQUILLAGE ET COIFFURE Virginie mizzon
ACCESSOIRES Hubert blanchet
NOIR
DÉCOR ET COSTUMES
ateliers de la comédie de saint-étienne
DURÉE
2H
proDuction
La Comédie de Saint-Étienne,
Centre dramatique national
coproDuction
Célestins, Théâtre de Lyon – Théâtre de la Ville-Paris - Scène
nationale d’Albi – Théâtre National Populaire, Villeurbanne
© Sonia Barcet
RELATIONS TROUBLES
catherine Hiegel et Didier bezace dans l’écriture acérée et narquoise de Koltès.
De retour d’Algérie, au moment où le pays devient indépendant, Mathilde arrive chez son frère, propriétaire
d’une usine. Et bernard-marie Koltès s’en donne à cœur joie dans le portrait acéré et narquois d’une bourgeoisie qui tire le rideau sur son passé colonialiste, refoule toute forme de culpabilité, revendique la bonne
conscience comme un bien familial, au même titre que l’usine, le nom, la maison. Parce qu’il est lié à
l’Algérie où il a fait de nombreux séjours, arnaud meunier est particulièrement attaché à cette pièce qui met
en lumière « nos relations troubles avec notre ancien département » tout comme « notre relation à l’autre, aux
étrangers, à l’immigration ». C’est dire si le temps est venu de la faire à nouveau entendre, portée par une
troupe réunie autour de catherine Hiegel et Didier bezace.
colette Godard
2
SOMMAIRE
comédie acide
p.
4
présentation
p.
5
le projet
p.
6
note d’intention
p.
7
note d’intention scénographique p.
9
recontextualisation de l’œuvre
3
et de l’écriture
p. 10
pistes pédagogiques
p. 15
extraits des textes
p. 17
bernard-marie Koltès
p. 19
arnaud meunier
p. 20
tournée i rencontres i librairie
p. 26
COMÉDIE ACIDE
en réponse à l’inquiétude que suscite la montée du Front national, arnaud
meunier reprend avec catherine Hiegel et Didier bezace, Le Retour au désert,
une pièce de bernard-marie Koltès qui a pour toile de fond la France des
années 1960, minée par la guerre d’algérie.
Dans Le Retour au désert, pièce créée en 1988, une
femme rentre chez elle (Mathilde, rôle écrit pour
Jacqueline Maillan, ici incarné par catherine
Hiegel), dans une petite ville française du début des
années 1960. Elle revient d’Algérie, avec ses deux
enfants, pour reprendre ses droits sur la maison
familiale qu’occupe son frère, un ponte de la bourgeoisie locale (Didier bezace reprend ce rôle interprété à la création par Michel Piccoli). En retrouvant
la terre qui l’a vue naître, Mathilde fait face aux eaux
troubles d’un pays submergé par des idées et des
agissements délétères. Un pays sur lequel plane des
zones d’ombre : les épurations sauvages de la libération, les attentats de l’OAS, la guerre d’Algérie, les
sentiments racistes que nourrit une part grandissante
de la population. Malgré tous ces fantômes, BernardMarie Koltès a conçu Le Retour au désert comme une
comédie. Une comédie acide, violente, cruelle, dont
Arnaud Meunier s’empare pour répondre au danger
que représente la montée actuelle du Front national.
Une nouvelle fois, le metteur en scène fait du théâtre
un lieu de réflexion citoyenne. Il place la France de
2015 face à elle-même. En interrogeant notre mémoire
et la notion d’étranger.
Le théâtre d’arnaud meunier ? Un théâtre politique,
ancré dans notre société. Un théâtre qui s’attache à
dépasser le vase clos d’un microcosme artistique
uniforme. Cela, non seulement pour se faire le miroir
des questionnements et des problématiques de son
époque, mais aussi pour rendre compte physiquement, concrètement, sur le plateau, de la réalité et la
diversité du monde (rappelons-nous de sa mise en
scène de 11 septembre 2001 de Michel Vinaver, présenté au Théâtre de la Ville avec quarante-cinq lycéenne-s de Seine-Saint-Denis). Ainsi, rien d’étonnant à
ce que l’actuel directeur du Centre dramatique
national de Saint-Etienne ait baptisé la compagnie
qu’il a fondée en 1997 Compagnie de la Mauvaise
Graine. Rien d’étonnant, non plus à ce qu’il investisse aujourd’hui l’écriture de bernard-marie Koltès,
auteur dont l’œuvre est traversée par les thèmes de
la marge, de la différence, de l’exclusion…
manuel piolat soleymat
4
PRÉSENTATION
MATHILDE -
«… Où est-elle la terre sur laquelle je pourrais me coucher ?
En Algérie, je suis une étrangère et je rêve de la France ; en France,
je suis encore plus étrangère et je rêve d’Alger. Est-ce que la patrie,
c’est l’endroit où l’on n’est pas ?…
»
Dans cette étrange maison entourée de hauts murs, Mathilde Serpenoise débarque un beau matin des années
1960, avec enfants et bagages. Voici quinze ans qu’elle avait quitté ce lieu pour l’Algérie. Aujourd’hui, elle
entend bien récupérer son dû. Mais, Adrien, son frère, ne l’entend pas ainsi. Un affrontement explosif
reprend entre le frère et la sœur. Les deux camps se déchirent, tandis que des événements surprenants se
produisent au dedans, comme au dehors, évoquant eux aussi la violence de cette guerre que nul n’accepte
de nommer.
L’Histoire franco-algérienne est pleine de fantômes, Koltès leur donne vie. Son écriture puise dans les nondits qui tissent l’incompréhension commune entre ces deux pays. Parce qu’il a la conviction que notre relation
à l’immigration reste liée à ce passé occulté, arnaud meunier, depuis longtemps déjà, désirait aborder cet
épisode de notre Histoire. Le Retour au désert lui offre cette opportunité, par le biais d’une formidable comédie. D’irrésistibles dialogues y côtoient des éléments fantastiques. Profondeur, poésie et ironie ne cessent d’y
flirter ensemble… Pour incarner cet ovni théâtral, le metteur en scène retrouve plusieurs fidèles. À leurs côtés,
catherine Hiegel incarne Mathilde, Didier bezace, Adrien.
5
LE PROJET
une coméDie Féroce
On y retrouve son sens du rythme et son goût pour les
mécaniques implacables. Mais cette fois, le rire provoqué chez le spectateur se veut jaune, incisif, grinçant.
C’est cela que je souhaite mettre en scène : cet humour
noir sur fond de revenants, de mémoire interdite et
de bourgeoisie déliquescente pour mieux entrevoir
les causes du mal. Car c’est bien la montée des populismes et notamment du vote FN en milieu rural qui
rend urgent et nécessaire de revisiter cette pièce, finalement assez peu montée.
Dans une petite ville de province du début des années
1960, en apparence paisible, une femme rentre d’Algérie avec ses deux enfants pour s’installer dans la
maison familiale où réside son frère.
Le caractère entier et sans compromis de Mathilde va
alors vite trancher avec l’évidente notabilité autoritaire d’Adrien, propriétaire d’usine.
Mathilde semble fuir ce qu’on appelle alors les événements d’Algérie et vient récupérer son dû : la moitié
des biens familiaux détenus par son frère. Elle fera rapidement voler en éclat les faux-semblants d’ordre et
de paix et va réveiller dans ce « désert » les secrets et
les non-dits de cette petite communauté provinciale.
un proJet De troupe
Treize comédiens rythmeront cette étrange histoire,
emmenés par le duo central que formeront catherine
Hiegel (Mathilde) et Didier bezace (Adrien). Il s’agira
de leur première rencontre au plateau. Deux monstres
sacrés troubles et inquiétants pour incarner ce rapport
au passé, à notre amnésie organisée, à notre ambiguïté
face à l’Algérie.
Onze complices notamment issus de l’Ensemble artistique de La Comédie de Saint-Etienne compléteront
la distribution.
un conte Fantastique
Au-delà de la fable, Le Retour au désert est avant tout
une convocation de notre mémoire coloniale et de ses
zones d’ombres. Une pièce sur notre culpabilité, sur
ce que l’on n’assume pas, sur ce que l’on voudrait tant
taire ou oublier.
Encore aujourd’hui, notre relation à l’Algérie est trouble, schizophrénique. Comme si c’était toujours douloureux, encore trop frais, impossible à résoudre.
Koltès peuple la pièce de fantômes, comme celui de
Marie, la femme défunte d’Adrien ; de désir d’envol
et d’ailleurs ; de malédictions et d’extravagances.
arnaud meunier, juin 2014
6
NOTE D’INTENTION
«
Il ne faut plus parler de l’Algérie. Y’a rien à en dire.
Faut pas jeter de l’huile sur le feu.
- Parce qu’y a le feu ?
- Façon de parler. On pourrait avoir des problèmes.
- Des problèmes ? Quels problèmes ? Avec qui ?
Fabrice melquiot, page en construction,
- Faut éviter d’en parler. À quoi ça sert ?
»
Il y a quelque chose qui ne passe pas. C’est une histoire qu’on n’a pas réglée. Rien à faire. Plus de cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie et trois
générations plus tard, ça reste compliqué, tabou, difficile à commémorer, à officialiser, à raconter. Des histoires de harkis, de tortures par l’armée française, des
volontés de faire reconnaître « le rôle positif de la
colonisation », des imbroglios diplomatiques : tout
ça sur fond d’intérêts économiques et stratégiques…
texte écrit pour Kheireddine lardjam
À Oran, j’étais frappé par l’attraction et la fascination
que la France exerçait sur tous ces jeunes et en même
temps par leur rancœur et leur amertume qu’ils ne
dissimulaient pas. Des reproches et des malentendus constamment.
Je n’avais pas dit à mon père que j’allais en Algérie.
Le pays était encore considéré comme dangereux et
je ne voulais pas l’inquiéter. Mais plus encore, je pense
que je ne voulais pas réveiller ses souvenirs qui m’ont
toujours paru mélancoliques et douloureux. Ce n’est
que très récemment, par exemple, que j’ai compris
qu’un de ses amis de longue date avait probablement
été OAS. Un tatouage sur le bras montrant une tombe
m’intriguait et m’effrayait quand j’étais enfant. Pressé
par mes questions, mon père m’avouait, il y a peu de
temps et à demi-mots, qu’il « avait fait des conneries », qu’il « était jeune »…
Mon père n’est pas né en Algérie mais il y a grandi. De
son enfance à Alger, il n’a jamais raconté grand chose
mais nous avons toujours senti, mes frères et moi, qu’il
y restait profondément attaché. Comme une carte
postale heureuse et nostalgique qu’il ne faudrait pas
abîmer. Un jardin secret. Quelque chose de très sentimental et d’affectif.
En 2002, année de l’Algérie en France, je suis parti
travailler à Oran. Une toute jeune compagnie de théâtre liée à la veuve du dramaturge algérien assassiné
pendant les années noires, faisait revivre avec générosité et enthousiasme les pièces phares d’Abdelkader
Alloula. Après un mois passé auprès d’eux, j’ai décidé
de jumeler ma compagnie à la leur. Ensemble nous
avons créé El Ajouad au Forum du Blanc-Mesnil, puis
Kheireddine, le chef de troupe, est venu m’assister à
la mise en scène sur Pylade de Pasolini.
En 2010, je suis retourné en Algérie. En tournée avec
ma compagnie. Cette fois, j’allais à Alger, la ville d’enfance de mon père. Je lui ai proposé de venir. « Je
n’en ai pas le courage », me dira t-il. Je prendrai des
photos pour lui montrer. « Ça n’a pas changé », me
répondra t-il.
Depuis longtemps, j’ai envie de mettre en scène cette
histoire de nos relations troubles avec notre « ancien
département français ». Parce que je sens intimement,
qu’une bonne partie de notre histoire collective s’est
nouée là-bas. Que notre relation à l’autre, aux étrangers, à l’immigration, reste liée à ce passé colonial sous
silence.
Je réalisais alors que près d’un tiers de ma compagnie
avait une relation plus ou moins directe à l’Algérie.
J’étais stupéfait. L’un avait un père para pendant la
guerre, une autre une demi-sœur mariée avec un algérien, une autre encore une mère née là-bas… Nous
n’en savions rien, nous n’en avions jamais parlé. Pourquoi faire ?
En 2006, je faisais un pas de côté en montant Gens de
Séoul d’Oriza Hirata qui racontait le début de la colonisation japonaise en Corée. Mué par la conviction
7
qu’on ne pouvait pas, de manière intéressante et pertinente, affronter notre histoire algérienne frontalement. Que toutes les pièces que je lisais sur le sujet
me paraissaient faibles et schématiques ; qu’il fallait
plus creuser du côté de l’intime.
Heiner Müller pour son Quartett. Deux « monstres sacrés ». Chéreau avait Maillan et Piccoli ; Nichet, Boyer
et Chattot. J’ai rêvé au tandem Hiegel et Bezace.
J’admire Catherine depuis longtemps. Sa force, son
intensité, sa ligne claire. Son goût pour la comédie
aussi. Ensemble, nous avons réalisé une dramatique
pour France Culture sur un texte inédit de François
Bégaudeau : Le Foie.
De son côté, Kheireddine Lardjam mettait en scène
des auteurs algériens (Mustapha Benfodil, Maïssa Bey,
Kateb Yacine, Rachid Boudjedra) qui parlaient tous
de l’Algérie contemporaine et de son inextricable lien
à la France…
Didier Bezace a la carrure, la démesure même du rôle.
Un « gorille ». Notre complicité s’est nouée à Aubervilliers où il m’a invité deux fois comme metteur en
scène, avec King de Michel Vinaver et plus récemment
avec Femme non-rééducable de Stefano Massini.
L’évidence du Retour au désert s’est faite à partir de là.
En la relisant récemment, elle m’apparaissait comme
le trait d’union de ce que nous cherchions lui et moi
– chacun de son côté – à raconter de nos deux pays,
de notre histoire commune, aujourd’hui encore désespérément muette et peu traitée sur nos plateaux.
Kheireddine n’était-il pas devenu comme Aziz, un couillon pas vraiment français et plus vraiment algérien ?
À partir d’eux et avec eux, je veux imaginer un spectacle de troupe, où l’on retrouve mes complices. Une
comédie féroce comme un geste salutaire. Un sursaut par le plateau.
Koltès raconte la genèse de la pièce et la fait justement
remonter à ses souvenirs d’enfance à Metz, ville de
militaires :
« On peut éprouver des émotions à partir des événements
qui se déroulent au dehors. En province, tout cela se
passait quand même d’une manière étrange : l’Algérie
semblait ne pas exister et pourtant les cafés explosaient
et on jetait les Arabes dans les fleuves. Il y avait cette
violence-là, à laquelle un enfant est sensible et à laquelle
il ne comprend rien. »
Au moment où le Front National arrive en tête des
élections européennes et face à une Europe tout entière qui vit le retour des populismes et des nationalismes ; de la mesquinerie, du repli sur soi, j’ai l’impression que toutes les raisons intimes qui ont poussé
Koltès à écrire Le Retour au désert sont miennes. Que
son projet d’écriture coïncide parfaitement à ma nécessité de mise en scène. Que cette pièce doit être (re)vue
et (ré)entendue, maintenant.
Notre histoire franco-algérienne est pleine de fantômes. Koltès leur donne vie. Ce sera un axe fort de ma
mise en scène. Celui du fantastique. Il permettra de
donner toute sa place à l’humour noir et à la profondeur.
Le Retour au désert part de là. D’une incompréhension, de secrets, de non-dits. D’une maison entourée
de hauts murs pour mieux se barricader ; d’un fils qui
rêve de partir ; d’un autre qui veut s’envoler ; d’une
femme disparue étrangement et qui vient hanter la
maison familiale ; d’un parachutiste noir tombé du
ciel qui enfantera mystérieusement.
Comme toujours chez Koltès, c’est par la langue – très
rythmique et très musicale, comme chez Stefano Massini d’ailleurs – que se construisent les personnages
et la dramaturgie. Ce rythme sera au cœur du spectacle et du plaisir du spectateur, que Koltès recherche
sans ambages.
Le Retour au désert part aussi et paradoxalement,
d’une admiration pour une actrice inhabituelle pour
le Théâtre public : Jacqueline Maillan. Quand il écrit
la pièce : c’est pour elle. Pour casser les codes d’un
théâtre austère, rétif à la comédie, entre soi et désespérément blanc. Il voulait sortir d’un théâtre qui tournait en rond.
Plaisir, comédie, humour noir : comme chez Gogol,
l’ironie sera alors une arme poétique, très puissante
et très stimulante.
« Il ne faut pas prendre ma pièce au sérieux. Avant, il
me semblait évident que j’étais ironique, mais on ne le
voyait pas, cela devenait pénible. Maintenant, avec Le
Retour au désert, il est impossible de faire quelque
chose de tragique. »
Le Retour au désert est donc un ovni théâtral : une véritable comédie sur un sujet délicat, douloureux et
intime. Et en cela, il est un défi passionnant pour la
mise en scène.
arnaud meunier, 8 octobre 2014
Il exige, à mon sens, un duo d’acteurs très particulier
pour incarner Mathilde et Adrien. Comme l’imaginait
8
NOTE D’INTENTION SCÉNOGRAPHIQUE
La pièce se passe pour l’essentiel dans la maison des
Serpenoise que Koltès situe dans l’est de la France,
dans les années 1960. Les scènes s’enchaînent, parfois rapidement, entre des intérieurs et des extérieurs. Les précisions – en trompe l’œil – qu’apporte
Koltès à ces lieux pourraient nous orienter vers une
certaine forme de réalisme. Mais la lecture que nous
faisons de la pièce, et notamment celle des scènes du
jardin, nous a amenée à explorer d’abord sa dimension fantastique et onirique.
L’utilisation de ces deux espaces se fera de manière
non restrictive et parfois sur le mode de la contamination, du débordement. Par exemple : du mobilier
du salon pourra être posé sur l’herbe avec lampe,
fauteuil, table basse. Autre exemple, la chambre : le
lit, là encore posé sur l’herbe, la lampe de chevet
arrivant des cintres, le rideau dans la maison, agité
par le vent. Nous effectuerons ainsi des transversalités d’espaces, des migrations d’objets, comme un
collage surréaliste.
La scénographie comporte deux éléments principaux.
Cette maison sera parfois masquée par un mur. Un
mur qui protège, enferme. Un mur qu’on franchit, transgresse. Une masse imposante qui annule le regard ou
l’oriente ailleurs.
Elle s’est construite autour de cette idée d’un jardin
fantastique et mystérieux : un sol constitué d’une végétation non réaliste, poétique, très sombre, voire
noire, mais qui peut révéler des parties lumineuses.
L’escalier du début est remplacé par une butte.
La maison des Serpenoise est en soit un personnage
de la pièce. Elle a sa réalité, sa densité, son mystère ;
et le travail de la scénographie aura pour intention
de créer immédiatement au regard du spectateur ce
décalage vers le poétique à partir d’éléments au bord
du réalisme.
Sur cette herbe est posée une construction architecturale vitrée, moderne et simple, un bloc modulable
pouvant changer d’aspect, de profondeur, occulté parfois par un rideau et qui, grâce à la lumière, le son,
les projections vidéos ou par exemple du vent pourra
lui aussi revêtir un aspect fantastique.
Pour ce travail, notre inspiration a beaucoup à devoir
aux œuvres de Gregory Crewdson et David Lachapelle.
Damien caille-perret, janvier 2015
9
RECONTEXTUALISATION DE
L’ŒUVRE ET DE L’ÉCRITURE
J’étais à Metz en 1960. Mon père était officier, c’est à
cette époque-là qu’il est rentré d’Algérie. En plus, le
collège Saint-Clément était au cœur du quartier
arabe. J’ai vécu l’arrivée du général Massu, les explosions des cafés arabes, tout cela de loin, sans opinion, et il ne m’en est resté que des impressions – les
opinions je les ai eues plus tard. J’ai tenu à ne pas
écrire une pièce sur la guerre d’Algérie, mais à montrer comment, à douze ans, on peut éprouver des
émotions à partir des événements qui se déroulent
au dehors. En province, tout cela se passait quand
même d’une manière étrange : l’Algérie semblait ne
pas exister et pourtant les cafés explosaient et on
jetait les Arabes dans les fleuves. Il y avait cette violence-là, à laquelle un enfant est sensible et à laquelle il ne comprend rien. Entre douze et treize ans,
les impressions sont décisives, je crois que c’est là
que tout se décide. Tout. Moi, évidemment, en ce qui
me concerne c’est probablement cela qui m’a amené
à m’intéresser davantage aux étrangers qu’aux Français.
J’ai très vite compris que c’était eux le sang neuf de
la France, que si la France vivait sur le seul sang des
Français, cela deviendrait un cauchemar, quelque
chose comme la Suisse. La stérilité totale sur le plan
artistique et sur tous les plans.
Comment la représentation peut-elle laisser entendre
et voir davantage qu’une faible proportion des richesses vives que l’écriture recèle, elle qui est tenue d’avancer, et de faire avancer le spectateur sans ralenti ni
retour en arrière ? La densité du texte est à la fois le
stimulant et l’obstacle. Plus elle est forte, plus le metteur en scène doit choisir et omettre, espérant néanmoins que quelque chose de ce qui n’est pas mis en
avant sera capté de façon diffuse et entrera dans l’incontrôlable effet d’ensemble.
michel Vinaver, écrivain
in Alternatives théâtrales n°35-36 (septembre 1995),
texte Sur Koltès p. 10
Pour moi ce qu’il y a d’énorme, c’est ce mélange de
Rimbaud et de Faulkner. Les personnages sont construits et développés entièrement à partir du langage.
En même temps on trouve dans ces textes une structure moliéresque. Cette structure moliéresque, cette
structure d’aria apparaît le plus nettement dans Le
Retour au désert. Ce qui a sans doute aussi à voir avec
le sujet: la famille française dans laquelle soudain quelque chose d’étrange fait irruption. Ce que fait Koltès,
c’est quelque chose de très rare dans l’écriture dramatique récente. Les pièces des autres auteurs n’ont
souvent qu’une structure d’intrigue et l’intrigue est
ennuyeuse au théâtre. Il faut plutôt rendre obscure
ou faire sauter cette structure d’intrigue. Chez Koltès
par contre il y a une structure d’aria. Cela veut dire que
l’auteur est plus ou moins directement présent dans
ses textes, dans ses personnages. Je trouve ça très
important, parce qu’en ce moment la tendance générale est l’extinction de l’auteur, l’expulsion de l’auteur
du texte et aussi du théâtre. C’est ça qui m’a intéressé
chez Koltès. Et là, je n’étais pas exempt de jalousie,
parce que ça a l’air tellement non-construit. On est
en présence de passages fluides d’un niveau de perception à un autre. Ces passages sont absolument fluides et on ne peut pas les situer à des points précis.
Et je trouve ça extraordinaire. Ainsi le tout a aussi
quelque chose de lyrique, quelque chose d’un poème,
mais c’est un courant de conscience. Ce ne sont pas
des plaques qui sont placées l’une à côté de l’autre.
Ce courant de conscience représente la force de ces
textes : Koltès fait avec le langage ce que le cinéma
fait avec l’image.
bernard-marie Koltès,
in Le Républicain Lorrain, 27 octobre 1988
À propos De KoltÈs
Ce qui se passe, dans la matière même du texte koltésien vu au microscope, c’est un incessant phénomène
explosif, d’ordre poétique, par lequel l’action progresse
indépendamment de toute causalité. C’est dans l’agencement d’une réplique à l’autre, et des phrases et des mots
à l’intérieur d’une même réplique, que se découvre,
fond et forme ne faisant qu’un, un jeu tout à fait singulier des passions et des idées, des pulsions fugitives
et des grands thèmes universels, à partir duquel une
histoire se raconte, des personnages se constituent,
des espaces se délimitent et se croisent, des passés et
des avenirs entrent en collision ou fusionnent. Une
durée se catalyse à partir du passage des instants disséminés. Un présent s’impose, fait de toutes les situations humaines et de tous les mouvements de l’âme.
C’est le présent théâtral même, c’est le théâtre.
Heiner müller, écrivain
in Alternatives théâtrales n°35-36 (septembre 1995),
entretien avec Heiner müller
Aucun texte n’est à l’abri du théâtre, p. 12
10
note DramaturGique
hauts murs de la maison familiale. Il semble régner
un climat permanent d’insécurité, où chacun vit l’autre comme une menace, et où l’extérieur est un espace
de dangers non-identifiés, qui cherchent constamment
à pénétrer l’enceinte de la maisonnée.
Cet endroit du monde connaît également une crise des
identités. Dans un monde où « les frontières bougent
comme la crête des vagues », où les individus se vivent
comme apatrides, les identités se dissolvent, et les
différentes assignations que les êtres reçoivent ne
font qu’entériner ce flou généralisé dans lequel ils
évoluent : « Le Front dit que je suis… », « Mon patron
dit que je suis… ».
À partir de ces quelques éléments particuliers, on
entrevoit ce que Koltès décrit du monde des années
1960 avec entre autres le parachèvement des effondrements des empires coloniaux, les attentats de l’OAS
mais aussi de celui des années 1980. La première grosse
montée du front national aux élections de 1988, la
première évocation de la question de l’identité nationale, le processus de dislocation définitive du bloc
communiste, etc. On voit aussi comment l’on peut interroger notre contexte contemporain à partir de ces
histoires intimes. Le « climat d’insécurité » ne s’est
jamais aussi bien porté, ou n’a jamais été autant
médiatisé en France. Le « débat sur l’identité nationale » n’est donc pas nouveau, pour autant, il est au
coeur de l’actualité de ces dernières années…
raconter le monDe
À partir D’un enDroit intime
l’intime et le commun
L’œuvre de Bernard-Marie Koltès est intimement politique. Elle raconte quelque chose des relations humaines, des rapports de domination, de nos drames et de
nos espoirs. Pourtant, elle n’est pas politique au sens
où Koltès chercherait à produire du didactique, ou
qu’il construirait un dispositif qui chercherait à impacter son spectateur. C’est une œuvre nourrie de politique sans être immédiatement militante. L’auteur
préfère s’attarder sur ce qu’il désigne lui-même comme
des « endroits du monde ». Ses pièces sont situées :
à partir d’un espace géographique précis et de ses
protagonistes, il nous raconte des histoires d’hommes
qui font signe vers l’Histoire et vers le monde à leur
manière.
Se pencher sur l’intimité d’un lieu permet ainsi de produire du politique, en proposant des pistes d’entrée vers
le monde commun. C’est précisément ce qu’il réalise
dans Le Retour au désert. Il choisit un endroit: une maison bourgeoise de la province française, au début des
années 1960. Il choisit aussi de construire la fable en
s’appuyant des éléments qui lui sont personnels : il a
grandi à Metz au sein d’une famille de petite bourgeoisie et la « rue Serpenoise » est une artère importante de la ville de Metz.
Pour saisir le fonctionnement politique de l’œuvre et
savoir ce que nous raconte la pièce, il est intéressant
de s’interroger sur cette double-intimité et sur son
articulation avec l’Histoire et le monde. Il faut aussi
noter que la pièce est située au début des années 1960
– elle nous dit quelque chose de la guerre d’Algérie
et de cette période – mais qu’il l’écrit à la fin des années
1980 dans un second contexte, un autre état du monde.
Cette pièce, portée aujourd’hui au plateau donne aussi
à interroger un troisième état du monde, celui du
milieu des années 2010.
rire pour Dire ce que l’on ne peut
raconter autrement
une coméDie inattenDue
Koltès trouvait que ses pièces étaient trop souvent
« prises au sérieux ». Pour celle-ci, il assume avoir
vraiment voulu que « le comique prédomine ». C’est à
partir de Jacqueline Maillan, qui est première dans
le processus d’écriture, qu’il compose le personnage
de Mathilde, en refusant malgré tout d’écrire un
« boulevard ». Pourtant, les sujets qu’il aborde sont
loin d’être légers, des explosions de cafés arabes aux
grossesses non désirées, avec comme contexte la
guerre d’Algérie en toile de fond. C’est d’ailleurs souvent les scènes les plus difficiles – quand Mathilde
menace Plantières avec des ciseaux, ou quand les
notables préparent leur attentat – qui puisent le plus
dans les ressorts du comique.
La fonction du genre, et son intrication avec des sujets
difficiles à aborder, est un point névralgique à élucider. L’auteur affirme ne pas chercher à dénoncer. Il se
« moque » autant qu’il défend tous ses personnages
dans leur complexité.
Dans la proVince Française Des années 1960,
une maison bourGeoise
Caractériser « l’endroit du monde » le lieu où se déroule la pièce agit ainsi comme un puissant révélateur.
On peut ici en souligner rapidement quelques traits.
La pièce a lieu dans une petite ville provinciale et
met en scène la société « bourgeoise » des années 1960
avec ses individus (des notables sûrs d’eux, fiers de leurs
traditions) et leurs sociabilités (entre-soi, arrangements, etc). Mais, plus particulièrement, l’histoire se
déroule presque en son intégralité à l’intérieur des
11
ce qui est DiFFicile À aFFronter
métisser le sacré ?
On peut déjà avancer une hypothèse : le rire permet
d’aborder de manière légère des thèmes qui ne pourraient peut-être pas être abordés frontalement. Ainsi
des rapports de domination: les personnages sont pour
la plupart extrêmement féroces, et les échanges tournent souvent à des joutes verbales. Les affrontements
successifs entre la sœur et le frère sont de véritables
« combats de rues », mais Koltès préfère faire de son
texte une « pièce de bagarre » plutôt qu’un véritable
drame. Ce choix permet à la fois une grande finesse
dans la description des rapports de domination, mais
elle déplace surtout le rapport au spectateur. Plutôt
que de privilégier un rapport violent, il propose une
forme généreuse et divertissante qui, pourtant, renvoie aux démons intimes de notre Histoire commune
(les femmes rasées de la Libération, les relations profondes et complexes de la France et de l’Algérie,…).
Le rire devient alors un outil capital pour aborder
une Histoire complexe et lourde en traumatismes…
La pièce s’organise autour des prières qui rythment
la journée du musulman. La dernière scène fait aussi
référence à l’Islam puisque Koltès lui donne pour titre
« Al-’îd aç-çaghir » (la « petite fête », celle de la fin
du jeûne du ramadan). D’autres références du même
ordre, mais issues d’une liturgie différente, émaillent
le texte. Les deux sœurs qu’a épousé Adrien portent
les noms de Marthe et Marie, comme les sœurs de
Lazare que visite Jésus en Béthanie. C’est la première
femme d’Adrien, à présent décédée, qui porte le nom de
Marie. Dans la bible et aux yeux de Jésus, Marie est
celle qui a choisi « la meilleure part » (n’est-ce pas, d’ailleurs, ce que dit Mathilde à son propos : « De quoi se
plaint-elle ? Elle est casée, elle. ») Dans l’acte d’écriture
même ce « melting-pot » des religions va plus loin encore, par exemple lorsqu’Adrien évoque le Bouddha.
Face à la crise des identités, à la montée des extrêmes,
à la difficulté de raconter la complexité de notre
Histoire, et celle des individus, Koltès semble ne plus
pouvoir se soumettre aux règles qui régissent les genres
et les catégories littéraires et théâtrales classiques.
Comique, fantastique, intrigue, réalisme : autant de
concepts à réinventer dans l’écriture. Ce qu’il pointe
plus précisément ici, c’est la résurgence d’une forme
de sacré, bien qu’ici encore non-conventionnel : il réunifie liturgie musulmane, liturgie chrétienne et même
liturgie bouddhiste. Peut-être peut-on y lire une tentative de renouer avec un certain spirituel œcuménique,
débarrassé des dogmes, comme ultime moyen de saisir un monde qui nous échappe.
En tous les cas, face à la crise des identités, aux replis
ethniques et aux débats sur les « identités nationales »,
Koltès a la certitude que le salut ne peut venir que
d’un profond métissage. À propos du métissage, et
des « étrangers », il écrit en octobre 1988 : « J’ai très
vite compris que c’était eux le sang neuf de la France ;
que si la France vivait sur le seul sang des Français,
cela deviendrait un cauchemar, […] la stérilité totale
sur le plan artistique et sur tous les plans. »
plonGer Dans l’étranGe
puisque nous sommes tous étranGers
Des étranGers À l’étranGe
La crise des identités aboutit à un constat terrible :
nous sommes tous des étrangers. C’est, peut-être, une
réponse directe à cette question de l’identité nationale
qui surgit en cette fin des années 1980. De manière
corrélée à ce constat, se construit tout au long de la
pièce une dramaturgie de l’étrange et de l’ambiguïté.
En plus d’être un leitmotiv que reprennent la plupart
des personnages de la pièce – « Étrange ! » – l’étrange
devient non seulement un thème central de la pièce
(cette maison bourgeoise d’apparence tranquille renferme en réalité de terribles secrets) et il aboutit même
à l’exploration d’un autre genre : celui du fantastique.
L’ambiance nocturne – chère à Koltès – est omniprésente dans la pièce ; et l’auteur va jusqu’à faire apparaître le spectre de Marie, ancienne épouse assassinée d’Adrien. Comme le comique, l’étrange permet
d’aborder de manière déjouée certaines thématiques,
et constitue un enjeu important de la mise au plateau.
Cette dramaturgie de l’étrange est d’ailleurs plus qu’anecdotique, puisqu’elle semble s’ancrer dans un mouvement ample qui dicte la construction générale de
la pièce : celui d’un refus des règles de « vraisemblance », des apparats du réalisme, ou de la construction
dramatique classique. Que ce soit du point de vue de l’espace comme des temporalités, Koltès s’affranchit largement des contraintes du genre, peut-être libéré par
la traduction récente du Conte d’hiver de Shakespeare ?
Vivien Hébert
12
repÈres cHronoloGiques
et Historiques
tentent de prendre le pouvoir à Alger. Deux
semaines sanglantes qui n’aboutiront pas
pour les insurgés. Il s’agira du dernier sursaut officiel des partisans de l’Algérie française.
nuit Du 23 au 24 Juillet 1961 « Nuit des Paras »
à Metz. Après une rixe qui a mal tourné, 300
parachutistes du 1er RCP mettent les quartiers
arabes à sac. Plusieurs morts, des dizaines de
blessés. À la suite de ces événements, en septembre, le général Massu est nommé à Metz.
17 octobre 1961 « Massacre de la Seine » à
Paris. Une manifestation de soutien au FLN
a lieu à Paris. En marge de la manifestation,
les forces de l’ordre tuent et jettent dans la
Seine des manifestants, la plupart d’origine
maghrébine. Le nombre exact fait débat, mais
il y aurait entre 50 et 100 morts.
contexte De la piÈce :
la France et l’alGérie De 54 À 62
1954
Création du FLN et début de la guerre d’Algérie.
Bataille d’Alger. Le FLN est démantelé dans la
capitale. Les méthodes du général Massu (notamment la torture) sont contestées.
1957
1958 Bataille des frontières, à l’issue de laquelle l’armée
française prend l’ascendance sur le conflit. Parallèlement, la crise politique en France bat son plein, et
l’opinion se dissocie peu à peu de l’armée française.
13 mai 1958 Coup d’État à Alger, les insurgés
demandent le retour du général De Gaulle
au pouvoir.
1 Juin 1958 L’Assemblée Nationale investit
le général De Gaulle, lui accorde de gouverner
par ordonnance pour une durée de six mois,
et l’autorise à mener la réforme constitutionnelle du pays.
28 septembre 1958 La Constitution pour une
Ve République est approuvée par référendum.
Les accords d’Evian mettent officiellement fin à la guerre.
8 aVril 1962 : Second référendum sur l’autodétermination de l’Algérie. L’indépendance
est votée.
18 mars 1962
er
L’OAS est encore très
active au cours de l’année 1962, mais sera progressivement démantelée tout au long de 1963. Les piedsnoirs commencent à rentrer d’Algérie au cours de
l’année 1962. Ce départ sera compliqué. Après l’indépendance auront lieu un certain nombre de massacres des membres de la communauté pieds-noirs, mais
aussi juive, ainsi que parmi les musulmans ayant
pris le parti de l’Algérie française pendant les événements qui précédèrent. Ces derniers, dont un grand
nombre avaient servis dans l’armée française (les harkis, plus de 210 000) ont largement été abandonnés
au moment de cette indépendance. Si certains ont
pu venir s’installer en France, la grande majorité n’a
pas pu traverser la Méditerranée (l’économie a joué,
mais de nombreux harkis n’ont pas été autorisés à
franchir la frontière). Ils sont très nombreux, alors, à
avoir été massacrés dans les années qui suivirent. Le
terme « harki » en Algérie est très vite devenu synonyme de « collabo ».
perspectiVes années 1962-1963
16 septembre 1959 De
Gaulle, dans un discours radiotélévisé, ouvre la voix au principe d’autodétermination pour l’Algérie. Les ultras d’une « Algérie française » sont déçus de la politique que le général met
en place.
Le Général Massu, qui n’aurait pas respecté son devoir de réserve en s’exprimant sur la politique de De Gaulle dans une interview, est relevé de
ses fonctions et rappelé à Paris. S’ensuit la semaine
des barricades, où les partisans les plus virulents d’une
Algérie française mènent une véritable insurrection
qui sera fortement réprimée à Alger.
Le spectre de la guerre civile hante dès lors la France,
jusqu’en métropole.
JanVier 1960
Premier référendum sur l’autodétermination de l’Algérie. 75 % des électeurs s’expriment
en faveur de l’autodétermination.
11 FéVrier 1961: Création de l’Organisation Armée Secrète (OAS). Elle regroupe, en France
et en Algérie, les ultras de l’Algérie française,
déçus de De Gaulle, et qui décident de basculer dans la clandestinité pour réaliser des
actions armées et des actes de terrorisme.
aVril 1961 « Putsch des Généraux » : Maurice
Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André
Zeller, déçus de la politique de De Gaulle,
8 JanVier 1961
contexte D’écriture
la France À la Fin Des années 1980
1986 Élections
législatives, le nouveau mode de scrutin permet au Front National d’entrer à l’Assemblée
Nationale, avec 35 députés.
Au premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen réalise un score de 14,38 %.
24 aVril 1988
13
1 mai 1988 Entre les deux tours de l’élection présidentielle, reprise par le RPR de thèmes d’extrême droite,
par exemple la question de l’identité nationale. Charles
Pasqua écrit dans la presse : « Que les électeurs du FN
soient préoccupés par les risques qu’une immigration
incontrôlée fait courir à l’ordre public et à l’identité
nationale me semble légitime, et nous partageons ces
inquiétudes. » Koltès réagira plus tard à ces propos
en écrivant : « Au moment où il y a eu le problème avec
Le Pen, je me disais : si Chirac est élu, moi, je pars. »
(entretien du 25 novembre 1988)
sistance. Il apparaît sur les murs d’Alger le 16 mars
1961, et se répand ensuite en Algérie et en métropole,
lié à divers slogans : « L’Algérie est française et le restera », « OAS vaincra », « L’OAS frappe où elle veut et
quand elle veut », etc.
Sur le plan pratique, il ne s’agit pas d’une organisation
centralisée unifiée ; d’une façon très générale, elle est
divisée en trois branches plus ou moins indépendantes,
parfois rivales : l’« OAS Madrid », l’« OAS Alger » et
l’« OAS Métro ».
er
qu’est-ce que le Fln ?
qu’est-ce que l’oas ?
Aziz évoque le « Front », dans la scène 15. Il fait référence au Front de Libération Nationale.
Le Front de Libération Nationale est un parti politique algérien, aujourd’hui présidé par le président
de la république Abdelaziz Bouteflika. Il a été créé en
novembre 1954 pour obtenir de la France l’indépendance de l’Algérie, alors divisée en départements français d’Algérie. Le FLN et sa branche armée, l’Armée de
Libération Nationale (ALN), commencent alors une
lutte contre l’empire colonial français. Par la suite, le
mouvement s’organise et, en 1958, le FLN forme un
gouvernement provisoire, le GPRA. C’est avec le GPRA
que la France négocie en 1962 les accords d’Évian.
À l’indépendance, le FLN prend ainsi le pouvoir « légitimement », et s’en assure l’exclusivité en instaurant le système de parti unique. Ce ne sera que dans les
années 1980 qu’une nouvelle constitution mettra en
place un multipartisme en Algérie. Le FLN demeure
aujourd’hui une figure importante du paysage politique, après avoir traversé une période difficile dans
les années 1990.
Adrien, Borny, Plantières et Sablon font partis de l’« OAS »
L’Organisation Armée Secrète, ou Organisation de l’Armée Secrète, surtout connue à travers le sigle OAS,
est une organisation politico-militaire clandestine française, créée le 11 février 1961. Elle œuvre pour la défense de la présence française en Algérie par tous les
moyens, y compris le terrorisme à grande échelle. Du
point de vue des temporalités, donc, par rapport au
moment de la pièce, on est au tout début de la création de l’OAS. Il s’agit, d’ailleurs, probablement, de
leur tout premier acte de terrorisme à Metz (ce qui
explique les comportements de Borny, mais aussi
d’Adrien, etc.).
Alors que le gouvernement français souhaite manifestement se désengager en Algérie, elle est créée à Madrid,
lors d’une rencontre entre deux activistes importants,
Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde, ralliant par
la suite des militaires de haut rang, notamment le
général Raoul Salan. Le sigle « OAS » fait volontairement référence à l’Armée Secrète (AS) de la Ré14
PISTES PÉDAGOGIQUES
À l’aide des différents éléments présents dans ce dossier (extraits de texte,
note dramaturgique et repères chronologiques et historiques),
voici quelques propositions de pistes pédagogiques pour aborder
cette pièce avec les élèves.
aVant la représentation
Cette pièce de Koltès, s’il l’écrit à partir de ses souvenirs d’enfance (il a grandi à Metz dans les années 1960),
s’inscrit profondément dans la grande Histoire. L’action, en effet, est située historiquement, ce qui est un procédé rare chez l’auteur. Cette situation précise a une importance, elle mériterait donc un certain travail préparatoire avec les élèves sur la « toile de fond » dans laquelle il situe l’action. La pièce – et le spectacle –
ont cette grande force de pouvoir aborder avec le rire certains des passages difficiles de notre histoire.
piste 1
approcHe Historique :
la Guerre D’alGérie
piste 2
autres approcHes Historiques
D’autres rappels vers la grande Histoire sont faits ;
certains éléments de la Seconde Guerre mondiale, par
exemple, pourraient être abordés en amont du spectacle. On pense notamment à la tonte des femmes au
moment de la libération, destin qu’a connu Mathilde.
La question de la guerre d’Algérie, de manière globale,
du FLN (Aziz parle du « front »), de l’ALN, des piedsnoirs et des harkis. On pourra plus précisément s’intéresser à la fin de cette période (à partir de 1958),
alors que De Gaulle commence à ouvrir à la possibilité de l’autodétermination et de l’indépendance de
l’Algérie. Cette dernière période est celle qui constitue
vraiment le terreau de la pièce : la France est presque
au bord de la guerre civile (à voir, par exemple, les
évènements du massacre de la Seine, ou de la Nuit
des Paras qui a justement lieu à Metz [on comprend
mieux la scène du parachutiste]) ; les ultras d’une
Algérie française finissent par basculer dans la clandestinité et créent l’OAS (organisation à laquelle
appartiennent Adrien et les notables dans la pièce).
piste 3
GénéaloGie Des personnaGes
Il est possible de s’intéresser à la généalogie de la famille Serpenoise (Cf. page 90, Le Retour au désert, Les
Éditions de Minuit [1988]) afin de mieux appréhender les personnages et leurs liens dans la pièce.
15
aprÈs la représentation
piste 1
Débattre : la question politique au tHéâtre
piste 3
analyser une scénoGrapHie
Le contexte de l’action est assez précis: celui de la guerre
d’Algérie. Mais on peut également s’intéresser au
contexte du moment de l’écriture. Koltès écrit à une
période particulière, peu avant la chute du mur de
Berlin, au moment où la France connaît une poussée
importante des scores du Front National, où, pour la
première fois, la question de « l’identité nationale »
s’inscrit dans les débats médiatiques. Les identités
sont en crise, et l’on connaît un premier temps de repli
ethnique. Mettre en scène aujourd’hui Le Retour au
désert n’est pas un acte innocent. On peut amener les
élèves à s’interroger sur les résonnances que le texte
peut avoir avec une certaine actualité (le climat d’insécurité que ressentent les personnages, par exemple). On pourra également les inviter à noter la solution qu’adopte Koltès face à ce problème
des identités nationales et des replis ethniques : il
choisit de produire un texte fait de métissage. Il y a
des personnages blancs, arabes, noirs, et ils n’agissent, pas forcément comme on pourrait s’y attendre
(c’est le personnage noir qui fait l’éloge de la colonisation à la scène 11. Aziz se fiche de l’indépendance
de l’Algérie, le personnage qui s’appelle Fatima n’est
pas arabe, etc.). Les religions sont aussi métissées :
les personnages de Marthe et Marie sont des allusions à la Bible, Fatima a une apparition de Marie (là
encore la Bible), chacune des parties du spectacle est
associée à une prière arabe, il y a une mention de
Bouddha…
On peut également proposer aux élèves d’analyser la
scénographie et ses éléments divers. Certains éléments
sont « réalistes », d’autres plus abstraits. La maison
est représentée, avec l’intérieur et l’extérieur, mais il
y a aussi une vraie dimension abstraite : on peut représenter un intérieur même avec un lit dans le jardin. On pourra aussi s’intéresser, plus largement aux
différents horizons référentiels des costumes comme
de la scénographie (années 1960, éléments plus modernes, etc.).
piste 4
analyser un reGistre : le comique
Le comique est omniprésent dans la pièce. On pourra
proposer aux élèves d’analyser les différents types de
comique de l’œuvre. On pourra également aborder la
question du théâtre de boulevard, comme Koltès écrit
à l’origine pour Jacqueline Maillan. L’élève peut aussi
être amené à s’interroger sur le sens du comique ici ;
comique qui dénonce? Comique qui divertit (rend ainsi
plus accessibles, moins effrayants ou rébarbatifs certains thèmes) ?
piste 5
analyser une scÈne/
s’essayer À une mise au plateau
À partir de la première rencontre Mathilde/Adrien
dans la scène 2. (extraits de textes), on pourra inviter les élèves à une analyse textuelle et dramaturgique. On pourra notamment les inviter à repérer les
sous-textes de l’œuvre qui pourraient être intéressants à travailler dans un exercice de jeu et de mise
au plateau. Mathilde revient d’Algérie, elle parle
arabe, etc. tandis qu’Adrien est le riche industriel
blanc. Dans tous leurs discours, on peut retrouver
des éléments du colon s’adressant au colonisé.
Adrien est en haut de l’escalier, Mathilde en bas.
Adrien lui dit de respecter cette maison qu’il a fait
prospérer, tandis que Mathilde fait valoir que cette
maison lui appartient, etc.
piste 2
réFlécHir À la notion De conVention
tHéâtrale
Le texte et la mise en scène jouent sur différents rapports à la convention théâtrale. On peut amener les
élèves à remarquer que si les personnages jouent derrière un 4e mur, celui-ci est parfois rompu. On peut les
initier à différentes notions : celle de l’illusion théâtrale
(reprise ensuite largement par le cinéma) mais aussi
celle de la convention théâtrale, en les interrogeant
sur ce que rompre le 4e mur peut produire (connivence
avec le spectateur vers un effet comique, propos plus
« politique » si le spectateur est interpellé directement, etc.)
16
EXTRAITS DE TEXTES
matHilDe – Quelle patrie ai-je, moi ? Ma terre, à moi, où est-elle ? Où est-elle la terre sur laquelle je pourrais
me coucher ? En Algérie, je suis une étrangère et je rêve de la France ; en France, je suis encore plus étrangère et je rêve d’Alger. Est-ce que la patrie, c’est l’endroit où l’on n’est pas ? J’en ai marre de ne pas être à ma
place et de ne pas savoir où est ma place. Mais les patries n’existent pas, nulle part, non.
Le Retour au désert, les éditions de minuit (1988), extraits p.48
paracHutiste – (…) On me dit qu’une nation existe et puis n’existe plus, qu’un homme trouve sa place et puis
la perd, que les noms des villes, et des domaines, et des maisons, et des gens dans les maisons changent
dans le cours d’une vie, et alors tout est remis en un autre ordre et plus personne ne sait son nom, ni où est
sa maison, ni son pays, ni ses frontières. Il ne sait plus ce qu’il doit garder. Il ne sait plus qui est l’étranger.
Le Retour au désert, les éditions de minuit (1988), extraits p.57
Entre Adrien, en haut de l’escalier.
aDrien — Tu as voulu fuir la guerre et, tout naturellement, tu es venue vers la maison où sont tes
racines ; tu as bien fait. La guerre sera bientôt finie
et bientôt tu pourras retourner en Algérie, au bon
soleil de l’Algérie. Et ce temps d’incertitude dans
laquelle nous sommes tous, tu l’auras traversé ici,
dans la sécurité de cette maison.
matHilDe — Mes racines ? Quelles racines ? Je ne suis
pas une salade ; j’ai des pieds et ils ne sont pas faits
pour s’enfoncer dans le sol. Quant à cette guerre-là,
mon cher Adrien, je m’en fiche. Je ne fuis aucune
guerre ; je viens au contraire la porter ici, dans cette
bonne ville, où j’ai quelques vieux comptes à régler.
Et, si j’ai mis si longtemps à venir régler ici ces
quelques comptes, c’est que trop de malheurs
m’avaient rendue douce ; tandis qu’après quinze
années sans malheur les souvenirs me sont revenus,
et la rancune, et le visage de mes ennemis.
Mathilde, ma sœur, te voici de nouveau
dans notre bonne ville. Es-tu venue avec de bonnes
intentions ? Car, maintenant que l’âge nous a calmés
un peu, on pourrait tâcher de ne pas nous chamailler, pendant le court temps de ton séjour. J’ai pris
l’habitude de ne plus me chamailler pendant les
quinze années de ton absence, et ce serait dur de s’y
remettre.
matHilDe — Adrien, mon frère, mes intentions sont
excellentes. Et si l’âge t’a calmé, j’en suis très
contente : les choses seront plus simples pour le très
long temps que je compte passer ici. Car moi, l’âge,
au lieu de me calmer, m’a beaucoup énervée ; et entre
ton calme et mon énervement, tout devrait bien se
passer.
aDrien —
17
aDrien — Des ennemis, ma sœur ? Toi ? Dans cette
bonne ville ? L’éloignement a dû fortifier encore ton
imagination, qui pourtant n’était pas faible ; et la
solitude et le soleil brûlant de l’Algérie te brouiller la
cervelle. Mais si, comme je le crois, tu es venue ici
contempler ta part d’héritage pour repartir ensuite,
eh bien, contemple, vois comme je m’en occupe bien,
admire comme je l’ai embellie, cette maison, et,
lorsque tu l’auras bien regardée, touchée, évaluée,
nous préparerons ton départ.
matHilDe — Mais je ne suis pas venue pour repartir,
Adrien, mon petit frère. J’ai là mes bagages et mes
enfants. Je suis revenue dans cette maison, tout
naturellement, parce que je la possède ; et, embellie
ou enlaidie, je la possède toujours. Je veux, avant
toute chose, m’installer dans ce que je possède.
aDrien — Tu possèdes, ma chère Mathilde, tu possèdes : c’est très bien. Je t’ai payé un loyer, et j’ai
considérablement donné du prix à cette masure.
Mais tu possèdes, d’accord. Ne commence pas à me
mettre en colère, ne commence pas à chicaner. Mets,
je te prie, un peu de bonne volonté. Recommençons
notre bonjour, car tout cela est mal parti.
matHilDe — Recommençons, mon vieil Adrien,
recommençons.
aDrien — Ne crois pas, Mathilde, ma sœur, que je te
laisserai prendre des airs de propriétaire et vagabonder dans les couloirs en touchant à tout comme une
maîtresse de maison. On ne peut pas abandonner un
champ en friche, attendre à l’abri qu’un imbécile le
cultive, et revenir au moment de la récolte pour
revendiquer son bien. Si la maison est à toi, sa prospérité est à moi, et, crois-moi, je n’abandonnerai pas
cette part-là. Toi-même, tu as choisi ta part. Tu m’as
laissé l’usine par impuissance, et tu as pris la maison
par paresse. Mais cette maison, tu l’as abandonnée
pour fuir je ne sais où je ne sais quoi ; et maintenant,
elle a pris ses habitudes sans toi ; elle a son odeur,
elle a ses rites, elle a ses traditions, elle reconnaît ses
maîtres. Il ne faut pas la brusquer, et je la protégerai
si tu veux la saccager.
Pourquoi voudrais-je saccager ma maison, puisque je veux l’habiter ? Je juge, à sa prospérité, que ton usine doit être bien grasse, elle aussi,
rapporter de sérieux dividendes, et faire, de tes banquiers, les meilleurs amis qu’un homme ait jamais
eus. Tu aurais été pauvre que je t’aurais prié de faire
tes valises ; mais, puisque tu es riche, je ne te chasserai pas, je m’accommoderai de toi, de ton fils, et du
reste. Cependant, j’entends bien me souvenir que le
lit dans lequel je coucherai est à moi, que la table où
je mangerai est ma table, et que l’ordre ou le désordre que je mettrai dans les salons seront un ordre et
un désordre justes et légitimes. Et puis, il était temps
que je rentre, car cette maison manque de femmes.
aDrien — Oh non, ma chère Mathilde, elle n’en
manque pas, et il y en aura toujours trop. Cette maison est une maison d’hommes, et les femmes qui y
passent n’y seront jamais qu’invitées et oubliées.
Notre père l’a bâtie, et qui garde le souvenir de sa
femme ? Moi-même je l’ai continuée et qui, ma pauvre Mathilde, garde le souvenir de ton existence ?
Tiens-toi dans ta propre maison comme une invitée ;
car, si tu crois retrouver ton lit comme un vieux meuble familier, il n’est pas sûr que ton lit te reconnaisse.
matHilDe — Et moi je sais, après quinze années, et
dix années de plus, des années et des années à coucher ailleurs, je sais que j’entrerai dans ma chambre
les yeux fermés, et je me coucherai dans mon lit
comme si j’y avais toujours couché, et mon lit me
reconnaîtra tout de suite. Et puis, s’il ne me reconnaît pas, je le secouerai jusqu’à ce qu’il le fasse.
aDrien — Je le savais : tu viens ici pour faire du mal.
Tu te venges de tes malheurs. Tu as toujours eu des
malheurs pour pouvoir te venger ; tu attires le malheur, tu le cherches, tu cours derrière le malheur pour
le plaisir de la rancune. Tu es dure et tu as le cœur
sec.
matHilDe- Adrien, tu te fâches. Si tu ne m’as jamais
fait de mal, pourquoi voudrais-je me venger de toi ?
Adrien, nous ne nous sommes toujours pas dit bonjour. Essayons encore.
aDrien — Non, je ne veux plus essayer.
matHilDe —
Il s’approche de Mathilde.
Le retour au désert, les éditions de minuit (1988),
extraits p.12, partie 1 scène 2
18
BERNARD-MARIE KOLTÈS
1948 – Naissance à Metz.
1981 – La Comédie-Française commande une pièce
à Koltès (qui deviendra Quai Ouest). Mise en scène
de La Nuit à la Comédie-Française (Petit-Odéon) par
Jean-Luc Boutté avec Richard Fontana.
1983 – Le Théâtre Nanterre-Amandiers, dirigé par
Patrice Chéreau, inaugure sa première saison par la
création de Combat de nègre et de chiens (avec Michel
Piccoli et Philippe Léotard). Quai Ouest suivra en 1986
(avec Maria Casarès, Jean-Marc Thibault, Jean-Paul
Roussillon, Catherine Hiegel, Isaach De Bankolé…).
1985 – Écriture d’un scénario (encore inédit) : Nickel
Stuff, inspiré par John Travolta.
1987 – Dans la solitude des champs de coton est
créée par Patrice Chéreau (initialement avec Laurent
Malet et Isaach De Bankolé, puis reprise fin 1987début 1988 avec Laurent Malet et Patrice Chéreau
dans le rôle du Dealer). Une nouvelle création (troisième
version) sera donnée en 1995-1996 avec Pascal Greggory et Patrice Chéreau à la Manufacture des Œillets.
« La belle province », dira Koltès.
1958 – Durant la guerre d’Algérie, il est élève-pensionnaire à l’école Saint-Clément de Metz. Son père,
officier, est absent. Le Général Massu devient, en
1960, gouverneur de Metz.
« Mon collège était en plein au milieu du quartier
arabe. Comme à l’époque on faisait sauter les cafés
arabes, le quartier était fliqué jusqu’à l’os. »
1968 – Premier séjour à New York. « J’ai voyagé…
Tout ce que j’ai accumulé [c’est] entre 18 et 25 ans. »
1969 – À 20 ans, il fuit sa ville natale, et l’ennui, pour
Strasbourg. Là, il assiste à une représentation de Médée
de Sénèque mis en scène par Jorge Lavelli avec Maria
Casarès. « Un coup de foudre ! Avec Casarès… S’il y
avait pas eu ça, j’aurais jamais fait de théâtre. »
1970 / 1973 – Écrit et monte ses premières pièces :
Les Amertumes (d’après Enfance de Gorki), La Marche
(d’après Le Cantique des cantiques), Procès Ivre
(d’après Crime et Châtiment de Dostoïevski) ; ainsi
que L’Héritage et Récits morts.
Parallèlement, il fonde sa troupe de théâtre (le Théâtre
du Quai) et devient étudiant à l’école du Théâtre national de Strasbourg que dirige Hubert Gignoux.
1973 / 1974 – Après un voyage en URSS, il s’inscrit
au Parti communiste et suit les cours de l’école du
PCF. II se désengagera en 1979.
1974 – II commence un roman, La Fuite à cheval très
loin dans la ville. Métaphore pour évoquer la drogue
comme fuite.
1975 – Tentative de suicide. Drogue. Désintoxication.
Koltès s’installe à Paris.
1977 – Création à Lyon de Sallinger dans une mise en
scène de Bruno Boëglin. Création de La Nuit juste avant
les forêts au festival d’Avignon (off) dans une mise en
scène de l’auteur, avec Yves Ferry. Moment charnière. Reniement de ses textes précédents.
« Les anciennes pièces, je ne les aime plus, je n’ai plus
envie de les voir monter. »
1978 / 1979 – Voyage en Amérique latine, puis au Nigéria et l’année suivante au Mali et en Côte d’Ivoire.
1979 – Rencontre le metteur en scène Patrice Chéreau
dont il a admiré en 1976 La Dispute. Il souhaite que
celui-ci monte ses pièces. À partir de 1983, Chéreau
créera au Théâtre Nanterre-Amandiers la plupart de
ses textes.
1988 – Après avoir traduit Le Conte d’hiver de Shakespeare, Koltès écrit Le Retour au désert, pièce créée
aussitôt par Patrice Chéreau au théâtre du RondPoint à Paris (avec Jacqueline Maillan et Michel
Piccoli). Succès considérable. Koltès achève Roberto
Zucco. La pièce sera créée en 1990 par Peter Stein
à la Schaubühne de Berlin. Lors de la création française, en 1991, au Théâtre national Populaire de Villeurbanne, une polémique naîtra. La pièce, mise en
scène par Bruno Boëglin, sera interdite à Chambéry
(le vrai Roberto Succo ayant, en avril 1987, tué un
agent de police originaire de cette ville).
« C’est une histoire sublime. Sublime. Et c’est un tueur…
Quand on me dira que je fais l’éloge du meurtrier, ou
des choses comme ça… Parce qu’on va me le dire !
Moi je dis que c’est un tueur… exemplaire ! »
1989 – Au retour d’un dernier voyage au Mexique et
au Guatemala, il rentre à l’hôpital Laennec (5 avril).
Il meurt à Paris dix jours plus tard des suites du sida
(15 avril). À quarante et un ans. Il est enterré au cimetière Montmartre.
« On meurt et on vit seul. C’est une banalité… Je
trouve que [la vie] est une petite chose minuscule…
[C]’est la chose la
plus futile ! »
Cette chronologie publiée dans le Magazine littéraire
(n°395, février 2001), a été rédigée avec l’aide d’AnneFrançoise Benhamou, Yan Ciret, Cyril Desclés, François
Koltès et Rostom Mesli.
19
ARNAUD MEUNIER
bernarD-marie KoltÈs
biblioGrapHie (extraits)
2009
lettres
nickel stuff
2008
récits morts. un rêve égaré
Des voix sourdes
2006
le Jour des meutres dans l’histoire
de Hamlet
2003
la marche
2001
procès ivre
1999
lettres de saint-clément et d’ailleurs
metteur en scÈne
En janvier 2011, arnaud meunier a pris la direction
de La Comédie de Saint-Étienne, Centre dramatique
national et de son École supérieure d’Art Dramatique.
Il y développe un nouveau projet où la création et la
transmission sont intimement liées. Le dialogue des
esthétiques et des générations, le renouvellement
des écritures scéniques, la découverte de nouveaux
auteurs, la présence au quotidien des artistes, l’ouverture et le partage du Théâtre aux populations les
plus larges et les plus variées sont les axes forts du
projet qu’il met en œuvre.
Diplômé de Sciences Politiques, il commence une
formation de comédien, puis fonde en 1997 la Compagnie de la Mauvaise Graine. Très vite repérée par la
presse et les professionnels lors du festival d’Avignon
1998, sa compagnie est accueillie en résidence au
Forum du Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis et soutenue
par le Théâtre Gérard Philipe (sous la direction de
Stanislas Nordey).
La compagnie y développe son travail de création
sur des auteurs contemporains. Elle sera par la suite
en résidence à la Maison de la Culture d’Amiens, puis
associée à la Comédie de Reims et au Théâtre de
Saint-Quentin-en-Yvelines. Fidèle à son attachement
aux auteurs vivants, Arnaud Meunier poursuit un compagnonnage avec l’œuvre des auteurs qu’il affectionne, montant plusieurs pièces de Pier Paolo Pasolini,
Eddy Pallaro, Michel Vinaver, Oriza Hirata et Stefano
Massini.
De ce dernier, Arnaud Meunier mettra notamment en
scène Chapitres de la chute, Saga des Lehman Brothers, spectacle qui recevra le Grand prix du Syndicat
de la critique 2014, après sa nomination aux Molières.
Parallèlement, il travaille également pour l’Opéra en
tant que metteur en scène ou dramaturge.
Trilingue (Français, Allemand, Anglais), il a travaillé
au Japon, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Algérie, en
Italie, en Autriche, en Angleterre, en Norvège, au Maroc,
aux Emirats arabes unis, en Chine et aux États-Unis.
les années d’apprentissage de B-M Koltès
1958-1978
une part de ma vie, Entretiens, 1983-1989
1998
l’Héritage
les amertumes
1995
sallinger
1991
prologue
1988
roberto Zucco
le retour au désert
la nuit juste avant les forêts
1987
Dans la solitude des champs de coton
1985
quai ouest
1984
la suite à cheval très loin dans la ville
1983
la Famille des orties.
esquisses et croquis autour des paravents
de Jean Genet
20
tHéâtre
2015
opéra
Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès
2014
Prochaine création à La Comédie de Saint-Étienne
Ali Baba
Charles Lecocq – Albert Vanloo et William Busnach,
direction Jean-Pierre Haeck
2014
L’Émission de télévision de Michel Vinaver
Création à l’Opéra-Comique
Shangai Theatre Academy (Chine)
2014
2012
Femme non-rééducable de Stefano Massini
Maurice Ravel – Colette, direction Didier Puntos
Création au Théâtre de La Commune-
Création au Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence et
CDN d’Aubervilliers, suivie d’une tournée
2013
tournée
Chapitres de la chute de Stefano Massini
2008
Création à La Comédie de Saint-Étienne –
Dramaturge et collaborateur artistique pour Stanislas
Nordey
11 septembre 2001 de Michel Vinaver
Création mondiale à l’Opéra Garnier
Spectacle joué en avant-première à La Comédie
de SaintÉtienne et créé au Théâtre de la Ville
2007
collaborateur artistique pour Stanislas Nordey
Création au Théâtre du Nord à Lille
Création au Festival de Pâques de Salzbourg (avril
Coprod. Théâtre du Rond-Point et Théâtre de Marigny
2006)
Reprise à Covent Garden (Londres mai 2007)
Tori no tobu takasa
Une adaptation japonaise d’Oriza Hirata de
2005
Par-dessus bord de Michel Vinaver
Le Forum de Blanc Mesnil
Tournée en 2010 au Théâtre de la Ville à Paris
2003
King de Michel Vinaver
au
Reprise au Théâtre de la Commune
«
28e
Cantiere
Internazionale
d’Arte
de
Montepulciano » (Italie)
En Quête de Bonheur
2000
Oratorio poétique et philosophique
Tri Sestri
Peter Eötvos – Ingo Metzmacher
Création à la Comédie de Reims suivie d’une tournée
Assistant à la mise en scène de Stanislas Nordey
Reprise à la Maison de la poésie – Paris 2008
2006
Zeim re dei Geni
Opéra-Théâtre de Carlo Argeli représenté
Création au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines
2007
Le Cyclope
Opéra pour acteurs de Betsy Jolas d’après Euripide
Création au Kyoto Arts Center (Japon)
2008
Pelleas et Mélisande
Claude Debussy – Simon Ratlle
Le Problème de François Bégaudeau
2009
Mélancholia
Georg Friedrich Haas – Emilio Pomerico
CDN, suivie d’une tournée
2011
L’Enfant et les sortilèges
Création au
Reisnational Opera (Pays-Bas 1999) Assure seul la
Gens de Séoul d’Oriza Hirata
reprise dans
Création au Théâtre Nat. de Chaillot suivie d’une tournée
une distribution modifiée pour le Staatsoper de
La demande d’emploi de Michel Vinaver,
Hambourg
avec les comédiens des troupes Seinendan
(Allemagne 2000)
et Bungakuza, AGORA Théâtre, Tokyo
Avec les Armes de la poésie
à partir des poèmes de Pier Paolo Pasolini,
Nâzim Hikmet et Yannis Ritsos. Maison de la Poésie- Paris
De 2001 à 2005, il a aussi créé plusieurs pièces de Pier
Paolo Pasolini (Pylade et Affabulazione), d’Eddy Pallaro
(Cent Vingt-trois et Hany Ramzy), La vie est un rêve de
Pedro Calderón de la Barca, El Ajouad (Les Généreux)
d’Abdelkader Alloula
21
LES COMÉDIENS
CATHERINE HIEGEL
misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht ; Pereira prétend d’après Antonio Tabucchi créé au Festival d’Avignon en 1997. Ses dernières créations sont : Chère
Elena Sergueïevna de Ludmilla Razoumovskaïa, La
maman bohême suivie de Médée de Dario Fo et
Franca Rame qu’il a mis en scène avec Ariane Ascaride, May d’après un scénario d’Hanif Kureishi, Elle
est là de Nathalie Sarraute, Aden Arabie de Paul Nizan
et en 2010, les Fausses confidences de Marivaux,
Un soir, une ville… trois pièces de Daniel Keene, Que
la noce commence d’après un film d’Horatiu Malaele et La Dernière Neige d’après le récit de Hubert
Mingarelli, Conversations avec ma mère d’après un
matHilDe
catherine Hiegel se forme auprès de Raymond Girard
et Jacques Charon et entre au Conservatoire national d’art dramatique en 1968, elle suit les classes de
Jean Marchat, puis Lise Delamare. Elle entre à La
Comédie-Française le 1er février 1969 et devient sociétaire le 1er janvier 1976 puis sociétaire honoraire
le 1er janvier 2010. Elle a été dirigée par les plus grands
metteurs en scène, à La Comédie-Française et ailleurs,
notamment Jean-Luc Boutté, Jean Piat, Jean Meyer,
Jean-Paul Roussillon, Jorge Lavelli, Joël Jouanneau,
Michel Fagadau, Patrice Chéreau et Patrice Kerbrat.
Elle obtient à deux reprises le Prix du Syndicat de la
Critique de la meilleure comédienne en 1989 pour
La Veillée de Lars Norén mise en scène Jorge Lavelli
et en 2006 pour J’étais dans ma maison et j’attendais
que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce, mise en
scène Joël Jouanneau. En 2007, elle obtient le Molière de la meilleure comédienne dans un second rôle
pour Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès mise
en scène Muriel Mayette et en 2011, celui de la meilleure comédienne pour La Mère de Florian Zeller mise
en scène Marcial Di Fonzo Bo. En janvier 2012, elle
met en scène au Théâtre de la Porte Saint-Martin Le
Bourgeois Gentilhomme de Molière avec François
Morel.
Au cinéma, elle a été dirigée notamment par Bruno
Podalydès (Adieu Berthe ou l’enterrement de Mémé, 2012), Bertrand Blier (Les Côtelettes, 2002), Dominique Cabrera (L’Autre Côté de la mer, 1996), Josiane Balasko (Gazon maudit, 1994), Étienne Chatiliez
(La vie est un long fleuve tranquille, 1988).
DIDIER BEZACE
scénario de Santiago Carlos Ovés qu’il a interprété
en 2008 aux côtés d’Isabelle Sadoyan.
Au théâtre, sous la direction d’autres metteurs en
scène, il a interprété de nombreux textes contemporains et classiques notamment Les Fausses Confidences de Marivaux dans lesquelles il interprétait aux
côtés de Nathalie Baye le rôle de Dubois, ou plus
récemment Après la répétition de Bergman mise en
scène par Laurent Laffargue.
Au cinéma et à la télévision, il a travaillé entre autres,
avec Claude Miller, Jean-Louis Benoit, Pascale Ferran,
Claude Zidi, André Téchiné, Marcel Bluwal, Delphine De Vigan, Bertrand Tavernier, Caroline Huppert, etc.
Didier Bezace a reçu en 2011 le prix SACD du théâtre.
RENÉ TURQUOIS
matHieu
Né en 1986 à Châtellerault dans la Vienne, rené turquois
participe à diverses productions en parallèle de sa
scolarité. En 2006, il rentre au conservatoire de Tours,
où il travaille notamment avec Philippe Lebas, Christine Joly, Cyril Casmèze, Vincent Dissez, Arnaud Pirault et Alain Bézu.
En 2009, il intègre l’École de la Comédie de SaintÉtienne, École supérieure d’Art dramatique, sous la
direction de Jean-Claude Berutti, puis d’Arnaud Meunier. Il y travaille entre autres avec Valérie Bezançon,
Antoine Caubet, Delphine Gleize, Jean-Marie Villégier,
Lev Dodine et Olivier Py. Durant sa formation, il joue
également sous la direction de Gwenaël Morin
(Introspection de Peter Handke), Michel Raskine
(Don Juan revient de guerre d’Ödön von Horváth),
François Rancillac (Lanceurs de graines de Jean Giono)
et Robert Cantarella (Un jeune se tue de Christophe
Honoré). Dès sa sortie en 2012, il rejoint l’équipe de
aDrien
Co-fondateur en 1970 du Théâtre de l’Aquarium à la
Cartoucherie, il a participé à tous les spectacles du
Théâtre de l’Aquarium depuis sa création jusqu’en
1997 en tant qu’auteur, comédien ou metteur en scène. Il a été le directeur du Théâtre de la Commune
d’Aubervilliers du 1er juillet 1997 au 31 décembre 2013
et continue d’être acteur au cinéma et au théâtre.
Ses réalisations les plus marquantes en tant qu’adaptateur et metteur en scène sont Le Piège d’après
Emmanuel Bove ; Les Heures Blanches d’après La
Maladie Humaine de Ferdinando Camon ; La Noce
chez les petits bourgeois suivie de Grand’peur et
22
Valère Novarina pour la création de L’ Atelier Volant
au Théâtre du Rond-Point, à Paris. Sous la direction
d’Arnaud Meunier, il interprète Mayer « Bulbe » l’un
des frères Lehman dans Chapitres de la chute du
jeune auteur florentin Stefano Massini.
NATHALIE MATTER
Il associe également mise en scène et scénographie
pour Le Songe d’une nuit d’été (création 2012 Comédie de SaintÉtienne), Jules, le petit garçon et l’allumette de Sabine Revillet et Julien Rocha.
Cédric Veschambre est co-fondateur et co-directeur
artistique de la Compagnie Le Souffleur de verre
(compagnie associée à La Comédie de Saint-Étienne – CDN) et est membre de l’Ensemble artistique
de La Comédie de Saint-Étienne.
Fatima
Issue des ateliers du Sapajou dirigés par Annie Noël,
elle travaille avec Arnaud Meunier depuis la création
de la Compagnie de la Mauvaise Graine et joue dans
la quasi totalité de ses spectacles, dont En quête de
bonheur, Tori no tobu takasa, et 11 septembre 2001.
En 2003 et 2004, elle met en scène Couple à trois de
Barry Hall et Histoire d’amour (dernier chapitre) de
Jean-Luc Lagarce, Teta Veleta d’après des écrits et
poèmes de Pier Paolo Pasolini.
En 2007, elle assiste Laure Bonnet sur la création du
BFG d’après Roald Dahl. Depuis plus d’un an, elle
prête régulièrement sa voix aux différents projets de
Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin. Elle travaille
également en Alsace avec la compagnie des Compagnons de Daoloth, dirigée par Pierre-Étienne Vilbert.
En 2013, elle joue au Théâtre Dijon Bourgogne au
côté d’Emmanuel Vérité dans Qu’est ce que le théâtre ? d’Hervé Blutsch et dans Fausse suivante 1.5,
deux spectacles mis en scène par Benoît Lambert.
Depuis 2011, elle est membre de l’Ensemble artistique de La Comédie de Saint-Étienne
ELISABETH DOLL
martHe
Formée à l’École du Théâtre des deux Rives à Rouen
avec Michel Bézu et Catherine Delattres, puis au Théâtre Gérard Philippe avec Philippe Duclos, elle rencontre Didier Georges Gabily dans son atelier/laboratoire et participe pendant quatre années aux spectacles du Groupe T’Chang : Des cercueils de zinc,
Enfonçure et la trilogie Gibiers du temps.
Ces dernières années, elle a travaillé pour Arnaud
Meunier, Serge Tranvouez, Jean-Michel Rivinoff et
Philippe Labaune.
Depuis 15 ans, elle prend part aux créations et aux
ateliers de Bruno Meyssat, en France comme à l’étranger, soit en tant qu’actrice, soit en tant qu’assistante : De la part du Ciel, Est-il vrai que je m’en
vais ?, Rondes de nuits, Beckett pièces courtes,
Imentet, Forces 1915/2008, Observer, 15 % et Apollo.
ISABELLE SADOYAN
CÉDRIC VESCHAMBRE
maame queuleu
éDouarD
Après des études au Conservatoire de Lyon, sa carrière commence avec sa rencontre avec Roger Planchon. Avec lui et quelques comédiens lyonnais se crée
donc à Lyon, le Théâtre de la Comédie qui présente
des œuvres du répertoire classique mais privilégie les
auteurs contemporains. Ils sont les premiers à jouer
Vinaver et montent aussi Brecht, Roger Vitrac, Ionesco,
Arthur Adamov. Le Théâtre de la Comédie est ensuite
transféré à Villeurbanne sous le nom de Théâtre de
la Cité devenu par la suite le TNP (Théâtre National
Populaire).
isabelle sadoyan quitte la troupe de Planchon en 1976
et s’installe à Paris où elle joue sous la direction de
Jacques Rosner, Robert Gironès, Jacques Lassalle,
Gabriel Garran, Françoise Coupat, Jean-Pierre Vincent,
Alain Milianti, Gilles Chavassieux, Jacques Bioules,
Jorge Lavelli, Laurent Terzieff, Catherine Anne ou
encore Bruno Bayen et Didier Bezace.
En 2010, elle est nommée pour le Molière de la meilleure comédienne dans un second rôle pour Les Fausses Confidences, mise en scène par Didier Bezace.
Entré au Conservatoire national de région de ClermontFerrand puis à l’École supérieure d’Art dramatique
de la Comédie de Saint-Étienne, cédric Veschambre
se forme auprès de Christian Colin, Daniel Girard,
Eric Vignier, Anatoli Vassiliev, Lucien Marchal…
Il multiplie les expériences de comédien auprès de
Louis Bonnet, Frédéric De Goldfiem, André Tardy,
Béatrice Courtois, Béatrice Bompas (L’Oiseau bleu
de Maeterlinck, Funérailles d’hiver d’Anokh Levin),
Julien Rocha (Angels in America – quatuor d’après
Tony Kushner, Candide ou le nigaud dans le jardin
d’après Voltaire, Gulliver d’après Jonathan Swift, Le
médecin malgré lui d’après Molière), Jérôme Wacquiez (Oubliés de Jean-Rock Gaudreault).
Il lie mise en scène et jeu de comédien avec Les
gens que j’aime de Sabine Revillet (création 2014 La
Comédie de Saint-Etienne), Le Roi Nu d’après Evguéni Schwartz (création 2013 Les Estivales de La Bâtie
d’Urfé), Prior’s Band d’après Angels in America de Tony
Kushner.
23
Elle travaille pour la télévision et beaucoup pour le
cinéma où elle tourne sous la direction entre autres de
Claude Sautet, Luis Buñuel, Jeanne Moreau, Claude
Chabrol, Luc Besson, Claude Lelouch, Jean-Luc Godard,
Henri Verneuil, Krzysztof Kieslowski, Bertrand Tavernier, etc.
Isabelle Sadoyan est Chevalier des Arts et des Lettres
et Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur.
Il participera aussi à des fictions radio sous la direction
de Mariannick Bellot, Christine Bernard-Sugy, Angélique
Tibau, Amandine Casadamont, Juliette Heymann, Ilina
Navaro.
Il met en scène Le Masque Boiteux de Koffi Kwahulé
et Homme pour Homme de Bertolt Brecht.
Actuellement, il fait partit de deux groupes musicaux
« Sons Libres » et « Le Manège » en tant que percussionniste et chanteur.
KHEIREDDINE LARDJAM aZiZ
RIAD GAHMI
En 1998, il crée à Oran en Algérie la compagnie El
Ajouad : titre d’une œuvre d’Abdelkader Alloula, premier artiste et dramaturge assassiné en Algérie en
1994 par les islamistes, auteur déterminant dans le
parcours de Kheireddine lardjam qui s’engage à
défendre son œuvre. En 2009, il est en résidence au
Centre dramatique de Valence. En janvier 2011, il met
en scène De la salive comme oxygène de Pauline
Sales au Centre dramatique de Sartrouville. Il intègre
le collectif d’artistes du Préau, Centre dramatique
régional de Vire (saison 10/11). En 2012, il crée Le
Poète comme boxeur de Kateb Yacine au théâtre
de Béjaia en Algérie et Les Borgnes de Mustapha
Benfodil à l’ARC Scène nationale du Creusot.
En 2013, il crée au Caire (Égypte) End/Igné de Mustapha Benfodil présenté la même année au festival
d’Avignon. En Janvier 2015, il créera Page en construction de Fabrice Melquiot à la Filature, Scène
nationale de Mulhouse. Un texte qu’il incarnera sur
scène avec trois musiciens pour raconter l’histoire
commune entre l’Algérie et la France.
Il continue aujourd’hui d’exercer son métier à Oran.
Il est l’un des rares metteurs en scène algérien dont
les spectacles tournent en Algérie et également en
France de façon régulière.
saïFi
riad Gahmi est formé à l’École de La Comédie de
Saint-Étienne entre 2003 et 2006. En 2007, il emménage au Caire, en Égypte. Il y suit une formation à la
langue arabe, qu’il poursuit actuellement à l’ENS de
Lyon, et entame l’écriture d’une trilogie théâtrale fortement marquée par le Moyen-Orient, son histoire
coloniale, et ses relations conflictuelles avec le « monde
occidental », dans leurs réalités concrètes et symboliques. À son retour en France en 2009, il joue notamment sous la direction de Philippe Vincent, avec
qui il coécrit en 2011, la pièce Un arabe dans mon
miroir créée au Caire, puis à New-York. En 2012,
Riad Gahmi met en scène dans trois villes d’Israël,
sa pièce Le jour est la nuit, consacrée au conflit
israélo-palestinien. Depuis 2013, il est auteur associé à la compagnie Scènes de Philippe Vincent, qui
met en scène la même année sa pièce Où et quand
nous sommes morts ; comédie politique, sombre et
de droite; et depuis 2014, auteur associé à La Comédie
de Saint-Étienne, en vue de la création de son nouveau texte Gonzo, en partenariat avec le T.N.P.
LOUIS BONNET
plantiÈres
Ancien élève de Jean Dasté, et membre permanent
de La Comédie de Saint-Étienne de 1975 à 2013, il
conjugue les activités de comédien et de metteur en
scène. Il a travaillé à de nombreuses reprises avec
Daniel Benoin, alors directeur de La Comédie de
Saint-Étienne (George Dandin, Faust, Woyzeck, Les
Sept Portes, Maître Puntila et son valet Matti…).
Jean-Claude Drouot l’a dirigé dans Gengis Khan de
Bauchau, Hans Peter Cloos dans Lulu de Wedekind.
Avec Jean-Claude Berutti, il joue La Chute, Beaucoup de bruit pour rien, La Cantatrice chauve, La
Gonfle, L’Envolée.
Avec François Rancillac, il joue dans Biedermann et
les incendiaires. Dernièrement, il a joué dans Les Enfants du siècle de Musset, mis en scène par Benoît
Lambert. Il a mis en scène Pérec, Pinter, Anouilh, Koltès
ADAMA DIOP
le GranD paracHutiste noir
adama Diop est comédien, musicien et metteur en
scène. Né à Dakar au Sénégal en 1981, il vient en
France en 2002 pour se former au Conservatoire national d’art dramatique de Montpellier. Après trois riches années de rencontres, il décide de continuer
ses études. C’est ainsi qu’il intègre en 2005 le Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris.
Dès sa sortie de l’école, il joue sous la direction de
Bernard Sobel, puis travaillera par la suite avec Yves
Beaunesne, Patrick Pineau, Christophe Perton, Marion
Guerrero, Gilles Bouillon, Jean-Pierre Baro, Jean Boillot,
Cendre Chassanne…
24
En 2012, il a joué dans le spectacle Pour Louis de
Funès de Valère Novarina mis en scène par Philip
Boulay. En 2014, dans Non-réconciliés mis en scène
ou Beckett et plus récemment Denise Bonal. En 2013,
au Théâtres de la Ville de Luxembourg, il joue dans
Pour une heure plus belle de Daniel Keene mis en
scène par Myriam Müller
STÉPHANE PIVETEAU
par Matthieu Cruciani. Il est membre de l’Ensemble
artistique de La Comédie de Saint-Étienne.
borny
C’est à l’université Rennes 2 qu’il rencontre les gens
auprès de qui il a choisi de se former. Au cours de
travaux de recherches et de spectacles, il a travaillé avec Denis Lebert et Nadia Vonderheyden, tous
deux proches de Didier-Georges Gabily. Depuis, il
privilégie les aventures collectives s’inscrivant dans
la durée, notamment avec François Tizon (Melancholia 1, La Dernière partie de Jon Fosse), Cédric Gourmelon (Premier Village de Vincent Guédon), Rachid
Zanouda (La Conquête du Pôle Sud de Manfred
Karge), et avec les compagnies Théâtre à L’Envers
(Là de Benoît Gasnier), ou Lumière d’Août (Artémisia
Vulgaris de Marine Bachelot). Lors de stages, il
poursuit sa formation auprès de metteurs en scène
tels Matthias Langhoff, Pierre Meunier, Christian Esnay.
Sous la direction d’Arnaud Meunier, il a joué dans
Gens de Séoul d’Oriza Hirata, Cent Vingt-Trois d’Eddy
Pallaro, En quête de bonheur, 11 septembre 2001 et
tout récemment dans Chapitres de la chute de Stefano
Massini dans lequel il interprétait Herbert Lehman.
Il est membre de l’Ensemble artistique de La
Comédie de Saint-Étienne.
PHILIPPE DURAND
sablon
Formé au cours Florent et aux Ateliers du Sapajou,
philippe Durand travaille pour la télévision dans des
films de Christiane Lehérissey, Elisabeth Rappeneau,
Denis Maleval, Bruno Gantillon, Roger Kahane, Rodolphe Tissot ; mais également au cinéma avec HoLam,
Sarah Leonor, Doug Liman (USA), Julien Leclercq,
Jean-Jacques Jauffret, Guillaume Gallienne…
Au théâtre, il participe à divers projets avec Kheireddine Lardjam (Algérie) et avec Michel Vinaver
dans À la renverse et Iphigénie hôtel. Depuis 2002,
il participe à de nombreuses créations dirigées par
Arnaud Meunier, dont : Rama, Pylade, Entrez dans le
théâtre des oreilles, La vie est un rêve, Gens de
Séoul d’Oriza Hirata, Avec les armes de la poésie
(Victoire de Pier Paolo Pasolini et Il neige dans la
nuit de Nazim Hikmet), King, 11 septembre 2001 et tout
récemment dans Chapitres de la chute de Stefano
Massini dans lequel il interprétait Henry Lehman, premier frère à immigrer en Alabama.
25
TOURNÉE 2015 I 2016
2 et 3 décembre
La Faïencerie Théâtre de Creil - chambly
8 au 11 décembre
Théâtre Dijon Bourgogne - CDN
15 et 16 décembre
Théâtre de saint-quentin-en-yvelines, scène nationale
6 au 8 janvier
Le Quartz - Scène nationale, brest
12 au 14 janvier
La Coursive, Scène nationale de la rochelle
3 au 11 février
Célestins, Théâtre de lyon, en collaboration avec le Théâtre National Populaire
24 et 25 février
Comédie de caen - Centre dramatique national normand
29 février 2016
Les Scènes du Jura- Scène nationale
RENCONTRES
24 & 26 JanVier 2016
Représentation avec audiodescription
Réalisation Accès Culture – Avec le soutien de la Fondation Étienne et Maria Raze
DimancHe 24 JanVier À L’ISSUE DE LA REPÉSENTATION
en présence de l’équipe artistique
LIBRAIRIE
• Toutes les pièces de Bernard-Marie Koltès sont éditées aux éditions de Minuit.
AUTOUR DE L’AUTEUR :
• relire Koltès, sous la direction de Marie-Claude Hubert & Florence Bernard
(Presses universitaires de Provence)
• Koltès dramaturge, Anne-Françoise Benhamou (Solitaires intempestifs)
• bernard-marie Koltès, Brigitte Salino (Stock)
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