SCHAUBÜHNE BERLIN ROMEO CASTELLUCCI FRIEDRICH HÖLDERLIN D’APRES SOPHOCLE CRÉATION Ödipus derBERNARD-MARIE KOLTÈS ARNAUD MEUNIER Tyrann CRÉATION Le Retour au désert EN ALLEMAND SURTITRÉ EN FRANÇAIS 20 < 24 NOVEMBRE 2015 찞 émilie paillot graphiste - © -Sonia Barcet - RC- BOBIGNY 562 562 128 128 397 397 - LICENCES 1-1051016/2-1051017/3-1051015 - impression StipaStipa 찞 émilie paillot graphiste © Arno Declair RC BOBIGNY - LICENCES 1-1051016/2-1051017/3-1051015 - impression { AU THÉÂTRE DE LA VILLE } AVEC DIDIER BEZACE, LOUIS BONNET, ÉMILIE CAPLIEZ, ADAMA DIOP, ÉLISABETH DOLL, PHILIPPE DURAND, RIAD GAHMI, CATHERINE HIEGEL, KHEIREDDINE LARDJAM, NATHALIE MATTER, STÉPHANE PIVETEAU, ISABELLE SADOYAN, RENÉ TURQUOIS, CÉDRIC VESCHAMBRE 20 < 31 JANVIER 2016 { AU THÉÂTRE DE LA VILLE } Dossier pédagogique saison 2015 i 2016 theatredelaville-paris.com établi par la coméDie De saint-etienne 2 PLACE DU CHÂTELET PARIS 4 • 01 42 74 22 77 BERNARD-MARIE KOLTÈS ARNAUD MEUNIER Le Retour au désert TEXTE bernard-marie Koltès arnaud meunier création AVEC Didier bezace ADRIEN louis bonnet PLANTIÈRES émilie capliez MARIE ROZÉRIEULLES adama Diop LE GRAND PARACHUTISTE elisabeth Doll MARTHE philippe Durand SABLON riad Gahmi SAÏFI catherine Hiegel MATHILDE Kheireddine lardjam AZIZ nathalie matter FATIMA stéphane piveteau BORNY isabelle sadoyan MAAME QUEULEU rené turquois MATHIEU cédric Veschambre ÉDOUARD MISE EN SCÈNE ASSISTANTES À LA MISE EN SCÈNE elsa imbert, émilie capliez STAGIAIRE DRAMATURGE Vivien Hébert SCÉNOGRAPHIE Damien caille-perret LUMIÈRES nicolas marie SON benjamin Jaussaud VIDÉO pierre nouvel COSTUMES anne autran COLLABORATION ARTISTIQUE DE Jean-charles Di Zazzo POSTICHES la malle à perruques /patricia Debrosse MAQUILLAGE EFFETS SPÉCIAUX Delphine boyer MAQUILLAGE ET COIFFURE Virginie mizzon ACCESSOIRES Hubert blanchet NOIR DÉCOR ET COSTUMES ateliers de la comédie de saint-étienne DURÉE 2H proDuction La Comédie de Saint-Étienne, Centre dramatique national coproDuction Célestins, Théâtre de Lyon – Théâtre de la Ville-Paris - Scène nationale d’Albi – Théâtre National Populaire, Villeurbanne © Sonia Barcet RELATIONS TROUBLES catherine Hiegel et Didier bezace dans l’écriture acérée et narquoise de Koltès. De retour d’Algérie, au moment où le pays devient indépendant, Mathilde arrive chez son frère, propriétaire d’une usine. Et bernard-marie Koltès s’en donne à cœur joie dans le portrait acéré et narquois d’une bourgeoisie qui tire le rideau sur son passé colonialiste, refoule toute forme de culpabilité, revendique la bonne conscience comme un bien familial, au même titre que l’usine, le nom, la maison. Parce qu’il est lié à l’Algérie où il a fait de nombreux séjours, arnaud meunier est particulièrement attaché à cette pièce qui met en lumière « nos relations troubles avec notre ancien département » tout comme « notre relation à l’autre, aux étrangers, à l’immigration ». C’est dire si le temps est venu de la faire à nouveau entendre, portée par une troupe réunie autour de catherine Hiegel et Didier bezace. colette Godard 2 SOMMAIRE comédie acide p. 4 présentation p. 5 le projet p. 6 note d’intention p. 7 note d’intention scénographique p. 9 recontextualisation de l’œuvre 3 et de l’écriture p. 10 pistes pédagogiques p. 15 extraits des textes p. 17 bernard-marie Koltès p. 19 arnaud meunier p. 20 tournée i rencontres i librairie p. 26 COMÉDIE ACIDE en réponse à l’inquiétude que suscite la montée du Front national, arnaud meunier reprend avec catherine Hiegel et Didier bezace, Le Retour au désert, une pièce de bernard-marie Koltès qui a pour toile de fond la France des années 1960, minée par la guerre d’algérie. Dans Le Retour au désert, pièce créée en 1988, une femme rentre chez elle (Mathilde, rôle écrit pour Jacqueline Maillan, ici incarné par catherine Hiegel), dans une petite ville française du début des années 1960. Elle revient d’Algérie, avec ses deux enfants, pour reprendre ses droits sur la maison familiale qu’occupe son frère, un ponte de la bourgeoisie locale (Didier bezace reprend ce rôle interprété à la création par Michel Piccoli). En retrouvant la terre qui l’a vue naître, Mathilde fait face aux eaux troubles d’un pays submergé par des idées et des agissements délétères. Un pays sur lequel plane des zones d’ombre : les épurations sauvages de la libération, les attentats de l’OAS, la guerre d’Algérie, les sentiments racistes que nourrit une part grandissante de la population. Malgré tous ces fantômes, BernardMarie Koltès a conçu Le Retour au désert comme une comédie. Une comédie acide, violente, cruelle, dont Arnaud Meunier s’empare pour répondre au danger que représente la montée actuelle du Front national. Une nouvelle fois, le metteur en scène fait du théâtre un lieu de réflexion citoyenne. Il place la France de 2015 face à elle-même. En interrogeant notre mémoire et la notion d’étranger. Le théâtre d’arnaud meunier ? Un théâtre politique, ancré dans notre société. Un théâtre qui s’attache à dépasser le vase clos d’un microcosme artistique uniforme. Cela, non seulement pour se faire le miroir des questionnements et des problématiques de son époque, mais aussi pour rendre compte physiquement, concrètement, sur le plateau, de la réalité et la diversité du monde (rappelons-nous de sa mise en scène de 11 septembre 2001 de Michel Vinaver, présenté au Théâtre de la Ville avec quarante-cinq lycéenne-s de Seine-Saint-Denis). Ainsi, rien d’étonnant à ce que l’actuel directeur du Centre dramatique national de Saint-Etienne ait baptisé la compagnie qu’il a fondée en 1997 Compagnie de la Mauvaise Graine. Rien d’étonnant, non plus à ce qu’il investisse aujourd’hui l’écriture de bernard-marie Koltès, auteur dont l’œuvre est traversée par les thèmes de la marge, de la différence, de l’exclusion… manuel piolat soleymat 4 PRÉSENTATION MATHILDE - «… Où est-elle la terre sur laquelle je pourrais me coucher ? En Algérie, je suis une étrangère et je rêve de la France ; en France, je suis encore plus étrangère et je rêve d’Alger. Est-ce que la patrie, c’est l’endroit où l’on n’est pas ?… » Dans cette étrange maison entourée de hauts murs, Mathilde Serpenoise débarque un beau matin des années 1960, avec enfants et bagages. Voici quinze ans qu’elle avait quitté ce lieu pour l’Algérie. Aujourd’hui, elle entend bien récupérer son dû. Mais, Adrien, son frère, ne l’entend pas ainsi. Un affrontement explosif reprend entre le frère et la sœur. Les deux camps se déchirent, tandis que des événements surprenants se produisent au dedans, comme au dehors, évoquant eux aussi la violence de cette guerre que nul n’accepte de nommer. L’Histoire franco-algérienne est pleine de fantômes, Koltès leur donne vie. Son écriture puise dans les nondits qui tissent l’incompréhension commune entre ces deux pays. Parce qu’il a la conviction que notre relation à l’immigration reste liée à ce passé occulté, arnaud meunier, depuis longtemps déjà, désirait aborder cet épisode de notre Histoire. Le Retour au désert lui offre cette opportunité, par le biais d’une formidable comédie. D’irrésistibles dialogues y côtoient des éléments fantastiques. Profondeur, poésie et ironie ne cessent d’y flirter ensemble… Pour incarner cet ovni théâtral, le metteur en scène retrouve plusieurs fidèles. À leurs côtés, catherine Hiegel incarne Mathilde, Didier bezace, Adrien. 5 LE PROJET une coméDie Féroce On y retrouve son sens du rythme et son goût pour les mécaniques implacables. Mais cette fois, le rire provoqué chez le spectateur se veut jaune, incisif, grinçant. C’est cela que je souhaite mettre en scène : cet humour noir sur fond de revenants, de mémoire interdite et de bourgeoisie déliquescente pour mieux entrevoir les causes du mal. Car c’est bien la montée des populismes et notamment du vote FN en milieu rural qui rend urgent et nécessaire de revisiter cette pièce, finalement assez peu montée. Dans une petite ville de province du début des années 1960, en apparence paisible, une femme rentre d’Algérie avec ses deux enfants pour s’installer dans la maison familiale où réside son frère. Le caractère entier et sans compromis de Mathilde va alors vite trancher avec l’évidente notabilité autoritaire d’Adrien, propriétaire d’usine. Mathilde semble fuir ce qu’on appelle alors les événements d’Algérie et vient récupérer son dû : la moitié des biens familiaux détenus par son frère. Elle fera rapidement voler en éclat les faux-semblants d’ordre et de paix et va réveiller dans ce « désert » les secrets et les non-dits de cette petite communauté provinciale. un proJet De troupe Treize comédiens rythmeront cette étrange histoire, emmenés par le duo central que formeront catherine Hiegel (Mathilde) et Didier bezace (Adrien). Il s’agira de leur première rencontre au plateau. Deux monstres sacrés troubles et inquiétants pour incarner ce rapport au passé, à notre amnésie organisée, à notre ambiguïté face à l’Algérie. Onze complices notamment issus de l’Ensemble artistique de La Comédie de Saint-Etienne compléteront la distribution. un conte Fantastique Au-delà de la fable, Le Retour au désert est avant tout une convocation de notre mémoire coloniale et de ses zones d’ombres. Une pièce sur notre culpabilité, sur ce que l’on n’assume pas, sur ce que l’on voudrait tant taire ou oublier. Encore aujourd’hui, notre relation à l’Algérie est trouble, schizophrénique. Comme si c’était toujours douloureux, encore trop frais, impossible à résoudre. Koltès peuple la pièce de fantômes, comme celui de Marie, la femme défunte d’Adrien ; de désir d’envol et d’ailleurs ; de malédictions et d’extravagances. arnaud meunier, juin 2014 6 NOTE D’INTENTION « Il ne faut plus parler de l’Algérie. Y’a rien à en dire. Faut pas jeter de l’huile sur le feu. - Parce qu’y a le feu ? - Façon de parler. On pourrait avoir des problèmes. - Des problèmes ? Quels problèmes ? Avec qui ? Fabrice melquiot, page en construction, - Faut éviter d’en parler. À quoi ça sert ? » Il y a quelque chose qui ne passe pas. C’est une histoire qu’on n’a pas réglée. Rien à faire. Plus de cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie et trois générations plus tard, ça reste compliqué, tabou, difficile à commémorer, à officialiser, à raconter. Des histoires de harkis, de tortures par l’armée française, des volontés de faire reconnaître « le rôle positif de la colonisation », des imbroglios diplomatiques : tout ça sur fond d’intérêts économiques et stratégiques… texte écrit pour Kheireddine lardjam À Oran, j’étais frappé par l’attraction et la fascination que la France exerçait sur tous ces jeunes et en même temps par leur rancœur et leur amertume qu’ils ne dissimulaient pas. Des reproches et des malentendus constamment. Je n’avais pas dit à mon père que j’allais en Algérie. Le pays était encore considéré comme dangereux et je ne voulais pas l’inquiéter. Mais plus encore, je pense que je ne voulais pas réveiller ses souvenirs qui m’ont toujours paru mélancoliques et douloureux. Ce n’est que très récemment, par exemple, que j’ai compris qu’un de ses amis de longue date avait probablement été OAS. Un tatouage sur le bras montrant une tombe m’intriguait et m’effrayait quand j’étais enfant. Pressé par mes questions, mon père m’avouait, il y a peu de temps et à demi-mots, qu’il « avait fait des conneries », qu’il « était jeune »… Mon père n’est pas né en Algérie mais il y a grandi. De son enfance à Alger, il n’a jamais raconté grand chose mais nous avons toujours senti, mes frères et moi, qu’il y restait profondément attaché. Comme une carte postale heureuse et nostalgique qu’il ne faudrait pas abîmer. Un jardin secret. Quelque chose de très sentimental et d’affectif. En 2002, année de l’Algérie en France, je suis parti travailler à Oran. Une toute jeune compagnie de théâtre liée à la veuve du dramaturge algérien assassiné pendant les années noires, faisait revivre avec générosité et enthousiasme les pièces phares d’Abdelkader Alloula. Après un mois passé auprès d’eux, j’ai décidé de jumeler ma compagnie à la leur. Ensemble nous avons créé El Ajouad au Forum du Blanc-Mesnil, puis Kheireddine, le chef de troupe, est venu m’assister à la mise en scène sur Pylade de Pasolini. En 2010, je suis retourné en Algérie. En tournée avec ma compagnie. Cette fois, j’allais à Alger, la ville d’enfance de mon père. Je lui ai proposé de venir. « Je n’en ai pas le courage », me dira t-il. Je prendrai des photos pour lui montrer. « Ça n’a pas changé », me répondra t-il. Depuis longtemps, j’ai envie de mettre en scène cette histoire de nos relations troubles avec notre « ancien département français ». Parce que je sens intimement, qu’une bonne partie de notre histoire collective s’est nouée là-bas. Que notre relation à l’autre, aux étrangers, à l’immigration, reste liée à ce passé colonial sous silence. Je réalisais alors que près d’un tiers de ma compagnie avait une relation plus ou moins directe à l’Algérie. J’étais stupéfait. L’un avait un père para pendant la guerre, une autre une demi-sœur mariée avec un algérien, une autre encore une mère née là-bas… Nous n’en savions rien, nous n’en avions jamais parlé. Pourquoi faire ? En 2006, je faisais un pas de côté en montant Gens de Séoul d’Oriza Hirata qui racontait le début de la colonisation japonaise en Corée. Mué par la conviction 7 qu’on ne pouvait pas, de manière intéressante et pertinente, affronter notre histoire algérienne frontalement. Que toutes les pièces que je lisais sur le sujet me paraissaient faibles et schématiques ; qu’il fallait plus creuser du côté de l’intime. Heiner Müller pour son Quartett. Deux « monstres sacrés ». Chéreau avait Maillan et Piccoli ; Nichet, Boyer et Chattot. J’ai rêvé au tandem Hiegel et Bezace. J’admire Catherine depuis longtemps. Sa force, son intensité, sa ligne claire. Son goût pour la comédie aussi. Ensemble, nous avons réalisé une dramatique pour France Culture sur un texte inédit de François Bégaudeau : Le Foie. De son côté, Kheireddine Lardjam mettait en scène des auteurs algériens (Mustapha Benfodil, Maïssa Bey, Kateb Yacine, Rachid Boudjedra) qui parlaient tous de l’Algérie contemporaine et de son inextricable lien à la France… Didier Bezace a la carrure, la démesure même du rôle. Un « gorille ». Notre complicité s’est nouée à Aubervilliers où il m’a invité deux fois comme metteur en scène, avec King de Michel Vinaver et plus récemment avec Femme non-rééducable de Stefano Massini. L’évidence du Retour au désert s’est faite à partir de là. En la relisant récemment, elle m’apparaissait comme le trait d’union de ce que nous cherchions lui et moi – chacun de son côté – à raconter de nos deux pays, de notre histoire commune, aujourd’hui encore désespérément muette et peu traitée sur nos plateaux. Kheireddine n’était-il pas devenu comme Aziz, un couillon pas vraiment français et plus vraiment algérien ? À partir d’eux et avec eux, je veux imaginer un spectacle de troupe, où l’on retrouve mes complices. Une comédie féroce comme un geste salutaire. Un sursaut par le plateau. Koltès raconte la genèse de la pièce et la fait justement remonter à ses souvenirs d’enfance à Metz, ville de militaires : « On peut éprouver des émotions à partir des événements qui se déroulent au dehors. En province, tout cela se passait quand même d’une manière étrange : l’Algérie semblait ne pas exister et pourtant les cafés explosaient et on jetait les Arabes dans les fleuves. Il y avait cette violence-là, à laquelle un enfant est sensible et à laquelle il ne comprend rien. » Au moment où le Front National arrive en tête des élections européennes et face à une Europe tout entière qui vit le retour des populismes et des nationalismes ; de la mesquinerie, du repli sur soi, j’ai l’impression que toutes les raisons intimes qui ont poussé Koltès à écrire Le Retour au désert sont miennes. Que son projet d’écriture coïncide parfaitement à ma nécessité de mise en scène. Que cette pièce doit être (re)vue et (ré)entendue, maintenant. Notre histoire franco-algérienne est pleine de fantômes. Koltès leur donne vie. Ce sera un axe fort de ma mise en scène. Celui du fantastique. Il permettra de donner toute sa place à l’humour noir et à la profondeur. Le Retour au désert part de là. D’une incompréhension, de secrets, de non-dits. D’une maison entourée de hauts murs pour mieux se barricader ; d’un fils qui rêve de partir ; d’un autre qui veut s’envoler ; d’une femme disparue étrangement et qui vient hanter la maison familiale ; d’un parachutiste noir tombé du ciel qui enfantera mystérieusement. Comme toujours chez Koltès, c’est par la langue – très rythmique et très musicale, comme chez Stefano Massini d’ailleurs – que se construisent les personnages et la dramaturgie. Ce rythme sera au cœur du spectacle et du plaisir du spectateur, que Koltès recherche sans ambages. Le Retour au désert part aussi et paradoxalement, d’une admiration pour une actrice inhabituelle pour le Théâtre public : Jacqueline Maillan. Quand il écrit la pièce : c’est pour elle. Pour casser les codes d’un théâtre austère, rétif à la comédie, entre soi et désespérément blanc. Il voulait sortir d’un théâtre qui tournait en rond. Plaisir, comédie, humour noir : comme chez Gogol, l’ironie sera alors une arme poétique, très puissante et très stimulante. « Il ne faut pas prendre ma pièce au sérieux. Avant, il me semblait évident que j’étais ironique, mais on ne le voyait pas, cela devenait pénible. Maintenant, avec Le Retour au désert, il est impossible de faire quelque chose de tragique. » Le Retour au désert est donc un ovni théâtral : une véritable comédie sur un sujet délicat, douloureux et intime. Et en cela, il est un défi passionnant pour la mise en scène. arnaud meunier, 8 octobre 2014 Il exige, à mon sens, un duo d’acteurs très particulier pour incarner Mathilde et Adrien. Comme l’imaginait 8 NOTE D’INTENTION SCÉNOGRAPHIQUE La pièce se passe pour l’essentiel dans la maison des Serpenoise que Koltès situe dans l’est de la France, dans les années 1960. Les scènes s’enchaînent, parfois rapidement, entre des intérieurs et des extérieurs. Les précisions – en trompe l’œil – qu’apporte Koltès à ces lieux pourraient nous orienter vers une certaine forme de réalisme. Mais la lecture que nous faisons de la pièce, et notamment celle des scènes du jardin, nous a amenée à explorer d’abord sa dimension fantastique et onirique. L’utilisation de ces deux espaces se fera de manière non restrictive et parfois sur le mode de la contamination, du débordement. Par exemple : du mobilier du salon pourra être posé sur l’herbe avec lampe, fauteuil, table basse. Autre exemple, la chambre : le lit, là encore posé sur l’herbe, la lampe de chevet arrivant des cintres, le rideau dans la maison, agité par le vent. Nous effectuerons ainsi des transversalités d’espaces, des migrations d’objets, comme un collage surréaliste. La scénographie comporte deux éléments principaux. Cette maison sera parfois masquée par un mur. Un mur qui protège, enferme. Un mur qu’on franchit, transgresse. Une masse imposante qui annule le regard ou l’oriente ailleurs. Elle s’est construite autour de cette idée d’un jardin fantastique et mystérieux : un sol constitué d’une végétation non réaliste, poétique, très sombre, voire noire, mais qui peut révéler des parties lumineuses. L’escalier du début est remplacé par une butte. La maison des Serpenoise est en soit un personnage de la pièce. Elle a sa réalité, sa densité, son mystère ; et le travail de la scénographie aura pour intention de créer immédiatement au regard du spectateur ce décalage vers le poétique à partir d’éléments au bord du réalisme. Sur cette herbe est posée une construction architecturale vitrée, moderne et simple, un bloc modulable pouvant changer d’aspect, de profondeur, occulté parfois par un rideau et qui, grâce à la lumière, le son, les projections vidéos ou par exemple du vent pourra lui aussi revêtir un aspect fantastique. Pour ce travail, notre inspiration a beaucoup à devoir aux œuvres de Gregory Crewdson et David Lachapelle. Damien caille-perret, janvier 2015 9 RECONTEXTUALISATION DE L’ŒUVRE ET DE L’ÉCRITURE J’étais à Metz en 1960. Mon père était officier, c’est à cette époque-là qu’il est rentré d’Algérie. En plus, le collège Saint-Clément était au cœur du quartier arabe. J’ai vécu l’arrivée du général Massu, les explosions des cafés arabes, tout cela de loin, sans opinion, et il ne m’en est resté que des impressions – les opinions je les ai eues plus tard. J’ai tenu à ne pas écrire une pièce sur la guerre d’Algérie, mais à montrer comment, à douze ans, on peut éprouver des émotions à partir des événements qui se déroulent au dehors. En province, tout cela se passait quand même d’une manière étrange : l’Algérie semblait ne pas exister et pourtant les cafés explosaient et on jetait les Arabes dans les fleuves. Il y avait cette violence-là, à laquelle un enfant est sensible et à laquelle il ne comprend rien. Entre douze et treize ans, les impressions sont décisives, je crois que c’est là que tout se décide. Tout. Moi, évidemment, en ce qui me concerne c’est probablement cela qui m’a amené à m’intéresser davantage aux étrangers qu’aux Français. J’ai très vite compris que c’était eux le sang neuf de la France, que si la France vivait sur le seul sang des Français, cela deviendrait un cauchemar, quelque chose comme la Suisse. La stérilité totale sur le plan artistique et sur tous les plans. Comment la représentation peut-elle laisser entendre et voir davantage qu’une faible proportion des richesses vives que l’écriture recèle, elle qui est tenue d’avancer, et de faire avancer le spectateur sans ralenti ni retour en arrière ? La densité du texte est à la fois le stimulant et l’obstacle. Plus elle est forte, plus le metteur en scène doit choisir et omettre, espérant néanmoins que quelque chose de ce qui n’est pas mis en avant sera capté de façon diffuse et entrera dans l’incontrôlable effet d’ensemble. michel Vinaver, écrivain in Alternatives théâtrales n°35-36 (septembre 1995), texte Sur Koltès p. 10 Pour moi ce qu’il y a d’énorme, c’est ce mélange de Rimbaud et de Faulkner. Les personnages sont construits et développés entièrement à partir du langage. En même temps on trouve dans ces textes une structure moliéresque. Cette structure moliéresque, cette structure d’aria apparaît le plus nettement dans Le Retour au désert. Ce qui a sans doute aussi à voir avec le sujet: la famille française dans laquelle soudain quelque chose d’étrange fait irruption. Ce que fait Koltès, c’est quelque chose de très rare dans l’écriture dramatique récente. Les pièces des autres auteurs n’ont souvent qu’une structure d’intrigue et l’intrigue est ennuyeuse au théâtre. Il faut plutôt rendre obscure ou faire sauter cette structure d’intrigue. Chez Koltès par contre il y a une structure d’aria. Cela veut dire que l’auteur est plus ou moins directement présent dans ses textes, dans ses personnages. Je trouve ça très important, parce qu’en ce moment la tendance générale est l’extinction de l’auteur, l’expulsion de l’auteur du texte et aussi du théâtre. C’est ça qui m’a intéressé chez Koltès. Et là, je n’étais pas exempt de jalousie, parce que ça a l’air tellement non-construit. On est en présence de passages fluides d’un niveau de perception à un autre. Ces passages sont absolument fluides et on ne peut pas les situer à des points précis. Et je trouve ça extraordinaire. Ainsi le tout a aussi quelque chose de lyrique, quelque chose d’un poème, mais c’est un courant de conscience. Ce ne sont pas des plaques qui sont placées l’une à côté de l’autre. Ce courant de conscience représente la force de ces textes : Koltès fait avec le langage ce que le cinéma fait avec l’image. bernard-marie Koltès, in Le Républicain Lorrain, 27 octobre 1988 À propos De KoltÈs Ce qui se passe, dans la matière même du texte koltésien vu au microscope, c’est un incessant phénomène explosif, d’ordre poétique, par lequel l’action progresse indépendamment de toute causalité. C’est dans l’agencement d’une réplique à l’autre, et des phrases et des mots à l’intérieur d’une même réplique, que se découvre, fond et forme ne faisant qu’un, un jeu tout à fait singulier des passions et des idées, des pulsions fugitives et des grands thèmes universels, à partir duquel une histoire se raconte, des personnages se constituent, des espaces se délimitent et se croisent, des passés et des avenirs entrent en collision ou fusionnent. Une durée se catalyse à partir du passage des instants disséminés. Un présent s’impose, fait de toutes les situations humaines et de tous les mouvements de l’âme. C’est le présent théâtral même, c’est le théâtre. Heiner müller, écrivain in Alternatives théâtrales n°35-36 (septembre 1995), entretien avec Heiner müller Aucun texte n’est à l’abri du théâtre, p. 12 10 note DramaturGique hauts murs de la maison familiale. Il semble régner un climat permanent d’insécurité, où chacun vit l’autre comme une menace, et où l’extérieur est un espace de dangers non-identifiés, qui cherchent constamment à pénétrer l’enceinte de la maisonnée. Cet endroit du monde connaît également une crise des identités. Dans un monde où « les frontières bougent comme la crête des vagues », où les individus se vivent comme apatrides, les identités se dissolvent, et les différentes assignations que les êtres reçoivent ne font qu’entériner ce flou généralisé dans lequel ils évoluent : « Le Front dit que je suis… », « Mon patron dit que je suis… ». À partir de ces quelques éléments particuliers, on entrevoit ce que Koltès décrit du monde des années 1960 avec entre autres le parachèvement des effondrements des empires coloniaux, les attentats de l’OAS mais aussi de celui des années 1980. La première grosse montée du front national aux élections de 1988, la première évocation de la question de l’identité nationale, le processus de dislocation définitive du bloc communiste, etc. On voit aussi comment l’on peut interroger notre contexte contemporain à partir de ces histoires intimes. Le « climat d’insécurité » ne s’est jamais aussi bien porté, ou n’a jamais été autant médiatisé en France. Le « débat sur l’identité nationale » n’est donc pas nouveau, pour autant, il est au coeur de l’actualité de ces dernières années… raconter le monDe À partir D’un enDroit intime l’intime et le commun L’œuvre de Bernard-Marie Koltès est intimement politique. Elle raconte quelque chose des relations humaines, des rapports de domination, de nos drames et de nos espoirs. Pourtant, elle n’est pas politique au sens où Koltès chercherait à produire du didactique, ou qu’il construirait un dispositif qui chercherait à impacter son spectateur. C’est une œuvre nourrie de politique sans être immédiatement militante. L’auteur préfère s’attarder sur ce qu’il désigne lui-même comme des « endroits du monde ». Ses pièces sont situées : à partir d’un espace géographique précis et de ses protagonistes, il nous raconte des histoires d’hommes qui font signe vers l’Histoire et vers le monde à leur manière. Se pencher sur l’intimité d’un lieu permet ainsi de produire du politique, en proposant des pistes d’entrée vers le monde commun. C’est précisément ce qu’il réalise dans Le Retour au désert. Il choisit un endroit: une maison bourgeoise de la province française, au début des années 1960. Il choisit aussi de construire la fable en s’appuyant des éléments qui lui sont personnels : il a grandi à Metz au sein d’une famille de petite bourgeoisie et la « rue Serpenoise » est une artère importante de la ville de Metz. Pour saisir le fonctionnement politique de l’œuvre et savoir ce que nous raconte la pièce, il est intéressant de s’interroger sur cette double-intimité et sur son articulation avec l’Histoire et le monde. Il faut aussi noter que la pièce est située au début des années 1960 – elle nous dit quelque chose de la guerre d’Algérie et de cette période – mais qu’il l’écrit à la fin des années 1980 dans un second contexte, un autre état du monde. Cette pièce, portée aujourd’hui au plateau donne aussi à interroger un troisième état du monde, celui du milieu des années 2010. rire pour Dire ce que l’on ne peut raconter autrement une coméDie inattenDue Koltès trouvait que ses pièces étaient trop souvent « prises au sérieux ». Pour celle-ci, il assume avoir vraiment voulu que « le comique prédomine ». C’est à partir de Jacqueline Maillan, qui est première dans le processus d’écriture, qu’il compose le personnage de Mathilde, en refusant malgré tout d’écrire un « boulevard ». Pourtant, les sujets qu’il aborde sont loin d’être légers, des explosions de cafés arabes aux grossesses non désirées, avec comme contexte la guerre d’Algérie en toile de fond. C’est d’ailleurs souvent les scènes les plus difficiles – quand Mathilde menace Plantières avec des ciseaux, ou quand les notables préparent leur attentat – qui puisent le plus dans les ressorts du comique. La fonction du genre, et son intrication avec des sujets difficiles à aborder, est un point névralgique à élucider. L’auteur affirme ne pas chercher à dénoncer. Il se « moque » autant qu’il défend tous ses personnages dans leur complexité. Dans la proVince Française Des années 1960, une maison bourGeoise Caractériser « l’endroit du monde » le lieu où se déroule la pièce agit ainsi comme un puissant révélateur. On peut ici en souligner rapidement quelques traits. La pièce a lieu dans une petite ville provinciale et met en scène la société « bourgeoise » des années 1960 avec ses individus (des notables sûrs d’eux, fiers de leurs traditions) et leurs sociabilités (entre-soi, arrangements, etc). Mais, plus particulièrement, l’histoire se déroule presque en son intégralité à l’intérieur des 11 ce qui est DiFFicile À aFFronter métisser le sacré ? On peut déjà avancer une hypothèse : le rire permet d’aborder de manière légère des thèmes qui ne pourraient peut-être pas être abordés frontalement. Ainsi des rapports de domination: les personnages sont pour la plupart extrêmement féroces, et les échanges tournent souvent à des joutes verbales. Les affrontements successifs entre la sœur et le frère sont de véritables « combats de rues », mais Koltès préfère faire de son texte une « pièce de bagarre » plutôt qu’un véritable drame. Ce choix permet à la fois une grande finesse dans la description des rapports de domination, mais elle déplace surtout le rapport au spectateur. Plutôt que de privilégier un rapport violent, il propose une forme généreuse et divertissante qui, pourtant, renvoie aux démons intimes de notre Histoire commune (les femmes rasées de la Libération, les relations profondes et complexes de la France et de l’Algérie,…). Le rire devient alors un outil capital pour aborder une Histoire complexe et lourde en traumatismes… La pièce s’organise autour des prières qui rythment la journée du musulman. La dernière scène fait aussi référence à l’Islam puisque Koltès lui donne pour titre « Al-’îd aç-çaghir » (la « petite fête », celle de la fin du jeûne du ramadan). D’autres références du même ordre, mais issues d’une liturgie différente, émaillent le texte. Les deux sœurs qu’a épousé Adrien portent les noms de Marthe et Marie, comme les sœurs de Lazare que visite Jésus en Béthanie. C’est la première femme d’Adrien, à présent décédée, qui porte le nom de Marie. Dans la bible et aux yeux de Jésus, Marie est celle qui a choisi « la meilleure part » (n’est-ce pas, d’ailleurs, ce que dit Mathilde à son propos : « De quoi se plaint-elle ? Elle est casée, elle. ») Dans l’acte d’écriture même ce « melting-pot » des religions va plus loin encore, par exemple lorsqu’Adrien évoque le Bouddha. Face à la crise des identités, à la montée des extrêmes, à la difficulté de raconter la complexité de notre Histoire, et celle des individus, Koltès semble ne plus pouvoir se soumettre aux règles qui régissent les genres et les catégories littéraires et théâtrales classiques. Comique, fantastique, intrigue, réalisme : autant de concepts à réinventer dans l’écriture. Ce qu’il pointe plus précisément ici, c’est la résurgence d’une forme de sacré, bien qu’ici encore non-conventionnel : il réunifie liturgie musulmane, liturgie chrétienne et même liturgie bouddhiste. Peut-être peut-on y lire une tentative de renouer avec un certain spirituel œcuménique, débarrassé des dogmes, comme ultime moyen de saisir un monde qui nous échappe. En tous les cas, face à la crise des identités, aux replis ethniques et aux débats sur les « identités nationales », Koltès a la certitude que le salut ne peut venir que d’un profond métissage. À propos du métissage, et des « étrangers », il écrit en octobre 1988 : « J’ai très vite compris que c’était eux le sang neuf de la France ; que si la France vivait sur le seul sang des Français, cela deviendrait un cauchemar, […] la stérilité totale sur le plan artistique et sur tous les plans. » plonGer Dans l’étranGe puisque nous sommes tous étranGers Des étranGers À l’étranGe La crise des identités aboutit à un constat terrible : nous sommes tous des étrangers. C’est, peut-être, une réponse directe à cette question de l’identité nationale qui surgit en cette fin des années 1980. De manière corrélée à ce constat, se construit tout au long de la pièce une dramaturgie de l’étrange et de l’ambiguïté. En plus d’être un leitmotiv que reprennent la plupart des personnages de la pièce – « Étrange ! » – l’étrange devient non seulement un thème central de la pièce (cette maison bourgeoise d’apparence tranquille renferme en réalité de terribles secrets) et il aboutit même à l’exploration d’un autre genre : celui du fantastique. L’ambiance nocturne – chère à Koltès – est omniprésente dans la pièce ; et l’auteur va jusqu’à faire apparaître le spectre de Marie, ancienne épouse assassinée d’Adrien. Comme le comique, l’étrange permet d’aborder de manière déjouée certaines thématiques, et constitue un enjeu important de la mise au plateau. Cette dramaturgie de l’étrange est d’ailleurs plus qu’anecdotique, puisqu’elle semble s’ancrer dans un mouvement ample qui dicte la construction générale de la pièce : celui d’un refus des règles de « vraisemblance », des apparats du réalisme, ou de la construction dramatique classique. Que ce soit du point de vue de l’espace comme des temporalités, Koltès s’affranchit largement des contraintes du genre, peut-être libéré par la traduction récente du Conte d’hiver de Shakespeare ? Vivien Hébert 12 repÈres cHronoloGiques et Historiques tentent de prendre le pouvoir à Alger. Deux semaines sanglantes qui n’aboutiront pas pour les insurgés. Il s’agira du dernier sursaut officiel des partisans de l’Algérie française. nuit Du 23 au 24 Juillet 1961 « Nuit des Paras » à Metz. Après une rixe qui a mal tourné, 300 parachutistes du 1er RCP mettent les quartiers arabes à sac. Plusieurs morts, des dizaines de blessés. À la suite de ces événements, en septembre, le général Massu est nommé à Metz. 17 octobre 1961 « Massacre de la Seine » à Paris. Une manifestation de soutien au FLN a lieu à Paris. En marge de la manifestation, les forces de l’ordre tuent et jettent dans la Seine des manifestants, la plupart d’origine maghrébine. Le nombre exact fait débat, mais il y aurait entre 50 et 100 morts. contexte De la piÈce : la France et l’alGérie De 54 À 62 1954 Création du FLN et début de la guerre d’Algérie. Bataille d’Alger. Le FLN est démantelé dans la capitale. Les méthodes du général Massu (notamment la torture) sont contestées. 1957 1958 Bataille des frontières, à l’issue de laquelle l’armée française prend l’ascendance sur le conflit. Parallèlement, la crise politique en France bat son plein, et l’opinion se dissocie peu à peu de l’armée française. 13 mai 1958 Coup d’État à Alger, les insurgés demandent le retour du général De Gaulle au pouvoir. 1 Juin 1958 L’Assemblée Nationale investit le général De Gaulle, lui accorde de gouverner par ordonnance pour une durée de six mois, et l’autorise à mener la réforme constitutionnelle du pays. 28 septembre 1958 La Constitution pour une Ve République est approuvée par référendum. Les accords d’Evian mettent officiellement fin à la guerre. 8 aVril 1962 : Second référendum sur l’autodétermination de l’Algérie. L’indépendance est votée. 18 mars 1962 er L’OAS est encore très active au cours de l’année 1962, mais sera progressivement démantelée tout au long de 1963. Les piedsnoirs commencent à rentrer d’Algérie au cours de l’année 1962. Ce départ sera compliqué. Après l’indépendance auront lieu un certain nombre de massacres des membres de la communauté pieds-noirs, mais aussi juive, ainsi que parmi les musulmans ayant pris le parti de l’Algérie française pendant les événements qui précédèrent. Ces derniers, dont un grand nombre avaient servis dans l’armée française (les harkis, plus de 210 000) ont largement été abandonnés au moment de cette indépendance. Si certains ont pu venir s’installer en France, la grande majorité n’a pas pu traverser la Méditerranée (l’économie a joué, mais de nombreux harkis n’ont pas été autorisés à franchir la frontière). Ils sont très nombreux, alors, à avoir été massacrés dans les années qui suivirent. Le terme « harki » en Algérie est très vite devenu synonyme de « collabo ». perspectiVes années 1962-1963 16 septembre 1959 De Gaulle, dans un discours radiotélévisé, ouvre la voix au principe d’autodétermination pour l’Algérie. Les ultras d’une « Algérie française » sont déçus de la politique que le général met en place. Le Général Massu, qui n’aurait pas respecté son devoir de réserve en s’exprimant sur la politique de De Gaulle dans une interview, est relevé de ses fonctions et rappelé à Paris. S’ensuit la semaine des barricades, où les partisans les plus virulents d’une Algérie française mènent une véritable insurrection qui sera fortement réprimée à Alger. Le spectre de la guerre civile hante dès lors la France, jusqu’en métropole. JanVier 1960 Premier référendum sur l’autodétermination de l’Algérie. 75 % des électeurs s’expriment en faveur de l’autodétermination. 11 FéVrier 1961: Création de l’Organisation Armée Secrète (OAS). Elle regroupe, en France et en Algérie, les ultras de l’Algérie française, déçus de De Gaulle, et qui décident de basculer dans la clandestinité pour réaliser des actions armées et des actes de terrorisme. aVril 1961 « Putsch des Généraux » : Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller, déçus de la politique de De Gaulle, 8 JanVier 1961 contexte D’écriture la France À la Fin Des années 1980 1986 Élections législatives, le nouveau mode de scrutin permet au Front National d’entrer à l’Assemblée Nationale, avec 35 députés. Au premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen réalise un score de 14,38 %. 24 aVril 1988 13 1 mai 1988 Entre les deux tours de l’élection présidentielle, reprise par le RPR de thèmes d’extrême droite, par exemple la question de l’identité nationale. Charles Pasqua écrit dans la presse : « Que les électeurs du FN soient préoccupés par les risques qu’une immigration incontrôlée fait courir à l’ordre public et à l’identité nationale me semble légitime, et nous partageons ces inquiétudes. » Koltès réagira plus tard à ces propos en écrivant : « Au moment où il y a eu le problème avec Le Pen, je me disais : si Chirac est élu, moi, je pars. » (entretien du 25 novembre 1988) sistance. Il apparaît sur les murs d’Alger le 16 mars 1961, et se répand ensuite en Algérie et en métropole, lié à divers slogans : « L’Algérie est française et le restera », « OAS vaincra », « L’OAS frappe où elle veut et quand elle veut », etc. Sur le plan pratique, il ne s’agit pas d’une organisation centralisée unifiée ; d’une façon très générale, elle est divisée en trois branches plus ou moins indépendantes, parfois rivales : l’« OAS Madrid », l’« OAS Alger » et l’« OAS Métro ». er qu’est-ce que le Fln ? qu’est-ce que l’oas ? Aziz évoque le « Front », dans la scène 15. Il fait référence au Front de Libération Nationale. Le Front de Libération Nationale est un parti politique algérien, aujourd’hui présidé par le président de la république Abdelaziz Bouteflika. Il a été créé en novembre 1954 pour obtenir de la France l’indépendance de l’Algérie, alors divisée en départements français d’Algérie. Le FLN et sa branche armée, l’Armée de Libération Nationale (ALN), commencent alors une lutte contre l’empire colonial français. Par la suite, le mouvement s’organise et, en 1958, le FLN forme un gouvernement provisoire, le GPRA. C’est avec le GPRA que la France négocie en 1962 les accords d’Évian. À l’indépendance, le FLN prend ainsi le pouvoir « légitimement », et s’en assure l’exclusivité en instaurant le système de parti unique. Ce ne sera que dans les années 1980 qu’une nouvelle constitution mettra en place un multipartisme en Algérie. Le FLN demeure aujourd’hui une figure importante du paysage politique, après avoir traversé une période difficile dans les années 1990. Adrien, Borny, Plantières et Sablon font partis de l’« OAS » L’Organisation Armée Secrète, ou Organisation de l’Armée Secrète, surtout connue à travers le sigle OAS, est une organisation politico-militaire clandestine française, créée le 11 février 1961. Elle œuvre pour la défense de la présence française en Algérie par tous les moyens, y compris le terrorisme à grande échelle. Du point de vue des temporalités, donc, par rapport au moment de la pièce, on est au tout début de la création de l’OAS. Il s’agit, d’ailleurs, probablement, de leur tout premier acte de terrorisme à Metz (ce qui explique les comportements de Borny, mais aussi d’Adrien, etc.). Alors que le gouvernement français souhaite manifestement se désengager en Algérie, elle est créée à Madrid, lors d’une rencontre entre deux activistes importants, Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde, ralliant par la suite des militaires de haut rang, notamment le général Raoul Salan. Le sigle « OAS » fait volontairement référence à l’Armée Secrète (AS) de la Ré14 PISTES PÉDAGOGIQUES À l’aide des différents éléments présents dans ce dossier (extraits de texte, note dramaturgique et repères chronologiques et historiques), voici quelques propositions de pistes pédagogiques pour aborder cette pièce avec les élèves. aVant la représentation Cette pièce de Koltès, s’il l’écrit à partir de ses souvenirs d’enfance (il a grandi à Metz dans les années 1960), s’inscrit profondément dans la grande Histoire. L’action, en effet, est située historiquement, ce qui est un procédé rare chez l’auteur. Cette situation précise a une importance, elle mériterait donc un certain travail préparatoire avec les élèves sur la « toile de fond » dans laquelle il situe l’action. La pièce – et le spectacle – ont cette grande force de pouvoir aborder avec le rire certains des passages difficiles de notre histoire. piste 1 approcHe Historique : la Guerre D’alGérie piste 2 autres approcHes Historiques D’autres rappels vers la grande Histoire sont faits ; certains éléments de la Seconde Guerre mondiale, par exemple, pourraient être abordés en amont du spectacle. On pense notamment à la tonte des femmes au moment de la libération, destin qu’a connu Mathilde. La question de la guerre d’Algérie, de manière globale, du FLN (Aziz parle du « front »), de l’ALN, des piedsnoirs et des harkis. On pourra plus précisément s’intéresser à la fin de cette période (à partir de 1958), alors que De Gaulle commence à ouvrir à la possibilité de l’autodétermination et de l’indépendance de l’Algérie. Cette dernière période est celle qui constitue vraiment le terreau de la pièce : la France est presque au bord de la guerre civile (à voir, par exemple, les évènements du massacre de la Seine, ou de la Nuit des Paras qui a justement lieu à Metz [on comprend mieux la scène du parachutiste]) ; les ultras d’une Algérie française finissent par basculer dans la clandestinité et créent l’OAS (organisation à laquelle appartiennent Adrien et les notables dans la pièce). piste 3 GénéaloGie Des personnaGes Il est possible de s’intéresser à la généalogie de la famille Serpenoise (Cf. page 90, Le Retour au désert, Les Éditions de Minuit [1988]) afin de mieux appréhender les personnages et leurs liens dans la pièce. 15 aprÈs la représentation piste 1 Débattre : la question politique au tHéâtre piste 3 analyser une scénoGrapHie Le contexte de l’action est assez précis: celui de la guerre d’Algérie. Mais on peut également s’intéresser au contexte du moment de l’écriture. Koltès écrit à une période particulière, peu avant la chute du mur de Berlin, au moment où la France connaît une poussée importante des scores du Front National, où, pour la première fois, la question de « l’identité nationale » s’inscrit dans les débats médiatiques. Les identités sont en crise, et l’on connaît un premier temps de repli ethnique. Mettre en scène aujourd’hui Le Retour au désert n’est pas un acte innocent. On peut amener les élèves à s’interroger sur les résonnances que le texte peut avoir avec une certaine actualité (le climat d’insécurité que ressentent les personnages, par exemple). On pourra également les inviter à noter la solution qu’adopte Koltès face à ce problème des identités nationales et des replis ethniques : il choisit de produire un texte fait de métissage. Il y a des personnages blancs, arabes, noirs, et ils n’agissent, pas forcément comme on pourrait s’y attendre (c’est le personnage noir qui fait l’éloge de la colonisation à la scène 11. Aziz se fiche de l’indépendance de l’Algérie, le personnage qui s’appelle Fatima n’est pas arabe, etc.). Les religions sont aussi métissées : les personnages de Marthe et Marie sont des allusions à la Bible, Fatima a une apparition de Marie (là encore la Bible), chacune des parties du spectacle est associée à une prière arabe, il y a une mention de Bouddha… On peut également proposer aux élèves d’analyser la scénographie et ses éléments divers. Certains éléments sont « réalistes », d’autres plus abstraits. La maison est représentée, avec l’intérieur et l’extérieur, mais il y a aussi une vraie dimension abstraite : on peut représenter un intérieur même avec un lit dans le jardin. On pourra aussi s’intéresser, plus largement aux différents horizons référentiels des costumes comme de la scénographie (années 1960, éléments plus modernes, etc.). piste 4 analyser un reGistre : le comique Le comique est omniprésent dans la pièce. On pourra proposer aux élèves d’analyser les différents types de comique de l’œuvre. On pourra également aborder la question du théâtre de boulevard, comme Koltès écrit à l’origine pour Jacqueline Maillan. L’élève peut aussi être amené à s’interroger sur le sens du comique ici ; comique qui dénonce? Comique qui divertit (rend ainsi plus accessibles, moins effrayants ou rébarbatifs certains thèmes) ? piste 5 analyser une scÈne/ s’essayer À une mise au plateau À partir de la première rencontre Mathilde/Adrien dans la scène 2. (extraits de textes), on pourra inviter les élèves à une analyse textuelle et dramaturgique. On pourra notamment les inviter à repérer les sous-textes de l’œuvre qui pourraient être intéressants à travailler dans un exercice de jeu et de mise au plateau. Mathilde revient d’Algérie, elle parle arabe, etc. tandis qu’Adrien est le riche industriel blanc. Dans tous leurs discours, on peut retrouver des éléments du colon s’adressant au colonisé. Adrien est en haut de l’escalier, Mathilde en bas. Adrien lui dit de respecter cette maison qu’il a fait prospérer, tandis que Mathilde fait valoir que cette maison lui appartient, etc. piste 2 réFlécHir À la notion De conVention tHéâtrale Le texte et la mise en scène jouent sur différents rapports à la convention théâtrale. On peut amener les élèves à remarquer que si les personnages jouent derrière un 4e mur, celui-ci est parfois rompu. On peut les initier à différentes notions : celle de l’illusion théâtrale (reprise ensuite largement par le cinéma) mais aussi celle de la convention théâtrale, en les interrogeant sur ce que rompre le 4e mur peut produire (connivence avec le spectateur vers un effet comique, propos plus « politique » si le spectateur est interpellé directement, etc.) 16 EXTRAITS DE TEXTES matHilDe – Quelle patrie ai-je, moi ? Ma terre, à moi, où est-elle ? Où est-elle la terre sur laquelle je pourrais me coucher ? En Algérie, je suis une étrangère et je rêve de la France ; en France, je suis encore plus étrangère et je rêve d’Alger. Est-ce que la patrie, c’est l’endroit où l’on n’est pas ? J’en ai marre de ne pas être à ma place et de ne pas savoir où est ma place. Mais les patries n’existent pas, nulle part, non. Le Retour au désert, les éditions de minuit (1988), extraits p.48 paracHutiste – (…) On me dit qu’une nation existe et puis n’existe plus, qu’un homme trouve sa place et puis la perd, que les noms des villes, et des domaines, et des maisons, et des gens dans les maisons changent dans le cours d’une vie, et alors tout est remis en un autre ordre et plus personne ne sait son nom, ni où est sa maison, ni son pays, ni ses frontières. Il ne sait plus ce qu’il doit garder. Il ne sait plus qui est l’étranger. Le Retour au désert, les éditions de minuit (1988), extraits p.57 Entre Adrien, en haut de l’escalier. aDrien — Tu as voulu fuir la guerre et, tout naturellement, tu es venue vers la maison où sont tes racines ; tu as bien fait. La guerre sera bientôt finie et bientôt tu pourras retourner en Algérie, au bon soleil de l’Algérie. Et ce temps d’incertitude dans laquelle nous sommes tous, tu l’auras traversé ici, dans la sécurité de cette maison. matHilDe — Mes racines ? Quelles racines ? Je ne suis pas une salade ; j’ai des pieds et ils ne sont pas faits pour s’enfoncer dans le sol. Quant à cette guerre-là, mon cher Adrien, je m’en fiche. Je ne fuis aucune guerre ; je viens au contraire la porter ici, dans cette bonne ville, où j’ai quelques vieux comptes à régler. Et, si j’ai mis si longtemps à venir régler ici ces quelques comptes, c’est que trop de malheurs m’avaient rendue douce ; tandis qu’après quinze années sans malheur les souvenirs me sont revenus, et la rancune, et le visage de mes ennemis. Mathilde, ma sœur, te voici de nouveau dans notre bonne ville. Es-tu venue avec de bonnes intentions ? Car, maintenant que l’âge nous a calmés un peu, on pourrait tâcher de ne pas nous chamailler, pendant le court temps de ton séjour. J’ai pris l’habitude de ne plus me chamailler pendant les quinze années de ton absence, et ce serait dur de s’y remettre. matHilDe — Adrien, mon frère, mes intentions sont excellentes. Et si l’âge t’a calmé, j’en suis très contente : les choses seront plus simples pour le très long temps que je compte passer ici. Car moi, l’âge, au lieu de me calmer, m’a beaucoup énervée ; et entre ton calme et mon énervement, tout devrait bien se passer. aDrien — 17 aDrien — Des ennemis, ma sœur ? Toi ? Dans cette bonne ville ? L’éloignement a dû fortifier encore ton imagination, qui pourtant n’était pas faible ; et la solitude et le soleil brûlant de l’Algérie te brouiller la cervelle. Mais si, comme je le crois, tu es venue ici contempler ta part d’héritage pour repartir ensuite, eh bien, contemple, vois comme je m’en occupe bien, admire comme je l’ai embellie, cette maison, et, lorsque tu l’auras bien regardée, touchée, évaluée, nous préparerons ton départ. matHilDe — Mais je ne suis pas venue pour repartir, Adrien, mon petit frère. J’ai là mes bagages et mes enfants. Je suis revenue dans cette maison, tout naturellement, parce que je la possède ; et, embellie ou enlaidie, je la possède toujours. Je veux, avant toute chose, m’installer dans ce que je possède. aDrien — Tu possèdes, ma chère Mathilde, tu possèdes : c’est très bien. Je t’ai payé un loyer, et j’ai considérablement donné du prix à cette masure. Mais tu possèdes, d’accord. Ne commence pas à me mettre en colère, ne commence pas à chicaner. Mets, je te prie, un peu de bonne volonté. Recommençons notre bonjour, car tout cela est mal parti. matHilDe — Recommençons, mon vieil Adrien, recommençons. aDrien — Ne crois pas, Mathilde, ma sœur, que je te laisserai prendre des airs de propriétaire et vagabonder dans les couloirs en touchant à tout comme une maîtresse de maison. On ne peut pas abandonner un champ en friche, attendre à l’abri qu’un imbécile le cultive, et revenir au moment de la récolte pour revendiquer son bien. Si la maison est à toi, sa prospérité est à moi, et, crois-moi, je n’abandonnerai pas cette part-là. Toi-même, tu as choisi ta part. Tu m’as laissé l’usine par impuissance, et tu as pris la maison par paresse. Mais cette maison, tu l’as abandonnée pour fuir je ne sais où je ne sais quoi ; et maintenant, elle a pris ses habitudes sans toi ; elle a son odeur, elle a ses rites, elle a ses traditions, elle reconnaît ses maîtres. Il ne faut pas la brusquer, et je la protégerai si tu veux la saccager. Pourquoi voudrais-je saccager ma maison, puisque je veux l’habiter ? Je juge, à sa prospérité, que ton usine doit être bien grasse, elle aussi, rapporter de sérieux dividendes, et faire, de tes banquiers, les meilleurs amis qu’un homme ait jamais eus. Tu aurais été pauvre que je t’aurais prié de faire tes valises ; mais, puisque tu es riche, je ne te chasserai pas, je m’accommoderai de toi, de ton fils, et du reste. Cependant, j’entends bien me souvenir que le lit dans lequel je coucherai est à moi, que la table où je mangerai est ma table, et que l’ordre ou le désordre que je mettrai dans les salons seront un ordre et un désordre justes et légitimes. Et puis, il était temps que je rentre, car cette maison manque de femmes. aDrien — Oh non, ma chère Mathilde, elle n’en manque pas, et il y en aura toujours trop. Cette maison est une maison d’hommes, et les femmes qui y passent n’y seront jamais qu’invitées et oubliées. Notre père l’a bâtie, et qui garde le souvenir de sa femme ? Moi-même je l’ai continuée et qui, ma pauvre Mathilde, garde le souvenir de ton existence ? Tiens-toi dans ta propre maison comme une invitée ; car, si tu crois retrouver ton lit comme un vieux meuble familier, il n’est pas sûr que ton lit te reconnaisse. matHilDe — Et moi je sais, après quinze années, et dix années de plus, des années et des années à coucher ailleurs, je sais que j’entrerai dans ma chambre les yeux fermés, et je me coucherai dans mon lit comme si j’y avais toujours couché, et mon lit me reconnaîtra tout de suite. Et puis, s’il ne me reconnaît pas, je le secouerai jusqu’à ce qu’il le fasse. aDrien — Je le savais : tu viens ici pour faire du mal. Tu te venges de tes malheurs. Tu as toujours eu des malheurs pour pouvoir te venger ; tu attires le malheur, tu le cherches, tu cours derrière le malheur pour le plaisir de la rancune. Tu es dure et tu as le cœur sec. matHilDe- Adrien, tu te fâches. Si tu ne m’as jamais fait de mal, pourquoi voudrais-je me venger de toi ? Adrien, nous ne nous sommes toujours pas dit bonjour. Essayons encore. aDrien — Non, je ne veux plus essayer. matHilDe — Il s’approche de Mathilde. Le retour au désert, les éditions de minuit (1988), extraits p.12, partie 1 scène 2 18 BERNARD-MARIE KOLTÈS 1948 – Naissance à Metz. 1981 – La Comédie-Française commande une pièce à Koltès (qui deviendra Quai Ouest). Mise en scène de La Nuit à la Comédie-Française (Petit-Odéon) par Jean-Luc Boutté avec Richard Fontana. 1983 – Le Théâtre Nanterre-Amandiers, dirigé par Patrice Chéreau, inaugure sa première saison par la création de Combat de nègre et de chiens (avec Michel Piccoli et Philippe Léotard). Quai Ouest suivra en 1986 (avec Maria Casarès, Jean-Marc Thibault, Jean-Paul Roussillon, Catherine Hiegel, Isaach De Bankolé…). 1985 – Écriture d’un scénario (encore inédit) : Nickel Stuff, inspiré par John Travolta. 1987 – Dans la solitude des champs de coton est créée par Patrice Chéreau (initialement avec Laurent Malet et Isaach De Bankolé, puis reprise fin 1987début 1988 avec Laurent Malet et Patrice Chéreau dans le rôle du Dealer). Une nouvelle création (troisième version) sera donnée en 1995-1996 avec Pascal Greggory et Patrice Chéreau à la Manufacture des Œillets. « La belle province », dira Koltès. 1958 – Durant la guerre d’Algérie, il est élève-pensionnaire à l’école Saint-Clément de Metz. Son père, officier, est absent. Le Général Massu devient, en 1960, gouverneur de Metz. « Mon collège était en plein au milieu du quartier arabe. Comme à l’époque on faisait sauter les cafés arabes, le quartier était fliqué jusqu’à l’os. » 1968 – Premier séjour à New York. « J’ai voyagé… Tout ce que j’ai accumulé [c’est] entre 18 et 25 ans. » 1969 – À 20 ans, il fuit sa ville natale, et l’ennui, pour Strasbourg. Là, il assiste à une représentation de Médée de Sénèque mis en scène par Jorge Lavelli avec Maria Casarès. « Un coup de foudre ! Avec Casarès… S’il y avait pas eu ça, j’aurais jamais fait de théâtre. » 1970 / 1973 – Écrit et monte ses premières pièces : Les Amertumes (d’après Enfance de Gorki), La Marche (d’après Le Cantique des cantiques), Procès Ivre (d’après Crime et Châtiment de Dostoïevski) ; ainsi que L’Héritage et Récits morts. Parallèlement, il fonde sa troupe de théâtre (le Théâtre du Quai) et devient étudiant à l’école du Théâtre national de Strasbourg que dirige Hubert Gignoux. 1973 / 1974 – Après un voyage en URSS, il s’inscrit au Parti communiste et suit les cours de l’école du PCF. II se désengagera en 1979. 1974 – II commence un roman, La Fuite à cheval très loin dans la ville. Métaphore pour évoquer la drogue comme fuite. 1975 – Tentative de suicide. Drogue. Désintoxication. Koltès s’installe à Paris. 1977 – Création à Lyon de Sallinger dans une mise en scène de Bruno Boëglin. Création de La Nuit juste avant les forêts au festival d’Avignon (off) dans une mise en scène de l’auteur, avec Yves Ferry. Moment charnière. Reniement de ses textes précédents. « Les anciennes pièces, je ne les aime plus, je n’ai plus envie de les voir monter. » 1978 / 1979 – Voyage en Amérique latine, puis au Nigéria et l’année suivante au Mali et en Côte d’Ivoire. 1979 – Rencontre le metteur en scène Patrice Chéreau dont il a admiré en 1976 La Dispute. Il souhaite que celui-ci monte ses pièces. À partir de 1983, Chéreau créera au Théâtre Nanterre-Amandiers la plupart de ses textes. 1988 – Après avoir traduit Le Conte d’hiver de Shakespeare, Koltès écrit Le Retour au désert, pièce créée aussitôt par Patrice Chéreau au théâtre du RondPoint à Paris (avec Jacqueline Maillan et Michel Piccoli). Succès considérable. Koltès achève Roberto Zucco. La pièce sera créée en 1990 par Peter Stein à la Schaubühne de Berlin. Lors de la création française, en 1991, au Théâtre national Populaire de Villeurbanne, une polémique naîtra. La pièce, mise en scène par Bruno Boëglin, sera interdite à Chambéry (le vrai Roberto Succo ayant, en avril 1987, tué un agent de police originaire de cette ville). « C’est une histoire sublime. Sublime. Et c’est un tueur… Quand on me dira que je fais l’éloge du meurtrier, ou des choses comme ça… Parce qu’on va me le dire ! Moi je dis que c’est un tueur… exemplaire ! » 1989 – Au retour d’un dernier voyage au Mexique et au Guatemala, il rentre à l’hôpital Laennec (5 avril). Il meurt à Paris dix jours plus tard des suites du sida (15 avril). À quarante et un ans. Il est enterré au cimetière Montmartre. « On meurt et on vit seul. C’est une banalité… Je trouve que [la vie] est une petite chose minuscule… [C]’est la chose la plus futile ! » Cette chronologie publiée dans le Magazine littéraire (n°395, février 2001), a été rédigée avec l’aide d’AnneFrançoise Benhamou, Yan Ciret, Cyril Desclés, François Koltès et Rostom Mesli. 19 ARNAUD MEUNIER bernarD-marie KoltÈs biblioGrapHie (extraits) 2009 lettres nickel stuff 2008 récits morts. un rêve égaré Des voix sourdes 2006 le Jour des meutres dans l’histoire de Hamlet 2003 la marche 2001 procès ivre 1999 lettres de saint-clément et d’ailleurs metteur en scÈne En janvier 2011, arnaud meunier a pris la direction de La Comédie de Saint-Étienne, Centre dramatique national et de son École supérieure d’Art Dramatique. Il y développe un nouveau projet où la création et la transmission sont intimement liées. Le dialogue des esthétiques et des générations, le renouvellement des écritures scéniques, la découverte de nouveaux auteurs, la présence au quotidien des artistes, l’ouverture et le partage du Théâtre aux populations les plus larges et les plus variées sont les axes forts du projet qu’il met en œuvre. Diplômé de Sciences Politiques, il commence une formation de comédien, puis fonde en 1997 la Compagnie de la Mauvaise Graine. Très vite repérée par la presse et les professionnels lors du festival d’Avignon 1998, sa compagnie est accueillie en résidence au Forum du Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis et soutenue par le Théâtre Gérard Philipe (sous la direction de Stanislas Nordey). La compagnie y développe son travail de création sur des auteurs contemporains. Elle sera par la suite en résidence à la Maison de la Culture d’Amiens, puis associée à la Comédie de Reims et au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines. Fidèle à son attachement aux auteurs vivants, Arnaud Meunier poursuit un compagnonnage avec l’œuvre des auteurs qu’il affectionne, montant plusieurs pièces de Pier Paolo Pasolini, Eddy Pallaro, Michel Vinaver, Oriza Hirata et Stefano Massini. De ce dernier, Arnaud Meunier mettra notamment en scène Chapitres de la chute, Saga des Lehman Brothers, spectacle qui recevra le Grand prix du Syndicat de la critique 2014, après sa nomination aux Molières. Parallèlement, il travaille également pour l’Opéra en tant que metteur en scène ou dramaturge. Trilingue (Français, Allemand, Anglais), il a travaillé au Japon, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Algérie, en Italie, en Autriche, en Angleterre, en Norvège, au Maroc, aux Emirats arabes unis, en Chine et aux États-Unis. les années d’apprentissage de B-M Koltès 1958-1978 une part de ma vie, Entretiens, 1983-1989 1998 l’Héritage les amertumes 1995 sallinger 1991 prologue 1988 roberto Zucco le retour au désert la nuit juste avant les forêts 1987 Dans la solitude des champs de coton 1985 quai ouest 1984 la suite à cheval très loin dans la ville 1983 la Famille des orties. esquisses et croquis autour des paravents de Jean Genet 20 tHéâtre 2015 opéra Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès 2014 Prochaine création à La Comédie de Saint-Étienne Ali Baba Charles Lecocq – Albert Vanloo et William Busnach, direction Jean-Pierre Haeck 2014 L’Émission de télévision de Michel Vinaver Création à l’Opéra-Comique Shangai Theatre Academy (Chine) 2014 2012 Femme non-rééducable de Stefano Massini Maurice Ravel – Colette, direction Didier Puntos Création au Théâtre de La Commune- Création au Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence et CDN d’Aubervilliers, suivie d’une tournée 2013 tournée Chapitres de la chute de Stefano Massini 2008 Création à La Comédie de Saint-Étienne – Dramaturge et collaborateur artistique pour Stanislas Nordey 11 septembre 2001 de Michel Vinaver Création mondiale à l’Opéra Garnier Spectacle joué en avant-première à La Comédie de SaintÉtienne et créé au Théâtre de la Ville 2007 collaborateur artistique pour Stanislas Nordey Création au Théâtre du Nord à Lille Création au Festival de Pâques de Salzbourg (avril Coprod. Théâtre du Rond-Point et Théâtre de Marigny 2006) Reprise à Covent Garden (Londres mai 2007) Tori no tobu takasa Une adaptation japonaise d’Oriza Hirata de 2005 Par-dessus bord de Michel Vinaver Le Forum de Blanc Mesnil Tournée en 2010 au Théâtre de la Ville à Paris 2003 King de Michel Vinaver au Reprise au Théâtre de la Commune « 28e Cantiere Internazionale d’Arte de Montepulciano » (Italie) En Quête de Bonheur 2000 Oratorio poétique et philosophique Tri Sestri Peter Eötvos – Ingo Metzmacher Création à la Comédie de Reims suivie d’une tournée Assistant à la mise en scène de Stanislas Nordey Reprise à la Maison de la poésie – Paris 2008 2006 Zeim re dei Geni Opéra-Théâtre de Carlo Argeli représenté Création au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines 2007 Le Cyclope Opéra pour acteurs de Betsy Jolas d’après Euripide Création au Kyoto Arts Center (Japon) 2008 Pelleas et Mélisande Claude Debussy – Simon Ratlle Le Problème de François Bégaudeau 2009 Mélancholia Georg Friedrich Haas – Emilio Pomerico CDN, suivie d’une tournée 2011 L’Enfant et les sortilèges Création au Reisnational Opera (Pays-Bas 1999) Assure seul la Gens de Séoul d’Oriza Hirata reprise dans Création au Théâtre Nat. de Chaillot suivie d’une tournée une distribution modifiée pour le Staatsoper de La demande d’emploi de Michel Vinaver, Hambourg avec les comédiens des troupes Seinendan (Allemagne 2000) et Bungakuza, AGORA Théâtre, Tokyo Avec les Armes de la poésie à partir des poèmes de Pier Paolo Pasolini, Nâzim Hikmet et Yannis Ritsos. Maison de la Poésie- Paris De 2001 à 2005, il a aussi créé plusieurs pièces de Pier Paolo Pasolini (Pylade et Affabulazione), d’Eddy Pallaro (Cent Vingt-trois et Hany Ramzy), La vie est un rêve de Pedro Calderón de la Barca, El Ajouad (Les Généreux) d’Abdelkader Alloula 21 LES COMÉDIENS CATHERINE HIEGEL misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht ; Pereira prétend d’après Antonio Tabucchi créé au Festival d’Avignon en 1997. Ses dernières créations sont : Chère Elena Sergueïevna de Ludmilla Razoumovskaïa, La maman bohême suivie de Médée de Dario Fo et Franca Rame qu’il a mis en scène avec Ariane Ascaride, May d’après un scénario d’Hanif Kureishi, Elle est là de Nathalie Sarraute, Aden Arabie de Paul Nizan et en 2010, les Fausses confidences de Marivaux, Un soir, une ville… trois pièces de Daniel Keene, Que la noce commence d’après un film d’Horatiu Malaele et La Dernière Neige d’après le récit de Hubert Mingarelli, Conversations avec ma mère d’après un matHilDe catherine Hiegel se forme auprès de Raymond Girard et Jacques Charon et entre au Conservatoire national d’art dramatique en 1968, elle suit les classes de Jean Marchat, puis Lise Delamare. Elle entre à La Comédie-Française le 1er février 1969 et devient sociétaire le 1er janvier 1976 puis sociétaire honoraire le 1er janvier 2010. Elle a été dirigée par les plus grands metteurs en scène, à La Comédie-Française et ailleurs, notamment Jean-Luc Boutté, Jean Piat, Jean Meyer, Jean-Paul Roussillon, Jorge Lavelli, Joël Jouanneau, Michel Fagadau, Patrice Chéreau et Patrice Kerbrat. Elle obtient à deux reprises le Prix du Syndicat de la Critique de la meilleure comédienne en 1989 pour La Veillée de Lars Norén mise en scène Jorge Lavelli et en 2006 pour J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Joël Jouanneau. En 2007, elle obtient le Molière de la meilleure comédienne dans un second rôle pour Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès mise en scène Muriel Mayette et en 2011, celui de la meilleure comédienne pour La Mère de Florian Zeller mise en scène Marcial Di Fonzo Bo. En janvier 2012, elle met en scène au Théâtre de la Porte Saint-Martin Le Bourgeois Gentilhomme de Molière avec François Morel. Au cinéma, elle a été dirigée notamment par Bruno Podalydès (Adieu Berthe ou l’enterrement de Mémé, 2012), Bertrand Blier (Les Côtelettes, 2002), Dominique Cabrera (L’Autre Côté de la mer, 1996), Josiane Balasko (Gazon maudit, 1994), Étienne Chatiliez (La vie est un long fleuve tranquille, 1988). DIDIER BEZACE scénario de Santiago Carlos Ovés qu’il a interprété en 2008 aux côtés d’Isabelle Sadoyan. Au théâtre, sous la direction d’autres metteurs en scène, il a interprété de nombreux textes contemporains et classiques notamment Les Fausses Confidences de Marivaux dans lesquelles il interprétait aux côtés de Nathalie Baye le rôle de Dubois, ou plus récemment Après la répétition de Bergman mise en scène par Laurent Laffargue. Au cinéma et à la télévision, il a travaillé entre autres, avec Claude Miller, Jean-Louis Benoit, Pascale Ferran, Claude Zidi, André Téchiné, Marcel Bluwal, Delphine De Vigan, Bertrand Tavernier, Caroline Huppert, etc. Didier Bezace a reçu en 2011 le prix SACD du théâtre. RENÉ TURQUOIS matHieu Né en 1986 à Châtellerault dans la Vienne, rené turquois participe à diverses productions en parallèle de sa scolarité. En 2006, il rentre au conservatoire de Tours, où il travaille notamment avec Philippe Lebas, Christine Joly, Cyril Casmèze, Vincent Dissez, Arnaud Pirault et Alain Bézu. En 2009, il intègre l’École de la Comédie de SaintÉtienne, École supérieure d’Art dramatique, sous la direction de Jean-Claude Berutti, puis d’Arnaud Meunier. Il y travaille entre autres avec Valérie Bezançon, Antoine Caubet, Delphine Gleize, Jean-Marie Villégier, Lev Dodine et Olivier Py. Durant sa formation, il joue également sous la direction de Gwenaël Morin (Introspection de Peter Handke), Michel Raskine (Don Juan revient de guerre d’Ödön von Horváth), François Rancillac (Lanceurs de graines de Jean Giono) et Robert Cantarella (Un jeune se tue de Christophe Honoré). Dès sa sortie en 2012, il rejoint l’équipe de aDrien Co-fondateur en 1970 du Théâtre de l’Aquarium à la Cartoucherie, il a participé à tous les spectacles du Théâtre de l’Aquarium depuis sa création jusqu’en 1997 en tant qu’auteur, comédien ou metteur en scène. Il a été le directeur du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers du 1er juillet 1997 au 31 décembre 2013 et continue d’être acteur au cinéma et au théâtre. Ses réalisations les plus marquantes en tant qu’adaptateur et metteur en scène sont Le Piège d’après Emmanuel Bove ; Les Heures Blanches d’après La Maladie Humaine de Ferdinando Camon ; La Noce chez les petits bourgeois suivie de Grand’peur et 22 Valère Novarina pour la création de L’ Atelier Volant au Théâtre du Rond-Point, à Paris. Sous la direction d’Arnaud Meunier, il interprète Mayer « Bulbe » l’un des frères Lehman dans Chapitres de la chute du jeune auteur florentin Stefano Massini. NATHALIE MATTER Il associe également mise en scène et scénographie pour Le Songe d’une nuit d’été (création 2012 Comédie de SaintÉtienne), Jules, le petit garçon et l’allumette de Sabine Revillet et Julien Rocha. Cédric Veschambre est co-fondateur et co-directeur artistique de la Compagnie Le Souffleur de verre (compagnie associée à La Comédie de Saint-Étienne – CDN) et est membre de l’Ensemble artistique de La Comédie de Saint-Étienne. Fatima Issue des ateliers du Sapajou dirigés par Annie Noël, elle travaille avec Arnaud Meunier depuis la création de la Compagnie de la Mauvaise Graine et joue dans la quasi totalité de ses spectacles, dont En quête de bonheur, Tori no tobu takasa, et 11 septembre 2001. En 2003 et 2004, elle met en scène Couple à trois de Barry Hall et Histoire d’amour (dernier chapitre) de Jean-Luc Lagarce, Teta Veleta d’après des écrits et poèmes de Pier Paolo Pasolini. En 2007, elle assiste Laure Bonnet sur la création du BFG d’après Roald Dahl. Depuis plus d’un an, elle prête régulièrement sa voix aux différents projets de Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin. Elle travaille également en Alsace avec la compagnie des Compagnons de Daoloth, dirigée par Pierre-Étienne Vilbert. En 2013, elle joue au Théâtre Dijon Bourgogne au côté d’Emmanuel Vérité dans Qu’est ce que le théâtre ? d’Hervé Blutsch et dans Fausse suivante 1.5, deux spectacles mis en scène par Benoît Lambert. Depuis 2011, elle est membre de l’Ensemble artistique de La Comédie de Saint-Étienne ELISABETH DOLL martHe Formée à l’École du Théâtre des deux Rives à Rouen avec Michel Bézu et Catherine Delattres, puis au Théâtre Gérard Philippe avec Philippe Duclos, elle rencontre Didier Georges Gabily dans son atelier/laboratoire et participe pendant quatre années aux spectacles du Groupe T’Chang : Des cercueils de zinc, Enfonçure et la trilogie Gibiers du temps. Ces dernières années, elle a travaillé pour Arnaud Meunier, Serge Tranvouez, Jean-Michel Rivinoff et Philippe Labaune. Depuis 15 ans, elle prend part aux créations et aux ateliers de Bruno Meyssat, en France comme à l’étranger, soit en tant qu’actrice, soit en tant qu’assistante : De la part du Ciel, Est-il vrai que je m’en vais ?, Rondes de nuits, Beckett pièces courtes, Imentet, Forces 1915/2008, Observer, 15 % et Apollo. ISABELLE SADOYAN CÉDRIC VESCHAMBRE maame queuleu éDouarD Après des études au Conservatoire de Lyon, sa carrière commence avec sa rencontre avec Roger Planchon. Avec lui et quelques comédiens lyonnais se crée donc à Lyon, le Théâtre de la Comédie qui présente des œuvres du répertoire classique mais privilégie les auteurs contemporains. Ils sont les premiers à jouer Vinaver et montent aussi Brecht, Roger Vitrac, Ionesco, Arthur Adamov. Le Théâtre de la Comédie est ensuite transféré à Villeurbanne sous le nom de Théâtre de la Cité devenu par la suite le TNP (Théâtre National Populaire). isabelle sadoyan quitte la troupe de Planchon en 1976 et s’installe à Paris où elle joue sous la direction de Jacques Rosner, Robert Gironès, Jacques Lassalle, Gabriel Garran, Françoise Coupat, Jean-Pierre Vincent, Alain Milianti, Gilles Chavassieux, Jacques Bioules, Jorge Lavelli, Laurent Terzieff, Catherine Anne ou encore Bruno Bayen et Didier Bezace. En 2010, elle est nommée pour le Molière de la meilleure comédienne dans un second rôle pour Les Fausses Confidences, mise en scène par Didier Bezace. Entré au Conservatoire national de région de ClermontFerrand puis à l’École supérieure d’Art dramatique de la Comédie de Saint-Étienne, cédric Veschambre se forme auprès de Christian Colin, Daniel Girard, Eric Vignier, Anatoli Vassiliev, Lucien Marchal… Il multiplie les expériences de comédien auprès de Louis Bonnet, Frédéric De Goldfiem, André Tardy, Béatrice Courtois, Béatrice Bompas (L’Oiseau bleu de Maeterlinck, Funérailles d’hiver d’Anokh Levin), Julien Rocha (Angels in America – quatuor d’après Tony Kushner, Candide ou le nigaud dans le jardin d’après Voltaire, Gulliver d’après Jonathan Swift, Le médecin malgré lui d’après Molière), Jérôme Wacquiez (Oubliés de Jean-Rock Gaudreault). Il lie mise en scène et jeu de comédien avec Les gens que j’aime de Sabine Revillet (création 2014 La Comédie de Saint-Etienne), Le Roi Nu d’après Evguéni Schwartz (création 2013 Les Estivales de La Bâtie d’Urfé), Prior’s Band d’après Angels in America de Tony Kushner. 23 Elle travaille pour la télévision et beaucoup pour le cinéma où elle tourne sous la direction entre autres de Claude Sautet, Luis Buñuel, Jeanne Moreau, Claude Chabrol, Luc Besson, Claude Lelouch, Jean-Luc Godard, Henri Verneuil, Krzysztof Kieslowski, Bertrand Tavernier, etc. Isabelle Sadoyan est Chevalier des Arts et des Lettres et Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Il participera aussi à des fictions radio sous la direction de Mariannick Bellot, Christine Bernard-Sugy, Angélique Tibau, Amandine Casadamont, Juliette Heymann, Ilina Navaro. Il met en scène Le Masque Boiteux de Koffi Kwahulé et Homme pour Homme de Bertolt Brecht. Actuellement, il fait partit de deux groupes musicaux « Sons Libres » et « Le Manège » en tant que percussionniste et chanteur. KHEIREDDINE LARDJAM aZiZ RIAD GAHMI En 1998, il crée à Oran en Algérie la compagnie El Ajouad : titre d’une œuvre d’Abdelkader Alloula, premier artiste et dramaturge assassiné en Algérie en 1994 par les islamistes, auteur déterminant dans le parcours de Kheireddine lardjam qui s’engage à défendre son œuvre. En 2009, il est en résidence au Centre dramatique de Valence. En janvier 2011, il met en scène De la salive comme oxygène de Pauline Sales au Centre dramatique de Sartrouville. Il intègre le collectif d’artistes du Préau, Centre dramatique régional de Vire (saison 10/11). En 2012, il crée Le Poète comme boxeur de Kateb Yacine au théâtre de Béjaia en Algérie et Les Borgnes de Mustapha Benfodil à l’ARC Scène nationale du Creusot. En 2013, il crée au Caire (Égypte) End/Igné de Mustapha Benfodil présenté la même année au festival d’Avignon. En Janvier 2015, il créera Page en construction de Fabrice Melquiot à la Filature, Scène nationale de Mulhouse. Un texte qu’il incarnera sur scène avec trois musiciens pour raconter l’histoire commune entre l’Algérie et la France. Il continue aujourd’hui d’exercer son métier à Oran. Il est l’un des rares metteurs en scène algérien dont les spectacles tournent en Algérie et également en France de façon régulière. saïFi riad Gahmi est formé à l’École de La Comédie de Saint-Étienne entre 2003 et 2006. En 2007, il emménage au Caire, en Égypte. Il y suit une formation à la langue arabe, qu’il poursuit actuellement à l’ENS de Lyon, et entame l’écriture d’une trilogie théâtrale fortement marquée par le Moyen-Orient, son histoire coloniale, et ses relations conflictuelles avec le « monde occidental », dans leurs réalités concrètes et symboliques. À son retour en France en 2009, il joue notamment sous la direction de Philippe Vincent, avec qui il coécrit en 2011, la pièce Un arabe dans mon miroir créée au Caire, puis à New-York. En 2012, Riad Gahmi met en scène dans trois villes d’Israël, sa pièce Le jour est la nuit, consacrée au conflit israélo-palestinien. Depuis 2013, il est auteur associé à la compagnie Scènes de Philippe Vincent, qui met en scène la même année sa pièce Où et quand nous sommes morts ; comédie politique, sombre et de droite; et depuis 2014, auteur associé à La Comédie de Saint-Étienne, en vue de la création de son nouveau texte Gonzo, en partenariat avec le T.N.P. LOUIS BONNET plantiÈres Ancien élève de Jean Dasté, et membre permanent de La Comédie de Saint-Étienne de 1975 à 2013, il conjugue les activités de comédien et de metteur en scène. Il a travaillé à de nombreuses reprises avec Daniel Benoin, alors directeur de La Comédie de Saint-Étienne (George Dandin, Faust, Woyzeck, Les Sept Portes, Maître Puntila et son valet Matti…). Jean-Claude Drouot l’a dirigé dans Gengis Khan de Bauchau, Hans Peter Cloos dans Lulu de Wedekind. Avec Jean-Claude Berutti, il joue La Chute, Beaucoup de bruit pour rien, La Cantatrice chauve, La Gonfle, L’Envolée. Avec François Rancillac, il joue dans Biedermann et les incendiaires. Dernièrement, il a joué dans Les Enfants du siècle de Musset, mis en scène par Benoît Lambert. Il a mis en scène Pérec, Pinter, Anouilh, Koltès ADAMA DIOP le GranD paracHutiste noir adama Diop est comédien, musicien et metteur en scène. Né à Dakar au Sénégal en 1981, il vient en France en 2002 pour se former au Conservatoire national d’art dramatique de Montpellier. Après trois riches années de rencontres, il décide de continuer ses études. C’est ainsi qu’il intègre en 2005 le Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. Dès sa sortie de l’école, il joue sous la direction de Bernard Sobel, puis travaillera par la suite avec Yves Beaunesne, Patrick Pineau, Christophe Perton, Marion Guerrero, Gilles Bouillon, Jean-Pierre Baro, Jean Boillot, Cendre Chassanne… 24 En 2012, il a joué dans le spectacle Pour Louis de Funès de Valère Novarina mis en scène par Philip Boulay. En 2014, dans Non-réconciliés mis en scène ou Beckett et plus récemment Denise Bonal. En 2013, au Théâtres de la Ville de Luxembourg, il joue dans Pour une heure plus belle de Daniel Keene mis en scène par Myriam Müller STÉPHANE PIVETEAU par Matthieu Cruciani. Il est membre de l’Ensemble artistique de La Comédie de Saint-Étienne. borny C’est à l’université Rennes 2 qu’il rencontre les gens auprès de qui il a choisi de se former. Au cours de travaux de recherches et de spectacles, il a travaillé avec Denis Lebert et Nadia Vonderheyden, tous deux proches de Didier-Georges Gabily. Depuis, il privilégie les aventures collectives s’inscrivant dans la durée, notamment avec François Tizon (Melancholia 1, La Dernière partie de Jon Fosse), Cédric Gourmelon (Premier Village de Vincent Guédon), Rachid Zanouda (La Conquête du Pôle Sud de Manfred Karge), et avec les compagnies Théâtre à L’Envers (Là de Benoît Gasnier), ou Lumière d’Août (Artémisia Vulgaris de Marine Bachelot). Lors de stages, il poursuit sa formation auprès de metteurs en scène tels Matthias Langhoff, Pierre Meunier, Christian Esnay. Sous la direction d’Arnaud Meunier, il a joué dans Gens de Séoul d’Oriza Hirata, Cent Vingt-Trois d’Eddy Pallaro, En quête de bonheur, 11 septembre 2001 et tout récemment dans Chapitres de la chute de Stefano Massini dans lequel il interprétait Herbert Lehman. Il est membre de l’Ensemble artistique de La Comédie de Saint-Étienne. PHILIPPE DURAND sablon Formé au cours Florent et aux Ateliers du Sapajou, philippe Durand travaille pour la télévision dans des films de Christiane Lehérissey, Elisabeth Rappeneau, Denis Maleval, Bruno Gantillon, Roger Kahane, Rodolphe Tissot ; mais également au cinéma avec HoLam, Sarah Leonor, Doug Liman (USA), Julien Leclercq, Jean-Jacques Jauffret, Guillaume Gallienne… Au théâtre, il participe à divers projets avec Kheireddine Lardjam (Algérie) et avec Michel Vinaver dans À la renverse et Iphigénie hôtel. Depuis 2002, il participe à de nombreuses créations dirigées par Arnaud Meunier, dont : Rama, Pylade, Entrez dans le théâtre des oreilles, La vie est un rêve, Gens de Séoul d’Oriza Hirata, Avec les armes de la poésie (Victoire de Pier Paolo Pasolini et Il neige dans la nuit de Nazim Hikmet), King, 11 septembre 2001 et tout récemment dans Chapitres de la chute de Stefano Massini dans lequel il interprétait Henry Lehman, premier frère à immigrer en Alabama. 25 TOURNÉE 2015 I 2016 2 et 3 décembre La Faïencerie Théâtre de Creil - chambly 8 au 11 décembre Théâtre Dijon Bourgogne - CDN 15 et 16 décembre Théâtre de saint-quentin-en-yvelines, scène nationale 6 au 8 janvier Le Quartz - Scène nationale, brest 12 au 14 janvier La Coursive, Scène nationale de la rochelle 3 au 11 février Célestins, Théâtre de lyon, en collaboration avec le Théâtre National Populaire 24 et 25 février Comédie de caen - Centre dramatique national normand 29 février 2016 Les Scènes du Jura- Scène nationale RENCONTRES 24 & 26 JanVier 2016 Représentation avec audiodescription Réalisation Accès Culture – Avec le soutien de la Fondation Étienne et Maria Raze DimancHe 24 JanVier À L’ISSUE DE LA REPÉSENTATION en présence de l’équipe artistique LIBRAIRIE • Toutes les pièces de Bernard-Marie Koltès sont éditées aux éditions de Minuit. AUTOUR DE L’AUTEUR : • relire Koltès, sous la direction de Marie-Claude Hubert & Florence Bernard (Presses universitaires de Provence) • Koltès dramaturge, Anne-Françoise Benhamou (Solitaires intempestifs) • bernard-marie Koltès, Brigitte Salino (Stock) 26