Fiche 24 Le genre littéraire du théâtre 1/2 A/ Identification d'un texte théâtral La parole des personnages domine le texte, destiné à être présenté par des acteurs. Il faudra donc citer quelques éléments de réplique ou de tirade d'un personnage pour justifier que le texte lu est du théâtre. Tout ce qui n'est pas la parole des personnages est présenté au lecteur par des didascalies (du grec : didascalein, apprendre). Ce seront les éléments que le spectateur voit et entend, mais que le lecteur doit imaginer. Il sera donc possible de relever le nom des personnages ou les indications de ton (en criant), de gestes (la serrant dans ses bras), de mouvements (il sort brusquement)... Le texte théâtral est découpé en actes et scènes, liés aux entrées et sorties de personnages pour les scènes, aux changements de décor pour les actes. B/ La double énonciation propre au théâtre Le texte d'une pièce de théâtre définit une première situation d'énonciation. Dans la pièce de Jean Anouilh : qui parle ? Le Prologue, Antigone, la Nourrice, Ismène, Créon , ...A qui parlent-ils ? Tour à tour, les uns aux autres. Où ? Dans le décor représentant le palais de Créon, à Thèbes. Quand ? A une époque indéterminée. La réponse à ces quatre questions permet de définir une première situation d'énonciation. À noter que les personnages n'étant pas tous simultanément sur scène ou s'entretenant parfois en aparté n'auront pas forcément tous les mêmes données de cette première situation d'énonciation. Ainsi, la Nourrice ou Ismène ne sont pas destinataires des paroles du Prologue, qui annoncent qu'Antigone « va mourir » (p.9) parce que « quiconque osera rendre [à Polynice] les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort » (p13). Cette information n'a pas été échangée pendant leur temps de présence active sur scène, elles ne peuvent donc savoir que l' « amoureux », « le pauvre » avec qui Antigone a eu rendez-vous si tôt le matin est Polynice. D'où le malentendu de la Nourrice, qui voit cet « amoureux » comme « un voyou ». D'où aussi le malentendu d'Ismène, qui croit encore pouvoir dissuader Antigone d'agir. En revanche, le lecteur comme le spectateur a connaissance de l'ensemble des propos échangés sur scène. Les personnages d'une pièce de théâtre parlent en effet de manière indirecte au spectateur dans un autre espace (celui de la salle de représentation) et dans une autre temporalité (celle de la durée de la représentation). Une deuxième situation d'énonciation est ainsi définie. Pourquoi cette double situation d'énonciation propre au théâtre est-elle intéressante ? Dans certaines scènes, l'auteur joue sur cette duplicité pour créer selon les pièces du tragique, du comique, du suspens, enrichir la compréhension de l'intrigue ou l'identification à un personnage. Le spectateur sait qu'Antigone « va mourir » puisqu'il est destinataire des paroles du Prologue, alors que la Nourrice et Ismène ne le savent pas. Tout ce qui est dit à ces personnages prend donc un autre sens pour le spectateur, qui sait pourquoi Antigone demande à sa Nourrice de « ne pas être trop méchante ce matin » (p.18), alors que la Nourrice elle-même ne le sait pas. Antigone s'inscrit déjà dans le registre tragique par ces paroles qui la promettent à un affrontement avec Créon. Elle est alors vouée à la mort, alors que la Nourrice ne la voit pas dans ce registre à ce moment-là. L'analyse d'une scène de théâtre contenant plusieurs niveaux de lecture pourra envisager ce que savent les personnages, puis ce qu'en connaît le lecteur. Cette confrontation des deux situations d'énonciation fera ressortir la richesse de l'écriture théâtrale. C/ Comment lire et analyser une scène de théâtre ? La signification étymologique de « théâtre » est « voir » et c'est un genre littéraire fondé sur la représentation de l'action. Pour cette raison, le théâtre est dit aussi genre « dramatique » au sens étymologique du mot (drama = l'action). Cela rend la lecture d'une pièce particulière puisqu'il manque au lecteur l'aspect visuel. Il devra donc s'attacher aux didascalies comme aux paroles des personnages pour mieux comprendre le texte qui lui est proposé. Le découpage d'une pièce en actes (unités de lieu et de temps), lesquels contiennent des scènes (unités de personnages) facilite également la lecture. Pour étudier une scène, il faudra se fonder sur le moment où elle est située dans la pièce : située au début, elle apporte des éléments d'information nécessaires à la compréhension de l'action, c'est une scène d'exposition. Il suffira de rechercher les éléments apportés. Au milieu de la pièce, il s'agit sans doute d'un problème nouveau qui se pose aux personnages ou d'une scène qui permet de compléter leur portrait. Vers la fin, peuvent être regardés les changements de situation par rapport au début ou la manière dont les problèmes se multiplient avant de se résoudre. Par ailleurs, quel que soit l'emplacement d'une scène, il faut s'attacher aux choix dramaturgiques : qui parle le plus, le moins, quelles sont les entrées et sorties des personnages, quels sont les mouvements sur scène. Le ou les registres, comique, satirique, tragique …, sont aussi à considérer. Fiche 24 Le genre littéraire du théâtre 2/2 D/ Les sous-genres du théâtre Selon le ton qui domine dans une pièce, mais aussi selon un certain nombre de critères dont l'origine sociale des personnages et le dénouement, l'habitude a été prise de distinguer des sous-genres au théâtre. Le tableau ci-dessous les récapitule (voir aussi Parcours p.118) tragédie Origine sociale et Noblesse, fonction des politique personnages comédie tragi-comédie drame rôle Bourgeoisie, pas Noblesse ou haute Noblesse, de rôle politique bourgeoisie bourgeoisie, peuple farce peuple Marge de liberté Aucune marge de des personnages liberté, poids de la fatalité : les personnages sont confrontés à des obligations qui les dépassent et qui contraignent leur volonté Obstacles Rôle du hasard et Obstacles liés à la Obstacles surmontables (dus de la volonté fatalité ou aux insignifiants au hasard, au conflits sociaux caractère ...) Ton de la pièce Grave, sérieux Oscille du tendu Tendu au gai Tendu, parfois gai Gai Dénouement Malheureux Heureux (mariage, reconnaissance, héritage ...) Heureux Pathétique et Sympathie Admiration haine Réactions spectateurs des Crainte et pitié Intérêt moquerie Heureux et Rire Les deux sous-genres principaux sont la comédie et la tragédie. En plus du tableau précédent, la comédie se repère à 4 éléments : la vie évoquée est quotidienne, familiale ; le milieu social est plutôt celui des bourgeois ; l'issue est surtout le mariage et le registre comique fait rire le spectateur. Pour résumer, la tragédie se repère aux personnages et lieux souvent royaux, aux intrigues liées à des intérêts supérieurs à un individu, à l'issue liée à la mort. E/ Quelques éléments d'histoire littéraire A une époque particulièrement riche pour le théâtre français, au XVIIè (Corneille, Molière et Racine écrivent à cette époque), seules la tragédie et la comédie étaient considérées comme des genres convenables. C'est aussi à cette époque qu'ont été appliquées des règles d'écriture sévères, en particulier pour le genre le plus noble : la tragédie. La règle des trois unités exigeait l'unité de temps (une durée d'intrigue n'excédant pas 24 heures), l'unité de lieu (un seul lieu) et d'action (une seule intrigue principale) ; la règle de bienséance exigeait que ne soient montrées que des actions convenables sur scène (pas de mort violente) ; la règle de la vraisemblance souhaitait que n'aient lieu que des actions pouvant avoir lieu dans la réalité. Au XIX è siècle, les Romantiques bouleversèrent ces convenances, mélangeant les tons comique et tragique, les origines sociales, élargissant temps et lieu, exhibant des personnages en train de mourir. La représentation de Hernani de Victor Hugo (1830) donna lieu à une célèbre querelle entre les Anciens et les Romantiques. Par la suite intervinrent d'autres écritures théâtrales, dont l'absurde (XXè siècle) : les auteurs présentent des situations et des paroles complètement invraisemblables et destinés à faire réfléchir, sur des questions philosophiques ou politiques. E. Ionesco (extrait de La Lacune p.120 de Parcours), S. Beckett ou M. Duras sont des représentants de ce théâtre. Pour vérifier vos connaissances : savoir restituer les éléments soulignés.