Prolongements en fonctions algébriquement constructibles

Prolongements en fonctions alg´ebriquement
constructibles
Isabelle BONNARD-DOR´
E
Lyc´ee Poincar´e,
2 rue de la Visitation, BP 4202,
54042 Nancy Cedex, France
Recibido: 7 de Abril de 2003
Aceptado: 5 de Mayo de 2004
ABSTRACT
In this paper we consider the following question: Let Sbe a semialgebraic
subset of a real algebraic set V, and let ϕ:SZbe a function on S. Is ϕthe
restriction of an algebraically constructible function on V, i.e. a sum of signs of
polynomials on V? We give an effective method to answer this question when
ϕ(S)⊂ {−1,1}or dim S2 or Sis basic.
Key words: semialgebraic sets, algebraically constructible functions, quadratic forms.
2000 Mathematics Subject Classification: 14P10
Introduction
Soit VRNun ensemble alg´ebrique r´eel. (Dans tout cet article, les ensembles
alg´ebriques consid´er´es sont des z´eros de polynˆomes dans RN). Les fonctions alg´ebri-
quement constructibles sur Vont ´et´e introduites par C. McCrory et A. Parusi´nski pour
´etudier la topologie des ensembles alg´ebriques r´eels. (Voir [10] pour les dimensions 3,
et [11] pour la dimension 4). Elles sont d´efinies comme les combinaisons lin´eaires, `a
coefficients entiers, de caract´eristique d’Euler-Poincar´e de morphismes polynˆomiaux
propres (cf. [10]). Par [9] ou [13], ces fonctions co¨ıncident avec les sommes de signes
de polynˆomes sur V, o`u le signe d’un polynˆome Psur Vest la fonction sgn P:
V { −1,0,1}qui vaut 1 (respectivement 1, 0) l`a o`u Pest strictement positif
(respectivement strictement n´egatif, nul).
Rev. Mat. Complut.
2004, 17; N´um. 2, 471–483 471 ISSN: 1139-1138
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On s’ineresse au probl`eme suivant. Soit Sun sous-ensemble semi-alg´ebrique de V
et soit ϕ:SZune fonction constructible, i.e. telle qu’il existe une partition semi-
alg´ebrique finie de Ssur chaque ´el´ement de laquelle ϕest constante. La fonction
ϕest-elle la restriction `a Sd’une fonction alg´ebriquement constructible sur Vtout
entier ?
Nous montrons comment r´epondre de mani`ere effective `a cette question lorsque ϕ
ne prend que les valeurs 1 et 1, lorsque la dimension de Sest au plus deux, ou lorsque
le semi-alg´ebrique Sest de dimension plus grande mais basique. (On dit qu’un semi-
alg´ebrique est basique s’il est donn´e par une conjonction d’in´egalit´es polynomiales).
Pour cela, nous utilisons le spectre r´eel de l’anneau des polynˆomes sur V, et les
formes quadratiques sur ce spectre r´eel. En effet, les signatures de ces formes quadra-
tiques sont en correspondance avec les fonctions alg´ebriquement constructibles.
Le plan de l’article est le suivant. Nous commencerons par des rappels sur le
spectre r´eel. Dans la deuxi`eme section, nous montrerons comment nous ramener `a
travailler g´en´eriquement, i.e. `a un sous-ensemble alg´ebrique de dimension strictement
inf´erieure `a celle de Vpr`es. La troisi`eme section est consacr´ee au cas o`u les valeurs
de ϕsont seulement 1 et 1, et au cas de la dimension deux. On termine dans la
quatri`eme section par le cas o`u Sest basique.
1. Spectre r´eel et formes quadratiques
Pour une pr´esentation du spectre r´eel on peut se r´ef´erer `a [6].
Soit Aun anneau commutatif unitaire. Le spectre r´eel de A, not´e SpecrA, est l’en-
semble des couples (p, α) o`u pest un id´eal premier de Aet αun ordre du corps r´esiduel
k(p) = Frac(A/p). En particulier, si Aest un corps, alors SpecrAest l’ensemble des
ordres de A.
Si σ= (p, α) est un ´el´ement de SpecrAet fun ´el´ement de A, on ´ecrit f(σ)>0
ou f(σ) = 1 si l’image fde fdans le corps r´esiduel k(p) est strictement positive pour
α. De mˆeme on ´ecrit f(σ)<0 ou f(σ) = 1 si fest strictement n´egative pour α, et
f(σ) = 0 si f= 0.
Un sous-ensemble constructible de SpecrAest un ensemble de la forme
p
[
i=1
{σSpecrA|gi(σ) = 0, fi,1(σ)>0, . . . , fi,ri(σ)>0}
o`u les giet les fi,j sont des ´el´ements de A. Les sous-ensembles constructibles forment
une base de la topologie constructible de SpecrA.
Une forme quadratique de dimension rsur SpecrAest la classe d’un r-uplet d’´el´e-
ments de Amodulo la relation
(f1, . . . , fr)(g1, . . . , gr)⇔ ∀σSpecrA,
r
X
i=1
fi(σ) =
r
X
i=1
gi(σ).
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On note hf1, . . . , frila classe de (f1, . . . , fr). La signature de la forme ρ=hf1, . . . , fri
est la fonction bρ: SpecrAZd´efinie par bρ(σ) = Pr
i=1 fi(σ). Pour les formes
quadratiques sur le spectre r´eel, on peut se r´ef´erer `a [3] ou [12].
Dans [5], E. Becker et L. Br¨ocker ont donn´e la caract´erisation suivante des signa-
tures de formes quadratiques. Un ´eventail fini de SpecrAest un sous-ensemble fini
non vide Fde SpecrAde la forme {(p, α1), . . . , (p, αs)}tel que pour tous i1, i2, i3
{1, . . . , s}, le produit α=αi1αi2αi3soit un ordre de k(p) et (p, α) soit un ´el´ement
de F. (Le produit des ordres signifie le produit des signes pour ces ordres).
Th´eor`eme 1.1 (de Repr´esentation). Soit ϕ: SpecrAZune fonction conti-
nue pour la topologie constructible de SpecrAet la topologie discr`ete de Z. La fonc-
tion ϕest une signature de forme quadratique sur SpecrAsi et seulement si pour tout
´eventail fini Fde SpecrA, on a
X
σF
ϕ(σ)0 mod |F|.
Supposons que Asoit un corps K. Tout sous-ensemble de SpecrK`a un ou deux
´el´ements est un ´eventail, appel´e ´eventail trivial. Soit Bun anneau de valuation de K
et σun ordre de K. On dit que Bet σsont compatibles si pour tout fBet tout g
dans l’id´eal maximal mde B, la relation 0 < f < g pour σimplique fm. Dans ce
cas, σinduit un ordre unique σsur le corps r´esiduel kde B, d´efini par σ(f) = σ(f)
si fB\met si fd´esigne la classe de fdans k. Si Fest un ´eventail de Kdont tous
les ordres sont compatibles avec B, alors les ordres de kinduits par les ´el´ements de F
forment un ´eventail de k.
On a le th´eor`eme suivant, cf. [3, Th. VI.1.6].
Th´eor`eme 1.2 (de Trivialisation). Soit Kun corps. Pour tout ´eventail Fde K,
il existe un anneau de valuation Bde Kcompatible avec Fet tel que l’´eventail induit
par Fsur le corps r´esiduel de Bsoit trivial.
Inversement, si Best un anneau de valuation de K, et si σest un ordre du
corps r´esiduel kde B, les ordres de Kcompatibles avec Bet induisant σsont appel´es
rel`evements de σvia B. Si Fest ´eventail de k, l’ensemble des rel`evements des ´el´ements
de Fvia Bforme un ´eventail de K.
Par le Th´eor`eme de Baer-Krull ([6, Th. 10.1.10]), si Best un anneau de valuation
discr`ete de rang d, tout ordre de ka exactement 2drel`evements via B.
Exemple 1.3.Soit Aun anneau local r´egulier de dimension d, de corps des fractions
Ket de corps r´esiduel k. Fixons un syst`eme r´egulier de param`etres x1, . . . , xdde A.
On construit alors un anneau de valuation discr`ete Bde K, de rang d, dominant A,
et de mˆeme corps r´esiduel k. On proc`ede par r´ecurrence sur d, en utilisant l’anneau
A/(x1) qui est local r´egulier de dimension d1, cf. [4, Ex. 2.2]. L’anneau Best alors
l’anneau de valuation de la place K=K0K1 ∞ → · · · → Kd∪ ∞, o`u Kiest le
corps des fractions de l’anneau Ai=A/(x1, . . . , xi), et o`u la place KiKi+1 ∪ ∞
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correspond `a l’anneau de valuation discr`ete Ai(¯xi+1)de Ki. Si τSpecrk, chacun des
2drel`evements de τvia Best d´etermin´e par les signes qu’il donne `a x1, . . . , xd.
Consid´erons maintenant un ensemble alg´ebrique r´eel VRN. Notons P(V) l’an-
neau des polynˆomes sur Vet R(V) l’anneau des fonctions r´eguli`eres sur V. Si Vest
irr´eductible, soit K(V) le corps des fractions rationnelles sur V.
L’application qui `a un sous-ensemble semi-alg´ebrique Sde V, associe le construc-
tible e
Sde SpecrP(V) d´efini par la mˆeme combinaison bool´eenne d’´equations et
d’in´egalit´es polynomiales, est bien d´efinie. Elle induit un isomorphisme entre l’alg`ebre
de Boole des semi-alg´ebriques de Vet celle des constructibles de SpecrP(V).
Soit ϕ:SZune fonction constructible sur un semi-alg´ebrique Sde V, donn´ee
par la formule ϕ=Pr
i=1 mi1Siavec miZet SiSsemi-alg´ebrique. Elle induit
une fonction eϕ:e
SZ, d´efinie par eϕ=Pr
i=1 mi1f
Si.
Si S=V, la fonction ϕest alg´ebriquement constructible si et seulement si eϕ
est une signature de formes quadratiques : “ϕ=Pr
i=1 sgn Pisur V ´equivaut `a “ eϕ
signature de la forme hP1, . . . , Prisur SpecrP(V)”.
On dit que ϕest en´eriquement alg´ebriquement constructible s’il existe ψ:VZ
alg´ebriquement constructible, et WVsous-ensemble alg´ebrique de codimension
au moins un, tels que ϕ|V\W=ψ|V\W. Si Vest irr´eductible, cela ´equivaut `a ce
que la restriction de eϕ`a SpecrK(V) soit la signature d’une forme quadratique sur
SpecrK(V).
Le Th´eor`eme de Repr´esentation se reformule donc ainsi :
Proposition 1.4. Soit VRNun ensemble alg´ebrique r´eel et soit ϕ:VZune
fonction constructible.
La fonction ϕest alg´ebriquement constructible sur Vsi et seulement si pour tout
´eventail fini Fde SpecrP(V), on a
X
σFeϕ(σ)0 mod |F|.
Si Vest irr´eductible, elle est g´en´eriquement alg´ebriquement constructible sur Vsi
et seulement si la mˆeme relation est v´erifi´ee pour tout ´eventail fini Fde SpecrK(V).
2. R´eduction `a un probl`eme g´en´erique
Soient VRNun ensemble alg´ebrique r´eel, Sun sous-ensemble semi-alg´ebrique
de Vet ϕune fonction constructible sur S.
Commen¸cons par ´etudier le cas de la dimension un. Si dim V= 1, alors les fonc-
tions alg´ebriquement constructibles sur Vsont les fonctions constructibles sur V
qui sont constantes modulo 2, sauf en un nombre fini de points, sur chaque compo-
sante irr´eductible de V. Donc ϕest la restriction `a Sd’une fonction alg´ebriquement
constructible sur Vsi et seulement si pour toute composante irr´eductible V0de V, la
fonction ϕest constante modulo 2 sur SV0sauf en un nombre fini de points.
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Nous allons montrer comment, `a l’aide d’une r´ecurrence sur la dimension, on peut
se ramener `a l’´etude du probl`eme g´en´erique.
Proposition 2.1. Soit VRNun ensemble alg´ebrique r´eel, SVun sous-ensemble
semi-alg´ebrique, et ϕ:SZune fonction constructible. Notons
X= Sing(V)[
nZ
Z(ϕ1(n))
o`u ZTesigne la fronti`ere de Zariski du semi-alg´ebrique T, i.e. la clˆoture de Zariski
de la fronti`ere euclidienne de T. L’union est en fait finie.
La fonction ϕest la restriction `a Sd’une fonction alg´ebriquement constructible
sur Vsi et seulement si ϕest la restriction `a Sd’une fonction g´en´eriquement alg´e-
briquement constructible sur Vet ϕ|XSest la restriction `a XSd’une fonction
alg´ebriquement constructible sur X.
Remarquons que Xest un ensemble alg´ebrique tel que dim X < dim V. La pro-
position 2.1, avec une r´ecurrence sur la dimension, permet donc de r´eduire notre
probl`eme `a un nombre fini de probl`emes similaires mais g´en´eriques, ainsi qu’`a un
probl`eme similaire en dimension un (que l’on sait r´esoudre d’apr`es le d´ebut de la
section).
D´emonstration de la Proposition 2.1. La condition est clairement n´ecessaire. Mon-
trons qu’elle est aussi suffisante. Soit ϕ0:VZune fonction alg´ebriquement
constructible, et soit YVun ensemble alg´ebrique, tels que ϕ|S\Y=ϕ0
|S\Yet
dim Y < dim V. Soit ϕ00 :XZune fonction alg´ebriquement constructible sur X
telle que ϕ|SX=ϕ00
|SX.
Si YX, on d´efinit ψ:VZpar ψ(x) = ϕ0(x) si xV\Xet ψ(x) =
ϕ00(x) si xX. La fonction ψainsi construite est alg´ebriquement constructible, et sa
restriction `a Sest ´egale `a ϕ.
Si maintenant Yn’est pas contenu dans X, soit Y0une composante irr´eductible
de Yqui n’est pas contenue dans X. Il existe une composante irr´eductible V0de V
qui contient Y0. Comme Y0n’est pas contenu dans le lieu singulier de V0, l’anneau
R(V0)I(Y0)est local r´egulier de dimension d, o`u dest la codimension de Y0dans V0.
Soit x1, . . . , xdun syst`eme r´egulier de param`etres de R(V0)I(Y0). Notons Cl’anneau
de valuation discr`ete de rang d, dominant R(V0)I(Y0), construit `a l’aide du syst`eme
x1, . . . , xdcomme dans l’exemple 1.3.
On d´efinit θ: SpecrK(Y0)Zde la mani`ere suivante. Soit σun ´el´ement de
SpecrK(Y0), et notons Fσl’ensemble des 2drel`evements de σdans SpecrK(V) via C.
On pose θ(σ) = 1
2dPσFσeϕ0(σ). Remarquons que θ(σ)Z, car Fσest un ´eventail
de SpecrK(V0) et ϕ0est alg´ebriquement constructible. On obtient une application
SpecrK(Y0)Zqui est continue pour la topologie constructible de SpecrK(Y0) et
pour la topologie discr`ete de Z.
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